Art. 24 OPP2
Conformément à l’art. 24 al. 2, 2e phr. OPP2, le revenu d’une activité lucrative susceptible d’être encore réalisé par les bénéficiaires d’une rente d’invalidité partielle – le «revenu résiduel» – peut être pris en compte dans le cadre du calcul de la surindemnisation.
Dans l’arrêt 134 V 64 consid. E.4.2.1, le TF était parvenu à la conclusion que dans le domaine de la prévoyance professionnelle, la surindemnisation des personnes partiellement invalides ne se calcule depuis le 1er janvier 2005, plus seulement sur la base de revenu effectivement réalisé, mais aussi sur la base du revenu raisonnablement exigible. Ce dernier est réputé correspondre au revenu d’invalidité pris en considération par l’office AI (principe de la congruence entre le revenu d’invalide et le revenu que l’intéressé pourrait encore vraisemblablement réaliser). La personne assurée a le droit d’être entendue sur sa situation personnelle et sa position concrète sur un marché du travail approprié au cas d’espèce. Le Tribunal fédéral exigeait déjà un devoir de collaboration correspondant de la part de la personne partiellement invalide.
Dans cet arrêt, le TF a repris et approfondi les notions de droit d’être entendu et de devoir de coopération de la personne partiellement invalide.
L’institution de prévoyance qui prévoit de réduire les prestations d’invalidité du régime obligatoire doit au préalable entendre l’assuré partiellement invalide sur les circonstances personnelles ou liées au marché de l’emploi qui lui rendent difficile ou l’empêchent de réaliser un revenu résiduel d’un montant aussi élevé que le revenu d’invalide. L’assuré partiellement invalide est, en contrepartie, tenu de coopérer. Concrètement, il doit alléguer et motiver les raisons personnelles déterminantes, ainsi que les possibilités effectives sur le marché du travail, qui l’empêchent de réaliser un revenu résiduel équivalant au revenu d’invalide, et fournir, si possible, des justificatifs, notamment donner la preuve que ses efforts pour trouver un emploi sont restés vains. Lors d’une réduction de la prestation de la part de l’institution de prévoyance, une simple communication écrite ne suffit pas pour que le droit d’être entendu soit garanti. Sa mise en œuvre requiert en règle générale une invitation expresse à s’exprimer sur la possibilité d’obtenir effectivement un revenu résiduel d’un montant équivalant au revenu d’invalide. L’institution de prévoyance est libre d’accorder à l’assuré un délai approprié pour faire valoir ses objections. Il suffit qu’elle lui accorde la possibilité de s’exprimer. Elle n’est pas obligée de recourir à l’exercice du droit de faire valoir ses objections. Mais, elle doit, de sa propre initiative, tenir compte des circonstances résultant du dossier.
D’un point de vue temporel, le droit d’être entendu ne doit pas être accordé au préalable, à savoir avant le moment de la prise en compte. La réduction de la rente d’invalidité versée dans le cadre de la prévoyance en raison d’une surindemnisation est donc déjà possible, pour la période écoulée, avant que le droit d’être entendu soit accordé une première fois (TF 9C_592/2009 c. E 3.3). Il n’existe aucune base juridique permettant d’accorder un délai de carence, de préavis ou d’adaptation.
Quant à la question de la prise en compte d’un revenu résiduel supposé réalisable équivalant au montant du revenu d’invalide déterminé par l’office AI, le TF précise que l’âge avancé n’exclut pas à lui seul l’exploitation de la capacité de travail résiduelle. L’influence de l’âge sur la possibilité de mise en valeur du potentiel existant sur un marché de l’emploi équilibré ne peut être jugée à partir de règles générales. Tout dépend des circonstances du cas concret, à savoir le type de problème de santé et la nature du handicap ainsi que ses conséquences. Le temps prévisible pour la reconversion et l’instruction de la personne invalide, et, dans ce contexte également, sa personnalité, ses compétences et ses aptitudes, sa formation, sa carrière professionnelle ou l’utilisation de son expérience professionnelle dans sa branche de formation initiale sont, entre autres, déterminants. Ces circonstances personnelles que l’institution de prévoyance a pu constater à partir des données dont elle dispose peuvent empêcher la réalisation d’un revenu si, très vraisemblablement, aucun autre employeur n’est disposé à engager la personne partiellement invalide dont la capacité d’activité résiduelle est fortement réduite. Du fait que cette personne est proche de la retraite au moment déterminant, dans le cas présent environ quatre ans, un employeur se refusera très vraisemblablement à prendre les risques qu’implique son embauche, notamment des absences liées à sa maladie et une longue période d’adaptation. Le TF a ainsi réfuté la supposition que le revenu d’invalide défini par l’office AI coïnciderait avec le revenu d’une activité lucrative raisonnablement exigible conformément à l’art. 24 al. 2 OPP2. En l’absence d’une telle congruence, l’institution de prévoyance ne pourra vraisemblablement pas réduire les prestations d’invalidité. La cause est renvoyée à l’instance précédente.
Le TF n’a pas répondu à la question de savoir si l’instance précédente doit renoncer dans la pratique à une prise en compte à partir d’un certain degré d’invalidité, et lequel. Il n’a pas non plus répondu à la question de savoir, si au regard du parallélisme dans le calcul de la surindemnisation entre la prévoyance professionnelle et les prestations complémentaires, il ne fallait pas retenir la même limite d’âge de 60 ans pour la prise en compte du revenu hypothétique du bénéficiaire d’une rente d’invalidité partielle, telle qu’elle est appliquée dans le domaine des prestations complémentaires.
Corinne Monnard Séchaud, avocate à Lausanne