1C_13/2023 09.08.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_13/2023, 1C_226/2023
Arrêt du 9 août 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Chaix, Haag, Müller et Merz.
Greffière : Mme Rouiller.
Participants à la procédure
1. A.________ SA,
2. B.________,
recourants,
contre
1C_13/2023
Conseil d'État du canton de Vaud, Château cantonal, 1014 Lausanne,
et
1C_226/2023
Conseil d'État du canton de Vaud, Château cantonal, 1014 Lausanne,
Département des finances et de l'agriculture du canton de Vaud (DFA), rue de la Paix 6, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.
Objet
Procédure administrative; demande d'accès à un document officiel,
recours contre la décision du Conseil d'État du canton
de Vaud du 3 janvier 2023 et l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 12 avril 2023.
Faits :
A.
Par courriel du 16 décembre 2022, B.________ a, pour le compte de son employeur A.________ SA (ci-après: A.________), adressé à la Cheffe du Département des finances et de l'agriculture de l'État de Vaud (ci-après: DFA) une demande d'accès à la liste détaillée des risques financiers pris en considération par le Conseil d'État pour élaborer le budget 2023 de l'État de Vaud. Il expliquait que cette liste, malgré son importance pour le travail parlementaire au sujet du budget 2023, n'était ni publiée, ni mise à disposition des députés, à l'exception des seuls membres de la Commission des finances du Grand Conseil vaudois.
Le 21 décembre 2022, les services de communication du DFA ont indiqué à B.________ que sa demande était soumise au Conseil d'État et que la Chancellerie lui répondrait.
Par décision du 3 janvier 2023, adressée à A.________, le Conseil d'État a rejeté la demande d'accès à la liste précitée.
B.
Par acte du 2 février 2023, A.________ et B.________ ont agi directement devant le Tribunal fédéral contre la décision du 3 janvier 2023 (cause 1C_13/2023). Ils concluent à ce que ladite décision soit réformée en ce sens qu'il soit fait droit à leur demande d'accès et qu'il soit ordonné à l'autorité compétente de leur remettre la liste litigieuse. Subsidiairement, ils demandent que la décision du 3 janvier 2023 soit annulée et renvoyée à l'autorité compétente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par ordonnance du 6 février 2023, la procédure devant le Tribunal fédéral a été suspendue, sur requête des recourants, jusqu'à droit jugé par la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: CDAP) sur le recours formé le 3 février 2023.
Par ordonnance du 17 mai 2023, l'instruction de la cause 1C_13/2023 a été reprise et le Conseil d'État et la CDAP ont été invités à se déterminer.
La CDAP renonce à se déterminer, compte tenu de l'arrêt rendu le 12 avril 2023, attaqué dans la cause 1C_226/2023 (cf. ci-dessous C). Le Conseil d'État conclut au rejet du recours. Les recourants persistent dans leurs conclusions.
C.
Par recours daté du 3 février 2023, A.________ et B.________ ont également recouru contre la décision du 3 janvier 2023 auprès de la CDAP. Par arrêt du 12 avril 2023, celle-ci a rejeté le recours. Les questions de savoir si la décision attaquée avait un caractère politique prépondérant et, partant, si le recours était recevable pouvaient, au vu de l'issue du litige, demeurer indécises. Au fond, la CDAP a qualifié la liste des risques financiers de document officiel. Des intérêts publics prépondérants s'opposaient toutefois à l'octroi d'un accès à la liste litigieuse.
Par acte daté du 15 mai 2023, A.________ et B.________ ont déposé auprès du Tribunal fédéral un recours en matière de droit public contre l'arrêt de la CDAP du 12 avril 2023 (cause 1C_226/2023). Ils concluent à ce que cet arrêt soit réformé en ce sens que l'ordre soit donné au Conseil d'État de leur remettre la liste litigieuse. Subsidiairement, ils demandent l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité compétente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils requièrent en outre la jonction de cette cause avec la cause 1C_13/2023 (cf. ci-dessus B).
La CDAP se réfère aux considérants de son arrêt et conclut au rejet du recours. Le Conseil d'État conclut au rejet du recours. Le DFA se réfère intégralement aux déterminations du Conseil d'État. Les recourants persistent dans leurs conclusions.
Considérant en droit :
1.
Compte tenu de leur connexité et conformément à la requête des recourants, les deux causes peuvent être jointes afin qu'il soit statué par un seul arrêt (cf. art. 24 PCF applicable par analogie en vertu du renvoi de l'art. 71 LTF).
2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont transmis.
2.1. La décision et l'arrêt attaqués portent sur le refus de donner suite à une demande d'accès à des documents en mains d'autorités fondée sur la loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur l'information (LInfo/VD; BLV 170.21). Il s'agit par conséquent d'une cause de droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF. Les recourants ont participé à la procédure devant l'instance précédente et ont un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision attaquée, respectivement de l'arrêt attaqué, de sorte que la qualité pour recourir doit leur être reconnue (art. 89 al. 1 LTF). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée.
2.2. La voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est en principe ouverte contre une décision prise par une autorité cantonale judiciaire de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) et contre une décision d'une autorité autre qu'un tribunal lorsque la décision revêt un caractère politique prépondérant (cf. art. 86 al. 3 LTF).
Le droit cantonal vaudois prévoit que le Conseil d'État statue définitivement sur les demandes concernant son activité (art. 22 LInfo/VD). Selon l'art. 92 al. 2 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA/VD; BLV 173.36), les décisions du Conseil d'État ne sont pas susceptibles de recours au Tribunal cantonal. Cette exclusion du recours contre les décisions du Conseil d'État s'explique par le fait que celles-ci revêtent un caractère politique prépondérant (Exposé des motifs et projet de loi sur la procédure administrative, mai 2008, p. 45). Ces dispositions peuvent ainsi être lues en lien avec l'art. 86 al. 3 LTF, qui autorise les cantons à prévoir une autorité autre qu'un tribunal lorsque la décision revêt un caractère politique prépondérant.
En l'espèce, la CDAP n'a pas, au vu de l'issue du litige, tranché la question de savoir si la décision du Conseil d'État du 3 janvier 2023 revêtait un caractère politique prépondérant.
Les recourants ont recouru contre la décision du 3 janvier 2023 à la fois auprès du Tribunal fédéral, dans l'hypothèse où ladite décision devait être considérée comme revêtant un caractère politique prépondérant, et auprès de la CDAP, si la décision devait au contraire ne pas être considérée comme telle. Les recourants ont ensuite recouru au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la CDAP. Au vu de cette configuration et de la jonction des deux procédures, qui soulèvent des griefs similaires, il n'apparaît pas nécessaire de trancher la question du caractère politique prépondérant de la décision du 3 janvier 2023, le recours étant recevable par le biais soit de l'art. 86 al. 1 let. d LTF, soit de l'art. 86 al. 3 LTF.
2.3. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière.
3.
Les recourants dénoncent en premier lieu une violation des art. 29 al. 1 Cst. et 27 al. 1 de la Constitution du canton de Vaud du 14 avril 2003 (Cst./VD; RS 131.231) et, dans ce cadre, une application arbitraire des art. 21 et 22 LInfo/VD, ainsi que des art. 12 et 15 de la loi vaudoise du 20 septembre 2005 sur les finances (LFin/VD; BLV 610.11). Ils reprochent également à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 86 al. 3 LTF. Ils considèrent que la liste des risques financiers relevait de la compétence du DFA, qui aurait partant dû se prononcer sur leur demande d'accès. Le Conseil d'État s'en serait ainsi saisi à tort, les privant de la possibilité de saisir le Préposé cantonal à la protection des données pour une conciliation, ainsi que d'une voie de recours à la CDAP.
Dès lors que la CDAP est entrée en matière sur leur recours, les recourants ont bénéficié d'une voie de recours auprès d'une autorité judiciaire. Partant, et au vu de l'issue du litige, savoir si le fait que le Conseil d'État se soit saisi de l'affaire et qu'une conciliation n'ait pu être menée est constitutif d'une violation des art. 29 al. 1 Cst. et 27 al. 1 Cst./VD et d'une application arbitraire des art. 21 et 22 LInfo/VD et des art. 12 et 15 LFin/VD peut demeurer indécis.
4.
Les recourants invoquent la liberté d'information garantie à l'art. 16 al. 1 et 3 Cst. et à l'art. 17 al. 2 let. b et c Cst./VD et se plaignent d'arbitraire dans l'application de l'art. 16 LInfo/VD.
4.1.
4.1.1. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF). Il examine en revanche sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 148 II 465 consid. 8.1; 148 I 145 consid. 6.1). Dans ce contexte, il incombe à la partie recourante d'exposer une argumentation spécifique qui réponde aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 146 I 62 consid. 3).
4.1.2. La LInfo/VD a pour but de garantir la transparence des activités des autorités afin de favoriser la libre formation de l'opinion publique (art. 1 al. 1 LInfo/VD). S'agissant des informations transmises sur demande, elle précise que, par principe, les renseignements, informations et documents officiels détenus par les organismes soumis à la présente loi sont accessibles au public (art. 8 al. 1 LInfo/VD).
Par document officiel, on entend tout document achevé, quel que soit son support, qui est élaboré ou détenu par les autorités, qui concerne l'accomplissement d'une tâche publique et qui n'est pas destiné à un usage personnel (art. 9 al. 1 Linfo/VD). À l'inverse, sont exclus du droit à l'information les documents internes, à savoir les notes et courriers échangés entre les membres d'une autorité collégiale, entre ces derniers et leurs collaborateurs ou entre leurs collaborateurs personnels, ainsi que les documents devant permettre la formation de l'opinion et de la décision d'une autorité collégiale (art. 9 al. 2 LInfo/VD; art. 14 du règlement d'application du 25 septembre 2003 de la LInfo/VD [RLInfo/VD; BLV 170.21.1]); l'idée est ainsi d'éviter de divulguer le processus de formation de la volonté de l'autorité dans un cas particulier (cf. arrêt 1C_388/2022 du 28 avril 2023 consid. 4.4).
Le droit à l'information institué par la LInfo/VD n'est pas absolu. Aux termes de l'art. 16 LInfo/VD, les autorités peuvent à titre exceptionnel décider de ne pas publier ou transmettre des informations, de le faire partiellement ou de différer cette publication ou transmission si des intérêts publics ou privés prépondérants s'y opposent (al. 1). Des intérêts publics prépondérants sont notamment en cause lorsque la diffusion d'informations, de documents, de propositions, d'actes et de projets d'actes est susceptible de perturber sensiblement le processus de décision ou le fonctionnement des autorités (art. 16 al. 2 let. a LInfo/VD). Le motif de refus d'accès fondé sur l'existence d'un intérêt public prépondérant au sens de l'art. 16 al. 2 LInfo/VD ne doit être admis que lorsqu'il existe un risque à la fois important et sérieux d'atteinte à un tel intérêt, sous peine de remettre en cause le principe général de transparence posé à l'art. 8 al. 1 LInfo/VD, principe selon lequel la non-transmission d'informations doit rester l'exception (arrêt 1C_235/2021 du 17 mars 2022 consid. 3.1 et références). En particulier, le fait qu'un droit d'accès puisse avoir des conséquences désagréables pour l'intéressé n'a pas à être pris en considération (arrêt 1C_388/2022 du 28 avril 2023 consid. 4.6; concernant l'art. 7 de la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l'administration [LTrans; RS 152.3], voir ATF 142 II 324 consid. 3.4 et arrêt 1C_428/2016 du 27 septembre 2017 consid. 2 non publié in ATF 144 II 77). Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que l'intérêt public à connaître les conclusions d'un rapport sur le fonctionnement d'une institution publique doit l'emporter sur les intérêts privés des personnes qui peuvent se trouver mises en cause: le principe de la transparence consacré par la LInfo/VD (art. 1 al. 1, 3 et 8 al. 1 LInfo/VD) tend particulièrement à mettre à jour d'éventuels dysfonctionnements au sein du pouvoir exécutif ou de l'administration (arrêt 1C_388/2022 précité consid. 4.6).
Dans ce cadre, le fardeau de la preuve revient à l'autorité qui s'oppose au droit d'accès (arrêt 1C_235/2021 précité consid. 3.1; concernant l'art. 7 LTrans, voir ATF 144 II 91 consid. 3.1). Celle-ci ne doit pas nécessairement apporter la preuve absolue d'une atteinte aux intérêts protégés, une certaine vraisemblance étant suffisante (arrêt 1C_235/2021 précité consid. 3.1; concernant l'art. 7 LTrans, voir ATF 144 II 77 consid. 3 et 142 II 324 consid. 3.4).
Le refus de communiquer un renseignement ou un document ne vaut au surplus que tant que l'intérêt public ou privé prépondérant existe (art. 17 al. 1 in fine LInfo/VD).
4.2. La CDAP a qualifié la liste des risques financiers de document officiel.
Elle a ensuite considéré que la publication de la liste litigieuse était contraire à des intérêts publics prépondérants. Elle a en particulier rappelé que cette liste était un outil permettant au Conseil d'État de piloter budgétairement le canton, exercice qui nécessitait par nature des arbitrages entre les départements cantonaux et, partant, des discussions politiques entre les membres du collège gouvernemental. Les recourants avaient demandé accès à la liste en lien avec l'adoption du budget s'agissant de l'indexation des salaires des employés de la fonction publique cantonale. Or, la discussion y relative n'était pas terminée au moment auquel la décision du 3 janvier 2023 avait été contestée et, même après l'adoption du budget, le Conseil d'État devait encore nécessairement prendre des décisions budgétaires, notamment en lien avec les risques financiers contenus dans la liste litigieuse. La publication de celle-ci était ainsi susceptible de perturber le fonctionnement du Conseil d'État. En effet, la liste mettait en lumière, pour chaque département, quelle provision budgétaire pour quel risque financier avait été admise et proposée au Grand Conseil; cela pouvait entraîner une restriction de la marge de manoeuvre politique du gouvernement, ce qui était clairement contraire à un intérêt public qui devait être considéré comme prépondérant.
Finalement, le fait que le budget 2023 ait été adopté par le Grand Conseil n'avait pas mis fin à la prédominance de cet intérêt public, dès lors que les discussions sur l'indexation des salaires étaient toujours en cours et que le gouvernement devait encore, tout au long de l'année 2023, prendre des décisions budgétaires pour lesquelles sa marge de manoeuvre politique serait réduite si la liste venait à être publiée.
4.3. Dans ses déterminations, le Conseil d'État conteste en premier lieu le fait que la CDAP ait qualifié la liste des risques de document officiel; il considère que celle-ci est un document interne au sens de l'art. 9 al. 2 LInfo/VD.
En tout état, il rappelle qu'il emploie la liste des risques financiers pour étayer ses discussions budgétaires. Il s'y réfère ainsi tant durant la conception du budget annuel qu'en cours d'année, lorsque de nouvelles décisions doivent être prises dans le cadre du suivi budgétaire (par exemple, pour des crédits supplémentaires). Selon lui, la classification d'une dépense prévisible en risque financier plutôt qu'en une ligne budgétaire relève d'une appréciation délicate, éminemment politique, et susceptible de donner lieu à des discussions nourries au sein du collège gouvernemental. Révéler la liste des risques pourrait ainsi amener à ce que chacun des membres du Conseil d'État doive justifier ses choix et puisse être tenu individuellement comptable de concessions qu'il aurait faites, alors même que la décision du Conseil d'État se veut collégiale. Autrement dit, le Conseil d'État estime que la publication de la liste litigieuse réduirait la liberté d'expression des membres du collège gouvernemental, ainsi que la marge de manoeuvre dont ils disposent dans la recherche de solutions collégiales, puisqu'ils pourraient se voir imputer, a posteriori, des prises de position qui devraient normalement rester secrètes.
4.4. Les recourants tiennent l'appréciation de la CDAP pour arbitraire. En particulier, ils considèrent que l'argument de la CDAP selon lequel la marge de manoeuvre politique du Conseil d'État pourrait être limitée en cas de publication de la liste litigieuse ne repose que sur une simple hypothèse. Les recourants rappellent à cet égard que, jusqu'à la publication du projet de budget 2004, ladite liste faisait partie de l'exposé des motifs et projet de budget du Conseil d'État et était partant rendue publique. Or, rien n'indique selon eux que cette pratique avait entravé le fonctionnement du Conseil d'État ou ses prises de décision en lien avec le budget. Ils estiment au contraire que la possibilité d'interpeller le Conseil d'État au sujet de la liste des risques financiers et de lui demander des précisions y relatives fait partie du système d'un État de droit. Au surplus, le fait que la liste des risques financiers mentionne un certain montant s'agissant, par exemple, de l'indexation des salaires ne signifie pas pour autant que le Conseil d'État aurait admis une indexation à hauteur de ce montant; ainsi, la publication de cette liste ne saurait avoir une influence sur la marge de manoeuvre politique du gouvernement.
Les recourants considèrent par conséquent qu'il n'existe pas d'intérêt public prépondérant s'opposant à la publication de la liste litigieuse.
4.5. Avec la CDAP, il convient en premier lieu de retenir que la liste litigieuse constitue un document officiel au sens de l'art. 9 al. 1 LInfo/VD. Il s'agit en effet d'un document achevé, détenu par les autorités et qui concerne l'accomplissement d'une tâche publique. En particulier, elle a été transmise à la Commission des finances du Grand Conseil afin de lui permettre d'analyser le projet de budget 2023. S'il n'est pas contestable que cette liste soit, parmi d'autres documents, prise en compte par les membres du gouvernement pour l'adoption du budget, il ne saurait toutefois être retenu, comme le soutient le Conseil d'État, qu'elle révélerait le processus de formation de la volonté du gouvernement. Les critiques du Conseil d'État ne sont ainsi pas de nature à démontrer le caractère manifestement insoutenable du raisonnement de la CDAP, qui n'a pas fait preuve d'arbitraire en considérant la liste litigieuse comme un document officiel et non pas comme un document interne au sens de la LInfo/VD.
4.6. Il s'agit ensuite d'examiner si, comme le retient la CDAP et comme le prétend le Conseil d'État, il existe un intérêt public prépondérant à ce que la liste litigieuse ne soit pas publiée.
Dans ses déterminations, le Conseil d'État se contente de répéter que la publication de la liste pourrait obliger ses membres à devoir justifier les choix et décisions prises, ce qui réduirait leur liberté d'expression et la marge de manoeuvre dont ils disposent dans la recherche de solutions collégiales. En particulier, le Conseil d'État n'explique pas en quoi la publication de la liste des risques financiers jusqu'au budget 2004 aurait entravé son fonctionnement et les raisons qui auraient poussé au changement de pratique y relatif. On peut certes admettre qu'un accès au document litigieux donne l'occasion d'interpeller le gouvernement sur les informations ainsi divulguées. On ne saurait cependant raisonnablement retenir que cette possibilité constitue une menace au bon fonctionnement du Conseil d'État. À l'inverse, il apparaît qu'il existe un intérêt prépondérant à ce que la liste litigieuse soit rendue publique afin que la décision du pouvoir exécutif relative au budget puisse être prise de manière transparente, dans le respect du but principal de la LInfo/VD. Le fait que les membres du gouvernement puissent se sentir mis "sous pression", selon leurs propres termes, par la publication de la liste des risques financiers ne saurait pas non plus constituer un intérêt public prépondérant à même d'empêcher une telle publication.
Il apparaît en définitive que l'ensemble des objections au droit d'accès, telles qu'invoquées par le gouvernement et retenues dans l'arrêt attaqué, sont étrangères au but de la LInfo/VD. Le gouvernement n'a dès lors pas rendu vraisemblable en quoi la publication de la liste litigieuse pourrait sensiblement perturber son processus de décision ou son fonctionnement. En refusant néanmoins sur cette base l'accès au document litigieux, la cour cantonale s'est écartée sans motif des règles relatives à la charge du fardeau de la preuve prévalant dans ce domaine (cf. consid. 4.1.2 ci-dessus). L'arrêt attaqué apparaît ainsi en contradiction manifeste avec le principe de la transparence tel qu'il découle de la loi cantonale. Il doit partant être taxé d'arbitraire.
5.
Sur le vu de ce qui précède, le recours dans la cause 1C_226/2023 doit par conséquent être admis, rendant sans objet le recours déposé dans la cause 1C_13/2023.
L'arrêt attaqué dans la cause 1C_226/2023 doit être réformé, en ce sens que la liste détaillée des risques financiers pris en considération par le Conseil d'État pour élaborer le budget 2023 de l'État de Vaud est communiquée aux recourants.
Les recourants ayant procédé sans avocat dans les deux causes, ils n'ont pas droit à des dépens (art. 68 al. 2 LTF a contrario). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Les causes 1C_13/2023 et 1C_226/2023 sont jointes.
2.
Le recours 1C_226/2023 est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la liste détaillée des risques financiers pris en considération par le Conseil d'État pour élaborer le budget 2023 de l'État de Vaud est communiquée aux recourants.
3.
Le recours 1C_13/2023 est déclaré sans objet.
4.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires et il n'est pas octroyé de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, ainsi qu'au Conseil d'État, au Département des finances et de l'agriculture et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 9 août 2024
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Rouiller