Art. 9 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 55 al. 4 LPM, art. 59 lit. d LPM, art. 2 LCD, art. 3 LCD
Dans leur opposition aux mesures provisionnelles, les sociétés ECC ont fait valoir le caractère techniquement nécessaire de la forme des capsules Nespresso. Le fait que l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle ait procédé à l’enregistrement de ces capsules comme marque de forme avec la mention qu’il s’agirait d’une marque imposée ne dispense pas le juge d’examiner la validité de la marque ainsi obtenue. L’imposition par l’usage ne permet de valider une marque que si le signe considéré appartenait au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM, mais pas s’il constituait une forme techniquement nécessaire ou la nature même du produit, selon l’art. 2 lit. b LPM (consid. 2.3). Si une forme est techniquement nécessaire, sa protection est absolument exclue par l’art. 2 lit. b LPM sans qu’une imposition par l’usage n’entre en ligne de compte. À la différence des autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d’une forme constituant la nature même du produit ou techniquement nécessaire ne permet donc pas d’en obtenir la protection (consid. 2.3). Une invention tombée dans le domaine public à l’échéance de la durée de protection du droit des brevets (le brevet européen déposé par Nestlé sur les capsules Nespresso a expiré le 4 mai 2012) ne saurait être monopolisée une seconde fois par son enregistrement comme marque de forme renouvelable indéfiniment. En l’absence de formes alternatives permettant la même utilisation, ou si une autre forme présente des inconvénients empêchant une concurrence efficace, la protection doit être refusée. Il ne s’agit pas uniquement de savoir s’il est possible de produire une capsule différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Pour qu’elle constitue une forme alternative, il faut encore qu’elle n’entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il faut donc déterminer si la ou les forme(s) de ces capsules compatibles se distingue(nt) suffisamment dans l’esprit du public acheteur de celle(s) de la capsule Nespresso pour éviter d’entrer dans sa sphère de protection au sens de l’art. 3 LPM (consid. 2.3). Si la forme d’une capsule est techniquement nécessaire, les art. 2 et 3 LCD ne permettent pas d’interdire à un concurrent son utilisation, puisque toute concurrence deviendrait alors impossible et puisque la LCD ne saurait avoir pour effet d’accorder au produit litigieux une protection que la LPM lui refuse (consid. 2.3). S’agissant d’une question technique controversée et décisive, le juge cantonal aurait dû demander une expertise sommaire à un technicien indépendant qui permette d’élucider, au moins sous l’angle de la vraisemblance, la question de savoir si la forme des capsules Nespresso est ou non techniquement nécessaire. La décision du juge, qui a préféré trancher sans procéder à l’administration de cette preuve et sans disposer d’aucun élément de preuve sérieux, est entachée d’arbitraire (art. 9 Cst.) et doit être annulée (consid. 2.4).
N. Tissot, V. Salvadé, D. Kraus, P.-E. Ruedin, M. Tissot J. Dubois, V. Wyssbrod, L. Ghassemi, Y. Hazinedar