TF 9C_984/2012

2012-2013

Art. 1 lit. f ; 2 par. 1 ; 3 par. 1 ; 10 par. 1 du Règlement (CEE) n° 1408/71

Le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté vise les travailleurs salariés qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs Etats membres et qui sont des ressortissants de l’un de ces Etats, ainsi que les membres de leur famille (art. 2 par. 1). Le ressortissant de l’UE qui, ayant exercé une activité salariée en Suisse avant de rentrer dans son pays d’origine, perçoit une rente de l’AVS suisse est compris dans la catégorie des travailleurs salariés (ATF 138 V 197 c. 4.2). En outre, si le travailleur salarié doit être ressortissant d’un Etat membre, pour le membre de sa famille, aucune condition de nationalité n’est par contre requise pour que le règlement lui soit applicable (9C_277/2007 c. 4.1).

La CJCE a apporté des restrictions à la protection que le règlement confère au membre de la famille selon que ses droits soient propres (soit ceux que la législation du pays qui sert les prestations lui alloue indépendamment de tout lien de parenté avec le travailleur migrant) ou dérivés (soit ceux dont il bénéficie en qualité de membre de la famille du travailleur migrant). Cette distinction entre droits propres et dérivés a eu pour effet dans un premier temps d’exclure les membres de la famille d’un travailleur du principe de l’égalité de traitement prévue à l’art. 3 par. 1 du règlement dans la mesure où les membres de la famille ne pouvaient prétendre qu’aux droits dérivés et non aux droits propres (C-40/76 Kermaschek, Rec. 1976 1669). La CJCE a toutefois par la suite limité la portée de cette jurisprudence en admettant que les membres de la famille d’un travailleur migrant pouvaient invoquer directement le principe de l’égalité de traitement prévu par l’art. 3 par. 1 du règlement n° 1408/71, même en relation avec leurs droits propres (C-308/93 Cabanis-Issarte, Rec. 1996 I-2097).

Le TF infère de cette jurisprudence européenne que les membres de la famille d’un travailleur migrant possèdent le droit originaire à un traitement égal en ce qui concerne toutes les prestations qui, par leur nature, ne sont pas exclusivement dues aux travailleurs, comme les prestations de chômage par exemple, et qu’ainsi, hormis les cas où il ressort du règlement que l’on est en présence d’une prestation dont seul le travailleur peut revendiquer le bénéfice sur une base non discriminatoire, les membres de la famille doivent se voir appliquer la législation de sécurité sociale de l’Etat d’emploi du travailleur dans les même conditions que ses nationaux.

Dans le cas particulier, dans la mesure où la Suisse ne fait pas obstacle au versement à l’étranger d’une rente AVS pour ses ressortissants (art. 18 al. 1 et 2 LAVS), l’époux péruvien d’une ressortissante britannique ayant exercé différentes activités lucratives en Suisse jusqu’en 1997, peut demander à être traité de façon non discriminatoire et à percevoir sa rente en Grande-Bretagne, où le couple réside depuis 2010.