1C_288/2023 24.06.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_288/2023
Arrêt du 24 juin 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix et Merz.
Greffier : M. Kurz.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
3. C.________,
4. D.________,
5. E.________,
6. F.________,
7. G.________,
8. H.________,
9. I.________,
10. J.________,
tous représentés par Maîtres Daniel Guignard et Valentine Wirthner, avocats,
recourants,
contre
Conseil communal de Jouxtens-Mézery, chemin de Beau-Cèdre 1, 1008 Jouxtens-Mézery, représenté par Me Benoît Bovay, avocat,
Département des institutions, du territoire et des sports du canton de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne, représenté par
la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, Service juridique, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne Adm cant VD.
Objet
Plan d'affectation communal, classement en zone agricole protégée,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de droit administratif et public,
du 16 mai 2023 (AC.2021.0405).
Faits :
A.
Les parcelles n° s 977 à 1004 du registre foncier de la commune de Jouxtens-Mézery sont propriétés, en main commune, de A.________, B.________, C.________, D.________, E.________, F.________, G.________, H.________, I.________ et J.________ (ci-après: les hoirs A.________). Elles sont situées dans le secteur "A Grandchamp", soit un quadrilatère d'environ 450 m de côté limité au nord par le chemin de la Bâtiaz, à l'est par le domaine de Beau-Cèdre, au sud par le chemin de la Rueyre et à l'ouest par le chemin des Boracles. Le centre du secteur est libre de constructions; ses angles nord-est et sud-est sont occupés par des villas récentes, et l'angle sud-ouest par divers bâtiments anciens actuellement voués à l'habitation. La partie libre, traversée du nord au sud par un chemin agricole, est cultivée. A l'est de ce chemin, le secteur "A Grandchamp" a été fractionné en 2009 pour former les 28 parcelles précitées colloquées en zone de villa II selon le plan d'affectation de la commune de 1984. Chacune des parcelles atteint une surface supérieure à 3'000 m², le règlement communal imposant cette taille minimale pour chaque parcelle constructible dans cette zone. A l'ouest de ce chemin agricole, le terrain est colloqué pour l'essentiel en zone agricole.
Plusieurs demandes de permis de construire ont été formées dès 2005 par les hoirs A.________ pour la construction de villas jumelées sur certaines des parcelles précitées (n° s 1002 à 1004 situées au sud du secteur). La dernière demande, formée en 2012, a été rejetée par la municipalité le 6 septembre 2013, en raison de la mise à l'enquête d'une zone réservée sur le secteur "A Grandchamp". Il s'agissait de préserver les vides du secteur, lequel présentait une valeur paysagère de grande qualité. La zone réservée a été adoptée le 4 février 2014 et cette décision a été confirmée en instance cantonale et fédérale (arrêt 1C_241/2016 du 21 avril 2017). La zone réservée a ensuite été prolongée pour trois ans mais cette mesure a été annulée sur recours par arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) du 28 janvier 2022 (décision confirmée par le Tribunal fédéral par arrêt 1C_142/2022 du 7 juin 2023).
B.
Le 14 avril 2021, la municipalité a mis à l'enquête le plan d'affectation communal (PAC) "A Grandchamp", qui prévoit le classement en zone agricole protégée des parcelles n° s 977 à 1004, soit au total une surface de 88'233 m². Selon le rapport 47 OAT, il s'agissait de préserver un grand espace de verdure dont la valeur paysagère était importante et la localisation idéale par rapport au parc d'agglomération "Espace Blécherette". Le terrain avait a priori la qualité de surfaces d'assolement (SDA) de qualité II et le secteur était identifié comme "Espace agricole périurbain" par le projet d'agglomération Lausanne Morges (PALM), qui recouvrait une grande partie du territoire. Le dézonage ne portait pas atteinte aux objectifs de développement du PALM, le besoin en zones d'habitation et mixtes étant largement couvert jusqu'en 2036. Les hoirs A.________ ont formé opposition à ce plan d'affectation. Par décision du 22 juin 2021, le Conseil communal de Jouxtens-Mézery a écarté l'opposition et adopté le PAC. Le 10 novembre 2021, le Département cantonal des institutions et du territoire du canton de Vaud a délivré son approbation.
Le nouveau plan directeur communal (PDCom) a été mis en consultation parallèlement et a été adopté, puis approuvé aux mêmes dates. Il identifie en particulier le secteur "A Grandchamp" comme un espace à maintenir libre de constructions.
C.
Par arrêt du 16 mai 2023, la CDAP a rejeté le recours formé par les hoirs A.________ et confirmé les décisions d'adoption et d'approbation du PAC "A Grandchamp". L'attitude de la commune n'était pas contraire à la bonne foi, ni aux principes de célérité et d'égalité de traitement. Le PALM ne constituait qu'un outil stratégique évolutif et n'empêchait pas un déclassement dans le cadre de la planification plus fine au niveau communal; en dépit de la diminution de la capacité d'accueil (moins 265 habitants) engendrée par le déclassement, le PALM disposait encore de suffisamment de zones à bâtir; le secteur litigieux ne faisait pas partie des dix sites stratégiques désignés pour une concentration de l'urbanisation et ne constituait pas non plus une brèche dans le tissu bâti. Il devait demeurer libre de construction selon le PDCom et l'ISOS, et l'inspection locale avait permis de confirmer sa valeur paysagère. Le terrain répondait a priori aux exigences pour être reconnu comme SDA. Même si la procédure de révision de la planification générale était en cours, le principe de coordination (art. 25a LAT) n'empêchait pas l'adoption d'un plan spécial, ce dernier n'étant notamment pas justifié par une obligation de redimensionner la zone à bâtir.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les hoirs A.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la CDAP en ce sens que les décisions communale et cantonale des 22 juin et 23 novembre 2021 sont annulées. Ils demandent en outre l'effet suspensif, demande qui a été traitée comme requête de mesures provisionnelles et qui a été rejetée par ordonnance du 13 juillet 2023.
La cour cantonale renonce à se déterminer et se réfère à son arrêt. La Direction générale du territoire et du logement (DGTL), agissant pour le département cantonal, conclut au rejet du recours. Le Conseil communal de Jouxtens-Mézery conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. L'Office fédéral du développement territorial ARE considère que l'arrêt attaqué ne prête pas le flanc à la critique du point de vue du droit de l'aménagement du territoire. Les recourants ont ensuite persisté dans leurs conclusions et la commune intimée a renoncé à des observations supplémentaires.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Les recourants ont tous pris part à la procédure de recours devant la Cour de justice. K.________ est décédé le 17 février 2022 et les autres recourants (à l'exception de B.________) sont ses héritiers. En tant que propriétaires en main commune de parcelles sises dans le plan d'affectation litigieux, et dont le déclassement a été confirmé par la cour cantonale, les recourants sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué et peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa réforme. Ils ont dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Dans un même grief, les recourants se plaignent de constatations arbitraires des faits ainsi que d'une violation du PDCn et du PALM. Ils reprochent à la cour cantonale d'avoir considéré que les autorités pouvaient s'écarter des règles figurant dans le PALM 2016 alors que, selon la jurisprudence, il s'agit d'un instrument de niveau directeur contraignant ayant fait l'objet d'une approbation fédérale en "coordination réglée". Le secteur en question ferait partie des zones destinées à être densifiées en premier lieu. Les réserves de zone à bâtir ainsi définies seraient donc contraignantes et incompressibles, sans exception possible. Le secteur "A Grandchamp" se situe au centre de la commune et est entièrement entouré de zones bâties; on ne verrait pas en quoi consisterait la "localisation inadéquate" retenue par la cour cantonale. La référence à l'ISOS ne justifierait pas non plus le déclassement puisque les instruments de planification supérieurs (PALM, PDCn) n'envisagent pas une telle mesure, privilégiant délibérément la densification.
2.1. Le projet d'agglomération est un instrument de planification et de gestion qui doit permettre aux agglomérations de traiter les problèmes dans différents domaines de manière coordonnée, efficace et à la bonne échelle et qui doit leur permettre de se développer dans le respect des principes de durabilité. Le but est de favoriser la coordination des différentes politiques sectorielles et de contribuer ainsi à la recherche de solutions efficaces aux problèmes et à la valorisation aussi importante que possible du potentiel des agglomérations. D'une part, il constitue un outil de planification, de coordination et de pilotage des politiques publiques des domaines des transports et de l'urbanisation. D'autre part, il représente le moyen par lequel les organismes responsables soumettent à la Confédération une demande de subventionnement de leurs infrastructures de transports (Office fédéral du développement territorial ARE, directives pour l'examen et le cofinancement des projets d'agglomération de 3 ème génération, du 16 février 2015, p. 12).
Le PALM est un document contractuel doté d'une mission stratégique et opérationnelle. Son rôle est de guider et d'orienter la stratégie de développement de l'agglomération. Son statut est celui d'un instrument de référence et de coordination (PALM 2016, Rapport de projet, version numérique - ci-après: rapport PALM 2016https://lausanne-morges.ch/rapports/rapport-2016/ - p. 9). Selon la jurisprudence, il constitue ainsi un instrument d'urbanisme de niveau directeur résultant d'une concertation entre les communes concernées et le canton. Il tend à réagir contre le développement non durable de l'agglomération Lausanne-Morges (étalement urbain, trafic automobile, pollution et nuisances sonores notamment) en concentrant le développement dans les espaces qui sont déjà largement bâtis (ATF 137 II 23 consid. 4.1).
2.2. Les plans directeurs ont force obligatoire pour les autorités (art. 9 al. 1 LAT). A teneur de l'art. 11 LAT, le Conseil fédéral approuve les plans directeurs et leurs adaptations s'ils sont conformes à la LAT, notamment s'ils tiennent compte de manière adéquate de celles des tâches de la Confédération et des cantons voisins dont l'accomplissement a des effets sur l'organisation du territoire (al. 1). L'approbation des plans directeurs par le Conseil fédéral leur confère force obligatoire pour les autorités de la Confédération et pour celles des cantons voisins (al. 2; ATF 149 II 86 consid. 3.1).
Si, au cours d'une procédure de planification d'affectation, à l'issue d'un contrôle préjudiciel du plan directeur, ce dernier s'avère contraire au droit, sa force obligatoire tombe; les indications du plan d'affectation conformes au plan directeur sont alors caduques. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral fait preuve de retenue non seulement en raison de la nature programmatique du plan directeur, qui relève de la politique de planification (cf. ATF 143 II 476 consid. 3.7; 143 II 276 consid. 4.1; 121 II 430 consid. 1c; 119 Ia 285 consid. 3e), mais aussi dans la mesure où son examen porte sur l'appréciation des circonstances locales que les autorités cantonales spécialisées et locales connaissent mieux que lui (cf. ATF 146 I 36 consid. 4.6; 119 Ia 362 consid. 3a).
2.3. En tant qu'instrument du niveau de la planification directrice, le PALM ne fournit pas un concept détaillé de l'organisation à venir du territoire, mais une vision d'ensemble de l'aménagement souhaité ainsi que les moyens généraux à mettre en oeuvre (ATF 143 II 276 consid. 4.1 et les références s'agissant des plans directeurs localisés prévus par le droit genevois). La planification directrice ne présente pas le même degré de précision que les plans d'affectation; sa portée contraignante est limitée par la pondération nécessaire des intérêts qui doit s'effectuer à l'occasion des actes de planification subséquents, sur la base des circonstances locales (JEAN-BAPTISTE ZUFFEREY, Droit public de la construction, Berne 2024, p. 115). Comme le relève la cour cantonale, le fait que le PALM soit en principe contraignant pour les autorités n'empêche donc pas celles-ci, au stade de la planification d'affectation, de procéder à une analyse plus fine à l'échelle du territoire communal, pour tenir compte de l'ensemble des intérêts en jeu, et non seulement de ceux qui sont poursuivis spécifiquement par le PALM, soit essentiellement les questions liées au transport et à l'urbanisation.
2.4. Les recourants relèvent que les parcelles litigieuses figurent dans les réserves en zone à bâtir d'habitation et mixte du PALM et sont incluses dans le potentiel d'accueil qualifié d'"incompressible", dont la valorisation est nécessaire. Le secteur en cause ne fait toutefois pas partie des centralités, principales, secondaires ou locales, où il est prévu de concentrer l'agglomération. Au contraire, on peut y voir un "espace agricole périurbain", soit un vaste espace ou une "poche" agricole constituant une ressource majeure pour la qualité du cadre de vie régional, et dont le PALM préconise le maintien (Rapport PALM 2016 p. 125). Le périmètre litigieux se présente comme un vaste secteur libre de constructions. Compte tenu de sa taille (88'233 m²), il ne saurait constituer une brèche dans le tissu bâti (arrêt 1C_280/2023 du 3 avril 2024 consid. 4.4 et les références).
2.5. Selon le rapport 47 OAT à l'appui du plan d'affectation litigieux, la commune de Jouxtens-Mézery fait figure d'exception parmi les communes du PALM en raison de sa morphologie urbaine (habitat individuel), de la très faible densité humaine (seulement 10 habitants/ha) et d'un taux d'activité largement inférieur à celui des communes limitrophes. Une partie du territoire se trouve à l'intérieur du périmètre du projet de parc d'agglomération du Plateau de la Blécherette. Or, les parcs d'agglomération constituent des espaces ouverts emblématiques, aux vocations multiples, dont le rayonnement dépasse le voisinage immédiat. Leur préservation et valorisation permettent d'offrir, dans certains cas, des espaces de loisir et de détente au coeur de l'agglomération.
La commune de Jouxtens-Mézery figure également à l'ISOS en tant que cas particulier. Formée des deux localités originelles, elle s'est soustraite aux grands développements entrepris dans la région lausannoise à partir du milieu du 20ème siècle et s'est tenue à l'écart du phénomène d'urbanisation qui avait lieu dans les communes avoisinantes, en refusant la construction d'immeubles locatifs. Les nouveaux habitants se sont répartis dans des maisons individuelles. Actuellement, la commune forme un îlot de verdure et de prospérité au sein de l'agglomération lausannoise où travaille la majorité de sa population (ISOS, vol. 7 p. 31). Le caractère envahissant de ces maisons individuelles donne d'autant plus de valeur à un grand champ qui rappelle le passé campagnard du site et constitue un avant-plan particulièrement spectaculaire pour la vue sur et depuis la propriété emblématique de Beau-Cèdre (p. 32). Le périmètre litigieux est ainsi défini comme périmètre environnant avec un objectif de sauvegarde A (sauvegarde de l'état existant), qui implique notamment le classement en zone non constructible. L'inspection locale effectuée par la CDAP a permis de confirmer les qualités paysagères du site ainsi que l'intérêt à le maintenir libre de constructions.
Les recourants relèvent que selon l'annexe 3 au rapport final du PALM de décembre 2007, l'ISOS aurait été expressément pris en compte dans la planification comme inventaire n'ayant pas d'effet contraignant, mais seulement un effet d'alerte; l'intérêt public au développement et à la densification de l'agglomération Lausanne-Morges aurait été considéré comme prépondérant. L'annexe 3 au rapport final du PALM 2007 (p. 53) comporte une simple liste des inventaires à effet contraignant et d'alerte pris en compte dans le périmètre compact du PALM, parmi lesquels l'ISOS. Les recourants se prévalent également de diverses interventions des services de l'État réclamant une plus grande densité dans les projets de construction affectant le secteur "A Grandchamp". Les pièces dont ils se prévalent ne permettent toutefois pas de déduire, comme ils le prétendent, qu'une prise en compte de l'ISOS et de l'objectif de sauvegarde rappelé ci-dessus aurait eu lieu à cette époque. Il n'y a donc pas de constatation manifestement erronée des faits sur ce point, qu'il y aurait lieu de corriger en application de l'art. 95 LTF.
2.6. Le déclassement des parcelles litigieuses est encore fondé sur la nécessité de maintenir des SDA.
Selon l'arrêt cantonal, le canton dispose d'un quota suffisant de SDA recensées, actuellement 76'191 ha (cf. DGTL, Évolution des zones d'affectation et des surfaces d'assolement en 2020, 2 décembre 2021, p. 1 et 16), alors que le plan sectoriel de la Confédération (ci-après: PSSDA) en exige 75'800. Il n'en demeure pas moins que le PDCn, à sa mesure F12, demande aux autorités de veiller à ce que les SDA soient classées en zone agricole et qu'elles soient retenues en priorité pour la réduction des zones à bâtir surdimensionnées (cf. PDCn, mesure F12, p. 297). Les communes doivent dès lors tenir compte de la protection des SDA dans leurs plans d'affectation et doivent identifier lors des révisions de ceux-ci les surfaces non inventoriées qui semblent répondre a priori aux caractéristiques de SDA.
Une première étude réalisée en décembre 2017 par un bureau spécialisé considère qu'une surface de 6,3 ha des parcelles litigieuses est cultivée sous forme de terre assolée, dont la qualité est jugée très bonne par l'exploitant et paraît répondre aux critères de qualité SDA. La bordure est, plus pentue et d'une surface de 2 ha, ne convient pas aux grandes cultures et est exploitée sous forme de prairie permanente; elle ne répond pas aux critères de SDA. Dans le cadre de la procédure cantonale de recours, la commune a mandaté un autre bureau spécialisé, lequel est arrivé, dans un rapport du 31 janvier 2023, à la conclusion que le premier rapport dresse un constat agronomique complet et de qualité. Compte tenu de la faible marge dont dispose le canton de Vaud en matière de SDA, la mesure de déclassement correspond ainsi aux exigences des art. 2 al. 2 let a LAT et 30 al. 2 OAT (RS 700.1).
2.7. Appliquant implicitement le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), la cour cantonale s'est enfin demandé si le maintien en zone constructible de la bande de terrain de 2 à 3 ha au pied de la falaise, soit la partie la moins intéressante du point de vue agricole, pouvait se justifier. Elle a toutefois considéré qu'une concentration de constructions dans ce secteur aurait un impact paysager et porterait atteinte aux objectifs de l'ISOS. Les recourants ne critiquent nullement cette appréciation.
Les griefs de violation du PALM et du PDCn, de violation de la garantie de la propriété et d'arbitraire doivent ainsi être écartés.
3.
Invoquant l'art. 25a LAT, les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir confirmé le plan spécial litigieux alors qu'une révision de la planification communale générale (qui remonte à 1984) était en cours. Le déclassement du secteur "A Grandchamp" devrait être coordonné avec l'urbanisation des terrains sis à "La Grotte" et en "Pierravaux". Rien ne justifierait une planification anticipée: l'autorité communale devait faire diligence et mettre à profit la zone réservée instaurée en 2014; l'art. 47 LATC permettait de refuser un permis de construire si celui-ci compromettait la mesure de déclassement.
3.1. L'art. 25a LAT énonce à ses al. 1 à 3 les principes applicables en matière de coordination. Une autorité chargée de la coordination doit en particulier veiller à ce que toutes les pièces du dossier de demande d'autorisation soient mises simultanément à l'enquête publique (art. 25a al. 2 let. b LAT) et à ce qu'il y ait une concordance matérielle des décisions ainsi que, en règle générale, une notification commune ou simultanée (art. 25a al. 2 let. d LAT); ces décisions ne doivent pas être contradictoires (art. 25a al. 3 LAT). Ces principes ont été conçus pour être mis en oeuvre au stade de l'autorisation de construire, mais la loi prévoit cependant qu'ils sont applicables par analogie à la procédure des plans d'affectation (art. 25a al. 4 LAT). La loi ne tend pas à une coordination maximale, mais doit assurer une coordination suffisante.
En vertu de ce principe de coordination des procédures, l'autorité de planification doit aussi prendre en compte, dans le cadre de l'adoption d'un plan partiel d'affectation ou d'un plan de quartier, tous les éléments déterminants du point de vue de la protection de l'environnement et de l'aménagement du territoire qui sont objectivement en relation les uns avec les autres, notamment ceux qui se trouvent dans une relation si étroite qu'ils ne peuvent être appliqués de manière indépendante (ATF 123 II 88 consid. 2a; arrêt 1C_163/2011 du 15 juin 2012 consid. 3.1). Il n'y a pas lieu d'assurer la coordination entre des décisions qui, bien qu'elles concernent des projets en relation étroite l'un avec l'autre, n'ont pas d'incidence directe sur la réalisation de l'autre projet. Il en va de même si, pour des motifs objectifs, des décisions connexes et de moindre importance sont prises une fois le projet principal réalisé (arrêts 1C_372/2021 du 26 janvier 2023 consid. 3.1; 1C_209/2022 du 25 août 2022 consid. 5.1; 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 4.1; 1C_414/2013 du 30 avril 2014 consid. 3.1; 1C_621/2012 du 14 janvier 2014 consid. 4.2).
3.2. En l'occurrence, la commune, tout en ayant engagé la procédure de révision de sa planification générale, a estimé nécessaire de procéder par anticipation au déclassement du secteur litigieux, après avoir tenté en vain de prolonger pour trois ans la zone réservée instituée en 2014. Aux termes de l'art. 47 al. 1 de la loi vaudoise sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC, RS/VD 700.11), la municipalité peut refuser un permis de construire lorsqu'un projet de construction, bien que conforme, compromet une modification de plan envisagée, non encore soumise à l'enquête publique. Les recourants estiment que la commune pouvait faire application de cette disposition mais n'expliquent pas en quoi leur propre situation s'en serait trouvée améliorée par rapport à un déclassement immédiat. En outre, l'art. 47 al. 2 et 3 LATC dispose que l'autorité en charge du plan est tenue de le mettre à l'enquête publique dans les 14 mois qui suivent la décision de refus du permis de construire, puis d'adopter son projet dans les 12 mois suivant la fin de l'enquête publique; lorsque ces délais n'ont pas été observés, le requérant peut renouveler sa demande de permis de construire et la municipalité doit alors statuer dans les 30 jours (al. 3). Compte tenu des délais importants qui peuvent caractériser l'adoption d'une planification générale, la commune pouvait à juste titre redouter de ne pas pouvoir respecter les délais fixés par cette disposition, ce qui justifie le recours à la mesure de planification litigieuse.
Comme on l'a vu, ladite mesure est conforme au droit fédéral et au droit cantonal. Elle a pour effet une diminution de la zone à bâtir de la commune laquelle n'est, à teneur de l'arrêt attaqué, pas surdimensionnée. On ne voit pas en quoi le processus d'élaboration du plan d'aménagement général s'en trouverait compromis puisque l'autorité communale dispose ainsi au contraire d'une marge d'appréciation supplémentaire s'agissant de définir sa zone à bâtir. Comme le relève l'arrêt attaqué, le plan directeur communal approuvé en novembre 2021 identifie le secteur "A Grandchamp" comme un espace à maintenir libre de constructions, et prévoit une concentration du développement urbanistique sur trois autres secteurs. Les recourants contestent ce choix mais ne démontrent pas que le déclassement anticipé engendrerait un risque concret de décisions contradictoires. Le grief doit par conséquent être rejeté.
4.
Les recourants invoquent enfin le principe de la bonne foi. Ils reprochent à la commune de leur avoir donné pendant près de vingt-cinq ans (soit dès la signature de la convention de 1990 prévoyant une planification rationnelle et harmonieuse des constructions), de nombreuses garanties (conventions, décisions, courriers, séances, autorisation de fractionnement, obtention de servitudes et d'une charge foncière) quant à la constructibilité des terrains. Elle aurait exigé de nombreuses concessions laissant entendre que celles-ci étaient nécessaires à l'adoption d'un plan de quartier.
4.1. Le droit à la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.) préserve la confiance légitime que le citoyen met dans les assurances reçues des autorités. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu (ATF 141 V 530 consid. 6.2 p. 538; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les références citées).
4.2. Dans son arrêt relatif à la zone réservée de 2014 (1C_241/2016 du 21 avril 2017), la cour de céans a rappelé (consid. 3.2) qu'aucune assurance quant à la constructibilité d'un secteur ne pouvait être déduite de la validation d'un plan de quartier. Il en allait même a fortiori dès lors que le plan de quartier avait en l'occurrence fait l'objet de simples négociations, sans aboutir. Les démarches entreprises par la commune pour équiper le quartier ne pouvaient pas non plus être interprétées comme une assurance concrète quant au maintien des parcelles en zone à bâtir. Elles n'empêchaient pas l'autorité communale d'envisager par la suite une modification de la planification en vigueur, compte tenu notamment de l'évolution de la LAT. Il en allait de même des différents échanges écrits entre les propriétaires et les autorités. Ces considérations conservent leur pertinence et permettent de nier toute violation du principe de la bonne foi. Les recourants contestent au surplus l'argument de la cour cantonale tiré de la prise en compte de l'évolution du droit; ils partent toutefois de la prémisse que le PALM n'aurait pas été respecté, ce qui n'est, comme on l'a vu, pas le cas.
Ce dernier grief doit dès lors lui aussi être rejeté.
5.
Il s'ensuit que le recours est rejeté, aux frais de l'hoirie recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). La commune intimée, qui a agi dans l'exercice de ses attributions officielles, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de l'hoirie recourante.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants et du Conseil communal de Jouxtens-Mézery, au Département des institutions, du territoire et des sports du canton de Vaud, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Office fédéral du développement territorial.
Lausanne, le 24 juin 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
Le Greffier : Kurz