( [société ferroviaire d’Etat] c. B. [société anonyme de droit X.])
Destiné à la publication aux ATF. Recours contre la sentence rendue le 6 septembre 2013 par un tribunal CCI. Un tribunal arbitral siégeant en Suisse viole l’ordre public procédural s’il statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée s’attachant à une décision (arbitrale ou étatique) antérieure, que celle-ci ait été rendue sur territoire helvétique ou à l’étranger. Plus particulièrement, un tribunal saisi d’une prétention identique à celle qui a fait l’objet d’un jugement entré en force, rendu entre les mêmes parties par une juridiction étatique étrangère, devra déclarer la demande irrecevable si ledit jugement est susceptible d’être reconnu en Suisse en vertu de l’art. 25 LDIP. Question laissée ouverte : l’examen de la compétence indirecte du tribunal étatique étranger au regard de l’art. 25 let. a LDIP doit-il s’effectuer par référence à l’art. II al. 3 CNY, conformément à la jurisprudence fédérale actuelle, ou plutôt à la lumière de l’art. 7 LDIP, comme le soutient la doctrine qui a critiqué cette jurisprudence ? (consid. 3.1).
La condition relative à l’identité de l’objet du litige entre les deux procès est satisfaite lorsque les mêmes parties (ou leurs successeurs en droit) ont soumis la même prétention (ou son contraire), sur la base des mêmes faits. Les faits postérieurs à la date jusqu’à laquelle l’objet du litige était modifiable, soit le dernier moment où les parties pouvaient compléter leurs allégations et offres de preuves, ne sont pas couverts par l’autorité de la chose jugée (consid. 3.3).
En vertu de la parenté existante entre la question de la compétence et celle de l’autorité de la chose jugée, le TF examine librement les questions (y compris préalables) de droit permettant d’établir si les arbitres ont méconnu l’autorité de la chose jugée en statuant sur le litige qui leur était soumis (consid. 3.4).
Question laissée ouverte : une approche non formaliste de la notion de l’identité des parties – tenant compte du rôle singulier joué par une partie ayant participé à la procédure étatique mais absente dans la procédure arbitrale – peut-elle se justifier dans des cas spécifiques afin de faire barrage à d’éventuelles manœuvres visant à torpiller l’arbitrage (consid. 4.2.1) ?
In casu, la condition de l’identité de l’objet du litige n’était pas remplie car l’état de fait sous-jacent à la sentence arbitrale différait de celui qui avait pu être pris en considération dans le jugement étatique. Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal arbitral a écarté l’exception de la chose jugée (consid. 4.2.2-4.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler