4A_313/2024 30.10.2024
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_313/2024
Arrêt du 30 octobre 2024
I
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Kiss, juge présidant, Hohl et Rüedi.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Blaise Stucki, avocat,
recourante,
contre
B.________,
représentée par Mes Matthias Scherer et Catherine Anne Kunz, avocats,
intimée.
Objet
arbitrage international,
recours contre la sentence rendue le 17 avril 2024 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève (CCI no 27159/HBH/GL).
Faits :
A.
A.a. Le 21 décembre 2013, l'entité russe A.________ et la société de droit finlandais B.________ ont conclu un contrat (ci-après: le contrat EPC), soumis au droit finlandais, en vertu duquel la première s'est engagée à construire une centrale nucléaire opérationnelle en Finlande, en échange du paiement, par la seconde, d'un montant de 4,25 milliards d'euros (EUR). Le prix devait être réglé en plusieurs tranches, en fonction de l'achèvement de certaines phases du projet de construction. L'art. 55 du contrat EPC prévoyait un mode de résolution des litiges qui se scindait en trois étapes. La première phase était celle des négociations entre les parties. La deuxième étape impliquait de soumettre le litige à un Comité de règlement des différends ("Dispute Review Board": ci-après: DRB). Enfin, la troisième phase était le recours à une procédure d'arbitrage conduite par un Tribunal arbitral composé de trois membres et siégeant en Suède.
A.b. Le 10 avril 2015, A.________ et B.________ ont conclu quatre conventions supplémentaires en relation avec le contrat EPC.
Les parties ont notamment décidé de transférer les droits et obligations découlant du contrat EPC à C.________, une filiale de droit finlandais qui avait été créée par A.________ aux fins d'exécuter le contrat EPC. Elles ont également prévu que B.________ devrait effectuer certaines avances de paiement.
Par convention datée du même jour, intitulée "Advance Payment Guarantee" (ci-après: l'APG), A.________ a émis une garantie en faveur de B.________. Selon l'art. 3 de l'APG, elle s'engageait, en cas de résiliation du contrat EPC, à restituer à B.________, dans les trente jours suivant une demande écrite de sa part, les avances de paiement effectuées par cette dernière, sous déduction des montants approuvés par l'intéressée pour les travaux exécutés. L'avant-dernier paragraphe de l'APG prévoyait ce qui suit:
"The provisions of Articles 48 (Confidentiality), 55 (Dispute Resolution), 61 (Notices) and 71 (Governing Law) of the EPC Contract [le contrat EPC] shall apply mutatis mutandis in respect of this Guarantee."
A.c. En date des 20 avril et 28 mai 2015, B.________ a payé des avances représentant un montant total supérieur à 920'500'000 EUR.
Entre le 12 mai 2017 et le 22 juillet 2021, B.________ a approuvé le paiement d'une somme supérieure à 120'717'000 EUR pour les travaux exécutés sur la base du contrat EPC.
Par lettre du 29 avril 2022, B.________ a mis un terme au contrat EPC. Le bien-fondé de cette résiliation ayant été remis en cause, C.________ et B.________ ont toutes deux soumis ce litige au DRB constitué sur la base du contrat EPC. Les parties, qui ont désapprouvé la recommandation émise le 12 décembre 2022 par le DRB, ont chacune déposé une requête d'arbitrage. La jonction des causes a été ordonnée par le tribunal arbitral saisi de cette affaire. La procédure d'arbitrage est encore pendante devant lui.
Par courrier du 12 mai 2022, B.________, se fondant sur l'art. 3 de l'APG, a réclamé à A.________ le versement de près de 800'000'000 EUR, montant correspondant à la différence entre les avances effectuées par B.________ et les paiements approuvés par elle au titre des travaux exécutés en vertu du contrat EPC.
B.
Le 26 juillet 2022, B.________ a initié une procédure d'arbitrage contre A.________. Elle reprochait, en substance, à la défenderesse d'avoir enfreint l'art. 3 de l'APG.
A.________ a soulevé une exception d'incompétence, car elle estimait que la demanderesse aurait dû préalablement soumettre le litige les divisant à un DRB, conformément à l'art. 55 du contrat EPC, clause applicable "mutatis mutandis" selon les termes de l'APG.
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué sous l'égide de la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI).
Le 16 juin 2023, les parties ont informé le Tribunal arbitral qu'elles avaient décidé de transférer le siège de l'arbitrage à Genève.
Le 20 juin 2023, le Tribunal arbitral a décidé, avec l'accord des parties, d'examiner, dans une première phase de la procédure, sa compétence, la recevabilité de la demande ainsi que le point de savoir si la validité de la résiliation du contrat EPC était une question pertinente pour l'issue du présent litige.
Le Tribunal arbitral a tenu une audience à Genève les 29 et 30 novembre 2023.
Par sentence du 17 avril 2024, intitulée "Partial award on preliminary issues", le Tribunal arbitral a admis sa compétence pour statuer sur les prétentions de la demanderesse et les a jugées recevables. Il a également estimé que le sort de l'obligation de restitution, visée par l'art. 3 de l'APG, ne dépendait pas du droit de la demanderesse de mettre un terme au contrat EPC. Il a précisé qu'il statuerait sur les frais liés à cette phase préliminaire du procès à un stade ultérieur de la procédure. Les motifs qui sous-tendent cette décision seront exposés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des critiques dont celle-ci est la cible.
C.
Le 23 mai 2024, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête tendant à la suspension de la force de chose jugée de ladite sentence. Elle a conclu à l'annulation de la décision attaquée et a demandé au Tribunal fédéral de constater l'incompétence du Tribunal arbitral pour connaître du litige divisant les parties. A titre subsidiaire, elle a requis le renvoi de la cause au Tribunal arbitral afin qu'il ordonne la suspension de la procédure arbitrale jusqu'à l'achèvement de la procédure devant le DRB.
Le 14 août 2024, la recourante a présenté une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant à ce qu'interdiction soit faite au Tribunal arbitral de poursuivre la procédure arbitrale jusqu'à droit connu sur son recours en matière civile.
Par ordonnance présidentielle du 3 septembre 2024, ordre a été donné au Tribunal arbitral de suspendre la procédure arbitrale jusqu'à droit connu sur le recours interjeté contre la sentence du 17 avril 2024.
Invitée à répondre au recours, B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet de celui-ci dans la mesure de sa recevabilité.
La recourante a répliqué spontanément, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée.
Le Tribunal arbitral n'a pas déposé de réponse.
Considérant en droit :
1.
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé toutes deux le français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
Le siège de l'arbitrage se trouve à Genève. Aucune des parties n'avait son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
3.
3.1. Lorsqu'un tribunal arbitral, par une sentence séparée, écarte une exception d'incompétence, il rend une décision incidente (art. 186 al. 3 LDIP), quel que soit le nom qu'il lui donne (ATF 143 III 462 consid. 2.2). Tel est le cas en l'espèce, bien que la sentence entreprise soit qualifiée improprement de partielle.
Comme le Tribunal arbitral a écarté l'exception d'incompétence soulevée par elle, la recourante est particulièrement touchée par la sentence attaquée et a donc un intérêt digne de protection à l'annulation de celle-ci, ce qui lui confère la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
3.2. Le recours en matière d'arbitrage international reste purement cassatoire (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 107 al. 2 LTF). Toutefois, lorsque le litige porte sur la compétence d'un tribunal arbitral, le Tribunal fédéral peut constater lui-même la compétence ou l'incompétence (ATF 136 III 605 consid. 3.3.4; 128 III 50 consid. 1 b).
La conclusion de la recourante visant à ce que le Tribunal fédéral constate lui-même l'incompétence du Tribunal arbitral pour connaître du différend l'opposant à l'intimée est ainsi recevable. Il en va de même, a maiore minus, de la conclusion subsidiaire par laquelle la recourante demande au Tribunal fédéral d'ordonner le renvoi de l'affaire au Tribunal arbitral afin qu'il suspende la cause arbitrale jusqu'à l'achèvement de la procédure à mener devant le DRB (arrêt 4A_628/2015 du 16 mars 2016 consid. 1.2 non publié in ATF 142 III 296 et la référence citée).
3.3. Pour le reste, aucune des conditions de recevabilité du recours en matière civile ne pose problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure toutefois réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des différents griefs soulevés par la recourante.
4.
4.1. En vertu de l'art. 190 al. 3 LDIP, une sentence incidente ne peut être attaquée devant le Tribunal fédéral que pour les motifs tirés de la composition irrégulière (art. 190 al. 2 let. a LDIP) ou de l'incompétence (art. 190 al. 2 let. b LDIP) du tribunal arbitral. Les griefs visés à l'art. 190 al. 2 let. c à e LDIP peuvent aussi être soulevés contre les décisions incidentes au sens de l'art. 190 al. 3 LDIP, mais uniquement dans la mesure où ils se limitent strictement aux points concernant directement la composition ou la compétence du tribunal arbitral (ATF 143 III 462 consid. 2.2; 140 III 477 consid. 3.1; 140 III 520 consid. 2.2.3).
Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation ( Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (arrêt 4A_244/2023 du 3 avril 2024 consid. 4.1 destiné à la publication et les références citées). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2).
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Sa mission, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage. Les constatations du Tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (arrêt 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2).
5.
En premier lieu, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, reproche au Tribunal arbitral de s'être déclaré compétent en méconnaissance du mécanisme préalable et obligatoire de recours au DRB prévu par l'art. 55 du contrat EPC, clause applicable " mutatis mutandis" selon les termes de l'APG. Avant d'examiner la recevabilité et, le cas échéant, les mérites des critiques formulées au soutien de ce moyen, il convient de rappeler certains principes et de résumer les motifs sur lesquels repose la sentence querellée.
5.1.
5.1.1. Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 149 III 131 consid. 6.4.1; 146 III 142 consid. 3.4.1; 133 III 139 consid. 5). Il ne revoit cependant l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 99 al. 1 LTF) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 149 III 131; consid. 6.4.1; 144 III 559 consid. 4.1; 142 III 220 consid. 3.1; 140 III 477 consid. 3.1; 138 III 29 consid. 2.2.1).
Le Tribunal fédéral traite sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, relatif à la compétence du tribunal arbitral, le grief tiré de la violation d'un mécanisme contractuel constituant un préalable obligatoire à l'arbitrage (ATF 142 III 296 consid. 2.2; arrêts 4A_90/2021 du 9 septembre 2021 consid. 2.3; 4A_124/2014 du 7 juillet 2014 consid. 3.2 et les références citées).
5.1.2. En droit suisse, l'interprétation d'une convention d'arbitrage se fait selon les règles générales d'interprétation des contrats. A l'instar du juge, l'arbitre ou le tribunal arbitral s'attachera, tout d'abord, à mettre au jour la réelle et commune intention des parties (cf. art. 18 al. 1 du Code suisse des obligations [CO; RS 220]), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse des déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée, voire de l'attitude des parties après la conclusion du contrat. Cette interprétation subjective repose sur l'appréciation des preuves. Si elle s'avère concluante, le résultat qui en est tiré, c'est-à-dire la constatation d'une commune et réelle intention des parties, relève du domaine des faits et lie, partant, le Tribunal fédéral. Dans le cas contraire, celui qui procède à l'interprétation devra rechercher, en appliquant le principe de la confiance, le sens que les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 147 III 107 consid. 3.1.2; 142 III 239 consid. 5.2.1 et les références citées; arrêt 4A_430/2023 du 23 février 2024 consid. 5.2).
Cette jurisprudence peut aussi être appliquée pour déterminer si un éventuel mécanisme contractuel prévoyant une procédure devant un DRB constitue un préalable obligatoire à l'arbitrage (arrêt 4A_124/2024, précité, consid. 3.4.1).
5.2. Dans la sentence attaquée, le Tribunal arbitral observe, à titre préalable, que les parties s'accordent sur le fait que sa compétence doit être examinée sous l'angle du droit suisse. L'interprétation de la convention d'arbitrage obéit elle aussi aux règles dudit droit. Celui-ci est déterminant pour trancher la question de savoir si les parties ont instauré un mécanisme préalable obligatoire de recours à un DRB avant la saisine du tribunal arbitral ainsi que pour régler les conséquences attachées à l'éventuel non-respect d'une telle exigence (sentence, n. 217-219).
Le Tribunal arbitral débute son analyse en soulignant que l'art. 55 du contrat EPC prévoit un mode de règlement des différends à trois niveaux, comprenant une phase de négociation entre les parties (i), une procédure devant un DRB (ii) et, enfin, la voie de l'arbitrage. En cas de litige en lien avec le contrat EPC, chaque étape de ce processus doit être respectée avant de pouvoir passer à la phase suivante (sentence, n. 220-225). Le Tribunal arbitral considère toutefois que l'art. 55 du contrat EPC ne s'applique pas directement aux litiges liés à l'APG. Les termes "mutatis mutandis" figurant à l'avant-dernier paragraphe de l'APG impliquent en effet que l'art. 55 du contrat EPC n'est pas applicable tel quel. Si telle avait été l'intention des parties, celles-ci auraient pu biffer purement et simplement la locution "mutatis mutandis" ("The provisions of Articles 48 [Confidentiality], 55 [Dispute Resolution], 61 [Notices] and 71 [Governing Law] of the EPC Contrat shall apply mutatis mutandis in respect of this Guarantee"). Le jour même de la signature de l'APG, le Tribunal arbitral observe que les parties ont du reste conclu un autre contrat dans lequel elles ont également fait référence à l'art. 55 du contrat EPC, sans utiliser les termes "mutatis mutandis". Il souligne en outre que les opinions doctrinales citées par les parties confirment que l'expression "mutatis mutandis" indique que "des changements seront nécessaires" ("changes will be necessary"), et que "les adaptations nécessaires doivent être faites" ("any necessary adaptions must be made"). Selon le Tribunal arbitral, il est nécessaire d'interpréter l'APG afin de rechercher la signification exacte de l'expression "mutatis mutandis" (sentence, n. 226-236).
Se référant à la jurisprudence suisse, le Tribunal arbitral précise que, pour apprécier la portée exacte de la référence à la clause 55 du contrat EPC contenue dans l'APG, il convient de rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective). Si cela se révèle impossible, il sied de recourir à l'interprétation objective des manifestations de volonté réciproques (sentence, n. 237-240).
S'attachant à mettre au jour la réelle et commune intention des parties, les arbitres relèvent que les éléments antérieurs ou concomitants à la conclusion de l'APG ne permettent pas d'établir la volonté réelle des parties (sentence, n. 241-245). Ils examinent ensuite de façon détaillée l'attitude adoptée par celles-ci après la signature de l'APG (sentence, n. 246-270). Au terme de leur analyse, ils aboutissent à la conclusion que la volonté commune des parties n'était pas d'instituer une procédure devant un DRB en tant que préalable à l'arbitrage pour les litiges en lien avec l'APG (sentence, n. 271).
Dans une argumentation subsidiaire, le Tribunal arbitral estime que l'interprétation objective confirme que les parties n'entendaient pas prévoir le recours à un DRB en tant que préalable obligatoire à l'arbitrage pour les différends relatifs à l'art. 3 de l'APG (sentence, n. 272-277).
Sous n. 278 de la sentence entreprise, le Tribunal arbitral tire ainsi la conclusion suivante sur le problème controversé:
"278. In conclusion, the Tribunal is of the view that no DRB proceedings were agreed by the Parties as a pre-arbitral tier in case of a request under Clause 3 of the APG. This follows both from a subjective interpretation of the APG considering the Parties' post-contractual conduct and from an objective interpretation since DRB proceedings are not compatible with a payment claim under Clause 3."
5.3. Dans ses écritures, la recourante critique l'interprétation de l'APG opérée par le Tribunal arbitral. A l'en croire, les arbitres ont enfreint l'art. 18 CO et la jurisprudence rendue sur la base de cette disposition. À cet égard, l'intéressée reproche au Tribunal arbitral d'avoir d'abord procédé à une interprétation objective de l'APG et de l'art. 55 du contrat EPC avant de rechercher la réelle et commune intention des parties, inversant ainsi l'ordre de priorité des méthodes d'interprétation prévues par le droit suisse. Elle s'attelle en outre à démontrer que le Tribunal arbitral a tiré, sur cette base, une conclusion qui était contraire au texte clair de l'APG. Deuxièmement, la recourante fait grief au Tribunal arbitral d'avoir confondu, à plusieurs reprises, les méthodes subjective et objective d'interprétation et d'avoir, notamment, interprété certains comportements des parties au regard du principe de la confiance dans le chapitre de sa sentence consacré à l'interprétation subjective. Troisièmement enfin, elle soutient que les arbitres ne pouvaient pas se baser exclusivement sur le silence des parties, respectivement sur leur inaction, postérieurement à la conclusion de l'APG, pour établir leur réelle et commune intention. L'intéressée considère ainsi que les conclusions tirées par le Tribunal arbitral au sujet de la réelle et commune intention des parties résultent d'une application erronée du droit suisse.
La recourante s'en prend ensuite à l'interprétation objective des clauses topiques effectuée par le Tribunal arbitral. Sur ce point, elle s'emploie à démontrer que les arbitres se sont livrés à une interprétation manifestement erronée et qu'ils ont enfreint l'art. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC; RS 210).
Après avoir détaillé ses critiques au soutien du moyen pris de la violation de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP sur plus de quarante pages de son mémoire de recours, l'intéressée conclut sa démonstration en soutenant que le Tribunal arbitral ne pouvait pas retenir, sur la base des faits constatés par lui, que la réelle et commune intention des parties n'était pas de soumettre préalablement au DRB un différend relatif à l'art. 3 de l'APG.
5.4. En l'espèce, le Tribunal arbitral a appliqué le droit suisse pour interpréter les termes de l'APG, écartant ainsi la lex causae, à savoir le droit finlandais. Les parties ne remettent pas en cause cette décision. La recourante se borne d'ailleurs à soutenir que le Tribunal arbitral aurait enfreint le droit suisse et, singulièrement l'art. 18 CO, en aboutissant à la solution retenue par lui. Il convient dès lors d'examiner le problème controversé sur la base du droit suisse.
En l'occurrence, il ressort clairement de la sentence attaquée que le Tribunal arbitral a établi que la volonté réelle et commune des parties n'était pas d'instituer une procédure devant un DRB en tant que mécanisme préalable obligatoire à l'arbitrage pour les différends liés à l'art. 3 de l'APG. Le passage suivant le confirme indubitablement (sentence, n. 271), étant rappelé ici que la jurisprudence fédérale considère le comportement adopté par les parties postérieurement à la conclusion du contrat comme un indice de leur volonté réelle:
"271. The post-contractual conduct of the Parties shows their mutual understanding that no standing DRB was to be established under the APG, i.e., that the reference in the penultimate paragraph of the APG to Clause 55 of the EPC Contract did not include the initiation of DRB proceedings before a standing DRB as pre-arbitral tier. Moreover, the fact that none of the Parties mentioned or initiated (ad hoc) DRB proceedings under the APG when the dispute arose implies that according to their mutual understanding no such proceedings had been agreed under the APG in case of a dispute under Clause 3."
Quoi que prétende la recourante, pareille constatation concernant la volonté réelle et commune des parties relève du domaine des faits et lie, partant, le Tribunal fédéral lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile dirigé contre une sentence arbitrale internationale. Aussi est-ce en vain que l'intéressée tente de remettre en question semblable constatation factuelle en présentant sa propre interprétation de l'APG et s'évertue à démontrer la signification exacte qu'il convient de donner selon elle à la locution "mutatis mutandis". Lorsqu'elle reproche par ailleurs aux arbitres d'avoir établi la réelle et commune intention des parties au sujet du problème considéré en violation de l'art. 18 CO, respectivement en appliquant de manière erronée au cas d'espèce les principes jurisprudentiels développés sur la base de cette disposition légale, la recourante perd de vue que le Tribunal fédéral ne peut revoir une constatation factuelle que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre de celle-ci. La Cour de céans ne peut dès lors pas revoir une constatation factuelle, sous prétexte que les arbitres auraient enfreint l'art. 18 CO. Aussi est-ce en pure perte que l'intéressée consacre de longs développements relatifs à la portée de cette norme en droit suisse. Pour le reste, la recourante s'en prend exclusivement à la motivation des arbitres et critique, de manière inadmissible, l'appréciation des preuves opérée par le Tribunal arbitral pour aboutir à la solution retenue par lui.
Il appert des considérations émises par lui dans la sentence attaquée que le Tribunal arbitral a bel et bien procédé, en premier lieu, à l'interprétation subjective de l'APG, quoi qu'en dise la recourante, et que cette interprétation lui a permis d'établir la réelle et commune intention des parties quant au sens à donner à l'application "mutatis mutandis" de la clause 55 du contrat EPC. Ce n'est qu'à titre subsidiaire que le Tribunal arbitral a procédé à une interprétation des déclarations et comportements des parties selon le principe de la confiance, méthode qui a confirmé le résultat auquel il avait abouti au terme de son interprétation subjective (sentence, n. 272: "... Even if it had not been possible to establish the Parties' common and real intent with the help of their post-contractual conduct, the conclusion that no DRB proceedings were agreed with regard to Clause 3 of the APG would follow from an objective interpretation of the APG under the principles established by the Swiss Supreme Court."). Vu la constatation factuelle opérée par les arbitres sur la base de l'interprétation subjective des manifestations de volonté des parties, il n'y a ainsi pas lieu d'examiner les critiques formulées par la recourante à l'encontre de cette motivation subsidiaire.
Au vu de ce qui précède, le moyen considéré est irrecevable.
6.
En second lieu, la recourante dénonce une violation de son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP). Critiquant les faits constatés dans la sentence attaquée, elle reproche, en substance, aux arbitres d'avoir ignoré trois arguments et éléments de preuve décisifs, lorsqu'ils ont analysé, dans le cadre de l'interprétation subjective, le comportement adopté par les parties après la survenance du présent litige.
6.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et les références citées). Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours. Ceux-ci pourront le faire en démontrant que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral (ATF 133 III 235 consid. 5.2).
C'est le lieu de préciser que le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF142 III 360 consid. 4.1.2 et les références citées).
6.2. Premièrement, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir omis de tenir compte de ce qu'elle avait fait part à son adversaire, lorsque le présent litige a éclaté, de sa compréhension selon laquelle les différends en lien avec l'APG devaient être soumis préalablement au DRB. A cet égard, elle en veut pour preuves les pièces C-81, R-59 et R-60 du dossier de l'arbitrage dont le Tribunal arbitral aurait omis d'évaluer l'importance.
Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer. Force est tout d'abord de relever que le Tribunal arbitral a fait référence, sous n. 262 et 264 de la sentence entreprise, aux pièces prétendument décisives auxquelles se réfère la recourante dans ses écritures, allant même jusqu'à en citer certains passages, ce qui démontre qu'il en a examiné le contenu avec attention. De plus, le Tribunal arbitral a considéré ce qui suit dans la décision attaquée (n. 263) :
"263. Respondent's proposal of a stand-still does not reflect its alleged understanding that an ad hoc APG DRB should decide over the APG dispute. Such an understanding has not been indicated in the correspondence....".
Il appert ainsi de ce passage, et de manière plus générale des considérations détaillées émises par le Tribunal arbitral dans la sentence entreprise, que celui-ci a écarté, à tout le moins de manière implicite, l'argument invoqué par la recourante. Pour le reste, force est de constater que l'intéressée, sous le couvert d'une prétendue violation de son droit d'être entendue, critique en réalité de manière inadmissible l'appréciation des preuves, notamment lorsqu'elle reproche aux arbitres de n'avoir pas "évalué l'importance" des pièces C-81, R-59 et R-60.
6.3. Deuxièmement, la recourante soutient que les arbitres, au moment de rechercher la volonté réelle et commune des parties, auraient omis de tenir compte d'une pièce décisive, à savoir le contrat conclu le 14 août 2015 entre sa société mère et l'intimée (pièce R-11). À cet égard, elle relève que le document en question contenait une clause de règlement des différends prévoyant un accès direct à la voie de l'arbitrage, sans préalable obligatoire à la mise en oeuvre de celui-ci, ce qui démontre que les parties savaient comment rédiger une telle clause lorsqu'elles entendaient renoncer à une procédure devant un DRB. S'il avait pris en compte cet élément, le Tribunal arbitral n'aurait ainsi pas pu, de l'avis de l'intéressée, aboutir à la solution qu'il a retenue.
En argumentant comme elle le fait, la recourante critique une nouvelle fois l'appréciation des preuves disponibles opérée par les arbitres et les conclusions qu'ils ont tirées sur cette base, ce qui n'est pas admissible. Quoi qu'il en soit, le Tribunal arbitral n'a pas ignoré la pièce en question, puisqu'il y a fait expressément référence dans sa sentence (n. 274). Il n'a en outre pas fait fi de l'argumentation développée à ce propos par la recourante, puisqu'il a correctement exposé sa thèse, sous n. 117 de la sentence querellée:
"117. Respondent states that unlike the Parent Company Guarantee [i.e. la pièce R-11), the APG does not contain a separate self-standing arbitration agreement permitting the Parties to resort directly to arbitration, which shows that the Parties knew how to agree on a one-step arbitration clause but did not provide for one for APG disputes. By contrast, according to Respondent, the insertion of the words " mutatis mutandis " would be the least obvious way to exclude DRB proceedings. Had it been the Parties' common intention to exclude DRB proceedings, they could have included a self-standing arbitration agreement in the APG....".
La lecture de la sentence attaquée démontre que cet argument n'a visiblement pas trouvé grâce aux yeux des arbitres, lesquels l'ont rejeté, à tout le moins implicitement, étant précisé ici que la recourante ne saurait obtenir des explications sur chaque détail du raisonnement tenu par eux. Sur la base de l'ensemble des éléments de preuve à sa disposition, le Tribunal arbitral a en effet considéré que la volonté réelle et commune des parties n'avait pas été d'instituer une procédure devant un DRB en tant que mécanisme préalable obligatoire à l'arbitrage pour les litiges en lien avec l'APG. Il a ainsi implicitement considéré que le simple fait que les parties, respectivement les entités apparentées à elles, aient rédigé différemment une clause de règlement des différends dans un contrat signé plusieurs mois après la conclusion de l'APG n'était en l'occurrence pas décisif.
6.4. Troisièmement enfin, la recourante prétend que le Tribunal arbitral aurait omis de prendre en considération le comportement adopté par elle postérieurement au mois d'août 2022. Sur ce point, elle rappelle avoir indiqué, à plusieurs reprises, au cours de la procédure d'arbitrage, qu'il était nécessaire de soumettre préalablement le litige divisant les parties à un DRB. Or, les arbitres n'auraient pas tenu compte de cet élément.
Semblable argumentation n'emporte nullement la conviction de la Cour de céans. Pour étayer sa thèse, l'intéressée se fonde notamment sur deux courriers datés des 9 et 26 septembre 2022 (pièces R-14 et R-80). Or, elle concède elle-même que les pièces en question ont été mentionnées par le Tribunal arbitral. Il appert en outre que le comportement adopté par la recourante postérieurement au dépôt de la requête d'arbitrage a été pris en considération par le Tribunal arbitral, celui-ci indiquant par exemple ce qui suit, sous n. 269 de sa sentence:
"269. It was only once Claimant had filed its Request for Arbitration in this arbitration that Respondent argued that Claimant did not comply with the applicable dispute resolution rules since it had not submitted the dispute to a DRB prior to arbitration....".
Les considérations émises par les arbitres dans la sentence attaquée démontrent qu'ils n'ont visiblement pas épousé la thèse de la recourante, selon laquelle elle avait réellement compris que le mode de règlement des différends arrêté par les parties impliquait de devoir soumettre obligatoirement le litige à un DRB avant d'initier la procédure d'arbitrage. Que les arbitres n'aient pas fait référence à certains passages déterminés des nombreuses écritures déposées par la recourante au cours du procès arbitral ne permet pas de retenir que le Tribunal arbitral aurait omis de prendre en considération le comportement de cette partie au cours de ladite procédure. Pour le reste, il est flagrant que la recourante, sous le couvert d'une prétendue atteinte à son droit d'être entendue, tente, ici encore, d'inciter la Cour de céans à se prononcer, par une voie détournée, sur l'appréciation des preuves des arbitres, ce qui est inadmissible. De même, les longs développements que l'intéressée consacre aux prétendues "erreurs de droit" commises par le Tribunal arbitral sont exorbitantes du moyen pris de la violation du droit d'être entendu au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP et, partant, irrecevables.
7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 200'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 250'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève.
Lausanne, le 30 octobre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo