1C_608/2023 17.05.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_608/2023
Arrêt du 17 mai 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Merz.
Greffier : M. Parmelin.
Participants à la procédure
A.________, B.________,
C.________, D.________ et
E.________,
tous représentés par Me Damien Tournaire, avocat,
recourants,
contre
Salt Mobile SA, rue du Caudray 4, 1020 Renens,
F.________,
intimées,
Municipalité de Gland, Grand'Rue 38, case postale, 1196 Gland, représentée par Me Laurent Schuler, avocat,
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, Unité droit et études d'impact, avenue de Valmont 30b, 1014 Lausanne.
Objet
Permis de construire; modification d'une station de base de téléphonie mobile existante,
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 12 octobre 2023 (AC.2022.0311).
Faits :
A.
Le 2 septembre 2022, la Municipalité de Gland a accordé à Salt Mobile SA l'autorisation de modifier la station de base de téléphonie mobile installée sur le toit du bâtiment locatif édifié sur la parcelle n° 1092, propriété de F.________, en zone de moyenne densité, en remplaçant les antennes fixées sur le mât par d'autres antennes plus hautes. Elle a levé l'opposition formée notamment par A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________.
Par arrêt du 12 octobre 2023 rendu sur recours des opposants, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé cette décision et l'autorisation spéciale de la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud figurant dans la synthèse de la Centrale des autorisations en matière d'autorisations de construire du 11 avril 2022.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, la décision sur opposition de la Municipalité de Gland du 2 septembre 2022 et le permis de construire délivré le même jour.
La Municipalité de Gland et Salt Mobile SA concluent, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours. La Cour de droit administratif et public se réfère aux considérants de son arrêt. La Direction générale de l'environnement et F.________ n'ont pas déposé d'observations.
Les recourants se sont encore exprimés en réplique puis en réponse aux déterminations spontanées de la Municipalité de Gland.
C.
Par ordonnance incidente du 18 décembre 2023, l'effet suspensif a été accordé.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ne se prononcent pas sur leur qualité pour agir, relevant que celle-ci leur a été reconnue lors de la procédure cantonale. L'arrêt attaqué ne s'exprime pas sur cette question. Il ressort toutefois de leur opposition et de leur mémoire de recours cantonal que les recourants sont copropriétaires de trois immeubles locatifs situés à proximité de la parcelle n° 1092 et à l'intérieur du périmètre de protection défini par la jurisprudence (ATF 133 I 409 consid. 1.3). Ils sont donc particulièrement touchés par l'arrêt attaqué qui autorise Salt Mobile SA à modifier l'installation de base de téléphonie mobile érigée sur le bâtiment locatif de F.________ et peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de protection à obtenir son annulation et celle du permis de construire qu'il confirme. Le recours a au surplus été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Les recourants contestent l'arrêt querellé en tant qu'il retient que les dispositions applicables à la hauteur des bâtiments et à celle des ouvrages techniques en toiture sont inapplicables aux antennes de téléphonie mobile. Ils estiment que ce raisonnement sans nuance ferait abstraction du droit cantonal et communal applicable, emportant une violation de l'art. 22 al. 3 LAT. L'installation de téléphonie mobile dont la modification est projetée bénéficie d'une situation contraire au droit puisqu'elle est érigée sur un bâtiment comportant deux niveaux supplémentaires par rapport à la hauteur maximale autorisée dans la zone de moyenne densité. La modification autorisée prolongera sans droit cette situation et l'aggravera, puisque les nouvelles antennes seront légèrement plus hautes que les précédentes, en violation de l'art. 80 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; BLV 700.11) et de l'art. 124 du règlement communal sur le plan d'extension et la police des constructions (RPE). Le permis de construire n'aurait ainsi pas dû être délivré.
2.1. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF). Il examine en revanche sous l'angle de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 148 II 465 consid. 8.1; 148 I 145 consid. 6.1). Dans ce contexte, il incombe à la partie recourante d'exposer une argumentation spécifique qui réponde aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 146 I 62 consid. 3).
2.2. L'édification ou la modification d'une construction ou d'une installation nécessite une autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT), délivrée si celle-ci est conforme à l'affectation de la zone et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. a et b LAT). L'art. 22 al. 3 LAT précise que le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions.
L'art. 20 al. 1 RPE relatif à la hauteur des bâtiments d'habitation en zone de moyenne densité, prévoit que, pour les toitures à pans inclinés, le nombre de niveaux est limité à deux sous la corniche.
L'art. 74 al. 3 RPE précise notamment que des dépassements de garde-corps transparents au regard sont autorisés, ainsi que pour de petits ouvrages techniques (cheminée, ascenseur, etc). Ces ouvrages techniques seront réduits au strict minimum et regroupés afin de limiter l'impact sur la volumétrie des bâtiments et demeureront en retrait des nus de façades. La hauteur maximale autorisée est de deux mètres et l'emprise totale ne doit pas dépasser un tiers de la surface totale du toit (à l'exception des capteurs solaires).
À teneur de l'art. 124 RPE, les bâtiments existants, non frappés par une limite de construction, qui ne correspondent pas aux exigences de la réglementation applicable à la zone, mais qui ont été édifiés avant l'entrée en force de celle-ci, peuvent être transformés ou agrandis, à l'exclusion de toute reconstruction, à condition que la transformation ou l'agrandissement ne porte pas atteinte à la destination, au caractère et au développement de la zone (al. 1). L'agrandissement doit respecter les règles de la zone. Les bâtiments existants et l'agrandissement doivent respecter le coefficient d'utilisation du sol fixé par la réglementation (al. 2).
L'art. 80 LATC dispose que les bâtiments existants non conformes aux règles de la zone à bâtir entrées en force postérieurement, relatives aux dimensions des bâtiments, à la distance aux limites, au coefficient d'occupation ou d'utilisation du sol, ou à l'affectation de la zone, mais n'empiétant pas sur une limite des constructions, peuvent être entretenus ou réparés (al. 1). Leur transformation dans les limites des volumes existants ou leur agrandissement peuvent être autorisés, pour autant qu'il n'en résulte pas une atteinte sensible au développement, au caractère ou à la destination de la zone. Les travaux ne doivent pas aggraver l'atteinte à la réglementation en vigueur ou les inconvénients qui en résultent pour le voisinage (al. 2).
2.3. Se fondant sur sa jurisprudence, la cour cantonale a constaté que les dispositions sur les hauteurs des bâtiments et les distances aux limites ne concernaient que de véritables bâtiments et n'étaient pas applicables aux antennes de téléphonie mobile. Partant, on ne saurait considérer que l'installation de nouvelles antennes de téléphonie mobile plus hautes que les précédentes antennes sur un bâtiment qui n'est pas réglementaire en ce qui concerne la hauteur constitue un agrandissement du bâtiment concerné. Le moyen pris d'une violation de l'art. 124 al. 2 RPE n'était par conséquent pas fondé. Il en allait de même du grief relatif à l'art. 124 al. 1 RPE dès lors que, d'une part, on n'était pas en présence d'une reconstruction d'un bâtiment supportant l'installation et que, d'autre part, le projet litigieux ne portait pas atteinte à la destination, au caractère et au développement de la zone. La cour cantonale a en outre relevé qu'on ne se trouvait pas en présence d'une transformation ou d'un agrandissement qui serait susceptible de poser problème au regard de l'art. 80 al. 2 LATC au motif qu'il aggraverait l'atteinte à la réglementation en vigueur (consid. 5). Pareillement, elle a relevé que les dispositions générales communales visant à limiter la hauteur des superstructures en toiture ne s'appliquaient pas aux antennes de téléphonie mobile, de sorte que l'art. 74 al. 3 RPE ne s'appliquait pas au cas d'espèce. Si la commune avait voulu interdire les antennes de téléphonie mobile sur les toits à pans en zone de moyenne densité, une disposition spécifique aurait dû être édictée (consid. 6).
2.4. Ces considérations échappent à la critique des recourants. La Cour de céans a jugé qu'il n'était pas arbitraire de ne pas assimiler les antennes de téléphonie mobile à des bâtiments ou à des constructions en toiture et de les soustraire aux prescriptions du droit cantonal et/ou communal relatives à la hauteur des bâtiments (arrêts 1C_18/2008 du 15 avril 2008 consid. 4 et 1C_248/2009 du 13 avril 2010 consid. 3.3), respectivement aux règles régissant la hauteur des constructions en toiture (arrêt 1C_229/2011 du 8 novembre 2011 consid. 2.4.1), faute de quoi l'installation d'antennes téléphoniques en zone à bâtir pourrait être compromise, empêchant de concrétiser la législation fédérale en matière de télécommunications visant à garantir un service universel fiable et abordable en matière de télécommunications pour toutes les catégories de la population dans toutes les régions du pays (cf. ATF 141 II 245 consid. 7.8; 133 II 353 consid. 4.2). Certes, il n'est pas exclu d'édicter au niveau communal des dispositions en matière de construction et d'aménagement du territoire qui limitent la construction d'installations de téléphonie mobile. Mais cela doit en principe être fait en tenant compte des objectifs de la législation sur les télécommunications (ATF 133 II 321 consid. 4.3.4; arrêt 1C_248/2009 du 13 avril 2010 consid. 3.3). Les recourants ne prétendent pas que le règlement communal sur le plan d'extension et la police des constructions contiendrait des dispositions spécifiques qui interdiraient expressément les antennes de téléphonie mobile dans la zone considérée ou qui les soumettraient expressément aux règles sur les hauteurs. Ils se réfèrent en vain au Guide en matière de téléphonie mobile édicté en 2010 par les Offices fédéraux de l'environnement, de la communication et du développement territorial à l'attention des communes et des villes, en tant qu'il précise que les installations d'antennes doivent respecter les mêmes prescriptions que les autres constructions et installations quant à leur emplacement, aux distances à respecter, à leur dimensions, à leur conception et aux prescriptions techniques (ch. 3.3.2). Ce guide est en effet conçu comme une aide à la décision qui peut servir de référence aux autorités, mais qui ne les lie pas et dont elles restent libres de s'écarter (cf. Guide précité, p. 5; voir aussi ATF 137 II 30 consid. 3.4, s'agissant de la directive émise par le Cercle bruit pour la détermination et l'évaluation des nuisances sonores liées à l'exploitation des établissements publics; arrêt 1C_604/2015 du 13 juin 2016 consid. 5.3 in RDAF 2016 I 487, qui concernait une directive du Procureur général de la République et canton de Genève). Au demeurant, les auteurs de ce guide rappellent, à l'instar de la jurisprudence du Tribunal fédéral, que les dispositions du droit de la construction ne doivent pas rendre impossible la construction de stations de téléphonie mobile (ch. 3.3.2).
Dès lors que les règles communales sur les hauteurs ne sont pas applicables aux installations de téléphonie mobile selon l'interprétation en tout point soutenable qui en a été faites, on ne saurait dire que le remplacement des antennes existantes sur le toit du bâtiment de F.________, dont la hauteur ne serait pas modifiée, par des antennes légèrement plus hautes contreviendrait aux prescriptions des art. 20 al. 1 et 74 al. 3 RPE. En l'absence d'une atteinte existante à ces dispositions, résultant de l'implantation des antennes en toiture, c'est sans arbitraire que la cour cantonale a jugé que les art. 124 al. 1 et 2 RPE et 80 al. 1 et 2 LATC ne s'appliquaient pas à leur remplacement et, partant, n'avaient pas été violés.
3.
Dans un argument soulevé en réplique et peu compréhensible, les recourants font valoir que les nouvelles antennes devront bénéficier du compresseur de climatisation externe existant édifié en toiture de l'immeuble. Or, cet élément de construction n'est pas une antenne et contrevient aux prescriptions du règlement communal concernant la hauteur des ouvrages techniques en toiture. Pour cette raison, la modification de la station de téléphonie de base projetée aggraverait la situation existante et ne pourrait pas être autorisée au regard des art. 124 RPE et 80 al. 2 LATC.
La motivation doit être exposée dans le délai de recours et il n'est en principe pas possible de la compléter après son échéance (ATF 147 I 478 consid. 2.4.1). De nouveaux arguments développés au stade de la réplique ne sont recevables que s'ils répondent aux déterminations des autres participants à la procédure (ATF 135 I 19 consid. 2.2; arrêt 9C_124/2023 du 22 décembre 2023 consid. 2.3). Cette hypothèse n'entre pas en considération en l'occurrence. Au demeurant, il n'est pas établi que le compresseur de climatisation devrait alimenter les nouvelles antennes. Il ne ressort pas de l'arrêt attaqué qu'il devrait être remplacé ou agrandi, respectivement que l'atteinte qu'il porterait à l'art. 74 al. 3 RPE, qui fixe la hauteur maximale autorisée des ouvrages techniques en toiture à deux mètres à partir de la corniche, serait aggravée par le changement d'antennes.
Supposé recevable, le grief devrait ainsi être écarté.
4.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais des recourants qui succombent (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la Municipalité de Gland, qui obtient gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF), et à Salt Mobile SA, qui a procédé sans recourir à un avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants et de la Municipalité de Gland, aux intimées, ainsi qu'à la Direction générale de l'environnement et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 17 mai 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Parmelin