Le Tribunal fédéral a jugé que l’affiliation rétroactive d’un assuré à l’institution de prévoyance pour la prévoyance professionnelle (obligatoire et surobligatoire) ne dépend pas de l’obligation en tant que telle de verser des cotisations de la prévoyance professionnelle, ni du versement effectif de celles-ci.
Commentaire
A l’occasion de deux arrêts récents et résumés dans la présente contribution, le Tribunal fédéral eu l’occasion de se pencher sur la problématique de la prescription dans le domaine de la prévoyance professionnelle.
1. Concernant la prescription du droit aux prestations, le Tribunal fédéral a rappelé que l’un des buts de la première révision de la LPP était d’éviter que les droits d’un assuré se prescrivent, par le seul écoulement du temps (« imprescriptibilité du droit à la rente de vieillesse, de survivants et d’invalidité » ; FF 2000 2538). L’art. 41 LPP, entré en vigueur le 1
er janvier 2005 dans le cadre du deuxième paquet de la première révision LPP, est applicable à l’ensemble de la prévoyance professionnelle (obligatoire et surobligatoire).
Le principe d’imprescriptibilité a des implications importantes pour les institutions de prévoyance, dès lors qu’elles doivent verser une rente à un assuré qui bénéficie d’un droit à la rente, même lorsque celui-ci fait valoir tardivement son droit (cf. S. Pétremand, Commentaire LPP et LFLP, Berne 2010, ch. 8 ad art. 41 LPP).
Selon le texte de l’art. 41 al. 1 LPP, il y a toutefois une limite : le principe de l’imprescriptibilité ne s’applique qu’aux assurés « qui n’ont pas quitté l’institution de prévoyance au moment où se réalise le cas d’assurance ». Le motif d’une telle restriction réside dans le fait que l’assuré qui a quitté une institution de prévoyance emmène en principe avec lui les prestations acquises, sous réserve du versement de la prestation de libre passage, une fois le droit reconnu (cf. p. ex.
TF 9C_1049/2010).
Dans un arrêt destiné à publication du 17 avril 2014 (
TF 9C_799/2013*), le Tribunal fédéral a toutefois remis en question l’interprétation de l’art. 41 LPP. En prenant en compte la teneur du Message du Conseil fédéral (FF 2000 2538ss) et le fait que les objectifs fixés concernant l’imprescriptibilité de la rente n’ont jamais été remis en question durant les débats parlementaires, le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion qu’il fallait entendre par « cas d’assurance » à l’art. 41 al. 1 LPP la survenance de l’incapacité de travail, et non l’invalidité. Cette règle d’interprétation propre à l’art. 41 al. 1 LPP doit être comprise comme une exception au principe rappelé à de nombreuses reprises par la Haute Cour, selon lequel il y a cas d’assurance uniquement lorsque l’invalidité est reconnue, et non lorsqu’une incapacité de travail survient (cf.
ATF 138 V 478 consid. 3 ;
ATF 134 V 32 consid. 3.4.2).
L’interprétation du Tribunal fédéral convainc.
Nonobstant les difficultés administratives auxquelles pourront être confrontées les institutions de prévoyance, il y a lieu de saluer cette décision, confirmant l’imprescriptibilité du droit des assurés. Cette règle doit s’appliquer, comme dans le cas d’espèce, pour les personnes que le législateur voulait précisément protéger, à savoir les personnes à qui un droit à une rente d’invalidité est reconnu postérieurement à la fin de son affiliation auprès d’une institution de prévoyance.
2. Dans un arrêt relatif aux conséquences pratiques d’une affiliation rétroactive (
TF 9C_640/2013*), le Tribunal fédéral a rappelé deux règles importantes.
Premièrement, l’affiliation rétroactive d’un assuré ne dépend pas du paiement effectif des cotisations. Il s’ensuit qu’une affiliation peut être fixée à une date antérieure à celle du versement des cotisations par l’employeur, du fait de la prescription.
Deuxièmement, le montant de rente de vieillesse dépend, en revanche, du paiement effectif des cotisations. En effet, dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 14ss LPP), le capital de prévoyance déterminant sur lequel se fonde le calcul des prestations de vieillesse obligatoires est formé de manière individuelle. Il y a donc une étroite relation entre les cotisations et le montant des prestations de vieillesse. Dans le domaine de la prévoyance surobligatoire (et dans les caisses dites « enveloppantes »), le principe selon lequel le montant de la rente de vieillesse est fixé en fonction des années d’assurance ou du capital accumulé individuellement s’applique également.
S’agissant du problème de la prescription des cotisations, le Tribunal fédéral, en complément à sa décision parue à l'
ATF 136 V 73, a considéré, à juste titre, que le délai de prescription (relatif) de cinq ans à compter de la connaissance de l’obligation de payer des cotisations (raisonnablement présumée) par l’institution de prévoyance n’était pas toujours applicable. Lorsqu’on doit admettre une violation qualifiée de l’obligation d’annoncer un employé et que l’institution de prévoyance a ignoré durablement et sans faute de sa part les faits justifiant le prélèvement de cotisations, il faut retenir une prescription (absolue) par dix ans, à compter de la naissance (virtuelle) de la créance individuelle de cotisations.
Auteur : Guy Longchamp