Propriété intellectuelle

Art. 16 al. 1 ADPIC ; 26 Cst. ; 2 lit. c, lit. d, 3 lit. a LPM ; 6 aLPAP ; 6, 9 LPAP

Les motifs absolus d’exclusion, comme la violation du droit, doivent être pris en compte également dans le cadre d’une procédure d’opposition, en particulier pour déterminer le champ de la protection de la marque opposante. Le TAF vérifie donc si le signe « Swiss Military » viole la LPAP pour prendre en compte une éventuelle violation dans la détermination du champ de protection dont bénéficie la marque opposante (consid. 5.1). Le terme « Swiss » peut aussi bien constituer une indication de provenance se rapportant à notre pays qu’une référence aux autorités administratives de celui-ci. En tant qu’indication de provenance, le terme appartient au domaine public et ne peut pas être monopolisé par un enregistrement de marque, de sorte qu’il reste d’une utilisation libre pour les tiers même s’il fait l’objet d’un enregistrement dans le cadre d’une marque comportant d’autres éléments distinctifs. En tant que référence aux autorités administratives de la Suisse, son utilisation peut être interdite. Les termes « militaire » et « armée » sont synonymes et font référence de manière non équivoque à la Confédération également dans leur traduction anglaise de « Military » (consid. 5.2.2). Le fait que la marque opposante considérée soit enregistrée pour des montres, qui sont assimilées par la jurisprudence à des éléments du matériel militaire, augmente le risque de confusion avec la Confédération plutôt qu’il ne l’exclut selon l’art. 6 aLPAP. En vertu de cette disposition en vigueur jusqu’au 1er janvier 2017, le signe « Swiss Military » revendiqué pour des montres ne pouvait ainsi pas être utilisé par d’autres entités que la Confédération (consid. 5.2.3). Depuis le 1er janvier 2017, date de l’entrée en vigueur des art. 6 et 9 LPAP, l’utilisation d’une dénomination désignant la Suisse comme entité administrative est exclusivement réservée à cette dernière indépendamment même de l’existence d’un risque de confusion. Selon le Message, les désignations officielles ne doivent plus être utilisées que par les collectivités ainsi désignées et leurs organes (ou éventuellement les entités tierces exerçant une activité étatique ou semi-étatique) au sens de l’art. 9 al. 2 LPAP. La marque opposante viole donc la LPAP révisée dans la mesure où le signe « Swiss Military » doit être qualifié de désignation officielle au sens de l’art. 6 LPAP ou est susceptible d’être confondu avec une désignation officielle et n’est pas utilisé par la collectivité qu’il désigne (au sens de l’art. 9 al. 1 LPAP). A la différence de ce qui valait sous l’ancien art. 6 LPAP, l’art. 9 al. 1 LPAP interdit désormais l’utilisation per se d’une désignation officielle et des termes susceptibles d’être confondus avec elle, par toute autre personne que la collectivité concernée. Ceci qu’il en résulte ou non un risque de confusion. Seules les exceptions des al. 2 et 3 de l’art. 9 entrent en ligne de compte ; soit pour les personnes exerçant une activité étatique ou semi-étatique selon l’al. 2 ; ou pour les utilisations en combinaison avec d’autres éléments verbaux ou figuratifs pour autant qu’un tel emploi ne soit ni trompeur, ni contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit (al. 3) (consid. 5.3.1). Le caractère contraire au droit d’un signe au sens de l’art. 2 lit. d LPM ne peut pas être réparé par un long usage selon la doctrine dominante et constante (consid. 6.2). Un courant minoritaire paraît admettre une imposition par l’usage, mais uniquement pour un signe trompeur au sens de l’art. 2 lit. c LPM qui aurait acquis avec le temps une autre signification de sorte qu’il ne serait plus susceptible d’induire le public en erreur (consid. 6.2.1). En l’espèce, la marque opposante étant constituée uniquement de signes qui ne peuvent pas être utilisés par sa déposante selon la LPAP, elle ne dispose par conséquent pas d’un champ de protection qui la dote d’une force d’interdiction lui permettant de faire opposition à la deuxième marque bien que celle-ci soit identique et destinée à des produits identiques (consid. 7). L’enregistrement d’une marque ne crée pas de droits acquis à une prétention en interdiction, l’examen de la validité d’une marque demeurant de la compétence des tribunaux civils. A fortiori, la simple privation d’un droit d’action entre parties, comme c’est le cas en l’espèce puisque le rejet de l’opposition n’empêchera pas les parties de saisir le juge civil pour déterminer laquelle d’entre elles dispose d’un droit préférable à la marque, ne saurait porter atteinte à la garantie de la propriété (consid. 8.1).

 

Art. 6ter CUP ; 26, 190 Cst. ; 2 lit. d, 28 al. 2, 29 al. 1, al. 2 LPM ; 14 al. 3, 35 LPAP ; 4, 5, 6 LPNEONU

La publication dans la Feuille fédérale du 12 mai 2009 du sigle « ADB » pour « Banque Asiatique de Développement » lui a conféré la protection de la loi fédérale concernant la protection des noms et emblèmes de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations intergouvernementales (LPNEONU). La marque litigieuse déposée comporte la suite de lettres « ADB » et reprend ainsi un signe distinctif protégé. La déposante prétend toutefois être, en vertu de l’art. 5 LPNEONU, au bénéfice du droit de continuer l’utilisation de ce sigle auquel elle a eu recours sous plusieurs formes depuis 1995 pour désigner son entreprise, ainsi que comme marque pour ses produits et services (consid. 2.3). La protection conférée par la LPNEONU aux signes distinctifs des organisations intergouvernementales va plus loin que celle minimale exigée par l’art. 6ter CUP. Cela vaut aussi pour la réglementation découlant de l’art. 5 LPNEONU (consid. 3.1). Tant la LPM que la loi sur la protection des armoiries suisses et autres signes publics consacrent un droit dérivé d’un usage antérieur. Ainsi, l’art. 14 al. 1 LPM prévoit, sous la note marginale « restriction concernant les signes utilisés antérieurement » que le titulaire ne peut pas interdire à un tiers de poursuivre l’usage, dans la même mesure que jusque-là, d’un signe que ce tiers utilisait déjà avant le dépôt. Une partie de la doctrine en tout cas considère que cette disposition n’autorise pas le bénéficiaire d’un droit d’usage antérieur à enregistrer après coup le signe qu’il utilisait préalablement sans l’avoir enregistré. A l’inverse, l’art. 14 al. 3 LPAP comporte une exception spécifique à l’interdiction d’enregistrement pour les signes pour lesquels le Département fédéral de justice et de police a accordé le droit de poursuivre l’usage en vertu de l’art. 35 LPAP. Cette disposition est destinée à tenir compte des intérêts des entreprises traditionnelles suisses et des associations qui utilisent depuis de nombreuses années les armoiries suisses ou un signe qui leur est similaire lorsque ces signes se sont imposés comme signes distinctifs dans le public. Le droit limité de poursuivre l’usage antérieur admis dans ces cas comporte la possibilité d’enregistrer le signe comme marque. Le but de cette réglementation est aussi en particulier d’améliorer la protection des signes correspondants à l’étranger (consid. 3.2). L’art. 5 LPNEONU prévoit que celui qui, avant la publication de la protection d’un signe par la LPNEONU, avait commencé à faire de bonne foi usage des noms, sigles, armoiries, drapeaux et autres emblèmes protégés, pourra continuer à en faire le même usage s’il n’en résulte aucun préjudice pour l’organisation intergouvernementale intéressée. L’intérêt public à la protection des signes distinctifs des organisations intergouvernementales l’emporte sur l’intérêt privé du titulaire du signe. L’art. 6 LPNEONU prévoit expressément que les signes dont l’emploi est interdit en vertu de cette loi et les signes susceptibles d’être confondus avec eux ne peuvent en particulier pas être enregistrés comme marques. L’art. 5 LPNEONU introduit uniquement un correctif permettant le respect des droits acquis. Il ne saurait être déduit des art. 4 et 5 LPNEONU que l’enregistrement d’une version modernisée et développée d’un signe utilisé jusque-là en vertu d’un droit acquis devrait être autorisé et ne saurait être refusé que s’il en résultait un préjudice pour l’organisation intergouvernementale concernée (consid. 3.2). Un motif d’empêchement absolu s’oppose à l’enregistrement de la marque déposée (art. 2 lit. d LPM en lien avec l’art. 6 LPNEONU). Le législateur a pris en compte l’intérêt du bénéficiaire d’un signe utilisé antérieurement dans le cadre de l’art. 5 LPNEONU. Cette réglementation de la LPNEONU lie le Tribunal fédéral au sens de l’art. 190 Cst. Il n’y a pas là d’atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété (consid. 3.3).

Art. 2 lit. a LPM

La société Apple Inc. a déposé en 2013 une demande d’enregistrement du signe APPLE en tant que marque auprès de l’IPI, pour des services de la classe 37 (construction, réparation, services d’installation, ...), ainsi que pour des produits des classes 14 (montres, bijoux, colliers, bracelets, ouvrages en métaux précieux, ...) et 28 (jeux, jouets, jeux vidéo, ...). L’IPI a refusé l’enregistrement pour une partie des produits des classes 14 et 28, au motif que le signe, en relation avec ces produits, serait dénué de force distinctive et appartiendrait donc au domaine public. Le TAF n’a admis que partiellement le recours d’Apple Inc. contre la décision de l’IPI. Dans l’examen de la force distinctive originaire d’un signe, il faut se baser sur le signe tel qu’il a été déposé, sans tenir compte de son usage effectif sur le marché. Pour déterminer si un signe est descriptif et appartient au domaine public, il faut d’abord examiner s’il a un sens littéral reconnaissable. Lorsqu’un mot a plusieurs significations possibles, il faut rechercher celle qui s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte des produits ou des services en cause. La signification des mots pouvant évoluer, il faut se baser sur la compréhension actuelle effective des destinataires pertinents. Le plus souvent, elle correspond au sens lexical du mot. Toutefois, si le public pertinent ne comprend plus un terme dans ce sens, mais le comprend avant tout comme une référence à une entreprise déterminée, il faut en tenir compte dans la procédure d’enregistrement (consid. 2.3.2). Les produits et services concernés s’adressent au grand public. La marque APPLE étant l’une des plus connues au monde, le terme n’est pas compris par le consommateur moyen avant tout comme désignant le fruit « pomme », mais comme une référence directe à une entreprise déterminée, bien qu’une partie considérable du public suisse connaisse la traduction littérale du mot dans les différentes langues nationales. Ainsi, contrairement à ce qu’a estimé l’instance précédente, APPLE est considéré par le destinataire moyen comme une référence directe à une entreprise déterminée, sans qu’il ait besoin d’avoir recours à une traduction, pour l’ensemble des produits revendiqués en classes 14 et 28. Pour tous ces produits, la marque APPLE est donc propre à distinguer les produits de la demanderesse de ceux des autres fournisseurs, et ne constitue pas un signe appartenant au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (consid. 2.3.3).

Art. 6quinquies lit. B ch. 2, ch. 3 CUP ; 22 ch. 1, ch. 3, 23 ch. 2 ADPIC ; 2 lit. a, 30 al. 2 lit. c, 47 al. 1, al. 2 LPM

Lorsqu’une marque comporte un nom géographique ou se compose exclusivement d’un nom géographique, elle incite en principe à penser que le produit en relation avec lequel elle est utilisée vient du lieu indiqué. C’est un fait d’expérience que la désignation géographique éveille chez le consommateur l’idée que le produit qu’elle couvre vient du pays désigné. La mention d’un nom géographique est donc habituellement comprise comme une indication de provenance. L’art. 47 al. 1 LPM définissant de manière large la notion d’indication de provenance, la mention d’un nom géographique suffit en principe (consid. 3.2.2.3). Un signe est exclu de la protection dès qu’il existe un risque de tromperie pour les clients potentiels, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’établir que des consommateurs se sont effectivement trompés. Un signe n’est en revanche pas propre à induire en erreur lorsque le nom géographique qu’il contient possède manifestement un caractère fantaisiste ou lorsque, pour d’autres motifs, il n’est pas compris comme une indication de provenance (consid. 3.2.2.4). Le caractère trompeur d’une dénomination géographique ne doit pas être examiné de manière abstraite, mais doit être apprécié à l’aune de toutes les circonstances particulières du cas d’espèce. Dans ce contexte, il convient de prendre en compte la notoriété du mot en tant que référence géographique et marque ; il faut également prendre en considération les rapports effectifs et étroits entre cette référence et les secteurs des produits revendiqués et entre la forme de la marque et les indications additionnelles qui peuvent accroître ou éliminer les risques de tromperie (consid. 3.2.2.5). Lorsqu’un mot comporte plusieurs significations, il faut rechercher celle qui, pour le consommateur suisse moyen, s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte de la nature du produit en cause. N’est pas considéré comme une indication de provenance le signe dont le contenu géographique n’est pas reconnaissable parce qu’une autre signification s’y rattache de manière plus étroite et, partant, modifie l’impression d’ensemble d’une manière telle que l’indication de provenance s’efface devant l’autre signification (consid. 3.2.2.6). Les produits alcoolisés de la classe 33 revendiqués en l’espèce s’adressent au grand public suisse âgé de plus de 16 ans, respectivement 18 ans, qui fait preuve d’un degré d’attention moyen mais plutôt superficiel. Ces produits sont également destinés au spécialiste de la branche qui fait lui preuve d’un degré d’attention accru (consid. 4.2). Les Directives de l’IPI ne sont qu’un instrument de travail qui ne lient ni l’autorité inférieure, ni les tribunaux. Il convient donc de retenir que, pour qu’un signe principalement perçu comme un nom géographique étranger n’appartienne pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM, il suffit que ce même signe fasse, pour les mêmes produits ou services, l’objet – en faveur de la personne qui demande la protection de ce signe en tant que marque en Suisse – d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique. Peu importe ainsi que ce signe soit dépourvu de force distinctive en Suisse (consid. 6.2.4). En vue de l’examen, sous l’angle de l’art. 2 lit. a et c LPM, d’un signe correspondant à un signe géographique étranger, il convient dans un premier temps de déterminer si les cercles des consommateurs suisses concernés perçoivent ce signe comme un nom géographique (consid. 8). S’il n’est pas perçu comme un nom géographique, le signe ne peut pas être compris comme une indication de provenance. Il ne peut par conséquent pas être descriptif de la provenance des produits et des services revendiqués et appartenir de ce fait au domaine au sens de l’art. 2 lit. a LPM (consid. 8.1.1). Le fait qu’un signe ne soit pas perçu comme un nom géographique (étranger) n’est toutefois pas suffisant pour retenir que ce signe n’appartient pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM. Il pourrait néanmoins être dénué de force distinctive (et/ou être frappé d’un besoin de libre disposition) en raison d’une signification non géographique dominante (voir sur point consid. 8.1.2 à 8.1.4), et appartenir de ce fait au domaine public (voir sur ce point consid. 9.1). Il peut cependant en tout cas être retenu qu’un signe qui correspond à un nom géographique étranger, mais qui, en Suisse, n’est pas perçu comme un nom géographique (étranger) n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition en Suisse (en raison du fait qu’il correspond à un nom géographique étranger) si ce même signe ou, du moins, un signe dans lequel le nom géographique en cause prédomine, fait pour les mêmes produits ou services l’objet d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (consid. 8.1.5). S’il n’est pas perçu comme un nom géographique, un signe ne peut pas être descriptif de la provenance des produits et des services revendiqués et appartenir de ce fait au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM. Il ne peut pas non plus être propre à induire en erreur quant à la provenance des produits et des services revendiqués au sens de l’art. 2 lit. c LPM (consid. 8.2). Si le signe est perçu comme un nom géographique, il convient tout d’abord de déterminer si cette signification n’est pas écartée par une autre signification dominante. Lorsqu’un mot est susceptible d’avoir plusieurs significations, il faut en effet rechercher celle qui s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte de la nature du produit en cause (consid. 9). In casu, le TAF retient, en application de l’arrêt du TF 4A_6/2013 du 16 avril 2013 « WILSON » que le signe « CLOS D’AMBONNAY » – qui correspond à un nom géographique étranger mais qui n’est pas principalement perçu comme tel – n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition en Suisse (en raison du fait qu’il correspond à un nom géographique étranger) du moment que ce même signe fait, pour les mêmes produits ou services, l’objet d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (consid. 9.1). Si un signe n’est pas principalement perçu comme un nom géographique, c’est également en vertu des règles habituelles qu’il s’agit de déterminer si sa signification dominante entraîne l’exclusion de sa protection au sens de l’art. 2 lit. c LPM (consid. 9.2). Enfin, si un signe est principalement perçu comme un nom géographique étranger par les cercles de consommateurs suisses concernés, l’ATF 117 II 327 « MONTPARNASSE » permet de retenir qu’il n’appartient pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM sur la base du seul fait que ce même signe fait, pour les mêmes produits ou services, l’objet – en faveur de la personne qui demande la protection de ce signe en tant que marque en Suisse – d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (voir consid. 11.1.1 à 11.1.3). Le TAF note encore que dans l’ATF 117 II 327 « MONTPARNASSE » qui porte sur la protection du signe « MONTPARNASSE » en Suisse, le fait que la recourante « S.T. Dupont SA » ait son siège à Paris, dans le quartier de Montparnasse, ne paraît pas avoir de portée particulière. Il peut dès lors être considéré que le domicile ou le siège de la personne en cause n’est pas déterminant et qu’il pourrait donc être situé dans un Etat tiers (consid. 11.1.3). Si un signe est principalement perçu comme un nom géographique étranger, l’ATF 117 II 327 « MONTPARNASSE » permet par ailleurs de retenir qu’il n’est pas propre à induire en erreur au sens de l’art. 2 lit. c LPM si sa protection à titre de marque n’est revendiquée que pour des produits fabriqués dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (consid. 11.2). Pour le TAF, il ne fait in casu aucun doute qu’au moins pour les spécialistes et une partie du grand public, le signe « CLOS D’AMBONNAY » est principalement perçu comme la désignation d’un vignoble ou d’un domaine de la commune française d’Ambonnay, c’est-à-dire comme un nom géographique étranger (consid. 12.3.3.1). En France, pour les produits revendiqués dans le cas d’espèce, l’utilisation du signe « CLOS D’AMBONNAY » est réservée à la seule recourante. Par conséquent, si le signe « CLOS D’AMBONNAY » est principalement perçu comme la désignation d’un vignoble ou d’un domaine de la commune française d’Ambonnay, sa protection ne saurait être exclue par l’art. 2 lit. a LPM, en vertu de la jurisprudence « MONTPARNASSE » (consid. 13.1.4). Si le signe « CLOS D’AMBONNAY » est principalement perçu comme un nom de fantaisie, il n’appartient dès lors pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (consid. 13.2.3). Pour le TAF donc, que le signe « CLOS D’AMBONNAY » soit principalement perçu comme la désignation d’un vignoble ou d’un domaine de la commune française d’Ambonnay ou comme un nom de fantaisie, il ne saurait appartenir au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (consid. 13.3.1). Le signe « CLOS D’AMBONNAY » n’est au surplus pas propre à induire en erreur au sens de l’art. 2 lit. c LPM puisque la provenance de tous les produits de la classe pour lesquels la marque fait l’objet d’une demande d’enregistrement en Suisse est limitée à Ambonnay France (consid. 14.1). L’enregistrement du signe « CLOS D’AMBONNAY » ne saurait non plus être contraire au droit en vigueur au sens de l’art. 2 lit. d LPM puisque sa protection en tant que marque ne peut pas être exclue par l’art. 22 ch. 3 ADPIC, ni non plus par l’art. 23 ch. 2 ADPIC (consid. 15.2).

Art. 2 lit. a, 28 al. 2 lit. c LPM

un signe est exclu de la protection du droit des marques dès lors qu’il est inacceptable même pour une partie seulement des produits ou des services rentrant sous l’indication générale (« Oberbegriff ») de la classe concernée. Cela est généralement admis par la doctrine et n’a pas été remis en cause par le TF. Selon l’art. 28 al. 2 lit. c LPM, il convient pour déposer une marque d’indiquer en particulier à l’IPI, la liste des produits ou des services pour lesquels la marque est revendiquée. Si cette liste est formulée par une indication générale, l’examen du signe intervient en fonction de tous les produits ou services imaginables qui peuvent être compris dans l’indication générale. Il suffit que le signe ne soit pas acceptable en relation avec l’un ou l’autre de ces produits ou services couverts par l’indication générale pour qu’il doive être refusé pour l’ensemble de cette indication générale, même s’il pourrait être admis pour certains des autres produits ou services entrant dans cette indication générale. Autrement, il serait possible de contourner un motif d’empêchement absolu pour un produit ou service déterminé par le fait que la protection serait demandée pour une indication générale largement définie (consid. 4.3). En vertu du principe de la spécialité, le caractère digne de protection d’un signe doit être examiné en fonction des produits ou services pour lesquels la demande d’enregistrement est déposée. L’examen doit donc intervenir pour chacune des classes revendiquées, indépendamment l’une de l’autre (consid. 5.1.2).

Art. 2 lit. a LPM

l’examen de la force distinctive d’un signe par rapport aux formes ou aux réalisations préexistantes intervient au moment de la décision sur son inscription au registre des marques (consid. 2). Les marques de position ne constituent pas une catégorie de marques particulières au sein de la LPM. Elles se caractérisent par la présence d’un élément distinctif qui demeure toujours le même et est invariablement apposé exactement au même endroit sur le produit. C’est la manière particulière d’apposer ou de disposer un élément distinctif en deux ou en trois dimensions sur le produit qui rend les marques protégeables. Ce n’est pas la position seule ou le signe isolé lui-même qui constitue l’objet d’une marque de position, mais la combinaison d’un élément distinctif avec une certaine position. La protection se limite ainsi à la combinaison entre les éléments distinctifs graphiques ou combinés et leur position sur le produit. Outre la force distinctive des signes de base, il convient de tenir compte de la force de leur position. Dans la mesure où elle est perçue par le cercle des destinataires pertinents comme un élément suffisamment caractéristique, et est donc suffisamment forte, la position peut en effet contribuer à mettre le signe dans un autre contexte. De même que n’importe quelle coloration monochrome ou configuration graphique d’un signe non protégeable ne suffit pas à le modifier suffisamment pour le doter de force distinctive, n’importe quelle position n’y suffit pas non plus. Il faut que la position soit effectivement perçue comme indicatrice de la provenance du produit. A la différence d’un élément non positionné, il faut que la position du signe constitue une énigme qui ne puisse être résolue autrement que comme un renvoi à la provenance industrielle du produit. S’il existe pour le segment des produits considérés une habitude dans la façon d’en désigner la provenance, les positions qui correspondent à cette habitude doivent être plus facilement admises comme constituant des indications de provenance. Plus la position est frappante et figure au premier plan sur le produit, plus elle doit être qualifiée de forte. C’est à l’occasion de l’examen de la force distinctive, dans chaque cas particulier, qu’il convient de déterminer si les cercles de destinataires pertinents voient un signe distinctif dans un élément figurant dans une certaine position sur un produit plutôt qu’un élément conditionné par la technique ou un simple ornement. La qualification de la marque de position (comme marque figurative, de forme ou d’un autre type) n’est pas déterminante dans l’examen de sa force distinctive. Il n’existe pas de règle particulière ou spécifique à l’examen des motifs absolus d’exclusion de la protection pour les marques de position. La perception que le cercle des destinataires pertinents a d’un signe peut cependant être influencée par le type de signes concernés. Ainsi, les signes qui consistent dans l’apparence même du produit ne sont habituellement pas perçus comme indicateurs de sa provenance industrielle (consid. 3.3.3). Le signe de base, lorsqu’il est examiné indépendamment de sa position qui détermine simultanément le contour de la couleur revendiquée en ce qu’elle correspond à l’entier de la semelle (externe) du soulier, consiste en une couleur déterminée qui est dépourvue de force distinctive originaire en lien avec des chaussures pour dames à talons hauts. Il s’agit d’un élément particulièrement faible du moment que, comme signe de base, il ne présente aucune configuration particulière concrète qui pourrait être, de manière originaire, perçue comme une indication de provenance. S’il ne s’agit certes pas d’une revendication de couleur sans délimitation. Les contours d’une semelle de soulier sont des signes banals et descriptifs pour des chaussures dans la mesure où ils sont perçus comme constituant une partie du produit lui-même. Aucun élément verbal ou graphique ne figure sur la semelle, alors que cela correspond à une certaine habitude dans le marché de la chaussure et que cela devrait y avoir habitué le consommateur. Qui plus est, le signe consiste en une coloration uniforme de la partie inférieure d’une chaussure pour dames à hauts talons qui peut se confondre avec l’apparence même du produit. Les signes qui constituent l’apparence même du produit ne sont généralement pas perçus comme indicateurs de sa provenance industrielle, mais seulement comme en déterminant la configuration particulière. Par analogie avec la marque de forme, il ne suffit pas, du point de vue de la force distinctive originaire, qu’un tel signe se démarque par sa configuration agréable ; il faut bien plutôt qu’il se distingue de manière frappante des configurations usuelles, dans le segment des produits revendiqués, au moment de la décision sur son enregistrement comme marque. Il est procédé à une comparaison avec les configurations effectivement présentes dans le secteur des produits concernés et non pas avec les demandes d’enregistrements comme marques intervenues pour des signes comparables. La particularité du signe à examiner ne consiste ni en une forme caractéristique ni en une configuration particulièrement frappante en elle-même, mais se limite au choix d’une couleur particulière pour une partie importante de la marchandise revendiquée, mais indissociablement liée à sa fonctionnalité et à sa superficie. Le fait que la couleur n’est, à la différence des semelles extérieures noires, brunes ou beiges, pas usuelle pour des chaussures pour dames à hauts talons, ne suffit pas à conférer une force distinctive au signe dans son ensemble. La couleur rouge, même dans un ton relativement criard comme celui qui est revendiqué en l’espèce, est souvent utilisée comme élément décoratif, en particulier pour les produits de la mode. Il existe aussi des chaussures pour dames à hauts talons dont la semelle extérieure est traitée en vert, jaune, bleu, violet ou rose. Le fait qu’une telle chaussure pour dames présente une semelle extérieure de couleur ne peut ainsi pas être considéré comme à ce point extraordinaire que cette caractéristique se distinguerait des configurations usuelles de façon si frappante qu’elle serait perçue à titre originaire comme une indication de provenance. La branche de la mode se caractérise aussi pour ce qui est des chaussures pour dames à hauts talons revendiquées, par une grande variété de formes et les créations y sont attendues, de sorte que le simple fait de colorer une partie de la surface d’un produit comme la semelle extérieure d’un soulier est attribué par le consommateur déterminant au produit lui-même et n’est pas perçu comme une indication de sa provenance. La coloration en rouge de la partie inférieure de la semelle constitue un élément de style esthétique qui ne se distingue pas suffisamment de la configuration à la mode des souliers pour dames à hauts talons, également lorsqu’on se place du point de vue des dames âgées de 20 à 65 ans qui sont sensibles à la mode et disposent d’une bonne surface financière, pour être perçue à titre originaire comme un élément additionnel faisant référence à la provenance du produit (consid. 3.3.4). Le recours est rejeté.

Commentaire
(publication ATF prévue)

Art. 6quinquies B ch. 2 CUP ; 5 ch. 1, 5 ch. 2, 9sexies ch. 1 lit. a PAM ; 8 al. 1 Cst. ; 2 al. 1 lit. a LPM

En dépit de la graphie particulière du signe « Ce’Real », qui peut, abstraitement, être compris de différentes manières, il faut admettre que, pour les consommateurs moyens, la marque ne diffère pas suffisamment du mot anglais « cereal » ou du mot français « céréale » sur les plans auditifs et visuels. Le signe « Ce’Real » est donc descriptif pour des denrées alimentaires (consid. 2.2-2.3). Lorsque le déposant invoque le grief de la violation du principe de l’égalité de traitement, il ne doit pas seulement présenter les signes par rapport auxquels il estime être discriminé, mais également démontrer en quoi ces situations étaient similaires, notamment au regard des produits et services enregistrés. Dans le cadre de l’examen de la violation du principe de l’égalité de traitement, une marque combinée ne peut pas être comparée à une marque verbale (consid. 2.3). L’IPI et le TAF ayant jugé que le signe était descriptif, il ne s’agit pas d’un cas limite (consid. 2.4). Le recours est rejeté dans la mesure où il peut être entré en matière (consid. 3).

TF 4A_38/2014 (d)

2013-2014

Art. 26, 190 Cst. ; 944 al. 1 CO ; 2 lit. a, 52 LPM ; 2, 3 al. 1 lit. d LCD

Pour les services financiers et les produits technologiques qui leur sont liés, le cercle des destinataires pertinent est composé des spécialistes du domaine financier, ainsi que des consommateurs moyens (consid. 3.3). Les critères régissant l’inscription d’une raison sociale au registre du commerce diffèrent de ceux employés pour l’inscription d’un signe au registre des marques. Il n’y a donc pas de violation du droit d’être entendu lorsqu’une autorité n’applique pas les conclusions d’une décision antérieure rendue en matière de registre du commerce à l’examen de la validité d’une marque similaire à la raison sociale. Cependant, rien ne s’oppose à prendre en considération cette décision dans un souci de cohérence (consid. 3.5). Le mot anglais « trader » est compris par le cercle des destinataires pertinent comme « Börsen- oder Wertpapierhändler ». Ce terme est donc descriptif des services financiers dans les classes 09, 36, 38 et 42 (consid. 3.5.1). La demanderesse a produit devant l’instance précédente une enquête démoscopique qui établit que seuls 2 % des personnes interrogées rapprochent le seul mot anglais « key » des notions de « haupt- », « wichtig ». Cependant, l’autorité précédente n’a pas constaté les faits de manière manifestement erronée lorsqu’elle retient que le cercle des destinataires pertinents comprendra le signe « KEYTRADER » dans le sens de « besonders wichtigen Händlers bzw. Wertpapierhändlers ». En effet, les résultats de l’enquête démoscopique n’excluent pas qu’une majorité des destinataires des services financiers en classe 36, 38 et 42 comprennent le terme anglais « key » en combinaison avec un autre mot, dans le sens de « haupt- », « wichtig » (consid. 3.5.2). L’autorité précédente viole le droit d’être entendu et procède à une constatation inexacte des faits lorsqu’elle rejette l’affirmation de la recourante, selon laquelle le signe « KEYTRADER » n’est pas un mot qui fait partie du vocabulaire anglais, sur la base des résultats de ses propres recherches, sans donner l’occasion aux parties de se prononcer sur ces éléments (consid. 3.5.3). Cependant, le fait que le signe « KEYTRADER » ne corresponde pas à un terme existant du vocabulaire anglais ne diminue pas le caractère descriptif de ces deux éléments. Le mot anglais « key » combiné à un substantif sert à renforcer l’importance de ce mot, tout comme c’est le cas pour le mot allemand « Schlüssel ». Il faut donc considérer que l’utilisation du mot anglais « key » en combinaison avec un substantif, est comprise par le cercle des destinataires comme un renforcement de l’importance de ce mot. Le signe « KEYTRADER » est donc compris par le cercle des destinataires pertinent comme désignant des « besonders wichtigen Händlers bzw. Wertpapierhändlers ». La marque est donc descriptive des produits et services financiers en classe 36, 38 et 42 (consid. 3.5.4). L’usage de la marque doit être établi pour le cercle des destinataires potentiels des produits et services visés et non seulement pour le cercle des clients effectifs (consid. 4.4). Le risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD doit être étudié concrètement et non abstraitement sur la base de critères d’évaluation établie pour le même signe, mais au regard du droit des marques (consid. 7.2.2).

Art. 72 al. 2 lit. b ch. 2, 76 al. 2, 90 LTF ; 2 lit. a LPM

Les signes dont le contenu significatif donne des indications sur les qualités des produits ou services auxquels ils se rapportent ou qui les vante ou les décrit d’une autre manière sont dépourvus de force distinctive. Un néologisme peut aussi être dépourvu de force distinctive si le cercle des destinataires suisses pertinent en comprend la signification sans effort d’imagination particulier. C’est l’impression d’ensemble que dégage le signe telle qu’elle restera marquée dans le souvenir du consommateur qui est déterminante pour juger de sa force distinctive (consid. 5.1). Le terme « post » est un élément du langage courant compris par le public suisse dans deux acceptions différentes, d’une part les services postaux eux-mêmes, d’autre part l’entreprise qui les fournit (consid. 5.2.1.1). L’ajout de la lettre « e » ‑ précédant le terme « post » ‑ sera compris par le public comme faisant référence de manière évidente à la « poste électronique », qu’un tiret sépare ou non les deux éléments (consid. 5.2.1.1.1). Le consommateur moyen comprend la signification de « select » déjà en raison de sa similitude avec les termes allemands « Selektion, selektionieren » ou français « élection, sélectionner ». Dans sa signification de « choisi, trié », « select » est aussi perçu comme ayant un caractère laudatif compris comme tel par le public déterminant (consid. 5.2.1.2). Le néologisme « ePostSelect » peut être facilement compris dans un sens large comme faisant référence à des services postaux électroniques de haute qualité ou à l’entreprise qui dispense de tels services, lesquels comprennent aussi la fourniture d’informations et le développement de services en matière financière (consid. 5.2.1.3). La dénomination « ePostSelect » est descriptive des produits ou services revendiqués et dépourvue de force distinctive les concernant. Elle appartient ainsi au domaine public sans que sa présentation graphique, dominée par l’élément verbal et une revendication de couleur jaune sans plus de précision, lui confère une force distinctive originaire (consid. 5.2.3). Ce d’autant que les caractères utilisés pour l’élément verbal et sa couleur noire sont usuels et peu frappants. L’absence de tiret entre le « e » et le concept de « Post » qui suit n’y change rien, tout comme non plus le fait que « Select » soit mentionné en gras (consid. 5.2.3). Contrairement à ce que le TAF a considéré, la conclusion subsidiaire faisant référence à un jaune « RAL 1004 Pantone C116/109U » ne permet pas non plus de conférer une force distinctive originaire à l’ensemble (consid. 5.3 et consid. 5.3.1), en particulier parce qu’elle ne change pas la perception qu’en aura le cercle des destinataires pertinent. Ceci même si le jaune en question s’est imposé comme marque pour certains des services (financiers et postaux) de la requérante, et est donc plus distinctif que la couleur jaune indéterminée revendiquée initialement. En vertu du principe de la maxime des débats, le TAF n’aurait dû examiner si une imposition par l’usage entrait en ligne de compte que si la requérante l’avait invoqué et revendiqué une protection du fait d’une telle imposition. Ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Le TAF n’aurait ainsi pas dû se demander si la nuance de jaune (RAL 1004 Pantone C116/109U) s’était imposée par l’usage, et aurait dû procéder à un examen abstrait de l’éventuelle force distinctive originaire de la marque telle que déposée (sans précision quant au type de jaune revendiqué) (consid. 5.3.2). Le recours est admis.

TF 4A_41/2014 (f)

2013-2014

Art. 28, 29 CC ; 2 lit. d, 52 LPM ; 7 al. 2 LPENCR ; 91 CPC

Il est de jurisprudence constante que toute utilisation non autorisée de l’emblème de la Croix Rouge ou de tout autre signe pouvant prêter à confusion avec lui est exclue, quels que soient les circonstances et le but de l’utilisation. La LPENCR interdit ainsi en particulier l’utilisation de l’emblème de la Croix Rouge comme élément d’une marque, sans égard à sa signification en lien avec les autres éléments de la marque pour les produits et/ou services auxquels la marque est destinée. Peu importe en particulier que l’utilisation concrète de la marque conduise ou non à un risque de confusion, par exemple que les produits et/ou services marqués puissent être pris pour des produits et/ou services protégés par les conventions de Genève ou qu’ils puissent être mis en relation avec le mouvement de la Croix Rouge. Il s’agit uniquement d’examiner si l’emblème protégé – de manière absolue – par la LPENCR (ou tout autre signe susceptible d’être confondu avec lui) est perçu comme un élément du signe déposé. L’élément en question doit ainsi être considéré pour lui-même, sans égard aux autres éléments – par exemple figuratifs ou verbaux – du signe déposé, de sorte que l’impression d’ensemble qui se dégage de ce signe n’entre pas en ligne de compte. Le but dans lequel le signe déposé est utilisé est sans importance, tout comme les produits et/ou services pour lesquels la protection est revendiquée. Il n’importe également que le signe soit utilisé comme « signe de protection » ou comme « signe indicatif » (consid. 5.3.1). L’inscription de la marque au registre des marques tenu par l’IPI n’exclut pas l’existence d’un risque de confusion entre cette marque et l’emblème de la Croix Rouge. La décision de l’IPI ne lie en effet pas le juge civil (consid. 5.3.2). En l’espèce, le léger écart entre la branche droite de l’élément figuratif litigieux et le reste de cet élément (parties gauche et centrale) est la seule différence existant entre ce signe et la Croix-Rouge. En raison de la proximité de l’élément en forme de carré rouge (branche droite) avec l’autre élément, ce léger écart ne suffit pas à reléguer au second plan l’image d’une croix rouge sur fond blanc. Le signe, bien que stylisé, apparaît toujours comme une croix rouge. En outre, si l’emblème de la Croix Rouge est protégé indépendamment du contexte dans lequel il est utilisé, le fait qu’en l’espèce la marque enregistrée soit destinée à des soins médicaux et des services de permanence médico-chirurgicale, ne fait que renforcer le risque que son élément litigieux soit perçu comme l’emblème de la Croix Rouge. L’existence d’un risque de confusion doit être retenue et le moyen tiré de la violation de l’art. 2 lit. d LPM admis (consid. 5.3.3). La manière dont la marque de la recourante est utilisée donne à penser que la Croix Rouge soutient ses activités et suscite un risque de confusion indirect dans l’esprit du public (consid. 6.5). L’élément figuratif litigieux (la croix rouge) est au cœur du litige et c’est l’utilisation de cet élément, intégré dans la marque de la recourante, que la Croix Rouge entend faire cesser. Il est indéniable que la Croix Rouge, au vu de sa renommée, ne peut être comparée à une simple marque secondaire et on ne peut reprocher à la Cour cantonale d’avoir retenu la valeur litigieuse fixée par la demanderesse (CHF 300’000. -), soit la valeur conférée en principe à une marque d’entreprise bien établie (consid. 7).

Art. 2 lit. a LPM

Le mot « You » ne peut pas être enregistré comme marque car il doit rester libre. Il fait partie des signes qui appartiennent au domaine public selon l’art. 2 lit. a LPM. Le pronom « You » fait partie du vocabulaire de base de la langue anglaise. Il n’est pas substituable et doit pouvoir être utilisé librement dans le langage publicitaire suisse comme moyen pour s’adresser aux consommateurs. En outre, il doit pouvoir être utilisé sans restriction dans des marques composées de plusieurs mots dont « You » fait partie. La monopolisation du mot « You » par une marque restreindrait son usage dans la publicité (consid. 4). Le fait d’accepter le mot « You » seul comme marque poserait problème lorsque d’autres déposants souhaiteraient obtenir des marques composées de plusieurs mots et contenant « You ». Il serait difficile de déterminer si la marque est trop similaire ou suffisamment distincte pour être enregistrée. Le fait de laisser « You » dans le domaine public n’empêche pas d’enregistrer des marques composées contenant le mot « You » (consid. 5.1). Le mot «You » doit rester libre car celui-ci permet de s’adresser à une personne, à un consommateur de manière générale et il n’y a pas d’alternative à ce mot (consid. 5.2). Le mot « You » est également trop banal pour avoir une quelconque force distinctive (consid. 5.3). Le juge civil est libre de décider si un mot peut être enregistré comme marque. L’inscription de ce dernier au registre du droit des marques ne représente qu’un indice et non une preuve qu’il s’agit d’une marque (consid. 5.4).

Art. 2 al. 1 lit. b LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM

L’examen du caractère éventuellement techniquement nécessaire des capsules de café Nespresso doit intervenir en se limitant à la forme des seules autres capsules qui sont compatibles avec les machines Nespresso (consid. 1). Le TF a rappelé dans sa jurisprudence Lego (cf. TF 4A_20/2012 du 3 juillet 2012, consid. 3.2) qu’au vu du caractère potentiellement illimité dans le temps de l’enregistrement d’une marque de forme, il convenait de ne l’admettre que dans la mesure où les concurrents ne s’en trouvaient pas prétérités en raison de la présence d’une forme alternative de même valeur, et que si le coût d’une telle forme alternative était plus élevé, même faiblement, le choix d’une autre forme ne pouvait leur être imposé (consid. 4). Il résulte de l’expertise sommaire diligentée par le tribunal que la forme conique des capsules est techniquement évidente mais pas absolument obligatoire pour une optimisation du système (consid. 5.aa) ; que leur forme varie chaque fois en fonction du matériau dans lequel ces capsules sont réalisées et qu’enfin une forme conique n’est pas techniquement nécessaire pour réaliser un « café normal » avec une machine Nespresso mais qu’elle s’impose par contre plus ou moins naturellement suivant le type de matériau dans lequel est réalisée cette capsule (consid. 5.aa). L’expert a retenu enfin que pour ressortir la capsule de la machine aussi, la forme conique n’est pas non plus absolument nécessaire, une forme cylindrique par exemple convenant également. Les formes qui constituent la nature même du produit, tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique, sont exclues de l’enregistrement comme marques. C’est le cas lorsque la fonction du produit suppose pour le public qu’une telle forme lui soit donnée (consid. 10.a). Dans le cas particulier, le public attend un produit qui lui permette de préparer un café avec une machine Nespresso, soit nécessairement une capsule. Il s’agit donc de vérifier si la marque enregistrée constitue la nature même d’une capsule de café pouvant fonctionner avec une machine Nespresso, ce que le tribunal n’admet pas en l’espèce, en particulier parce que les capsules Nespresso présentent des caractéristiques particulières qui les distinguent des autres formes possibles de capsules de café (consid. 10.b). Il résulte de ce qui précède qu’il n’a pas été rendu vraisemblable que la présence d’un motif absolu au sens de l’art. 2 lit. b LPM exclurait la forme des capsules de café Nespresso d’un enregistrement comme marque (consid. 11).

Art. 29 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 9 CC, art. 2 lit. b LPM

Le Tribunal de commerce du canton de Zurich a confirmé la nullité des marques de forme de Lego sur la base d’un examen du caractère techniquement nécessaire d’une forme tridimensionnelle, au sens de l’art. 2 lit. b LPM, effectué dans le cadre d’une expertise ordonnée par ce tribunal sur demande du Tribunal fédéral qui lui avait renvoyé la cause pour qu’il soit vérifié s’il existait des formes alternatives (tant compatibles qu’incompatibles avec les formes Lego), aussi pratiques, aussi solides et dont les coûts de production ne seraient pas plus élevés que ceux des formes contestées comme marques. Le Tribunal de commerce de Zurich a fondé son jugement sur la constatation des experts que chaque variante s’éloignant des formes géométriques de Lego conduisait à des coûts d’outillage supplémentaires, plus faibles pour les formes compatibles (11 à 30 %) et plus élevés pour celles qui ne l’étaient pas (29 à 54 %). L’expertise avait permis de poser que vu la durée de vie moyenne des outillages, les surcoûts de fabrication les plus bas oscillaient entre 1,326 et 4,927 % pour les formes compatibles et se montaient jusqu’à 50 % pour celles qui ne l’étaient pas. Lorsque dans son appréciation des preuves, le tribunal retient comme établi, sur la base d’une expertise obtenue à grands frais, que toutes les formes alternatives s’accompagnent de coûts de fabrication supérieurs à ceux des briques Lego et que, par conséquent, celles-ci doivent être considérées comme techniquement nécessaires au sens de l’art. 2 lit. b LPM, le principe de la répartition du fardeau de la preuve devient sans objet. Le grief de sa prétendue violation ne saurait donc être retenu (consid. 2). Une forme doit être considérée comme techniquement nécessaire au sens de l’art. 2 lit. b LPM si les autres possibilités existantes ne peuvent pas être imposées aux concurrents du déposant parce qu’elles sont moins pratiques, moins solides, ou parce qu’elles s’accompagnent de coûts de production plus élevés (consid. 3.1). Comme le monopole lié à l’obtention d’une marque de forme peut être illimité dans le temps, il faut que les formes alternatives à disposition des concurrents du déposant ne s’accompagnent d’aucun désavantage pour eux. Même un coût de production légèrement plus élevé constitue déjà un désavantage qui ne peut leur être imposé, en particulier en vertu du principe de l’égalité dans la concurrence. Ainsi, des coûts de production supplémentaires de 1,326 à 4,927 % suffisent pour que le recours à des formes alternatives ne puisse être rendu obligatoire aux concurrents des briques Lego (consid. 3.2). Lorsqu’elle a été invitée à le faire par le tribunal qui mène la procédure, la partie qui invoque ses secrets d’affaires pour refuser de transmettre des informations techniques à l’expert chargé de la réalisation d’une expertise dans le cadre de l’administration des preuves, ne peut se prévaloir d’une violation de son droit d’être entendu si les indications qu’elle donne ensuite sur ces questions dans sa détermination sur les résultats de l’administration de preuves sont considérées comme contradictoires et inacceptables par le tribunal au regard du principe de la bonne foi, et si ce dernier renonce à ordonner une nouvelle expertise demandée à ce stade seulement de la procédure sur ces mêmes questions (consid. 4.3.2).

Art. 9 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 55 al. 4 LPM, art. 59 lit. d LPM, art. 2 LCD, art. 3 LCD

Dans leur opposition aux mesures provisionnelles, les sociétés ECC ont fait valoir le caractère techniquement nécessaire de la forme des capsules Nespresso. Le fait que l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle ait procédé à l’enregistrement de ces capsules comme marque de forme avec la mention qu’il s’agirait d’une marque imposée ne dispense pas le juge d’examiner la validité de la marque ainsi obtenue. L’imposition par l’usage ne permet de valider une marque que si le signe considéré appartenait au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM, mais pas s’il constituait une forme techniquement nécessaire ou la nature même du produit, selon l’art. 2 lit. b LPM (consid. 2.3). Si une forme est techniquement nécessaire, sa protection est absolument exclue par l’art. 2 lit. b LPM sans qu’une imposition par l’usage n’entre en ligne de compte. À la différence des autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d’une forme constituant la nature même du produit ou techniquement nécessaire ne permet donc pas d’en obtenir la protection (consid. 2.3). Une invention tombée dans le domaine public à l’échéance de la durée de protection du droit des brevets (le brevet européen déposé par Nestlé sur les capsules Nespresso a expiré le 4 mai 2012) ne saurait être monopolisée une seconde fois par son enregistrement comme marque de forme renouvelable indéfiniment. En l’absence de formes alternatives permettant la même utilisation, ou si une autre forme présente des inconvénients empêchant une concurrence efficace, la protection doit être refusée. Il ne s’agit pas uniquement de savoir s’il est possible de produire une capsule différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Pour qu’elle constitue une forme alternative, il faut encore qu’elle n’entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il faut donc déterminer si la ou les forme(s) de ces capsules compatibles se distingue(nt) suffisamment dans l’esprit du public acheteur de celle(s) de la capsule Nespresso pour éviter d’entrer dans sa sphère de protection au sens de l’art. 3 LPM (consid. 2.3). Si la forme d’une capsule est techniquement nécessaire, les art. 2 et 3 LCD ne permettent pas d’interdire à un concurrent son utilisation, puisque toute concurrence deviendrait alors impossible et puisque la LCD ne saurait avoir pour effet d’accorder au produit litigieux une protection que la LPM lui refuse (consid. 2.3). S’agissant d’une question technique controversée et décisive, le juge cantonal aurait dû demander une expertise sommaire à un technicien indépendant qui permette d’élucider, au moins sous l’angle de la vraisemblance, la question de savoir si la forme des capsules Nespresso est ou non techniquement nécessaire. La décision du juge, qui a préféré trancher sans procéder à l’administration de cette preuve et sans disposer d’aucun élément de preuve sérieux, est entachée d’arbitraire (art. 9 Cst.) et doit être annulée (consid. 2.4).

Art. 2 lit. a LPM

Le terme « Bürgenstock » est compris par le cercle des consommateurs visés comme une montagne panoramique et presqu’île du lac des Quatre-Cantons. En lien avec les services revendiqués en classes 35, 41, 43 et 44, le signe « BÜRGENSTOCK » n’est donc pas distinctif (consid. 4.3 et 4.5). La recourante n’a pas rendu vraisemblable l’imposition comme marque dans le commerce du signe « BÜRGENSTOCK ». Un droit à la marque basé sur la protection de la bonne foi (ausserregisterliches Anrecht) doit également être nié (consid. 5.2-5.4).

Art. 2 lit. a LPM

Le slogan « TOGETHER WE’LL GO FAR » est compris par le cercle des destinataires (« ensemble nous irons loin »). En lien avec des services financiers et d’assurances (classe 36), il a, du moins pour les consommateurs francophones, une connotation laudative dès lors que ceux-ci le comprennent, sans recours à l’imagination, dans le sens « ensemble nous réussirons ». Le slogan « TOGETHER WE’LL GO FAR » relève de ce fait du domaine public (consid. 7.6 et 8.1).

Art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 LPM

Les produits revendiqués – vêtements, chaussures et chapellerie (classe 25) s’adressent surtout aux consommateurs finaux. Les indications géographiques sont exclues de la protection en tant que marques parce qu’elles sont considérées comme appartenant au domaine public. Cependant, ne constituent pas des indications géographiques les désignations que les milieux intéressés ne considèrent pas comme une référence à la provenance des produits ou services (consid. 3.1). Un sondage d’opinion de 504 personnes interrogées est dépourvu d’une force probante suffisante, un panel d’au moins 1000 personnes étant requis pour les produits et services destinés à des consommateurs moyens (consid. 5.2.4). Il ne suffit pas de publier un certain nombre choisi de réponses mais il est aussi nécessaire de publier les questions préalables si celles-ci ont influencé les réponses aux questions choisies (consid. 5.2.5 et 5.2.6). Il n’est pas contesté que Savannah est une ville de Géorgie, État du Sud-Est des États-Unis. Cependant, « Savannah » a d’autres significations. Il peut, notamment, s’agir d’un terme anglais qui se traduit par « savane » en français et se réfère à une forme de végétation, mais Savannah peut également désigner une race de chat (consid. 6.1). Lorsqu’un signe présente des significations diverses, il faut tenir compte de la signification qui, au regard des produits et services revendiqués, retient d’avantage l’attention des consommateurs (consid. 6.2). En l’occurrence, les consommateurs ont associé le signe « Savannah » à une forme de végétation plutôt qu’à la ville de Savannah située dans l’État de Géorgie. Il est clair que la savane comme forme de végétation ne donne pas une indication de provenance des produits et services revendiqués. Il en va de même de la savane comme une référence indirecte à la région de la savane africaine. L’argument, selon lequel la marque contestée est susceptible de tromper les consommateurs quant à la provenance du produit, ne peut être soutenu. (consid. 6.3).

Art. 2 lit. a LPM

Le signe « NOBLEWOOD », qui est constitué des mots « NOBLE » et « WOOD », peut revêtir plusieurs significations – fractionné ou considéré dans son ensemble. En lien avec les produits revendiqués en classes 2, 19 et 27, le consommateur moyen visé le comprendra sans autre comme signifiant « bois noble, somptueux » (« nobles, edles, prächtiges Holz ») (consid. 6.4 et 6.4.3). Le signe « NOBLEWOOD » énonce ainsi l’emploi prévu pour les produits revendiqués et les propriétés de leurs matériaux. Outre son caractère descriptif, le signe a également une connotation laudative. Il ne possède par conséquent pas de force distinctive et appartient au domaine public (consid. 7.2, 7.3 et 8).

Art. 2 lit. a LPM, art. 47 al. 4 LPM, art. 49 al. 1 LPM

Le terme « Savoy » n’est plus perçu comme une indication de provenance (« Savoie »), mais comme un synonyme de luxe et de prestige, de sorte qu’il n’existe aucune attente quant à la provenance en relation avec la désignation « Savoy » (consid. 5.2). La marque « B Royal Savoy Lausanne The Bürgenstock Selection (fig.) » est toutefois comprise comme une indication de provenance du fait qu’elle contient le nom géographique « Lausanne » (consid. 5.3). Le terme « Bürgenstock » constitue également une indication géographique, puisque le Bürgenstock est une montagne panoramique suisse connue dans le monde entier. Ce terme n’est cependant pas isolé : il est utilisé en lien avec le mot « Selection ». Or, la désignation « The Bürgenstock Selection » ne revêt aucun sens géographique et ne crée, par conséquent, aucune attente quant à la provenance (consid. 5.4). Même si les deux indications géographiques « Lausanne » et « Bürgenstock » faisaient penser à une indication de provenance, les conditions de l’art. 49 al. 1 en lien avec l’art. 47 al. 4 LPM seraient satisfaites attendu qu’elles se réfèrent toutes deux à la Suisse (consid. 5.6).

Art. 2 lit. a LPM

Le terme italien « FIDUCIA » signifie sans équivoque, en relation avec les services revendiqués en classes 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42 et 45, « confiance » ou « fiabilité » (consid. 5.3.1). Par conséquent, la marque « FIDUCIA » a, en tout cas pour les consommateurs italophones, un caractère laudatif et n’est donc pas distinctive (consid. 5.5).

Art. 2 lit. a LPM

L’adjectif « rhätisch » n’est pas une désignation de fantaisie, mais une indication de provenance (« bündnerisch » ou « aus Graubünden stammend ») (consid. 5.1.3-5.1.4). La recourante ne peut rien tirer du fait qu’elle bénéficie d’une certaine exclusivité, car sa concession est limitée dans le temps et d’autres concessions peuvent être accordées (consid. 5.1.4). Les noms « Bernina » et « Albula » sont également des indications de provenance (consid. 5.2.3, 5.3.3 et 5.5). Pour des produits des classes 9, 16 et 28, à l’exception des « Produits en papier et carton, non compris dans d’autres classes » (classe 16), les signes en cause sont descriptifs (du contenu thématique des produits) et appartiennent donc au domaine public. Pour des véhicules, notamment ferroviaires (classe 12), ils sont également descriptifs. Par ailleurs, ce n’est que dans la mesure où les services des classes 37, 39, 42 et 43 sont plus ou moins typiquement associés au train que les signes en cause appartiennent au domaine public (consid. 6.1-6.5). L’imposition comme marques des signes « BERNINABAHN » et « ALBULABAHN » n’est pas rendue vraisemblable par la recourante pour les services des classes 37, 39, 42 et 43, étant donné que ces signes sont utilisés avant tout dans un contexte historique ou pour désigner un tracé de ligne de train et qu’aucun moyen de preuve ne concerne la Suisse romande et la Suisse italienne (consid. 7.4-7.6). C’est à juste titre que l’IPI a admis que le signe « RHÄTISCHE BAHN » ne s’était imposé comme marque (dans toute la Suisse [consid. 8.2]) que pour les services qui forment le cœur d’une entreprise ferroviaire (classe 39) et non pas pour les autres services des classes 37, 39, 42 et 43 (consid. 8.1-8.6).

Art. 2 lit. a LPM

Le signe « MYPHOTOBOOK », constitué de trois termes appartenant au vocabulaire de base anglais, est compris par le consommateur moyen visé comme signifiant en allemand « mein Fotobuch » (consid. 4, 5.1 et 5.2). Ce signe est directement descriptif des services revendiqués (« Buchbindarbeiten » [classe 40]), attendu que la reliure de livres vise justement la fabrication d’un livre. De ce fait, le consommateur ne peut reconnaître dans ce signe, en l’absence d’un élément distinctif, une indication de la provenance commerciale. Partant, il appartient au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (consid. 6.2 et 6.3).

 Art. 2 lit. a et c LPM, art. 47 LPM

Les produits de mode et de cosmétique s’adressent principalement au public au sens large, lequel ne doit pas être nécessairement intéressé par la mode (consid. 5.6). Les villes de Burlington (Vermont/USA et Ontario/Canada) ne sont pas des destinations de masse pour le cercle des destinataires suisses déterminants et n’ont par ailleurs aucune signification économique ou politique prééminente pour celui-ci (consid. 6.4). Ces deux villes ne sont donc pas connues des destinataires visés, de sorte qu’ils n’associent pas le signe « BURLINGTON » à un lieu. « BURLINGTON » ne constitue de ce fait pas une indication de la provenance géographique (art. 47 LPM). Pour les produits revendiqués en classes 3, 14, 18 et 25, le signe n’appartient de ce fait pas au domaine public (art. 2 lit. a LPM) et n’est pas non plus trompeur (art. 2 lit. c LPM) (consid. 6.5). En raison des efforts publicitaires du déposant, et de son usage depuis des années en Suisse pour des vêtements (classe 25), la marque verbale « BURLINGTON » est perçue par le cercle des destinataires pertinents en Suisse comme une indication de la provenance commerciale ou comme un nom de famille. Le signe bénéficie donc d’une force distinctive (consid. 6.6-6.7).

Art. 2 lit. a LPM

Les mots sous-jacents (au terme « Frankonia ») « Franken » ou « Frank » ont de nombreuses significations géographiques et non géographiques (consid. 6.1). En allemand, « FRANKONIA » n’est plus compris comme une indication géographique, dès lors que cette région s’appelle désormais « Franken » (consid. 6.6). En italien et en français, les termes « Franconia » et « Franconie » ne revêtent plus aucune signification actuelle et ne sont guère plus utilisés dans la presse (consid. 6.7-6.9). Le signe « FRANKONIA (fig.) » n’est de ce fait pas compris comme une indication de provenance par le cercle des consommateurs visés et possède donc une force distinctive (consid. 6.13).

Art. 2 lit. a LPM

Le signe « QATAR AIRWAYS » (« Airline aus Katar ») est descriptif du contenu thématique des produits « Papier und Karton, Druckereierzeugnisse, Lehr- und Unterrichtsmittel » (classe 16) et appartient donc au domaine public (consid. 4.1.1-4.2 et 5.1-5.3). La simple allégation selon laquelle la recourante est la compagnie aérienne nationale du Qatar ne suffit pas pour considérer que le signe « QATAR AIRWAYS » n’appartient pas au domaine public en lien avec les services « Transportwesen ; Verpackung und Lagerung von Waren ; Veranstaltung von Reisen » (classe 39) (consid. 5.4). Le signe « QATAR AIRWAYS » n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition absolu, car il existe suffisamment d’alternatives pour désigner une compagnie aérienne du Qatar (consid. 6.1-6.3). La vraisemblance de l’imposition du signe « QATAR AIRWAYS » comme marque doit également toucher la Suisse italienne, ne peut pas résulter de l’utilisation du signe « QATAR AIRWAYS » à titre de raison de commerce, ne saurait concerner les produits de la classe 16 s’ils ne sont utilisés que comme produits accessoires, ne peut résulter de documents datant d’après le dépôt du signe et n’est pas établie par l’usage du seul élément « QATAR » ou d’un signe figuratif duquel le signe « QATAR AIRWAYS » ressort de manière modifiée, ce d’autant que les moyens de preuve couvrent une période de trois ans seulement. L’imposition du signe « QATAR AIRWAYS » comme marque n’est dès lors pas rendue vraisemblable par la recourante (consid. 7.2).

Art. 1 al. 1 LPM, art. 2 lit. a LPM

Un slogan est susceptible d’être enregistré comme marque au sens de l’art. 1 al. 1 LPM (consid. 4-4.2). La jurisprudence de la CJUE en la matière ne lie pas les autorités suisses (consid. 4.1). Un slogan peut être frappé d’un besoin de libre disposition (consid. 4.3). Le slogan en anglais « WE CARE ABOUT EYECARE » est compris (notamment « Wir sorgen/kümmern uns um Augenpflege/Augenfürsorge » ou « Wir nehmen Augenpflege wichtig ») par ses destinataires (consid. 6 et 7.2). En lien avec des « Appareils et instruments optiques » (classe 9) et des « Services médicaux, soins d’hygiène pour êtres humains ou animaux » (classe 44), il a un caractère descriptif et publicitaire, l’élément graphique du signe « WE CARE ABOUT EYECARE (fig.) » étant par ailleurs trop banal pour lui conférer une quelconque force distinctive. En revanche, en lien avec le service « Traitement de matériaux » (classe 40), le signe n’est ni descriptif ni frappé d’un besoin de libre disposition (consid. 7.3).

Art. 2 al. 1 lit. a LPM

Sont exclus de la protection du droit des marques, en raison de leur appartenance au domaine public au sens de l’art. 2 al. 1 lit. a LPM, les signes qui décrivent les caractéristiques, les formes, les propriétés, la quantité, la qualité, les références ou d’autres caractéristiques des produits pour lesquels la protection de la marque est revendiquée et qui ne contribuent ainsi en rien à leur identification ou à leur différenciation. Le caractère descriptif de telles indications doit être immédiatement reconnaissable par le public concerné sans effort de réflexion ou d’imagination particulier. Un slogan est ainsi exclu de la protection en tant que marque lorsqu’il correspond à une indication sur la qualité du produit pour lequel la protection est revendiquée, et que le caractère descriptif du slogan n’a pas besoin d’une fantaisie particulière pour être compris. Le TF examine librement la façon de délimiter le cercle déterminant des destinataires des produits ou services pour lesquels la protection de la marque est revendiquée. Il s’agit là d’une question de droit, comme l’est celle de savoir, dans le cas de biens de consommation courante, de quelle façon les destinataires appréhendent le signe sur la base du degré d’attention attendu (consid. 2.1). Le slogan EIN STÜCK SCHWEIZ, en relation avec les produits de classe 29 pour lesquels la protection est revendiquée (fromage de l’Emmental) ne peut pas être considéré comme ayant plusieurs significations; en relation avec les produits revendiqués, l’évocation de la tradition suisse – et les attentes en termes de qualité qui en découlent – dominent par rapport à d’autres significations possibles et ce, sans effort d’imagination particulier pour le destinataire moyen (consid. 2.3.1). Il n’est pas déterminant de savoir si le signe provoque immédiatement une association d’idées avec le produit en question. En l’espèce, le slogan EIN STÜCK SCHWEIZ fait directement référence au fait que le produit pour lequel la protection de la marque est revendiquée est un produit traditionnel, typiquement suisse. Le fait qu’il vante directement les qualités du produit est immédiatement et facilement reconnaissable, sans qu’un effort ou une imagination particulière, ou plusieurs étapes de raisonnement ne soient nécessaires (consid. 2.3.2). La « suissitude » du produit ne joue aucun rôle à cet effet (consid. 2.3.3). L’expression EIN STÜCK suivie d’un nom de pays est apparentée à la tournure de phrase EIN STÜCK HEIMAT (un morceau de patrie) et fait ainsi partie du langage général. Il s’ensuit que l’utilisation du slogan EIN STÜCK SCHWEIZ est immédiatement comprise comme étant descriptive par le cercle déterminant des destinataires. N’étant pas particulièrement originale, elle n’est pas non plus apte à rester dans la mémoire du public déterminant comme étant particulièrement propre à individualiser un produit. Enfin, en tant que tournure de langage usuelle, la suite de mots EIN STÜCK SCHWEIZ doit être laissée à la libre disposition du public (consid. 2.3.4).

Art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM

La demanderesse utilise les termes « Skin Caviar » pour des crèmes de beauté à appliquer sur la peau humaine et contenant des extraits de caviar. La défenderesse utilise l’association des mêmes termes pour des préparations (en particulier pharmaceutiques et diététiques) à avaler, entièrement dépourvues de caviar mais qui se veulent luxueuses. L’association des termes « Skin » et « Caviar » constitue une désignation de fantaisie dotée d’un caractère distinctif. Cependant, les termes « skin » et « caviar » en eux-mêmes appartiennent au domaine public (consid. 4.2), et les signes propres à induire en erreur sont exclus de la protection par le droit des marques (consid. 5.1). En l’occurrence, l’utilisation de l’association « Skin Caviar » pour des produits de soins corporels et de beauté à appliquer sur la peau humaine (classe 3) et contenant des extraits de caviar peut être protégée par le droit des marques (consid. 4.2). Il en va autrement pour l’utilisation de la même association pour des « préparations pharmaceutiques et diététiques à usage médical, compléments alimentaires à usage médical (classe 5) […] à base d’herbes ou d’extraits d’écorce de pin (classe 30), entièrement dépourvues de caviar » (consid. 5.6). Cette association est trompeuse car elle crée, pour le consommateur moyen, l’impression erronée que ces produits contiennent au moins des extraits de caviar. Le caractère trompeur d’une association s’apprécie en fonction du risque de confusion que la marque engendre pour le consommateur moyen (consid. 5.6). La marque de la défenderesse est ainsi nulle.

Art. 2 LPM, art. 47 LPM

Détermination des cercles des milieux intéressés, art. 47 al. 1 LPM ; risque de confusion et de tromperie lors de l’enregistrement du nom d’une ville comme marque. Les noms ou signes géographiques, qui peuvent être enregistrés comme marques, sont ceux qui, selon l’art. 47 al. 1 LPM « ne sont pas considérés par les milieux intéressés comme une référence à la provenance des produits ou services. » Les milieux intéressés peuvent être composés de plusieurs cercles. Chacun de ces cercles doit être pris en compte, peu importe sa taille. Si l’on prenait en compte uniquement le plus grand cercle, ce serait toujours le même – celui du public de manière générale – qui entrerait en considération (consid. 3.2.1). Si les milieux intéressés ne savent pas que le signe utilisé comme marque est un nom géographique, il n’y a pas de risque qu’ils prennent la marque pour une indication de provenance et il n’y a risque ni de tromperie, ni de confusion (consid. 3.3.3). Si un nom ou un signe géographique n’est pas considéré comme une indication de provenance aux États-Unis et qu’il peut être protégé comme marque dans ce pays, il n’y a pas de raison qu’il ne puisse pas être enregistré comme marque en Suisse (consid. 4.3).