(A. [Tommy Wiking] c. International Federation of American Football [IFAF], USA Football, Football Canada, Japanese American Football Association, Panamian Federation of American Football et B. [Richard MacLean]) ; recours contre la sentence rendue le 1er mars 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant reproche à la Formation arbitrale d’avoir statué au-delà des demandes dont elle était saisie. Le Tribunal fédéral rappelle que le principe « ne eat iudex ultra petita partium » n’est pas violé lorsqu’un tribunal arbitral donne aux demandes des parties d’autres qualifications juridiques que celles qu’elles lui ont présentées, ou s’écarte des conclusions des parties, pour autant qu’il n’accorde pas davantage que ce qui a été sollicité (consid. 3.2-3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Riccardo Coppa
(Club A. [club de football professionnel] c. B. [entraineur]) ; recours contre la décision rendue le 20 mars 2018 par le TAS ; le recourant reproche au TAS de ne pas lui avoir donné la faculté de s’exprimer – ce qui lui aurait permis de demander une restitution du délai – avant de rendre sa décision de non-entrée en matière sur l’appel pour cause de dépôt tardif de l’original de la déclaration d’appel. Le recourant ne prétend pas avoir été privé de la faculté d’invoquer des faits pertinents pour la question du respect du délai (ou la demande de restitution). Tout au plus s’essaie-t-il à démontrer que l’appel était recevable et qu’il était possible selon la doctrine de demander une restitution du délai – tout en s’abstenant de préciser que la doctrine subordonne ce remède (déduit du principe de la bonne foi) à la preuve d’un empêchement non fautif. Selon la jurisprudence pertinente, le tribunal arbitral n’a pas, en principe et sous réserve d’exceptions non réalisées en l’espèce, à inviter les parties à s’exprimer sur l’appréciation juridique des faits ou à les aviser du caractère décisif d’un élément de fait sur lequel il s’apprête à fonder sa décision (consid. 4.2-4.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Riccardo Coppa
(José Paolo Guerrero c. Fédération Internationale de Football Association [FIFA] et Agence Mondiale Antidopage [AMA]) ; recours contre la sentence rendue le 30 juillet 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant reproche à la Formation arbitrale d’avoir violé, à plusieurs égards, son droit d’être entendu. Tout d’abord, l’athlète considère que la Formation aurait omis de prendre en considération (i) des éléments importants qu’il aurait soulevés en relation avec les hypothèses susceptibles d’expliquer une éventuelle contamination de son échantillon et (ii) une pièce produite par l’une des intimées. Le recourant fait également valoir que l’argument juridique selon lequel la Formation était liée par le Règlement antidopage de la FIFA et que le principe de proportionnalité ne lui permettait pas de prononcer une suspension inférieure au seuil minimal réglementaire était imprévisible pour les parties. Quant aux prétendues omissions de la Formation arbitrale, le Tribunal fédéral constate, à la lecture de la sentence attaquée, que les arbitres ont bien pris en compte les hypothèses de contamination avancées par le recourant et les ont écartées (consid. 4.2.1). De même, il ressort du dossier que la pièce prétendument ignorée avait été prise en considération, fût-ce implicitement, par la Formation. Au demeurant, le recourant ne démontre pas en quoi ladite pièce était susceptible d’influer sur le sort du litige (consid. 4.2.2). Quant à l’argument de l’effet de surprise, le Tribunal fédéral écarte le grief du recourant au motif que la question de savoir si le prononcé d’une sanction inférieure à la durée minimale prévue par le Règlement, en vertu du principe de proportionnalité, était possible en l’espèce constituait précisément l’un des éléments centraux du litige (consid. 4.2.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Riccardo Coppa
(Comité International Olympique [CIO] c. X. [Alexander Legkov]) ; recours contre la sentence rendue le 23 avril 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant reproche à la Formation arbitrale d’avoir manqué à son devoir minimum d’examiner les problèmes pertinents et d’avoir fondé sa sentence sur des motifs imprévisibles. Le Tribunal fédéral relève, en particulier, que le fait de savoir si l’on peut inférer ou non la responsabilité individuelle d’un athlète à partir de la constatation de l’existence d’un « système de dopage institutionnalisé » et à grande échelle appliqué à une compétition à laquelle ce sportif a pris part sous le drapeau du pays organisateur est un point de droit qui échappe à la connaissance des juges fédéraux lorsqu’ils statuent sur un recours en matière d’arbitrage international. Cela étant, le recourant ne démontre nullement que la Formation aurait violé, par inadvertance ou malentendu, son droit à ce que ses allégués, arguments, preuves et offres de preuve importants pour la sentence à rendre fussent dûment pris en considération. Le Tribunal fédéral écarte également l’argument de l’effet de surprise invoqué par le recourant, non sans avoir rappelé que, conformément à sa jurisprudence, celui-ci n’est que très rarement admis (consid. 3.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Riccardo Coppa
(A. [Sara Errani] c. ITF et B [Nado Italia])
Recours contre la sentence rendue le 8 juin 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; la recourante, une joueuse de tennis professionnelle, reproche à la Formation arbitrale d’avoir violé son droit d’être entendue concernant la détermination du point de départ de la période de suspension prononcée à son encontre à la suite d’un contrôle antidopage positif. En particulier, la recourante fait valoir que la Formation aurait pris en compte des faits postérieurs à l’audience, sans que les parties aient eu la possibilité de s’exprimer à cet égard. Le Tribunal fédéral rappelle que, quand bien même le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle à caractère formel, il n’est pas « une fin en soi » (consid. 5.2.2). Partant, pour pouvoir prétendre à l’annulation de la décision attaquée, le recourant doit démontrer, en plus de la violation alléguée, que les éléments de fait, de preuve ou de droit prétendument ignorés par les arbitres « étaient de nature à influer sur le sort du litige » (consid. 5.2). En l’espèce, le Tribunal fédéral reconnait que la Formation arbitrale a violé le droit d’être entendue de l’athlète, en appréciant ses intérêts et en tenant compte des résultats qu’elle avait obtenus entre le moment de l’audience et le prononcé de la sentence (soit dans un intervalle de plus de 7 mois), sans qu’elle ait pu se déterminer sur ce point (consid. 5.7). Toutefois, le Tribunal fédéral considère qu’il n’est pas démontré que cette violation était de nature à influer sur le sort du litige, en particulier compte tenu du fait que les règles applicables laissent à l’entière discrétion des arbitres la possibilité de faire débuter la période de suspension à une date antérieure à celle de la sentence (consid. 5.8). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Riccardo Coppa
(X. [société spécialisée dans le consulting sportif] c. Confederación Sudamericana de Fútbol [CONMEBOL])
Recours contre la sentence rendue le 13 juin 2018 par le TAS (procédure arbitrale ordinaire) ; la recourante dénonce la violation de son droit d’être entendue et fait grief au TAS d’avoir totalement passé sous silence des faits pertinents pour l’application de la théorie de l’imprévision (clausula rebus sic stantibus). Le Tribunal fédéral relève qu’il ressort de la sentence attaquée que la Formation arbitrale a pris en compte les faits invoqués par la recourante et a admis, à tout le moins de manière implicite, que les événements en question ne présentaient pas un caractère imprévisible au moment de la signature du contrat par les parties. Sous le couvert d’une prétendue violation de son droit d’être entendue, la recourante critique en réalité l’appréciation des faits juridiquement pertinents par la Formation arbitrale, cherchant à provoquer par ce biais un examen de l’application du droit de fond, ce qui n’est pas admissible dans un recours en matière d’arbitrage international (consid. 4.6). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Riccardo Coppa
(Jérôme Valcke c. Fédération Internationale de Football Association [FIFA]) (destiné à la publication) ; recours contre la sentence rendue le 27 juillet 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant fait valoir la violation de son droit d’être entendu en relation avec le fait que la Formation arbitrale ne s’est pas prononcée sur le caractère interne ou international de l’arbitrage, estimant que la question était essentiellement dénuée de pertinence. Le Tribunal fédéral confirme que la question de savoir si l’arbitrage était régi par les dispositions de la troisième partie du CPC ou celles du chapitre 12 de la LDIP était dénuée d’importance pour la procédure devant le tribunal arbitral. Le droit d’être entendu ne peut pas être invoqué pour une question qui n’est pas pertinente aux fins de trancher le litige. De plus, un tribunal arbitral, contrairement à une autorité cantonale, n’est pas tenu d’indiquer les voies de recours contre la sentence et, dans tous les cas, le Tribunal fédéral examine sa compétence d’office, sans être lié par les indications de l’autorité inférieure à cet égard (consid. 2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Riccardo Coppa
(A. [footballeur professionnel brésilien] c. B. [agent de joueurs] et Fédération Internationale de Football Association [FIFA])
Recours contre le Termination Order prononcé le 10 septembre 2018 par le Président suppléant de la Chambre d’appel du TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant fait valoir la violation de son droit d’être entendu en relation avec sa lettre au TAS par laquelle il demandait la continuation de la procédure arbitrale nonobstant le non-respect des exigences formelles prévues à l’art. R31.3 du Code d’arbitrage du TAS. Le Tribunal fédéral relève qu’avant de rendre l’ordonnance de clôture, le Président suppléant avait donné au recourant l’occasion de s’exprimer et que, par ailleurs, le Termination Order fait expressément référence à sa lettre. Par conséquent, bien que le Tribunal fédéral considère la décision attaquée « pour le moins laconique » (consid. 4.5.1), il convient de retenir que le Président suppléant a écarté du moins implicitement les arguments avancés par le recourant, de sorte que son droit d’être entendu a été respecté. En tout état de cause, une violation du droit d’être entendu est exclue, car les considérations tout à fait générales formulées par le recourant n’étaient pas susceptibles d’influencer l’issue du litige (consid. 4.5.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Riccardo Coppa
(Mokgadi Caster Semenya c. International Association of Athletics Federation [IAAF] et Athletics South Africa [fédération sudafricaine d’athlétisme, membre de l’IAAF]) ; ordonnance sur mesures provisionnelles et demande d’effet suspensif dans le cadre du recours contre la sentence rendue le 30 avril 2019 par le TAS (procédure d’arbitrage ordinaire) ; simultanément au dépôt du recours contre la sentence du TAS, la recourante a demandé l’effet suspensif et requis des mesures superprovisionnelles urgentes. Statuant à titre superprovisionnel (ordonnance du 31 mai 2019), le Tribunal fédéral avait accepté la demande de la recourante et ordonné à l’IAAF de suspendre immédiatement l’application du règlement litigieux (à savoir le « Règlement régissant la qualification dans la catégorie féminine – pour les athlètes présentant des différences du développement sexuel », abrégé dans l’arrêt « Règlement DDS ») à son égard. Statuant présentement à titre provisionnel, le Tribunal fédéral rappelle qu’en principe le recours en matière civile n’est pas assorti d’effet suspensif (art. 103 al. 1 LTF). Le juge instructeur peut toutefois, d’office ou sur requête d’une partie, statuer différemment sur l’effet suspensif (art. 103 al. 3 LTF) ou ordonner d’autres mesures provisionnelles (art. 104 LTF). Ce faisant, le juge doit effectuer une pesée des intérêts et se demander, en particulier, si la décision attaquée est de nature à entraîner un préjudice irréparable pour la partie recourante, mais aussi prendre en considération, dans la mesure du possible à ce stade, les chances de succès du recours. Le Tribunal fédéral rappelle que, selon sa pratique « stricte », l’effet suspensif, de même que toute autre mesure provisionnelle, ne peut être accordé que si, prima facie, « le recours apparaît très vraisemblablement fondé » (consid. 1). L’athlète fait valoir, dans son mémoire de recours, que la sentence du TAS est contraire à l’ordre public matériel à un double titre. Premièrement, la recourante dénonce le fait que la sentence attaquée constitue une violation de l’interdiction de discrimination. Deuxièmement, elle se plaint de la violation injustifiée de ses droits de la personnalité et de sa dignité humaine (notamment en s’appuyant sur la CEDH). Sur le premier des deux arguments, le Tribunal fédéral relève qu’« il est douteux » que l’interdiction de discrimination entre dans le champ d’application de la notion d’ordre public (matériel) au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. Même à vouloir l’admettre, le grief n’apparait pas « très vraisemblablement fondé », compte tenu de l’examen approfondi effectué dans la sentence par la Formation arbitrale, qui avait jugé que le règlement litigieux crée certes une « différenciation fondée sur le sexe légal et les caractéristiques biologiques innées », mais que cette mesure était néanmoins justifiée, à savoir nécessaire, raisonnable et proportionnée (consid. 3.1). Quant au deuxième argument de la recourante, le Tribunal fédéral rappelle qu’il a déjà jugé que la CEDH ne s’applique pas directement à l’arbitrage (TF 4A_178/2014). De plus, l’argumentation de la recourante n’emporte pas la conviction du Tribunal fédéral quant au caractère « très vraisemblablement fondé » de la violation alléguée (consid. 3.2). De même, aux yeux du Tribunal fédéral, il n’apparaît pas de façon évidente que la situation de la recourante soit comparable à celle du footballeur brésilien Matuzalem (ATF 138 III 322) (consid. 3.2 in fine). Requête rejetée.
Antonio Rigozzi, Riccardo Coppa
(X. Inc. [société sise aux Iles Vierges Britanniques] c. Z. Ltd. [société sise à Hong Kong]). Recours contre la sentence rendue le 23 novembre 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI.
Le Tribunal arbitral constate dans sa sentence qu’un séquestre a été régulièrement validé par une action en reconnaissance de dette. Le Tribunal fédéral et la doctrine reconnaissent la possibilité pour l’action en validation de séquestre d’être soumise à un tribunal arbitral. Qu’un tribunal arbitral soit compétent pour statuer sur l’existence de la créance formant l’objet de l’action en validation de séquestre et condamner le débiteur à s’exécuter n’implique pas nécessairement qu’il puisse aussi se prononcer sur une conclusion en mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer prise par le créancier demandeur. C’est le contraire qui est vrai. Le prononcé de mainlevée est un incident de pur droit des poursuites qui ressortit exclusivement à une autorité étatique et échappe, partant, à la compétence d’un tribunal arbitral, faute d’arbitrabilité. L’exception d’incompétence du tribunal arbitral doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond, sous peine de forclusion (art. 186 al. 2 LDIP). La question de savoir si l’exception d’inarbitrabillité obéit à la même règle est controversée. En l’espèce, elle peut être laissée ouverte car l’action en reconnaissance de dette est arbitrable (consid. 3.2.2.1), et le chef du dispositif de la sentence où le Tribunal constate, sans en avoir la compétence, que le séquestre a été « valablement validé » est à la fois superflu et sans portée propre. Dès lors, la recourante ne peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection pour conclure à l’annulation de la sentence sur cette base (consid. 3.2.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(A.[avocat] c. Stiftung B. [Fondation indépendante à but non lucratif de droit allemand]). Recours contre la sentence incidente rendue le 5 octobre 2017 par un Tribunal arbitral ad hoc.
Clause d’arbitrage contenue dans un contrat de mandat conclu entre A. et le feu Dr C., dont la fondation B. était seule héritière, au sujet de la Corporation X. Refus de A. de transférer à B. le certificat d’actions de X. qu’il détenait pour le compte du Dr C. Ce faisant, A. alléguait exercer un droit de rétention découlant de créances dont il était titulaire, en rapport avec le mandat et d’autres accords. Argument de A. selon lequel le Tribunal arbitral n’était pas compétent pour décider de toutes les prétentions à l’origine du droit de rétention. Si l’interprétation de la convention d’arbitrage ne permet pas d’établir l’intention commune des parties, elle doit être interprétée à la lumière du principe de confiance. En l’espèce, malgré le choix d’une formulation peu expansive pour décrire la portée de la clause d’arbitrage (visant les différends « découlant du présent contrat »), rien n’indique que les parties souhaitaient restreindre la compétence du Tribunal arbitral dans leur convention. La clause d’arbitrage contenue dans un contrat s’applique en principe également aux différends relatifs à la formation et à la résiliation de ce contrat, ainsi qu’aux droits accessoires par rapport aux obligations principales résultant du contrat. Le Tribunal arbitral a donc eu raison de se déclarer compétent pour toutes les prétentions du recourant en lien avec le mandat et sa résiliation, y compris les éventuelles créances présentant un tel lien et couvertes par le droit de rétention invoqué par lui (consid. 3.2-3.5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(A. [veuve du défunt chef d’orchestre C.] c. B. GmbH [label de disques, filiale fille du groupe D.]). Recours contre la sentence du 5 octobre 2017 rendue par un Tribunal arbitral ad hoc.
Reproche fait au Tribunal d’avoir tranché divers points litigieux qui ne lui étaient pas soumis et d’avoir omis de statuer sur d’autres requêtes. Contrairement à ce que soutient la recourante, le Tribunal arbitral a statué uniquement sur les questions qui lui étaient soumises, quitte à donner une définition plus générale de certaines requêtes spécifiques, et – sans jamais accorder d’aliud – il n’a approuvé que partiellement quelques-unes des requêtes de la recourante (consid. 2.2.-2.5). Recours rejeté (voir également le consid. 3.3 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(Société X. c. Z.). Recours contre la sentence finale rendue le 16 avril 2017 par un Tribunal arbitral CCI.
En matière d’arbitrage international, le droit de faire procéder à une expertise, qui est rattaché au droit d’être entendu, est reconnu par le Tribunal fédéral à certaines conditions. La réquisition de l’expertise doit être faite de manière expresse, dans les formes convenues et en temps utile. La partie requérante doit, cas échéant, accepter d’en avancer les frais. L’expertise requise doit porter sur des faits pertinents, c’est-à-dire susceptibles d’influer sur la sentence, et être propre à prouver ces faits. Une requête d’expertise peut, dès lors, être rejetée si elle n’est pas accompagnée des documents et pièces indispensables à l’exécution de la mission de l’expert. Le tribunal arbitral peut refuser l’administration d’une preuve, sans violer le droit d’être entendu, quand bien même les parties la requièrent de concert, lorsque l’une ou l’autre des conditions rappelées ci-dessus n’est pas réalisée (consid. 3.1 et 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(A., B. [deux sociétés apparentées ayant leur siège à Doha] c. Z. [société avec laquelle A. avait conclu un contrat d’agence]). Recours contre la sentence finale rendue le 9 août 2017 par un Arbitre unique CCI.
L’octroi de délais différents aux parties pour soumettre leurs écritures ne constitue pas nécessairement une inégalité de traitement (consid. 3.2.1). Selon la jurisprudence, le tribunal arbitral doit traiter les parties de manière semblable à toutes les étapes de la procédure. Ratione temporis, le champ d’application de cette garantie est limité à la phase de l’instruction, à l’exclusion de celle de la délibération du tribunal. Ainsi, il n’est pas admissible de remettre en cause la décision du tribunal arbitral quant à la répartition des dépens sous l’angle de l’égalité de traitement (consid. 3.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(X. S.P.A [société de droit italien] c. Z. GmbH & Co [société de droit allemand]). Recours contre la sentence finale rendue le 16 août 2017 par un Tribunal arbitral CCI.
Pour permettre au Tribunal arbitral de mener à bien sa mission, un expert est engagé d’abord comme médiateur entre les parties et ensuite, si les parties ne trouvent pas d’accord sur tous les points de leur litige, comme expert judiciaire appelé à répondre aux questions des Arbitres. La recourante reproche au Tribunal arbitral d’avoir modifié unilatéralement la mission de l’expert, malgré l’accord formel passé avec les parties à ce sujet, et d’avoir refusé de se justifier quant à cette manière de procéder. En réalité, le Tribunal a consulté les parties avant le début de la mission de l’expert, pendant celle-ci, et après que le rapport d’expertise ait été rendu. En outre, les Arbitres ne se sont pas substitués à l’expert en modifiant sa mission, mais se sont cantonnés à fournir des instructions fondées sur des considérations juridiques, dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation anticipée des preuves. Le Tribunal arbitral a agi à juste titre et a ainsi pu éviter une augmentation non nécessaire des frais de la procédure probatoire ; cette dernière avait déjà duré plus de cinq ans durant lesquels les parties avaient à de maintes reprises motivé leurs points de vue respectifs (consid. 3.2.2-3.2.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
( [joueur de football professionnel] c. Z. Ltd [club de football professionnel israélien]) ; Recours contre une sentence rendue le 11 septembre 2017 par le TAS (procédure d’arbitrage ordinaire).
Recours faisant grief à l’Arbitre d’avoir statué sur un autre état de fait que celui que les parties lui avaient soumis. Une inadvertance du tribunal arbitral n’équivaut à une violation du droit d’être entendu que si elle a empêché la partie qui dénonce semblable violation de faire valoir ses arguments et de fournir les éléments de preuve nécessaires sur une question pertinente pour la solution du litige (consid. 3.3). En l’espèce, au vu du raisonnement suivi dans la sentence, les erreurs commises (et expressément reconnues dans la procédure de recours) par l’Arbitre unique n’ont pas eu d’impact sur l’issue du litige (consid. 3.3.3). Confirmation de la jurisprudence selon laquelle le Tribunal fédéral ne partage pas l’opinion doctrinale qui veut que les parties peuvent compléter l’état de fait retenu dans la sentence (seul soumis à la cognition des juges fédéraux au stade du recours) par référence aux preuves présentées dans l’arbitrage, quand bien même celles-ci font partie du dossier de la cause (consid. 3.3.1.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(A. [veuve du défunt chef d’orchestre C.] c. B. GmbH [label de disques, filiale fille du groupe D.]). Recours contre la sentence du 5 octobre 2017 rendue par un Tribunal arbitral ad hoc. Le droit des parties à une expertise n’est pas absolu. Le tribunal arbitral n’a pas à entendre l’avis d’un expert pour interpréter des dispositions contractuelles. Cette tâche est du ressort des arbitres et le recours à un expert n’est nécessaire que lorsque le tribunal n’a pas les compétences requises pour procéder à une telle interprétation, ce qui n’était pas le cas en l’espèce (consid. 3.3). Recours rejeté (voir également les consid. 2.2, 2.4 et 2.5 de cet arrêt, résumés ci-dessus en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(République de X. c. A., B., C.). Recours contre la sentence rendue le 16 février 2017 par un Tribunal ad hoc.
Le Tribunal fédéral ne dispose pas d’un pouvoir de cognition illimité dans l’examen du grief de l’incompatibilité de la sentence avec l’ordre public. En particulier, la Haute cour ne peut revoir l’appréciation juridique à laquelle le Tribunal s’est livré sur la base des faits qu’il a constatés dans la sentence. Une interprétation erronée, voire arbitraire, d’une clause d’un traité bilatéral d’investissement ne sera pas sanctionnée si le résultat de cette appréciation juridique souveraine n’est pas incompatible avec l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 3.3.3-3.3.4). Recours déclaré irrecevable pour non-respect de l’exigence de motivation découlant de l’art. 77 al. 3 LTF (consid. 3.3.5).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(K. Limited, L, c. M. Limited, N. Limited). Recours contre la sentence finale rendue le 21 mars 2017 par un Tribunal arbitral CCI.
Avant, puis en parallèle à l’arbitrage initié par les recourants, et malgré les objections de ces derniers, les intimées ont saisi la Haute Cour des Iles Vierges Britanniques et les tribunaux moscovites pour obtenir le remboursement de différents prêts. Elles ont été déboutées par les autorités russes, mais ont obtenu gain de cause devant les juridictions des Iles Vierges Britanniques. Déboutés dans l’arbitrage, les recourants font alors valoir que le Tribunal arbitral n’a pas respecté l’autorité de chose jugée de l’arrêt moscovite, violant ainsi l’ordre public procédural. Un jugement étranger prononcé à l’égard d’une partie ayant dûment soulevé une exception d’arbitrage, sans que la convention d’arbitrage ait été déclarée caduque, inopérante ou non susceptible d’être appliquée, ne peut pas être reconnu en Suisse et ne revêt donc pas l’autorité de la chose jugée (consid. 4.1.2). Les recourants reprochent également au Tribunal arbitral d’avoir rendu sa sentence sans répondre à leur requête de statuer sur l’opportunité de suspendre la procédure sur la base de l’art. 186 al. 1bis LDIP, eu égard à l’existence du jugement moscovite rendu pendant l’arbitrage. En réalité, le Tribunal a rejeté cette requête, à tout le moins implicitement, par une ordonnance dans laquelle, ayant pris note du jugement moscovite, il se déclarait néanmoins compétent à l’égard de toutes les parties pour connaître des prétentions litigieuses. La suspension du procès en cas de litispendance est une règle de compétence dont la violation relève de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Par conséquent, si les recourants étaient mécontents de cette décision, ils auraient dû recourir immédiatement contre l’ordonnance en question, sans attendre la sentence finale (consid. 4.2.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler, Juliette van Berchem
(X. Ltd [société de droit turc] c. Z. Ltd [société ayant son siège à Kowloon (Hong-Kong)]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 février 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI, au terme d’une procédure accélérée au sens de l’art. 42 Swiss Rules.
Reproche fait à l’arbitre d’avoir rendu la sentence un jour après l’échéance du délai de six mois stipulé à l’art. 42(1)(d) dudit règlement, soit après que ses pouvoirs s’étaient éteints. En réalité l’arbitre a rendu la sentence le jour même de l’échéance du délai (soit six mois à compter du lendemain de la date à laquelle elle avait reçu le dossier de l’arbitrage, en accord avec l’art. 2(2) Swiss Rules), donc dans les temps (consid. 4.2.1-4.2.2). A supposer même que le délai ait été dépassé d’un jour, quod non, la situation où l’arbitre se serait par hypothèse trompé d’un jour en calculant le délai résultant du règlement d’arbitrage serait sans commune mesure avec celle sous-jacente à l’ATF 140 III 75, invoqué par la recourante, où l’arbitre n’avait pas respecté un accord passé avec les parties quant à la date de fin de sa mission, après que celles-ci lui avaient adressé de nombreuses mises en demeure - toutes restées sans effet (consid. 4.2.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. A.S. [société de droit turc] c. B. Co. Ltd. [société de droit irakien]). Recours contre la sentence partielle rendue le 11 avril 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
Shareholders’ Agreement, contenant une convention d’arbitrage, conclu entre A. et D., actionnaires de B., amendé par des protocoles ultérieurs, dont un prenant acte du fait que E. avait succédé à D. suite au rachat des actions de cette dernière. Accords connexes contenant des clauses compromissoires divergentes. Dépôt d’une demande d’arbitrage par A. à l’encontre de E. et B. Sentence partielle portant déclaration d’incompétence du Tribunal à l’égard de B., ainsi que des prétentions de A. tirées des accords connexes. Question de la portée subjective de la convention d’arbitrage, examinée par le Tribunal arbitral au regard du droit suisse. La recourante tente en vain de remettre en question le processus d’interprétation par lequel le Tribunal est parvenu à mettre au jour la volonté réelle des parties, par une appréciation des preuves qui échappe au contrôle du TF dans le cadre d’un recours contre une sentence arbitrale internationale (consid. 3.2.1-3.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. Corporation, B. Company [sociétés détenues directement ou indirectement par l’Etat d’Egypte, actives dans le commerce du pétrole et du gaz naturel], désignées collectivement sous l’acronyme B., c. X. [société de droit égyptien], Y. Corporation Ltd [société de droit israélien, détenue par l’Etat d’Israël, active dans la production et commercialisation d’électricité]).
Recours contre la sentence rendue le 4 décembre 2015 par un Tribunal arbitral CCI. Complexe de contrats, tous soumis au droit anglais, conclus dans le cadre du Gas for Peace Deal passé entre l’Egypte et Israël en 2005, et relatifs à la fourniture et livraison de gaz à la société israélienne Y. par les deux sociétés égyptiennes B. et X. (cette dernière agissant en tant qu’intermédiaire entre B. et Y.). Plus spécifiquement, conclusion d’un contrat de fourniture entre B. et X., prévoyant l’arbitrage sous l’égide du Cairo Regional Center for International Commercial Arbitration (CRCICA) comme mode de résolution des différends, suivi d’un contrat de vente entre B. et X., prévoyant l’arbitrage CCI en cas de différend, et accompagné d’un accord tripartite (Tripartite Agreement) entre B., X. et Y., prévoyant lui aussi l’arbitrage CCI. Litige survenu suite à des retards de livraison, aggravés par les événements liés au mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Initiation de plusieurs procédures d’arbitrage, CCI et CRCICA. En l’espèce, reproche fait par B. au Tribunal CCI saisi par X. de s’être déclaré à tort compétent pour statuer sur le litige la divisant d’avec B. sur la base de la clause compromissoire contenue dans le Tripartite Agreement. L’existence d’une créance de X. envers B. au titre de cet accord (légitimation active de X.) constitue la condition sine qua non de la compétence du Tribunal CCI (consid. 3.4.1). Question à résoudre en interprétant l’art. 1 du Tripartite Agreement, clause substantielle non sujette au rattachement in favorem validitatis de l’art. 178 al. 2 LDIP, qui s’applique uniquement à la clause compromissoire, quand bien même l’art. 1 du Tripartite Agreement règle une question préliminaire pertinente pour déterminer la compétence du Tribunal (consid. 3.4.2). La méthode des recourantes, consistant à présenter six arguments distincts pour étayer leur grief fondé sur l’art. 190 al. 2 let. b LDIP est critiquable, car la question de la compétence suppose une appréciation globale de la situation juridique. Cela étant, les six arguments en question sont sans fondement (consid. 3.5.1). Recours rejeté (voir également les consid. 4.2-4.5 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A., B. [sociétés de droit libyen] c. C. [société de droit libyen]). Recours contre la sentence incidente rendue le 15 mai 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
Conclusion entre la première recourante (A.) et l’intimée (C., demanderesse à l’arbitrage) d’un contrat portant sur la construction d’un immeuble en Libye, soumis aux règles FIDIC et contenant une clause d’arbitrage CCI, suivi deux mois plus tard d’un Public Works Contract entre les mêmes parties, contenant une clause d’élection de for en faveur des tribunaux libyens. Dépôt d’une demande d’arbitrage par C. suite aux difficultés engendrées sur le terrain par le mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Exception d’incompétence soulevée par A. et B., qui avaient entretemps entamé une procédure judiciaire devant les cours libyennes, rejetée par le Tribunal arbitral dans un Interim award réglant également la question du droit applicable au fond. Recours au motif que le Tribunal aurait violé le droit d’être entendues de A. et B. dans l’instruction de la cause relative à la question de sa compétence (au sujet de l’admissibilité d’un tel recours, voir le résumé de l’ATF 140 III 477 dans l’édition 2014/2015 de cette chronique). La garantie du droit d’être entendu inclut certes la faculté pour chaque partie de présenter son argumentation juridique et moyens de preuve sur les questions à décider, à condition toutefois qu’une telle faculté soit exercée à temps et dans les formes requises (consid. 3.1.1). Or, les allégations et arguments que les recourantes reprochent au Tribunal d’avoir ignoré dans la sentence – outre le fait qu’en réalité le Tribunal ne les a pas ignorés, mais plutôt implicitement rejetés – ont été présentés de manière tardive dans l’arbitrage, en partie même après la clôture des débats (consid. 3.2.2-3.3.3). Par ailleurs, les recourantes sont forcloses d’invoquer le fait que B. n’aurait pas été partie au contrat FIDIC – de sorte que le Tribunal ne serait pas compétent à son égard –, car elles n’ont pas soulevé l’objection correspondante dans l’arbitrage (consid. 3.4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. SA [société de droit français] c. La République socialiste du Vietnam]). Recours contre la sentence finale rendue le 28 septembre 2015 par un Tribunal arbitral CNUDCI.
Notion d’investissement au sens du Traité bilatéral d’investissement (TBI) conclu entre la France et le Vietnam en 1992. Il n’existe à ce jour aucune définition universellement acceptée de cette notion dans les traités de protection et promotion des investissements. C’est donc à raison que le Tribunal s’est focalisé, lors de l’examen de sa propre compétence, sur le texte du TBI topique. Compte tenu de l’expérience et renommée internationale des arbitres en question (reconnues par les deux parties), le TF ne s’écartera pas sans nécessité de leur opinion unanime sur ce point, bien qu’il jouisse d’une pleine cognition à cet égard (consid. 3.4.1). Le Tribunal arbitral a interprété l’art. 1(1) TBI (définissant les investissements protégés) en conformité avec les principes d’interprétation de l’art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. C’est donc à bon droit qu’il a décliné sa compétence pour connaître de la demande de la recourante, qui n’entrait pas dans les prévisions du TBI ainsi élucidées (consid. 3.4.4). Le moyen pris de la violation de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP tombe à faux. Recours rejeté (voir également le consid. 4.3.1 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. GmbH [société allemande] c. B. Inc. [société grecque]). Recours contre la sentence finale rendue le 18 octobre 2016 par un Tribunal arbitral CCI, au motif que ce dernier se serait déclaré à tort compétent.
Contrat de vente stipulant que « [a]ll disputes arising out of or in connection with this agreement shall be finally settled […] by the International Chamber of Commerce of Geneva, under the Rules of Conciliation and Arbitration of the International Chamber of Commerce […] ». Clause arbitrale pathologique, désignant une institution qui n’existe pas. Interprétation selon le principe de la confiance, faute pour le Tribunal arbitral d’avoir pu établir la volonté réelle et commune des parties. C’est à bon droit que le Tribunal a conclu que la référence à l’« International Chamber of Commerce of Geneva » devait être comprise comme la soumission à un tribunal CCI ayant son siège à Genève, compte tenu en particulier du choix (clair) des parties d’avoir un arbitrage régi par le Règlement CCI, et sachant qu’il ne va pas de soi qu’une institution tierce (en l’espèce, selon l’argumentation de la recourante, la Swiss Chambers’ Arbitration Institution), accepte d’administrer une procédure conduite sous un règlement autre que le sien, ce qui aurait de toute évidence créé des difficultés. Rappel du principe voulant que l’interprétation selon le principe de la confiance doive viser un résultat rationnel ; il n’y a pas lieu de présumer que les parties auraient opté pour une solution inadéquate (consid. 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Fédération X. c. Z. Sàrl), destiné à la publication aux ATF. Recours contre la sentence incidente sur compétence rendue le 18 janvier 2013 par un Tribunal arbitral constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie.
Actionnée dans l’arbitrage, la Fédération X. a soulevé cinq exceptions d’incompétence distinctes. Le Tribunal arbitral a décidé de scinder la procédure et de n’examiner, dans la première phase, que les motifs afférents à trois de ces cinq exceptions, les deux exceptions résiduelles devant être traitées en même temps que le fond du litige. Sentence écartant les trois exceptions examinées dans cette première phase. La sentence attaquée est donc une sentence incidente sur compétence au sens des arts 186 al. 3 et 190 al. 3 LDIP, qui a la particularité d’être ‘partielle’ du fait qu’elle ne se prononce que sur une partie des exceptions d’incompétence soulevées par la recourante. La recevabilité d’un recours qui ne tranche que partiellement la question de la compétence du tribunal arbitral n’a pas, à ce jour, été examinée par le Tribunal fédéral et la doctrine spécialisée. Cette question met en exergue la tension existante entre le principe de l’économie de procédure, voulant qu’un recours contre une décision sur compétence soit intenté immédiatement, sous peine de forclusion, et le principe selon lequel le Tribunal fédéral, autorité judiciaire suprême du pays dont la mission principale est d’assurer l’application uniforme du droit fédéral et garantir le respect des droits fondamentaux, ne devrait pas avoir à connaître à plusieurs reprises d’une même affaire, qui plus est en matière d’arbitrage, une méthode privée de règlement des conflits n’intéressant qu’un nombre limité d’initiés en Suisse, et pour des raisons tactiques ou résultant de la manière dont les arbitres choisissent de conduire la procédure. Pour répondre à la question, il convient de se référer à la disposition topique, soit l’art. 190 al. 2 let. b LDIP, lequel requiert, pour que le grief correspondant puisse être invoqué, que le tribunal arbitral ait rendu une décision au sujet de sa compétence, en d’autres termes qu’il ait tranché de manière définitive cette question. Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque le Tribunal arbitral pourrait encore se déclarer incompétent une fois qu’il aura examiné les deux exceptions réservées pour la phase au fond du litige (consid. 3.2.1-3.2.2). Le recours est donc irrecevable. Cela étant, lorsque le Tribunal aura statué définitivement sur sa compétence, il va de soi que sa décision pourra être attaquée par la recourante, y compris pour les trois motifs ayant été écartés dans la sentence incidente ici examinée, sans que celle-ci puisse voir s’imputer un comportement contraire aux règles de la bonne foi (consid. 3.3).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. SA [société suisse] c. Y. Inc., Z. [société de droit canadien]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 novembre 2015 par un Arbitre unique CCI.
Rappel de la règle jurisprudentielle qui veut que des fautes de procédure ou une décision matériellement erronée ne suffisent pas à fonder l’apparence de prévention de l’arbitre, sauf erreurs particulièrement graves ou répétées qui constitueraient une violation manifeste de ses obligations. Cette règle, qui ne sanctionne que des fautes tout à fait exceptionnelles, ne saurait être détournée pour permettre à une partie ne pouvant pas invoquer avec succès l’un ou l’autre des motifs prévus aux lettres b à e de l’art. 190 al. 2 LDIP d’obtenir l’annulation de la sentence par le biais d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a LDIP et consistant en une critique en règle des constatations de fait et considérations juridiques de l’arbitre – ce qui reviendrait à faire du TF une simple juridiction d’appel (consid. 3.1). Ni le déroulement de la procédure – au demeurant marquée par le vif antagonisme et comportement procédural inadéquat des parties – ni le contenu de la sentence ne révèlent d’élément qui puisse faire douter de l’impartialité de l’arbitre (consid. 3.3.1). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X1 Ltd, X2 SA [collectivement, X.] c. Z. Ltd).
Recours contre la sentence finale rendue le 13 décembre 2016 par un Tribunal arbitral CCI. Consultancy agreements régis par le droit suisse, par lesquels Z. s’engageait à assister X. dans la préparation et soumission d’offres en vue de l’obtention de marchés relatifs à des projets ferroviaires. Litige né du fait que X. n’avait pas payé une partie des commissions réclamées par Z. Sentence donnant partiellement raison à Z. Reproche fait au Tribunal d’avoir décidé ultra petita dans la mesure où il avait constaté et déclaré (y compris dans le dispositif de la sentence), en sus des condamnations pécuniaires demandées par Z., que X. (tout comme Z. au demeurant) avait violé les contrats sous-jacents. Selon les recourantes, dès lors que l’intimée avait uniquement invoqué son droit au paiement des commissions litigieuses, il n’y avait aucune nécessité à assortir la décision d’une « déclaration aussi superflue qu’inadéquate » et sans portée propre. Conclure à l’annulation – même partielle – d’une sentence pour l’unique raison que son dispositif contient des considérations superflues et sans portée propre ne répond à aucun intérêt digne de protection au sens de l’art. 76 al. 1 let. b LTF. A le supposer recevable, le grief ne pourrait qu’être rejeté, car les constatations litigieuses ne portent pas spécifiquement préjudice aux recourantes, la distinction faite par elles entre l’inexécution et la violation d’un contrat étant dénuée de conséquences dans ce contexte, tant il est vrai que l’on ne voit pas ce qu’il y aurait d’erroné à qualifier de violation du contrat le refus injustifié de payer les montants dus en vertu du contrat (consid. 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A.X. SA , B.X. Ltd c. Z. Ltd). Recours contre la sentence finale rendue le 29 janvier 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
En soumettant leurs contrats au droit suisse, les parties ont accepté qu’ils puissent faire l’objet d’une interprétation subjective au sens de l’art. 18 al. 1 CO. Sachant que l’un des principaux éléments du litige consistait à déterminer la portée de certaines clauses contractuelles, leur choix de ne pas se faire assister par des avocats suisses dans l’arbitrage ne peut assurément leur servir d’excuse pour plaider l’effet de surprise quant à la méthode d’interprétation – au demeurant classique – appliquée par le Tribunal arbitral (consid. 5.2). Recours rejeté (voir également les consid. 4.1 et 4.2.1-4.2.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. Sp.A. [société italienne] c. B. AG [société suisse]).
Recours contre la sentence finale rendue le 31 mars 2015 par un Tribunal arbitral ad hoc. Tribunal ayant jugé irrecevables les observations critiques formulées par la défenderesse (recourante) dans son dernier mémoire au sujet de la méthodologie utilisée dans les rapports de l’expert nommé par le Tribunal, sans que cette partie conteste le contenu même ou la valeur probante des rapports. En refusant d’admettre de telles observations, le Tribunal n’a pas violé le droit d’être entendue de la défenderesse, car ses critiques portaient uniquement sur la substance des rapports, que le Tribunal était libre d’évaluer dans le cadre de son pouvoir d’appréciation des preuves. Le texte de la sentence confirme ce point, puisque le Tribunal y indique qu’il serait parvenu à des conclusions différentes si les rapports d’expert avaient été défectueux au point d’être inutilisables comme preuves. Une telle approche est d’ailleurs en ligne avec la jurisprudence fédérale selon laquelle le juge ne peut s’écarter des conclusions des experts qu’en présence de motifs valables pour ce faire (consid. 3.2).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. Corporation, B. Company [sociétés détenues directement ou indirectement par l’Etat d’Egypte, actives dans le commerce du pétrole et du gaz naturel], désignées collectivement sous l’acronyme B., c. X. [société de droit égyptien], Y. Corporation Ltd [société de droit israélien, détenue par l’Etat d’Israël, active dans la production et commercialisation d’électricité]).
Recours contre la sentence rendue le 4 décembre 2015 par un Tribunal arbitral CCI. Arguments des recourantes selon lesquels le Tribunal aurait violé les deux éléments constitutifs de la garantie du droit d’être entendu, d’une part en manquant à son devoir minimum d’examiner et traiter certains arguments pertinents pour la résolution du litige, et d’autre part en rendant une sentence fondée sur une argumentation juridique imprévisible. Les recourantes ne peuvent reprocher au Tribunal d’avoir omis de prendre en considération les thèses qu’elles présentent (ou du moins reformulent) pour la première fois devant le TF. Pour le surplus, elles ne font que remettre en cause les constatations factuelles du Tribunal, son appréciation des preuves, la manière dont il a reparti le fardeau de la preuve et son interprétation des clauses contractuelles topiques, tout comme les conséquences qu’il en a tirées aux fins de sa décision – tous des éléments qui échappent au contrôle du TF dans le cadre d’un recours contre une sentence arbitrale internationale (consid. 4.2-4.5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. c. Association B.). Recours contre la sentence rendue le 8 juin 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.
Grief fait à l’Arbitre d’avoir unilatéralement prolongé (d’un jour) le délai pour le dépôt du mémoire de demande après avoir constaté que l’intimée (demanderesse à l’arbitrage) n’avait pas respecté le délai original. Le recourant, qui se plaint à ce titre d’une violation du principe de l’égalité de traitement des parties, ne soutient pas que l’Arbitre lui aurait refusé une prolongation de délai équivalente. Dès lors, le grief est sans fondement. Argument selon lequel l’Arbitre, en octroyant un délai supplémentaire pour le dépôt de la demande, aurait violé le règlement applicable (Swiss Rules), aux termes duquel il aurait fallu mettre fin à l’arbitrage (du moins en relation avec les prétentions de la demanderesse) en raison du dépôt tardif de ce mémoire. Une disposition contenue dans un règlement d’arbitrage ne devient pas un principe impératif de procédure au sens de l’art. 182 al. 3 LDIP, dont la violation par l’arbitre justifierait l’annulation de la sentence, du seul fait d’avoir été voulue par les parties. De même, une application incorrecte ou même arbitraire du règlement d’arbitrage ne justifie pas, en soi, l’annulation de la sentence pour violation de l’ordre public procédural. Cela étant, l’Arbitre relève à raison que selon la doctrine pertinente la soumission de la demande avec un léger délai ne requiert pas nécessairement que le tribunal mette fin à l’arbitrage (consid. 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. AG [société de droit liechtensteinois] c. State of Palestine [ou Palestinian Authority], B. Company).
Recours contre la sentence rendue le 2 août 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI. Projet portant sur la construction d’un hôtel et d’un casino en Cisjordanie, dans le cadre des efforts de l’Autorité palestinienne pour promouvoir le développement économique et les investissements dans ce territoire. Conclusion, en 1996-1997, de plusieurs accords entre les parties et avec des tiers pour la réalisation de ce projet. Cadre légal peu clair du fait que, depuis les accords d’Oslo de 1993-1995, le territoire concerné est sujet à un ordre juridique autonome et « en voie de développement ». Adoption par l’Autorité palestinienne, en 2002, du Code pénal jordanien, interdisant les jeux de hasard et les rendant passibles de peines d’emprisonnement et amendes. Accès au casino (qui fonctionnait avec succès depuis 1998) bloqué par les autorités israéliennes suite au déclenchement de la seconde intifada à l’automne 2000. Conclusion, peu après, de deux nouveaux accords entre les parties, visant à garantir le développement futur du projet, notamment en prévoyant la prolongation de la période d’octroi des licences pour l’administration du casino et de l’hôtel jusqu’en 2028. Levée progressive des restrictions résultant des émeutes de 2000 à partir de l’année 2008. Dès 2012, requêtes réitérées de A. à l’Autorité palestinienne afin que celle-ci lui octroie les nouvelles licences en conformité avec les accords conclus fin 2000. Fin de non-recevoir de l’Autorité, suivie du dépôt d’une demande d’arbitrage par A. en 2013. Demande intégralement rejetée par le Tribunal arbitral. Violation du droit d’être entendu : en rejetant en bloc les conclusions de A. relatives à l’octroi des licences (pour non-conformité avec le droit impératif palestinien), le Tribunal arbitral a manqué à son devoir minimum d’examiner la prétention relative à la licence d’opérateur pour l’hôtel, dont la recourante avait pourtant argué qu’elle devait être reconnue indépendamment de sa demande portant sur la licence pour le casino, au motif que la loi interdisant les jeux de hasard n’affectait pas le fonctionnement de l’hôtel (consid. 4.3). Recours admis ; renvoi de la cause au Tribunal arbitral pour qu’il statue à nouveau sur la conclusion topique de la recourante. Voir également le consid. 3.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(AMA c. X. [gymnaste américaine], USADA), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS, clôturant la procédure suite au paiement tardif de l’avance de frais par l’AMA, en application de l’art. R64.2 Code TAS.
Reproche fait à la Présidente de la Chambre d’appel d’avoir violé le droit d’être entendue de l’AMA en n’examinant pas son argument selon lequel une application stricte de l’art. R64.2 ne se justifiait pas dans les circonstances du cas concret – en d’autres termes, que l’application de l’art. R64.2 en l’espèce relevait du formalisme excessif. Le droit d’être entendu garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP n’exige pas qu’une sentence arbitrale internationale soit motivée. Ce principe s’applique également, et peut-être même a fortiori, à une ordonnance de procédure ayant pour simple but de constater que la cause pendante a pris fin ipso jure et qu’il y a lieu de la rayer du rôle. Sans doute, pour cette décision de procédure comme pour une sentence au fond, faut-il que celui qui la rend ait traité tous les arguments pertinents avancés par les parties. Toutefois, il n’est pas nécessaire qu’il le fasse de manière expresse ou par de longs développements, en particulier lorsque, comme en l’espèce, la sanction attachée au non-respect d’une règle de procédure ne laisse guère de marge d’appréciation à celui qui doit la prononcer. En réalité, les motifs qui étayent le Termination Order « laissent apparaître en filigrane » que la Présidente a écarté le moyen pris du formalisme excessif parce que la recourante avait été dûment avertie du risque qu’elle prenait si elle ne versait pas l’entièreté de l’avance des frais dans le délai imparti, et qu’elle ne pouvait pas invoquer sa propre erreur pour échapper à la sanction expressément prévue par l’art. R64.2 al. 2 du Code. Le moyen pris de la violation du droit d’être entendu doit donc être écarté (consid. 5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A.X. SA, B.X. Ltd c. Z. Ltd). Recours contre la sentence finale rendue le 29 janvier 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
Les promesses de versement de pots-de-vin contreviennent à l’ordre public. Toutefois, pour que le grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP puisse être admis, il faut que la corruption soit établie et que les arbitres aient refusé d’en tenir compte dans la sentence. En l’espèce, le Tribunal a conclu que l’allégation de corruption n’avait pas été prouvée et cette appréciation des faits échappe au contrôle du TF. Dès lors, il ne peut être reproché aux arbitres d’avoir méconnu l’ordre public en rendant une sentence fondée sur les contrats litigieux après avoir écarté la thèse de leur nullité pour cause de corruption (consid. 4.1 et 4.2.1). Les règles édictées par des sujets de droit privé, telles les stipulations d’une charte éthique d’entreprise, ne peuvent pas – même si elles ont pour but de prévenir des comportements contraires aux mœurs – définir le contenu de la notion d’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 4.2.2) (cf. également l’arrêt rendu dans la cause TF 4A_50/2017 du 11 juillet 2017 (résumé ci-dessus en lien avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP), impliquant les mêmes recourantes, dont le consid. 4.3 (non résumé dans cette chronique), reprend intégralement le considérant ici résumé). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. [ressortissant algérien] c. les héritiers de feu Z. [tous domiciliés en Suisse]). Recours contre la sentence finale rendue le 29 juillet 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.
Sentence concluant que la destruction par une partie de pièces essentielles à la constatation des faits n’était pas déterminante pour la répartition du fardeau de la preuve. Argument du recourant selon lequel une telle décision contreviendrait gravement au principe de la bonne foi et par là à l’ordre public matériel. L’application des règles sur le fardeau de la preuve est soustraite à l’examen du TF dans le cadre d’un recours visant une sentence arbitrale internationale, car ces règles ne font pas partie de l’ordre public matériel au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 3.2.1). Il en va de même du moyen pris de l’incohérence intrinsèque des considérants de la sentence (consid. 3.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. AG [société de droit liechtensteinois] c. State of Palestine [ou Palestinian Authority], B. Company). Recours contre la sentence rendue le 2 août 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI.
Voire le résumé des faits de cette affaire présenté en lien avec le grief de l’art.190 al. 2 let. d LDIP ci-dessus. Reproche fait au Tribunal d’avoir rendu une sentence incompatible avec l’ordre public matériel pour violation du principe de la fidélité contractuelle (pacta sunt servanda), du fait qu’après avoir reconnu la validité des accords de 2000, soumis au droit suisse, il avait nié, en application du droit impératif palestinien, le droit de la recourante à obtenir les licences que ces accords lui garantissaient. Grief rejeté : la décision du Tribunal ne contredit pas l’adage pacta sunt servanda. Les arbitres ont interprété les obligations souscrites par les parties en ce sens qu’elles ne garantissaient pas le droit de A. à réclamer en toutes circonstances l’exécution en nature de son droit à l’octroi des licences. Sur le vu de la situation juridique au moment déterminant, le Tribunal a conclu que A. était en droit d’obtenir un dédommagement pécuniaire pour le non-octroi de ces licences (consid. 3.2).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [club de football professionnel] c. B. [Club de football professionnel]). Recours contre les sentences rendues par le TAS le 13 juillet 2016.
Contrat de transfert de joueur prévoyant le versement d’une indemnité en six tranches, payables par acomptes annuels entre 2012 et 2015. Défaut de paiement de A. à partir du deuxième acompte. Litige résultant en plusieurs décisions de la Commission du Statut du Joueur de la FIFA (CSJ), dont trois confirmées sur appel par le TAS, les sentences dont il est question dans l’arrêt ici résumé étant les deux plus récentes. Recourant condamné à payer les acomptes en souffrance, majorés d’intérêts moratoires au taux de 12% stipulé dans le contrat et d’une peine conventionnelle correspondant à 10% du montant dû, intérêts au taux légal de 5% en sus. Reproche fait au TAS d’avoir rendu des sentences contrevenant à l’ordre public, dans la mesure où elles appliquent de manière combinée le taux d’intérêt conventionnel, la peine conventionnelle et l’intérêt moratoire légal, aboutissant à un résultat qui est sans commune mesure avec le dommage véritablement subi par l’intimé, s’apparentant à l’allocation de dommages-intérêts punitifs (punitive damages) et revêtant un caractère spoliateur (consid. 4.1). Le recourant s’est soumis librement au contrat litigieux, sans formuler de réserve quant au caractère prétendument excessif de la peine conventionnelle et du taux d’intérêt qui y sont stipulés. En droit suisse, une peine conventionnelle atteignant le 10% du prix de vente convenu n’est pas considérée excessive, un intérêt moratoire de 12% l’an n’est pas contraire à l’art. 104 al. 2 CO, et l’application de l’intérêt moratoire de 5% en cas de défaut de paiement est une conséquence prévue par la loi (art. 104 al. 1 CO). La combinaison de ces trois obligations n’aboutit pas non plus à une restriction excessive de la liberté du recourant au regard de l’art. 27 al. 2 CC. Quant à la référence faite par le recourant à l’art. 163 al. 3 CO, en vertu duquel « le juge doit réduire les peines qu’il estime excessives », le fait qu’il s’agit d’une norme d’ordre public suisse ne veut pas dire encore que sa violation contreviendrait à l’ordre public au sens de l’article 190 al. 2 let. e LDIP. Quand bien même il n’est pas nécessaire d’approfondir la question de la compatibilité des dommages-intérêts punitifs avec l’ordre public, les pénalités et intérêts dont il est question en l’espèce étant des sanctions de nature différente, il sied d’observer qu’en réalité la doctrine majoritaire tend à nier qu’une sentence serait contraire à l’ordre public du seul fait qu’elle condamnerait une partie au paiement de punitive damages (consid. 4.3.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. SA [société de droit français] c. La République socialiste du Vietnam), Recours contre la sentence finale rendue le 28 septembre 2015 par un Tribunal arbitral CNUDCI.
L’application des règles sur le fardeau de la preuve est soustraite à l’examen du TF dans le cadre d’un recours en matière civile contre une sentence arbitrale internationale, car ces règles ne font pas partie de l’ordre public matériel au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 4.3.1). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. [footballeur professionnel] c. A., B., C [clubs de football professionnels], FIFA). Recours contre la sentence rendue le 4 octobre 2016 par le TAS, déclarant l’appel du recourant irrecevable pour cause de dépôt d’une déclaration d’appel non conforme aux réquisits formels du Code TAS (art. R31 al. 3 Code TAS).
Reproche fait au TAS d’avoir violé l’interdiction du formalisme excessif, et, par là, d’avoir rendu une sentence incompatible avec l’ordre public. Les formes procédurales sont nécessaires à la mise en œuvre des voies de droit pour assurer le déroulement de la procédure conformément au principe de l’égalité de traitement. Un strict respect des dispositions topiques s’impose donc au regard de ce principe, ainsi que sous l’angle de la sécurité du droit, sans qu’il y ait une contradiction entre cette exigence et l’interdiction du formalisme excessif (consid. 4.2). Recours rejeté. Au sujet de la question de savoir si la prohibition du formalisme excessif fait partie de l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. 2, voir TF 4A_692/2016 du 20 avril 2017 (consid. 6.1, résumé ci-dessous).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(AMA c. X. [gymnaste américaine], USADA), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS.
Argument de l’AMA selon lequel le TAS aurait fait preuve de formalisme excessif en appliquant l’art. R64.2 Code TAS au cas d’espèce, violant ainsi l’ordre public procédural garanti par l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. Question de savoir si l’interdiction du formalisme excessif fait partie de l’ordre public au sens de cette disposition. Si l’on se souvient qu’une garantie aussi importante que l’interdiction de l’arbitraire dans l’application des règles de la procédure arbitrale ne peut pas être invoquée à l’appui d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, il ne va pas de soi que la méconnaissance de l’interdiction du formalisme excessif puisse être assimilée à une violation de l’ordre public dans cette même acception (consid. 6.1). Question laissée ouverte, car, en l’espèce, le TAS n’a pas fait preuve de formalisme excessif (consid. 6.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(République A. [Hongrie] c. B. International [société holding de droit français])
Recours contre la sentence finale rendue le 3 décembre 2014 par un tribunal constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) et au Règlement d’arbitrage CNUDCI. Notions de contract claims, treaty claims et umbrella clause (clause parapluie) au sens des arts 10(1) et 26 TCE. Principes régissant l’interprétation des traités internationaux et des réserves y afférentes : comme tout traité, le TCE doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (art. 31 al. 1 CVDT).
Les mêmes principes valent pour l’interprétation de la réserve formulée par la recourante à l’art. 10 al. 1 TCE, dernière phrase (exclusion des litiges relatifs à d’éventuelles violations de la clause parapluie de la portée ratione materiae de la convention d’arbitrage contenue dans le TCE), car une réserve doit être considérée comme faisant partie intégrante du traité auquel elle se rapporte. En vertu d’un principe général de procédure, le contenu et le fondement juridique des prétentions élevées par le demandeur constituent le point de départ pour l’analyse de la compétence du tribunal. D’autre part, ce dernier n’est pas lié par l’argumentation du demandeur dans son appréciation juridique des faits allégués à l’appui de la demande. A la lumière de ces principes, c’est à raison que le tribunal arbitral s’est déclaré compétent pour connaître du litige porté devant lui sur le fondement de l’art. 10 al. 1 TCE, première partie (consid. 3.5). Recours rejeté (voir également les consid. 4.3 et 5.3 de cet arrêt, résumés ci-dessous en relation avec les art. 190 al. 2 let. d et e respectivement).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Co. [société iranienne] c. Z. Limited [société chypriote])
Recours contre la sentence rendue le 2 janvier 2015 par l’arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage (consid. 3.2.1). Situation exceptionnelle dans laquelle une clause compromissoire revêtue de la forme requise (consid. 3) et correspondant à la volonté réelle et commune des parties (consid. 4 et 5) doit être jugée valable, indépendamment de la question de savoir si le contrat dans lequel elle figurait est ou non venu à chef (consid. 6). Volonté réelle des parties ressortant, in casu, de l’échange de plusieurs projets d’un contrat-cadre dans lesquels, après avoir été modifiée par chaque partie, la clause compromissoire est restée inchangée, alors que les pourparlers se poursuivaient sur d’autres points (consid. 5).
Possibilité pour les parties de convenir de soumettre la clause compromissoire à des exigences de forme plus strictes que celle de l’art. 178 al. 1 LDIP (par exemple, signature au sens de l’art. 13 CO) : question laissée ouverte (consid. 3.3.1). Application de la théorie du groupe de contrats : lorsque plusieurs contrats se trouvent dans une relation de connexité matérielle, tels le contrat-cadre et les différents contrats qui s’y rattachent, mais qu’un seul d’entre eux contient une clause d’arbitrage, il y a lieu de présumer, à défaut d’une règle explicite stipulant le contraire, que les parties ont entendu soumettre également les autres contrats du même groupe à cette clause d’arbitrage (consid. 5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Ltd [société active dans l’exploration et la production d’hydrocarbures] c. Y. S.p.A. [société active dans l’exploration, la production, le transport par canalisations, la transformation et la commercialisation d’hydrocarbures et de leurs dérivés])
Recours contre la sentence sur compétence rendue le 13 octobre 2015 par un Tribunal CNUDCI. Clause compromissoire prévoyant que tout différend survenant au sujet du contrat sous-jacent devra faire l’objet d’une tentative préalable de conciliation selon le Règlement ADR CCI, l’arbitrage selon le règlement CNUDCI étant prévu pour les différends non résolus par voie de conciliation. Comme le tribunal arbitral l’a déjà correctement constaté, le préalable de conciliation convenu entre les parties est obligatoire. Or, contrairement à l’avis du tribunal, la tentative de conciliation prévue dans la clause litigieuse n’a pas eu lieu, car la procédure initiée à cette fin a été interrompue prématurément (consid. 2.4.2).
Par ailleurs, l’invocation par la recourante du non-respect de l’obligation de conciliation préalable ne relève pas de la mauvaise foi (consid. 2.4.3). Dès lors, se pose la question de la sanction appropriée pour la violation d’une telle obligation. Le fait que le TF envisage le grief tiré de la violation d’un mécanisme contractuel constituant un préalable obligatoire à l’arbitrage sous l’angle de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP ne dicte pas nécessairement la solution à retenir à cet égard. Sanctionner un tel manquement par des dommages-intérêts n’est généralement pas une solution satisfaisante. Déclarer la demande irrecevable et clore la procédure comporte de nombreux inconvénients, notamment la nécessité – au cas où la tentative de conciliation s’achèverait par un échec – de reconstituer le tribunal, et le risque qu’un délai de prescription échoue avant que le demandeur ne puisse réintroduire l’arbitrage. La solution préférable est donc la suspension de l’arbitrage, couplée avec la fixation d’un délai permettant aux parties d’achever la procédure de conciliation (consid. 2.4.4). Recours admis. La sentence sur compétence est annulée et la procédure d’arbitrage pendante est suspendue, selon des modalités à fixer par le tribunal, jusqu’à l’achèvement de la procédure conciliation.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Laboratoire A. [société de droit français] c. B. Ltd. [société de droit anglais] et C. [société de droit russe])
Recours contre la sentence incidente sur compétence rendue le 3 février 2015 par l’arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Interprétation de la convention d’arbitrage selon le droit suisse. Contrat de distribution contenant une clause pathologique intitulée « Arbitration » et prévoyant qu’en cas de litige « the parties shall submit their dispute to the empowered jurisdiction of Geneva, Switzerland ». L’interprétation subjective de l’arbitre, qui est parvenu à établir la volonté réelle et commune des parties d’arbitrer sur la base du texte de la clause litigieuse et de leur comportement subséquent, est une constatation de fait qui lie le TF. Au demeurant, même une interprétation objective, visant à établir le sens que les parties pouvaient et devaient – de bonne foi – donner à la clause en question en fonction de l’ensemble des circonstances – y compris le fait que l’arbitrage tend à devenir la justice de droit commun du commerce international – démontrerait qu’il s’agit bel et bien d’une convention d’arbitrage (consid. 2.2.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [avocat], B. AG [société de négoce de titres] c. C. [investisseur privé])
Recours contre la sentence rendue le 10 février 2015 par l’arbitre unique CCI. L’exception d’incompétence doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond (art. 186 al. 2 LDIP). Les recourantes ne sauraient invoquer le fait que, sur la base d’une interprétation différente de celle défendue par elles, l’arbitre se serait fondé sur un accord autre que le contrat principal, ne contenant pas – contrairement à ce dernier – de clause compromissoire, pour donner raison au demandeur à l’arbitrage, dès lors que cette interprétation était loin d’être surprenante. Faute d’avoir excipé de l’incompétence de l’arbitre à l’égard de cet accord distinct en temps voulu, les recourantes sont forcloses à le faire au stade du recours (consid. 3.2).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. et B. S.r.l. c. C.A., D.A. et E.A.)
Recours contre la sentence sur compétence rendue le 28 août 2015 par un arbitre unique ad hoc. La question de la légitimation active et passive relève du fond de la controverse et non pas de la détermination de la compétence arbitrale (consid. 4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( AG c. B. AG)
Recours contre la sentence sur compétence rendue le 18 décembre 2015 par un tribunal ad hoc siégeant à Bâle. Extension de la convention d’arbitrage à un tiers non-signataire. Contrat-cadre contenant une stipulation par laquelle les parties se garantissaient mutuellement que leurs filiales respectives observeraient toutes les obligations découlant du contrat. Le tribunal a retenu – à raison – que la recourante, ayant succédé à l’une des parties au contrat-cadre suite à une restructuration, est liée par la clause compromissoire qu’il contient en vertu de cette garantie mutuelle, qui constitue une obligation transférable dont la convention d’arbitrage partage le sort en tant qu’accessoire (consid. 3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(, B., C., D. c. X. [tous héritiers de feu Y.])
Recours contre la sentence finale rendue le 19 mars 2015 par un tribunal CCIG. Rappel de jurisprudence : lorsque la sentence rejette toutes autres ou plus amples conclusions, le grief selon lequel le tribunal aurait statué infra petita est exclu (consid. 2). De même, dans la mesure où il ne statue pas au-delà de l’objet et du montant des demandes, tels qu’ils ont été délimités, qualifiés et quantifiés dans les conclusions des parties, le tribunal ne viole pas non plus le principe ne eat iudex ultra petita partium (consid. 3). Recours rejeté. Dans le même sens, voir également TF 4A_173/2016 du 20 juin 2016 (arrêt non résumé dans ce chapitre), consid. 3.2.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(République A. [Hongrie] c. B. International [société holding de droit français])
Recours contre la sentence finale rendue le 3 décembre 2014 par un tribunal constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) et au Règlement d’arbitrage CNUDCI. En attribuant une force probante réduite à un rapport d’expert fondé sur un modèle et des données qui n’étaient pas accessibles aux parties, le tribunal a bel et bien tenu compte des arguments avancés par la recourante au sujet de la fiabilité de ces données. Cette démarche relève de l’appréciation des preuves, qui, tout comme l’application des règles sur le fardeau de la preuve, est soustraite à l’examen du TF dans le cadre du recours contre une sentence arbitrale (consid. 4.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X1, X2, X3, X4 [membres d’un groupe de sociétés turc] c. Z. GmbH [société de droit allemand])
Recours contre la sentence partielle rendue le 27 mai 2015 par un tribunal arbitral CCI. La constatation du tribunal arbitral quant à l’existence d’un accord entre les parties de limiter la procédure à un seul échange d’écritures – un fait procédural que le tribunal a déduit directement de déclarations faites par les parties dans l’arbitrage – lie le TF. La garantie du droit d’être entendu en matière d’arbitrage n’implique pas un droit absolu à un double échange d’écritures et n’exige pas non plus la reprise des principes régissant le droit de réplique tels que développés par le TF à la lumière de la jurisprudence de la CEDH, pour autant que le droit du demandeur de se déterminer sur les moyens articulés par le défendeur en dernier lieu (par ex. dans une demande reconventionnelle) soit préservé. Selon les circonstances, il y a donc lieu de reconnaître que les parties sont libres de convenir, à l’avance et en connaissance de cause, qu’il n’y aura pas de droit de réplique dans l’arbitrage (consid. 4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( [société de droit suisse] c. Y., Z.)
Recours contre la sentence partielle rendue le 21 décembre 2015 par l’arbitre unique statuant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Rappel de jurisprudence : tout comme l’état de fait retenu dans la sentence, les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient le TF, qu’elles aient trait aux conclusions des parties, à leurs allégations de fait ou arguments juridiques, au contenu des déclarations faites en cours de procès ou aux éléments de preuve versés au dossier, voire plus généralement aux différentes démarches relatives à l’instruction de la cause (consid. 3 ; voir également l’arrêt TF 4A_342/2015, résumé ci-dessus). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Bank c. B. SA)
Recours contre la sentence finale rendue le 31 août 2015 par un tribunal CCI. Le système des voies de droit dans le domaine de l’arbitrage international reflète la volonté du législateur de restreindre sensiblement l’intervention de la juridiction étatique de recours. La recourante erre lorsqu’elle attribue au TF la volonté d’assouplir sa jurisprudence relative au contrôle des sentences fondé sur le déni de justice formel en lien avec l’omission de traiter un argument. Un tel assouplissement n’est pas d’actualité – bien au contraire, alors que les recours invoquant ce moyen ne cessent d’augmenter, la jurisprudence topique n’a pas bougé d’iota depuis l’arrêt Cañas (ATF 133 III 235). Quoi qu’il en soit, in casu, c’est à tort que la recourante reproche au tribunal d’avoir omis de traiter un argument pertinent (consid. 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( AS c B. SAL)
Recours contre la sentence rendue le 18 décembre 2014 par un tribunal arbitral CCI. Argument de la recourante selon lequel l’arbitre aurait violé son droit d’être entendue et l’égalité de traitement en permettant à sa partie adverse de présenter de nouveaux arguments et éléments de preuve lors de l’audience d’instruction. En dépit de la nature formelle de la garantie du droit d’être entendu selon l’art. 190 al. 2 let d LDIP, la recourante n’est pas recevable à se plaindre de sa violation en l’espèce : en effet, l’arbitre a rejeté les arguments et preuves incriminés dans sa sentence finale, de sorte que la recourante ne peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection à l’annulation de la décision sur ce point (consid. 4.2.2).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(République A. [Hongrie] c. B. International [société holding de droit français])
Recours contre la sentence finale rendue le 3 décembre 2014 par un tribunal constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) et au Règlement d’arbitrage CNUDCI. Argument de la recourante selon lequel le tribunal arbitral, en la condamnant à payer des dommages-intérêts à l’intimée sans tenir compte des contraintes découlant du droit européen en la matière, l’aurait forcée à violer ses obligations internationales et donc le principe pacta sunt servanda dans son acception de droit international public, rendant ainsi une sentence contraire à l’ordre public matériel. Incompatibilité d’une sentence contredisant une norme de droit supranational avec la définition restrictive de l’ordre public retenue dans la jurisprudence du TF : question laissée ouverte. In casu, la recourante n’a pas démontré que les motifs retenus par les arbitres pour justifier l’indemnisation de l’intimée rendraient la sentence incompatible avec l’ordre public matériel (consid. 5.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA [société d’Etat en charge des autoroutes et routes nationales de X] c. B. SA [société de droit X spécialisée dans les travaux routiers])
Recours contre la sentence finale rendue le 11 mai 2015 par un tribunal CCI. Le motif de recours prévu à l’art. 190 al. 2 let. e LDIP ne vise pas à sanctionner le défaut d’application ou la mauvaise application du droit étranger applicable au fond, fût-il impératif (consid. 4.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( [homme d’affaires domicilié en Suisse] c. B. [homme d’affaires domicilié en Israël)
Recours contre la sentence finale rendue le 10 juin 2015 par un arbitre unique ad hoc. Reproche fait à l’arbitre d’avoir édicté des règles de procédure inusuelles en arbitrage international et, qui plus est, de s’en être écarté. Seule la violation d’une règle essentielle pour assurer la loyauté de la procédure peut donner lieu à une sentence contraire à l’ordre public procédural. Par ailleurs, la partie qui s’estime victime d’une telle violation doit l’invoquer d’emblée au cours de l’arbitrage, sous peine de forclusion (consid. 4.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. SA [société luxembourgeoise] c. B. [société turque])
Recours contre la sentence incidente rendue le 17 décembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Bâle. Clause stipulant que « [f]or all disputes arising out of this contract, the Arbitration Committee, to be established in Basel (Switzerland), is authorized and the law to be applied is Swiss law […] ». Les conventions d’arbitrage incomplètes, peu claires ou comportant des éléments contradictoires sont dites « pathologiques ». Pour autant que les défauts les affectant ne touchent pas aux éléments devant impérativement figurer dans une convention d'arbitrage, de telles clauses ne sont pas nécessairement nulles. Selon la jurisprudence, il faut, bien plutôt, en élucider le sens en recherchant par la voie de l’interprétation une solution qui respecte la volonté fondamentale des parties de se soumettre à une juridiction arbitrale. En droit suisse, l’interprétation d’une convention d'arbitrage se fait selon les règles générales d'interprétation des contrats. Si le juge (ou l’arbitre) ne parvient pas à déterminer la commune et réelle volonté des parties, il doit alors rechercher, en appliquant le principe de la confiance, le sens qu’elles pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l'ensemble des circonstances. En conformité avec ces règles, l’arbitre unique a interprété la clause litigieuse selon le principe de la confiance. Il est ainsi parvenu, suivant une démarche qui ne prête pas le flanc à la critique, à la conclusion qu’il s’agissait d’une convention visant l’arbitrage selon les Swiss Rules of International Arbitration, administré par la Chambre de commerce des deux Bâle, et non un arbitrage ad hoc avec siège à Bâle, comme soutenu par la recourante (consid. 5.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [Fondation de droit néerlandais] c. B. [société de droit américain] et C. [CEO de B.]
Recours contre la sentence rendue par un tribunal siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Pour être valable, une convention d’arbitrage doit prévoir l’obligation pour les parties de déférer leur litige à un tribunal arbitral privé, appelé à rendre une décision à caractère contraignant en lieu et place de la juridiction étatique normalement compétente. Clause dans un accord transactionnel stipulant que ledit accord sera « interpreted in accordance with and governed in all respects by the provisions and statutes of the International Chamber of Commerce in Zürich, Switzerland and subsidiary by the laws of Germany ». En l’absence de toute référence, non seulement à l’arbitrage, mais aussi et de manière plus significative, à la résolution d’éventuels différends ou litiges, une telle clause ne constitue pas une convention d’arbitrage valable selon le droit suisse (fût-elle « pathologique », au sens de la jurisprudence résumée en marge de l’ATF 140 III 477 ci-dessus), en tant qu’elle ne permet pas d’établir la volonté des parties de faire trancher leurs litiges par la voie arbitrale. Il pourrait s’agir, tout au plus, d’une clause d’élection de droit, au demeurant imprécise et au sens relativement obscur (consid. 3.2.3.2). C’est donc à raison que le tribunal arbitral s’est déclaré incompétent à statuer sur le litige qui lui a été soumis sur la base de cette clause. Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Sàrl X. [société de droit algérien] c. Y. AG [société de droit allemand])
Recours contre la sentence finale rendue par un tribunal arbitral CARICI. De jurisprudence constante, des fautes de procédure ou une décision matérielle erronée ne suffisent pas à fonder l’apparence de prévention d’un tribunal, sauf erreurs particulièrement graves ou répétées qui constitueraient une violation manifeste des ses obligations. Par ailleurs, la réserve relative aux fautes graves ou répétées, ouvrant par hypothèse la porte d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a LDIP, ne saurait être détournée pour servir de base à une critique appellatoire des constatations de fait ou considérations juridiques sur lesquelles repose la sentence, ni pour permettre à une partie ne pouvant pas invoquer avec succès les motifs prévus aux lettres b à e de l’art. 190 al. 2 LDIP d’en obtenir néanmoins l’annulation (consid. 5.3).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. SA [société de droit suisse] c. B. Sàrl [société de droit luxembourgeois])
Recours contre la sentence rendue le 14 novembre 2014 par l’arbitre unique ad hoc. Architecte désigné nommément comme arbitre dans la convention d’arbitrage, ayant décidé de se faire épauler à ses propres frais par deux avocats agissant respectivement en qualité de conseil et secrétaire du tribunal. La mission juridictionnelle de l’arbitre est éminemment personnelle, le contrat d’arbitre étant conclu intuitu personae. Cela implique que l’arbitre ne peut déléguer l’accomplissement de sa mission à autrui, mais n’exclut pas nécessairement qu’il puisse faire appel à l’assistance de tiers dans la conduite de l’arbitrage. Il est généralement admis que la possibilité de nommer un secrétaire du tribunal, prévue en arbitrage interne par l’art. 365 al. 1 CPC, vaut aussi en matière d’arbitrage international. Les tâches du secrétaire sont comparables à celles d’un greffier judiciaire : elles n’excluent pas, en particulier, une certaine assistance dans la rédaction de la sentence, sous le contrôle et selon les directives du tribunal, étant entendu que, sauf convention contraire des parties, les fonctions de nature judiciaire demeurent l’apanage exclusif des arbitres. Sous cette même réserve et dans l’exercice de ses prérogatives en matière procédurale, il est également admis que l’arbitre puisse faire appel à des consultants externes (consid. 3.2.2). En l’occurrence, il ne ressort pas du dossier de l’arbitrage que le rôle joué par les avocats ayant assisté l’arbitre ait été au-delà d’un soutien administratif et juridique dans le traitement de questions de procédure. La sentence indique expressément que les individus en question n’ont pas participé à la prise de décision ni influencé l’issue du litige. Dès lors, le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal tombe à faux (consid. 3.3-3.4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( c. B., C., D., E. et F.)
Recours contre la sentence rendue le 25 mars 2014 par un arbitre unique. Les chefs de la demande dont il est question à l’art. 190 al. 2 let. c LDIP sont les conclusions des parties, soit leurs demandes sur le fond. Par conséquent, l’arbitre ne rend pas une sentence infra petita s’il omet de statuer sur des requêtes d’ordre procédural (consid. 4.3).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [société anonyme de droit xxx] c. X.B. [société de droit yyy]
Recours contre la sentence rendue le 30 juin 2014 par un tribunal arbitral CCI. Argument selon lequel, en omettant d’appliquer les principes d’interprétation établis par le droit suisse (régissant le contrat litigieux) à l’art. 18 al. 1 CO, pourtant dûment invoqués par la recourante, le tribunal aurait commis un déni de justice formel (consid. 4.2-4.3.1). S’il est vrai que la sentence ne cite pas expressément cette disposition, l’examen de son contenu montre que le tribunal a bel et bien procédé à l’interprétation du contrat conformément aux principes déduits de l’art. 18 al. 1 CO. Plus spécifiquement, le tribunal a retenu, à la majorité de ses membres, que son analyse du contrat lui avait permis de déterminer la réelle et commune intention des parties (interprétation dite ‘subjective’) quant au sens à donner aux clauses pertinentes pour la résolution du litige (consid. 4.3.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [société de droit français] c. B. [société soumise au droit de l’Etat du Delaware])
Recours contre la sentence rendue le 30 juillet 2014 par un Arbitre unique CCI siégeant à Genève. En Suisse, le droit des parties d’être interpellées sur des questions juridiques n’est reconnu que de manière restreinte. En vertu de l’adage jura novit curia, les tribunaux étatiques et arbitraux peuvent statuer sur la base de règles de droit autres que celles invoquées devant eux. Pour autant que la convention d’arbitrage ne restreigne pas la mission du tribunal aux seuls moyens juridiques soulevés par les parties, celles-ci n’ont pas à être entendues sur la portée à reconnaître aux règles de droit, à moins que le tribunal n’envisage de fonder sa décision sur une norme ou considération juridique qui n’a pas été invoquée dans l’arbitrage et dont les parties ne pouvaient pas supputer la pertinence pour la résolution du litige (consid. 2.1).
Par ailleurs, si les parties étaient convenues de déroger à la règle jura novit curia en limitant la mission de l’arbitre aux seuls moyens juridiques qu’elles invoqueraient (par exemple en incluant une clause à cet effet dans l’acte de mission), le non-respect de cette limitation ouvrirait un recours au TF au titre de l’incompétence de l’arbitre (art. 190 al. 2 let. b LDIP) ou de la violation de la règle ne eat judex ultra petita partium (art. 190 al. 2 let. c LDIP), et non du chef de la violation du droit d’être entendu sanctionnée par l’art. 190 al. 2 let d LDIP (consid. 2.2).
Cela étant, la recourante plaide en vain l’effet de surprise : s’il est vrai que l’expression « reconduction tacite » n’avait pas été utilisée dans les écritures des parties, l’application par l’arbitre de cette figure juridique connue du droit français, régissant le contrat litigieux, était loin d’être imprévisible. Au vu de la question à résoudre, l’hypothèse de la reconduction tacite ne pouvait en tout cas pas être écartée d’emblée par un plaideur prudent et a fortiori par la recourante, une entreprise française rompue à la négociation de contrats internationaux, dotée d’un service juridique interne et assistée dans l’arbitrage par deux conseils inscrits au barreau de Paris (consid. 2.3.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. Corporation [Société russe] c. B. SA [Société luxembourgeoise, partie du groupe C.])
Recours contre la sentence rendue le 15 septembre 2014 par un tribunal CCI siégeant à Genève. En fondant sa décision quant au dommage subi par la demanderesse sur une déclaration de témoin soumise par cette même partie, le tribunal n’a pas violé le droit d’être entendue de l’autre partie, laquelle s’était limitée à affirmer que ce témoignage n’était pas apte à prouver le montant du dommage, sans produire de contre-témoignage ou d’expertise, et sans contre-interroger le témoin de la demanderesse sur ce point (consid. 3.3). En droit suisse de l’arbitrage international, la violation ou l’application arbitraire d’une règle de procédure par le tribunal n’est pas en tant que telle un motif d’annulation de la sentence. En particulier, l’admission d’une écriture déposée par une partie après le délai fixé à cette fin n’autorise pas l’autre partie à se plaindre d’une violation du principe de l’égalité de traitement. Une telle violation ne survient, dans ce cas de figure, que si les deux parties ont soumis leurs écritures tardivement et que seule l’une d’entre elles est sanctionnée pour ce retard (consid. 4.2).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. SA [société de droit suisse] c. B. Sàrl [société de droit luxembourgeois]).
L’art. 182 al. 3 LDIP, tel qu’interprété par la jurisprudence, ne confère pas aux parties le droit de faire entendre oralement ceux de leurs témoins qui ont déposé des déclarations écrites. Par ailleurs, il n’y a pas de violation du principe de l’égalité de traitement lorsque l’arbitre, conformément à la procédure usuelle en arbitrage international, accorde à une partie le droit d’interroger ses propres témoins (re-direct examination) suite à leur audition en cross examination à la demande de son adverse partie, tout en refusant à cette dernière le droit d’appeler ses témoins pour un interrogatoire direct alors que l’autre partie n’en a pas requis l’audition en cross examination (consid. 5.2.4). Recours rejeté. (En rapport avec ce thème : au sujet de l’admissibilité des règles de procédure limitant le droit des parties de faire entendre leurs propres témoins aux cas où le contre-interrogatoire a été requis par la partie adverse, voir le consid. 6.2.3 de l’arrêt 4A_199/2014 du 8 octobre 2014).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA c. B.)
Recours en matière civile et demande de révision connexes visant la même sentence arbitrale, rendue le 3 mars 2014 par un tribunal arbitral CCI. Recours en matière civile traité en priorité (consid. 2 ; pour la décision sur la demande de révision, voir l’arrêt 4A_247/2014 du même jour, résumé sous la note marginale « Révision (art. 123 LTF) » ci-dessous). Selon la conception juridique suisse, les promesses de versement de pots-de-vin sont contraires aux mœurs et partant nulles. La jurisprudence a également retenu que de telles promesses contreviennent à l’ordre public. Toutefois, pour que le grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP soit admis, il faut que la corruption soit établie et que le tribunal arbitral ait refusé d’en tenir compte dans sa sentence. En l’espèce, le tribunal a considéré que l’allégation de corruption n’avait pas été prouvée par la recourante (consid. 5.1). Argument de cette dernière selon lequel le tribunal aurait méconnu l’ordre public transnational en lui ordonnant le paiement de commissions qui l’exposeraient au risque d’être sanctionnée sur la base de dispositions du droit pénal édictées par les Etats-Unis et l’Angleterre (UK Bribery Act 2010 et Foreign Corrupt Practices Act). Motivation manifestement insuffisante du recours sur ce point (consid. 5.2). (Au sujet du contenu de la notion d’ordre public matériel au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, voir également l’arrêt 4A_634/2014 (consid. 5.2.2), résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Y. SA et Z. SA c. B. B.V. et V. Ltd et W. SA c. B B.V.)
Recours contre les sentences rendues le 17 juillet 2014 par un tribunal arbitral CCI ; causes jointes.
En l’espèce, le tribunal arbitral a retenu, sur la base d’une appréciation des preuves qui échappe à l’examen du TF, que l’allégation de corruption visant l’intimée n’avait pas été prouvée. Dès lors, le reproche fait aux arbitres d’avoir violé l’ordre public en ordonnant le paiement de commissions relatives à des contrats qui seraient frappés de nullité pour cause de corruption tombe à faux (consid. 5.1). Faute pour les recourantes d’avoir établi l’existence de paiements illégitimes attribuables à l’intimée et compte tenu du fait que l’adage « le pénal tient le civil en l’état » ne relève pas, selon la jurisprudence, de l’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, le tribunal a également conclu, par un raisonnement que les arguments avancés par les recourantes ne parviennent pas à infirmer, qu’il ne se justifiait pas de surseoir au prononcé des sentences jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale pendante en Angleterre, issue d’enquêtes portant sur des soupçons de corruption en lien avec des projets auxquels avaient participé des sociétés du même groupe que les recourantes (consid. 5.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Sàrl X. [société de droit algérien] c. Y. AG [société de droit allemand])
Recours contre la sentence rendue le 25 octobre 2013 par un tribunal arbitral CARICI.
Selon la jurisprudence, un tribunal arbitral viole l’ordre public procédural non seulement s’il statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure, mais aussi s’il s’écarte, dans sa sentence finale, de l’opinion qu’il a précédemment émise dans une sentence préjudicielle tranchant une question préalable de fond. A la lumière de cette règle bien établie, le tribunal ne pouvait pas revenir sur la question de la portée de l’accord litigieux entre les parties, qu’il avait réglée à titre préalable dans une sentence antérieure. Il n’a donc pas violé le droit d’être entendue de la recourante en refusant de tenir compte de ses arguments à ce sujet dans les phases ultérieures de l’arbitrage (consid. 3 et 4.2.3.1). L’autorité de la chose jugée vaut également sur le plan international et gouverne, entre autres, les rapports entre un tribunal arbitral siégeant en Suisse et une juridiction étatique étrangère. Cela étant, les décisions rendues dans le cadre de procédures étatiques statuant sur le blocage du paiement d’une garantie par voie de mesures provisionnelles ou au moyen d’un séquestre ne bénéficient pas de l’autorité de la chose jugée (consid. 6.3.2). Par ailleurs, le grief visant le refus du tribunal de récuser un expert pour violation du devoir d’indépendance et d’impartialité doit lui aussi être examiné sous l’angle de la garantie subsidiaire de l’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, et non de l’exigence de la composition régulière du tribunal arbitral selon l’art. 190 al. 2 let. a LDIP, l’expert n’étant pas un membre du tribunal. En revanche, la règle jurisprudentielle à caractère général selon laquelle la partie qui entend récuser un arbitre doit invoquer le motif de récusation aussitôt qu’elle en a connaissance, sous peine de forclusion, s’applique également à la récusation d’un expert nommé par le tribunal. Demande de récusation déposée tardivement (consid. 6.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. LLP [Etude d’avocats ayant son siège aux USA] c. B. [avocat domicilié en Allemagne])
Recours contre la sentence rendue le 29 septembre 2014 par un Tribunal arbitral CCI siégeant à Zurich. Viole l’ordre public procédural le tribunal arbitral qui statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure. Sur le plan international, l’autorité de la chose jugée gouverne, entre autres, les rapports entre tribunaux arbitraux ayant leur siège dans des Etats différents. Si donc une partie saisit un tribunal arbitral siégeant en Suisse d’une demande identique à celle qui a fait l’objet d’une sentence arbitrale exécutoire, rendue entre les mêmes parties, par un tribunal arbitral siégeant dans un autre Etat (in casu, l’Allemagne), le tribunal arbitral suisse, sous peine de s’exposer au grief de la violation de l’ordre public procédural, devra déclarer cette demande irrecevable, pour autant que la sentence étrangère soit susceptible d’être reconnue en Suisse en vertu de l’art. 194 LDIP.
Sous réserve des dispositions spéciales contenues dans des traités internationaux, la question de savoir si les demandes sont identiques doit se résoudre en application de la lex fori, soit, pour un tribunal arbitral siégeant à Zurich, les principes pertinents du droit suisse. Selon ces mêmes principes, les effets attachés à l’autorité de la chose jugée d’une sentence étrangère dépendent du droit de son Etat d’origine. Toutefois, une sentence reconnue n’a en Suisse que l’autorité de la chose jugée qui serait la sienne si elle émanait d’un tribunal arbitral suisse. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la recourante, l’autorité de la force jugée d’une sentence étrangère en Suisse ne s’attache qu’au seul dispositif, à l’exclusion des motifs, même si (par hypothèse) selon le droit de l’Etat d’origine ces derniers bénéficient eux aussi de l’autorité de la chose jugée. En l’espèce, c’est à raison que le tribunal arbitral suisse a déterminé que la demande dont il était saisi n’était pas identique à celle qui avait été soumise au tribunal allemand. Même à supposer que ces demandes eussent été identiques, en vertu de la conception suisse de l’autorité de la chose jugée, le tribunal siégeant à Zurich n’était pas lié par les considérants de la sentence du tribunal allemand au sujet de l’interprétation du contrat dont étaient issues les demandes des parties dans les deux arbitrages (consid. 3.2). Recours rejeté. (Au sujet de l’autorité de la chose jugée en tant que composante de l’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, voir également l’arrêt 4A_374/2014 (consid. 4.3.1 et 4.3.2.3), résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( c. A.Y. AG et B.Y. Inc.)
Recours contre la sentence préliminaire rendue par un tribunal CCI le 30 juillet 2013. Droit suisse applicable à la détermination de la portée objective de la clause d’arbitrage (art. 178 al. 2 LDIP) : volonté hypothétique des parties établie selon le principe de la confiance. L’existence et la validité de la clause d’arbitrage n’étant pas contestées, il convient de présumer que les parties ont voulu conférer une compétence étendue au tribunal arbitral (consid. 3.3.2). En l’espèce, la clause litigieuse est formulée de manière large : « any dispute or disagreement […] relating to or arising out of any provision of this Agreement».
Dès lors, la compétence des arbitres s’étend en principe aux litiges relatifs non seulement à la formation et à la validité du contrat principal, mais également à sa résolution. En vertu du principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage, la résiliation ou l’expiration du contrat principal n’est pas présumée emporter celle de la clause d’arbitrage.
Un accord des parties à cet effet ne peut être admis à la légère et doit être stipulé de façon claire et non équivoque. Interprétées selon le principe de la confiance, les dispositions contractuelles (autres que la convention d’arbitrage) auxquelles se réfère la recourante ne laissent pas apparaître la volonté présumée des parties de voir la résiliation ou l’expiration du contrat principal mettre fin à la compétence du tribunal arbitral (consid. 3.3.3). Des considérations d’utilité et d’efficacité, mais aussi d’ordre pratique, conduisent à la même conclusion (consid. 3.3.3-3.3.5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. AG [société de droit suisse] c. Z. [société de droit français])
Recours contre la sentence rendue le 3 septembre 2013 par un arbitre unique ad hoc. Le contrat d’arbitre (receptum arbitri) est généralement qualifié de mandat sui generis. Cependant, le statut particulier de l’arbitre entraîne l’exclusion d’une bonne partie des règles régissant le mandat, y compris les conditions dans lesquelles celui-ci prend fin. Le contrat d’arbitre s’éteint normalement en même temps que l’instance, à savoir au moment où la sentence finale est rendue. Il peut toutefois se terminer de manière anticipée dans certaines situations, notamment en cas de récusation, révocation, destitution ou démission de l’arbitre (consid. 3.2.1).
Dans le cas d’espèce, il y a lieu de retenir que les parties ont conclu entre elles d’une part, et conjointement avec l’arbitre d’autre part, un accord tripartite en cours d’instance, prévoyant l’extinction prématurée du contrat d’arbitre au cas où la sentence ne serait pas rendue dans un délai précis (consid. 3.2.2). Une sentence rendue après l’expiration de la mission de l’arbitre n’est pas nulle mais annulable. A la lumière de la jurisprudence fédérale récente, ce vice de procédure doit être traité comme un motif de recours au sens de l’art. 190 al. 2 let b LDIP (et non de l’art. 190 al. 2 let a LDIP) (consid. 4.1). Recours admis.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Ltd. [société de droit chypriote] c. Y. Ltd. [société de droit chypriote])
Recours contre la sentence partielle rendue le 14 janvier 2014 par un arbitre unique CCI siégeant à Genève. L’arbitrabilité subjective, qui, au sens large, comprend le pouvoir de représentation des parties, relève du grief de l’art. 190 al. 2 let. b (consid. 3.1). Procédure d’arbitrage initiée par la titulaire d’une procuration émise par l’administrateur (Official Receiver) ad interim de Y. Ltd. (en liquidation). Anti-suit injunctions prononcées à l’encontre de la procédure d’arbitrage par la District Court de Limassol (consid. B.a.). « Sentence partielle » de l’arbitre admettant sa compétence, la capacité à être partie et à agir dans l’arbitrage de Y. Ltd. et la validité de la procuration en faveur de son conseil, à la lumière, pour ce dernier aspect, d’une décision rendue par la District Court de Limassol le 19 juillet 2013, reconnaissant qu’une autorisation judiciaire (ou des représentants des créditeurs) n’est pas requise pour l’érogation d’une procuration au procès par l’Official Receiver (consid. 3.2). Suspension de la procédure de recours par le TF, en attendant l’issue de l’appel déposé devant la Cour Suprême de Chypre à l’encontre de cette dernière décision de la District Court, la compétence de l’arbitre dépendant de la question préliminaire de la validité de la procuration du conseil de Y. Ltd. selon le droit chypriote (consid. 3.5).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA [société d’Etat en charge des autoroutes et routes nationales] c. B. SA [société de droit français spécialisée dans les travaux routiers])
Recours contre la sentence partielle rendue le 21 janvier 2014 par un tribunal arbitral CCI. Reproche fait au tribunal de s’être reconnu compétent en violation du mécanisme préalable et obligatoire de recours à un Dispute Adjudication Board (DAB) ad hoc selon la clause 20.8 des Conditions Générales FIDIC applicables aux contrats de construction (1ère éd. 1999).
La règle in favorem validitatis de l’art. 178 al. 2 LDIP s’étend au choix du droit applicable à la validité d’une clause prévoyant un mécanisme de règlement des litiges préalable à l’arbitrage (consid. 3.3). Contrairement à l’avis des arbitres majoritaires, ladite clause institue une procédure impérative, en ce sens qu’elle doit être terminée pour que l’arbitrage puisse commencer.
Cela étant, le principe de la bonne foi commande que l’on tienne également compte des circonstances du cas d’espèce, y compris les spécificités de la clause litigieuse et le comportement de la recourante dans la phase préalable à l’arbitrage, pour déterminer si le tribunal a valablement été saisi alors que le DAB ad hoc n’avait pas pu être mis sur pied (consid. 3.4–3.5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( [cycliste professionnel] c. Nationale Anti-Doping Agentur Deutschland)
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 21 février 2014. Assistance judiciaire et accès à la justice : question de savoir si le recourant était en droit de résilier la convention d’arbitrage au motif que l’assistance judiciaire nécessaire à sa défense lui a été refusée par le TAS ; laissée ouverte (consid. 3-4 ; cf. le résumé de cet arrêt dans le chapitre Droit du sport du présent ouvrage).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA [société de droit grec] c. Z Ltd. [société de droit anglais])
Recours contre la sentence rendue le 25 février 2013 par un tribunal arbitral CCI. Compétence du tribunal pour se prononcer sur la prétendue violation de la clause arbitrale résultant de la mise en œuvre par la recourante des tribunaux étatiques grecs, et pour connaître de la demande de l’intimée visant à obtenir des dommages-intérêts à titre d’indemnisation du préjudice qu’elle pourrait subir à la suite de ces actions : admise à la lumière du libellé de la clause arbitrale en cause et du droit anglais applicable au fond, permettant de qualifier une telle demande de prétention contractuelle relevant du champ d’application de la convention d’arbitrage (consid. 3.4.1). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( AG [société de droit allemand] et X. Technologies S.A.E [société de droit égyptien] c. Y. [société de droit égyptien])
Recours contre la sentence rendue par un tribunal arbitral CCI le 6 mai 2013. Les parties peuvent convenir en tout temps de l’extinction de la convention d’arbitrage. Un tel accord n’est soumis à aucune forme particulière (consid. 3.2.1). Recours irrecevable du fait qu’en déclinant sa compétence le tribunal a constaté, en procédant à une interprétation subjective, la concordance des volontés réelles des parties de mettre un terme à la convention d’arbitrage, question de fait qui échappe à l’examen du TF dans le cadre d’un recours en annulation (art. 105 al. 1 LTF) (consid. 3.4). Pas d’entrée en matière.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. c. Y. Engineering S.p.A. et Y. S.p.A.)
Recours contre la sentence finale rendue le 31 juillet 2013 par un tribunal arbitral CCI, niant sa compétence à l’égard de l’une des sociétés parties au litige (Y. S.p.A.) et rejetant les demandes reconventionnelles de la recourante dans la mesure où elles visaient cette société. En vertu du principe de la relativité des contrats, la clause d’arbitrage ne lie que les cocontractants. La jurisprudence admet toutefois que certaines situations peuvent faire exception à cette règle, notamment en cas de cession de créance, reprise de dette ou transfert de la relation contractuelle, voire dans les cas où un tiers s’étant immiscé dans l’exécution du contrat est reputé avoir adhéré à la convention d’arbitrage par actes concluants, ou encore les circonstances où une société mère agissant dans la confusion des sphères avec la société fille peut se voir imputer des obligations contractuelles souscrites par cette dernière (consid. 3.2). Thèse principale de la recourante faisant valoir que la société Y. Group, détentrice de Y. Engineering, avait adhéré par le biais d’une convention tripartite aux contrats contenant les clauses arbitrales litigieuses, en qualité de codébitrice de Y. Engineering à l’égard de X. (condition nécessaire pour que Y. S.p.A., constituée à une époque ultérieure, puisse être reconnue, elle aussi, comme partie contractante du fait qu’elle avait acquis une division (Y.D.) de Y. Group) : argumentation rejetée par le tribunal, précisant dans la sentence que la question subsidiaire de savoir si l’acquisition de ladite division avait entraîné le transfert des clauses d’arbitrage de Y. Group à Y. S.p.A. devenait sans objet du fait que la recourante n’avait pas établi qu’Y. Group avait adhéré aux contrats (consid. 3.5.1). Arguments supplémentaires dévoloppés par la recourante pour fonder la compétence du tribunal à l’égard d’Y. S.p.A., tous reposant sur les règles de la bonne foi, également rejetés (consid. 3.3.3). Or, sur le vu des faits retenus dans la sentence, interprétés selon le principe de la confiance (et indépendamment de la construction juridique à retenir pour fonder la conclusion correcte), c’est à tort que le tribunal a exclu sa compétence à l’égard de Y. S.p.A au motif que Y. Group n’était pas liée par les contrats litigieux. Y. Group doit donc se laisser opposer ces contrats et les conventions d’arbitrage qu’ils contiennent. Toutefois, savoir si X. peut opposer ces mêmes contrats à Y. S.p.A. dépend de la réponse qui sera donnée à la question subsidiaire des conséquences de l’acquisition de Y.D. par Y. S.p.A., laissée en suspens dans la sentence. Recours partiellement admis : annulation par le TF du ch. 1 du dispositif, sans constatation quant à la compétence (ou non) du tribunal à l’égard de Y. Sp.A., et renvoi de la cause aux arbitres pour qu’ils se déterminent sur cette question et les conséquences à en tirer, en effectuant les modifications ultérieures du dispositif, qui se rendraient nécessaires sur cette base (consid. 3.6).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Kft. c. B. GmbH)
Recours contre la sentence rendue le 1er novembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Zurich. La partie qui veut récuser un arbitre (art. 180 al. 2 LDIP), exciper de l’incompétence du tribunal arbitral (art. 186(2) al. 2 LDIP), ou qui se considère désavantagée par d’autres manquements du tribunal dans la conduite de la procédure, doit agir immédiatement, pendant l’arbitrage, donnant ainsi au tribunal l’opportunité de rémédier à d’éventuelles irrégularités en temps utile. A défaut, elle est forclose à se prévaloir des griefs correspondants dans le cadre d’un recours en annulation contre la sentence. En l’espèce, l’exception d’incompétence de la recourante, qui n’a pas été soulevée devant l’arbitre, est périmée (consid. 2.2) (voir également le résumé de cet arrêt sous art. 190 al. 2 let. d LDIP ci-dessous). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Club X. SA c. Z. [société de droit espagnol]) (Ne reproduisant pas le consid. 5 résumé ci-après ; cf. TF 4A_282/2013 du 13 novembre 2013)
Recours contre la sentence rendue le 12 avril 2013 par le TAS. Confirmation de la jurisprudence fédérale selon laquelle le grief tiré de la composition irrégulière du tribunal arbitral ne couvre pas seulement le non-respect des règles assurant l’indépendance et l’impartialité des arbitres (art. 180 LDIP), mais également l’hypothèse où le tribunal a été constitué en violation de la convention des parties (art. 179 LDIP). Le nombre d’arbitres est un élément important de ladite convention, tant et si bien que l’art. 360 CPC y consacre une disposition spécifique, applicable par analogie à l’arbitrage international en vertu du renvoi de l’art. 179 al. 2 LDIP (consid. 4).
Cela étant, dans la mesure où elle tranche définitivement une contestation au sujet de la composition de la formation arbitrale, une décision incidente méconnaissant l’accord des parties au sujet du nombre d’arbitres, qu’elle émane du tribunal lui-même ou d’un organe de l’institution, peut et doit être attaquée directement devant le TF (art. 190 al. 3 LDIP), sous peine de forclusion. Question, laissée ouverte, de l’incohérence introduite dans la jurisprudence fédérale du fait que les décisions institutionnelles sur les demandes de récusation ne peuvent pas, quant à elles, faire l’objet d’un recours immédiat (cf. TF 4A_644/2009 du 13 avril 2010, résumé dans l’édition 2009/2010 du présent ouvrage) (consid. 5.3.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( Oy [société de droit finlandais] c. Y. EAD [société de droit bulgare])
Recours contre la sentence rendue par un tribunal arbitral CCI le 2 août 2013. Il y a violation du droit d’être entendu, équivalant à un déni de justice formel, là où la sentence se limite à mentionner des arguments juridiques pertinents pour l’issue du litige dans la section présentant les positions des parties, sans aucunement les traiter – ne serait-ce qu’implicitement – dans l’analyse en droit servant d’assise à la décision du tribunal. A défaut d’observations soumises par les arbitres, l’on ne saurait exiger du recourant une « probatio diabolica» allant jusqu’à établir les raisons du mutisme de la sentence sur ces arguments (consid. 3). En l’absence d’explications justifiant l’omission, recours admis.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. Kft. c. B. GmbH)
Recours contre la sentence rendue le 1er novembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Zurich. Argument de la recourante selon lequel l’arbitre aurait violé son droit d’être entendue à plusieurs égards, en particulier en ne tenant pas compte des difficultés linguistiques rencontrées par son conseil, qui ne maîtrisait pas la langue de l’arbitrage, et en ne lui donnant pas l’opportunité de combler les lacunes dans son argumentation et offres de preuves. Le procès arbitral étant soumis à la maxime des débats, le tribunal n’a pas l’obligation d’interpeller les parties ex officio pour leur permettre de remédier à de telles lacunes (consid. 3.2.2) (voir également le résumé de cet arrêt sous art. 190 al. 2 let. b LDIP ci-dessus). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( [club de football professionnel français] c. Z. [club de football professionnel des Emirats Arabes Unis] et Fédération Internationale de Football Association [FIFA] et X. [joueur de football professionnel])
Recours contre la sentence rendue le 3 juin 2013 par le TAS. Les règles sur le fardeau de la preuve, y compris l’art. 8 CC, ne relèvent pas de l’ordre public matériel. Par ailleurs, lorsque l’appréciation des preuves conduit le juge à conclure qu’un fait est établi, la question du fardeau de la preuve devient sans objet (consid. 5.2.3 ; voir également le résumé de cet arrêt dans le chapitre Droit du sport du présent ouvrage).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( [directeur sportif du FC Metalist] c. The Football Federation of Ukraine [FFU])
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 2 août 2013. L’admission de moyens de preuve obtenus illégalement ne heurte pas l’ordre public lorsque la pesée des intérêts en présence montre qu’elle est nécessaire pour permettre de démasquer des actes illicites ou infractions graves (in casu, manipulation d’une compétition sportive) (consid. 3.2 ; cf. le résumé de cet arrêt dans le chapitre Droit du sport du présent ouvrage).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA [société de droit turc] c. Z. SA [société de droit belge])
Recours contre la sentence finale rendue par un arbitre unique CCI le 16 juillet 2013. Question - débattue en doctrine - de savoir si l’adage jura novit curia fait partie de l’ordre public procédural, laissée ouverte. D’une part, la doctrine admet qu’une violation de l’ordre public est exclue là où l’arbitre n’examine pas une règle du droit étranger applicable que les parties elles-mêmes n’ont pas invoquée, comme cela a été le cas en l’espèce, et d’autre part il est constant que selon l’acte de mission dans cet arbitrage il incombait aux parties de prouver le contenu du droit applicable (consid. 6.2.2.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( [société ferroviaire d’Etat] c. B. [société anonyme de droit X.])
Destiné à la publication aux ATF. Recours contre la sentence rendue le 6 septembre 2013 par un tribunal CCI. Un tribunal arbitral siégeant en Suisse viole l’ordre public procédural s’il statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée s’attachant à une décision (arbitrale ou étatique) antérieure, que celle-ci ait été rendue sur territoire helvétique ou à l’étranger. Plus particulièrement, un tribunal saisi d’une prétention identique à celle qui a fait l’objet d’un jugement entré en force, rendu entre les mêmes parties par une juridiction étatique étrangère, devra déclarer la demande irrecevable si ledit jugement est susceptible d’être reconnu en Suisse en vertu de l’art. 25 LDIP. Question laissée ouverte : l’examen de la compétence indirecte du tribunal étatique étranger au regard de l’art. 25 let. a LDIP doit-il s’effectuer par référence à l’art. II al. 3 CNY, conformément à la jurisprudence fédérale actuelle, ou plutôt à la lumière de l’art. 7 LDIP, comme le soutient la doctrine qui a critiqué cette jurisprudence ? (consid. 3.1).
La condition relative à l’identité de l’objet du litige entre les deux procès est satisfaite lorsque les mêmes parties (ou leurs successeurs en droit) ont soumis la même prétention (ou son contraire), sur la base des mêmes faits. Les faits postérieurs à la date jusqu’à laquelle l’objet du litige était modifiable, soit le dernier moment où les parties pouvaient compléter leurs allégations et offres de preuves, ne sont pas couverts par l’autorité de la chose jugée (consid. 3.3).
En vertu de la parenté existante entre la question de la compétence et celle de l’autorité de la chose jugée, le TF examine librement les questions (y compris préalables) de droit permettant d’établir si les arbitres ont méconnu l’autorité de la chose jugée en statuant sur le litige qui leur était soumis (consid. 3.4).
Question laissée ouverte : une approche non formaliste de la notion de l’identité des parties – tenant compte du rôle singulier joué par une partie ayant participé à la procédure étatique mais absente dans la procédure arbitrale – peut-elle se justifier dans des cas spécifiques afin de faire barrage à d’éventuelles manœuvres visant à torpiller l’arbitrage (consid. 4.2.1) ?
In casu, la condition de l’identité de l’objet du litige n’était pas remplie car l’état de fait sous-jacent à la sentence arbitrale différait de celui qui avait pu être pris en considération dans le jugement étatique. Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal arbitral a écarté l’exception de la chose jugée (consid. 4.2.2-4.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
( SA [société de droit marocain] c. Z. [société de droit espagnol])
Recours (rejeté) contre la sentence rendue le 12 septembre 2013 par un tribunal arbitral CCI.
Question laissée ouverte : la jurisprudence relative à la révision des sentences arbitrales pour le motif prévu à l’art. 123 al. 1 LTF peut-elle être appliquée par analogie pour ériger l’escroquerie au procès en élément constitutif de l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 3.1) ?
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A et B. c. C. SA)
Recours contre la sentence rendue le 23 septembre 2013 par un tribunal CC-Ti siégeant à Lugano. Le principe « negativa non sunt probanda » n’étant pas reconnu en ces termes absolus dans la jurisprudence (laquelle prévoit tout au plus un devoir de collaboration à charge de la partie pouvant fournir la preuve positive du fait contraire), il ne peut être pris en considération sous l’angle de l’ordre public (consid. 6.1). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Egyptian Football Association c. Al-Masry Sporting Club)
Recours contre la sentence rendue le 2 octobre 2012 par le TAS. L’art R47 al. 1 du Code TAS, qui impose l’obligation d’épuiser les instances préalables, « ne vise que l’instance interne dont la fédération sportive concernée prescrit la mise en œuvre avant toute saisine du TAS, à l’exclusion de celle à qui la partie recourante a le choix de déférer ou non la décision qui ne la satisfait pas » (consid. 4.4.3.2). En conséquence de quoi, cette obligation ne s’étend pas à la révision/reconsidération en tant que moyen de droit extraordinaire prévu par la réglementation sportive. Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Micael Totaro, Yann Hafner
(X. Lda [société de droit portugais] c. Y. Ltd [société de droit chinois])
Recours contre la sentence sur compétence rendue le 23 novembre 2011 par un Tribunal arbitral CCI. L’arbitrabilité subjective (ou ratione personae), qui comprend la capacité de compromettre et celle d’être partie à l’arbitrage, doit être examinée, en tant que condition de validité de la convention d’arbitrage, sous l’angle de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP (consid. 3.2). A l’exception de l’art. 177 al. 2 pour les entreprises d’Etat, le chapitre 12 LDIP ne contient pas de disposition spéciale régissant cette question. Selon la jurisprudence du TF, celle-ci relève du principe général de procédure qui veut que la capacité d’être partie (Parteifähigkeit) dépend de la question préalable de la capacité de jouissance, soit la capacité d’être titulaire de droits et obligations, ou capacité juridique (Rechtsfähigkeit) (consid. 3.3.1 et 3.3.4). Dans un arbitrage international ayant son siège en Suisse, la capacité juridique relèvera du droit désigné par les art. 33 ss LDIP pour les personnes physiques ou 154 et 155 let. c LDIP pour les personnes morales (consid. 3.3.2). Une entité étrangère jouissant de la capacité juridique selon son droit d’incorporation sera réputée avoir cette même capacité, et par là, la capacité d’ester en justice ou d’être partie à une procédure d’arbitrage en Suisse. La recourante est une société à responsabilité limitée de droit portugais. Selon ce droit, une telle société maintient sa capacité juridique même si elle est mise en faillite. Il s’ensuit qu’elle a la capacité d’être partie à un arbitrage international en Suisse. Toute restriction imposée en relation avec l’arbitrage par le droit étranger régissant une personne morale est sans effet du point de vue de la lex arbitri suisse, tant qu’elle n’affecte pas la capacité juridique de cette personne (consid. 3.3.4). Effet d’une loi d’application immédiate étrangère (Eingriffsnorm) sur la validité d’une convention d’arbitrage sous l’angle de la LDIP : question laissée ouverte (consid. 4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(FC X. [club de football] c. Y. [entraîneur professionnel de football])
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 19 mars 2012. Employment Agreement conclu en 2009 entre le club et l’entraîneur, suivi d’un Second Agreement concernant le même rapport de travail, et, en 2010, d’un Settlement Agreement mettant un terme à la relation et prévoyant le paiement d’une indemnité à l’entraîneur. Contrats contenant à la fois une clause d’arbitrage prévoyant la compétence « exclusive » du TAS et des clauses d’élection de for « non exclusives » en faveur des tribunaux suisses (Faits, A.b-A.d). Arbitrage TAS initié par l’entraîneur faute de paiement de l’indemnité par le club. Sentence accueillant partiellement la demande de l’entraîneur, rendue au terme d’une procédure menée par défaut suite à l’objection d’incompétence soulevée par le club. Lorsqu’une clause compromissoire ne permet pas d’établir la volonté concordante des parties de se soumettre à l’arbitrage, elle doit être interprétée conformément au principe de la confiance (interprétation objective). En l’espèce, une interprétation objective des clauses contenues dans les différents contrats ne permet pas de conclure à l’existence d’une volonté concordante des parties de renoncer à la juridiction étatique. Le TAS a, en particulier, méconnu la jurisprudence du TF selon laquelle une clause d’élection de for contenue dans un accord transactionnel subséquent prime sur la clause d’arbitrage contenue dans le contrat originaire (consid. 4.4 – 4.6). Conditions de validité d’un accord prévoyant des compétences juridictionnelles alternatives, selon le choix du demandeur : question laissée ouverte (consid. 4.4) (voir également TF 4A_515/2012, consid. 5.2, dans le cadre d’un arbitrage interne). Recours admis.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [citoyen bulgare ; entraîneur de l’équipe nationale bulgare de football] c. Bulgarische Fussballunion)
Recours contre une sentence rendue par le TAS le 24 mai 2012, déniant sa compétence. Saisi du grief de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP, le TF en examine librement tous les aspects juridiques (jura novit curia), ce qui peut le conduire à rejeter le grief sur la base d’un autre motif que celui qui est indiqué dans la sentence entreprise (consid. 3.1). Selon la règle matérielle de l’art. 177 al. 1 LDIP, un litige surgissant d’un contrat de travail est arbitrable dans la mesure où il porte sur une prétention de nature patrimoniale, sous réserve de dispositions de droit étranger exigeant impérativement la juridiction des tribunaux étatiques et relevant de l’ordre public, ce qui n’est pas le cas de la disposition du Code de procédure civile bulgare invoquée en l’espèce. Ainsi, c’est à tort que le TAS a conclu à l’inarbitrabilité du litige. De même, il n’y avait pas lieu pour le TAS de prendre en considération le risque éventuel que la sentence ne soit pas exécutée en Bulgarie, un tel risque étant sans pertinence aux fins de sa décision sur compétence (consid. 3.2-3.3). Cela étant, la clause compromissoire en question n’est pas valable au sens de l’art. 178 al. 2 LDIP : la sentence du TAS était donc correcte dans son résultat (consid. 3.4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. c. Z.)
Recours contre la sentence rendue le 6 juin 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Cas dans lequel le TA a rendu une première « sentence partielle », en juin 2011, se déclarant compétent pour connaître du litige. Savoir si l’intimée disposait de la capacité d’être partie au moment où cette première sentence a été rendue est une question qui relève de l’arbitrabilité subjective, en d’autres termes de la compétence ratione personae. Cette question doit donc être examinée sous l’angle de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP (consid. 1.2) (voir aussi ATF 138 III 714, consid. 3.2 et 3.3). La recourante ne conteste pas l’interprétation du droit étranger faite par le TA dans la sentence entreprise, rendue après la première sentence sur compétence, et concluant à l’effet rétroactif de la réinscription de Z., en août 2011, au registre des sociétés dont elle relevait. Dès lors, on doit tenir pour acquis que l’intimée n’a pas cessé d’exister (et avait ainsi la capacité d’être partie) durant la période de quelques mois où elle ne figurait plus dans ce registre, quand la première sentence a été rendue. Par ailleurs, selon la jurisprudence du TF, la capacité d’être partie doit être réalisée, comme les autres conditions de recevabilité, au moment où le jugement au fond est rendu. En l’espèce, les deux sentences rendues par le TA n’ont qu’un caractère incident (consid. 2.3.1.1). Recours rejeté (voir également le consid. 3.2 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. [société française] c. Y. [société irakienne] Ltd.)
Recours contre la sentence rendue le 9 juillet 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Le grief selon lequel le TA se serait déclaré à tort compétent pour connaître d’une demande d’arbitrage introduite par un représentant sans pouvoir relève de la compétence ratione personae au sens large, donc de l’art. 190 al. 2 let b LDIP, et non pas de la régularité de la constitution du tribunal au sens de l’art. 190 al. 2 let. a LDIP. Cette dernière disposition a trait uniquement aux griefs tirés de la manière dont les arbitres ont été nommés ou remplacés (art. 179 LDIP) ou aux questions relatives à leur indépendance et impartialité (art. 180 LDIP) (consid. 4.3). Recours rejeté (voir également le consid. 5.1 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. (International) AG c. A. [résidant en Allemagne])
Recours contre le Procedural Order Nr. 7 du 11 septembre 2012 (PO 7) et le Procedural Order Nr. 8 du 3 octobre 2012 (PO 8), rendus par un Tribunal arbitral (arbitre unique) CCI avec siège à Saint-Gall. Sentence « partielle » rendue par l’arbitre en février 2012, statuant sur sa compétence et ordonnant à la recourante de produire les documents requis dans la demande d’arbitrage, à laquelle la recourante n’a pas donné suite. PO 7 et PO 8 ordonnant à la recourante de produire de nouveaux documents. Recours au TF au motif qu’en prononçant de telles ordonnances l’arbitre aurait statué implicitement sur sa compétence à ordonner la production de documents non couverts par sa sentence partielle. Selon la doctrine, les ordonnances sur production de documents sont des décisions de nature procédurale (consid. 3.3). En l’espèce, l’arbitre a expressément indiqué dans ses POs 7 et 8 que « the list ordered for production is not based on a substantive claim of Claimant against Respondent, but rather on procedural rules » et que, par ailleurs, l’ordre de produire ne devait pas être confondu avec une ordonnance d’exécution de la sentence partielle (consid. 3.4). Ainsi, les ordonnances en question sont de simples décisions portant sur la conduite de la procédure, pouvant être révoquées à un stade ultérieur de l’arbitrage. De jurisprudence constante, de telles décisions ne sont pas susceptibles de recours (consid. 3.7). Recours irrecevable.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. [Roel Paulissen] c. UCI et Fédération Z. [RLVB])
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 23 décembre 2011. La règle jurisprudentielle selon laquelle la partie qui entend récuser un arbitre doit invoquer le motif de récusation dès qu’elle en a connaissance vise aussi bien les motifs de récusation connus de cette partie que ceux qu’elle aurait pu connaître en faisant preuve de l’attention voulue (consid. 2.1.2). Argument du recourant selon lequel, d’une part, l’arbitre nommé par l’UCI aurait manqué à son devoir de révéler une circonstance figurant dans la liste orange des IBA Guidelines on Conflicts of Interest in International Arbitration (art. 3.1.3), à savoir le fait d’avoir été nommé à plus que deux reprises par cette même partie au cours des trois dernières années (en l’espèce, en tout cas cinq fois, dont quatre avant sa nomination dans l’affaire concernant le recourant, le tout en moins d’une année), et, d’autre part, du fait même de ce manquement et parce que toutes les affaires concernées portaient sur la même question juridique, cet arbitre ne présentait pas des garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité (consid. 2.2.1). Les connaissances du conseil ayant représenté le recourant devant le TAS (un « spécialiste de l’arbitrage sportif et, singulièrement, de la jurisprudence du TAS ainsi que des arcanes de cette institution ») sont attribuables au recourant. Il n’est pas contesté qu’à la date de l’audience ce dernier connaissait au moins trois des sentences rendues dans les cinq affaires susmentionnées. Une ancienne publication du conseil du recourant montre, par ailleurs, qu’il avait une plus ample connaissance de la propension de l’intimée à désigner régulièrement l’arbitre en question. Partant, pour remplir son devoir de curiosité, le recourant aurait dû, au plus tard à l’audience, demander formellement à cet arbitre combien de fois il avait été nommé par l’UCI pour siéger dans une formation du TAS, et de révéler les parties concernées et les questions soumises aux formations dans ces affaires. En l’occurrence, le fait d’avoir demandé à l’arbitre « s’il y a[vait] quelque chose de nouveau » suite aux sentences dont le recourant avait déjà connaissance à cette époque n’était pas suffisant. Le devoir de révélation de l’arbitre n’existe qu’à l’égard de faits dont l’arbitre a des raisons de penser qu’ils ne sont pas connus de la partie qui pourrait s’en prévaloir. Or, pour les raisons déjà évoquées, tenant à la personne du conseil du recourant, l’arbitre questionné « pouvait admettre de bonne foi que cette exception trouvait à s’appliquer en l’espèce ». Recourant forclos à remettre en cause la régularité de la composition de la formation par le biais d’un recours contre la sentence (consid. 2.2.2). Question de l’applicabilité de la note explicative n° 6 relative à l’art. 3.1.3 des IBA Guidelines à l’arbitrage du TAS laissée ouverte (cf. consid. 2.2.1 in fine résumant la position – favorable – du TAS à cet égard) (voir également le résumé dans le chapitre Droit du sport au sujet de cet arrêt). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Etat X. [Israël] c. Société Z. [NIOC])
Recours contre la sentence rendue le 10 février 2012 par un Tribunal arbitral ad hoc. Cas particulier dans lequel l’arbitre du recourant a été désigné par une décision d’un tribunal français, avant que le siège de l’arbitrage ait été fixé en Suisse (à Genève) par le tribunal arbitral, une fois constitué. S’il est vrai qu’en Suisse, selon la jurisprudence du TF, la décision du juge d’appui de désigner un arbitre ne jouit pas de la force de la chose jugée, tel ne peut être le cas en l’espèce, eu égard à la configuration juridique très particulière de cette affaire, de la décision finale rendue par la plus haute juridiction civile de France (la Cour de cassation), confirmant la désignation en pleine connaissance de tous les éléments pertinents et après un ample débat contradictoire au sujet de la compétence internationale des tribunaux français pour désigner un arbitre à la partie récalcitrante (consid. 3.3.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. SpA [Club de football] c. B. [Club de football])
Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 21 août 2012. Le grief selon lequel le tribunal aurait statué infra petita est exclu d’emblée quand le dispositif de la sentence déclare expressément que toute autre conclusion des parties est rejetée (« all other claims are dismissed »), sachant que, selon la jurisprudence en matière d’arbitrage international, les arbitres ne sont pas tenus de motiver leur sentence (consid. 4.2).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Fédération X. c. European Chess Union)
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 22 mars 2012. Le pouvoir discrétionnaire reconnu aux arbitres en ce qui concerne la nomination d’un expert du tribunal n’est pas sans limite, quand bien même il serait exprimé en termes absolus dans le règlement d’arbitrage : si le tribunal pouvait écarter « ad libitum » toute requête, présentée en bonne et due forme, tendant à l’administration d’une expertise propre à prouver un fait pertinent et contesté, le droit d’être entendu de la partie requérante s’en trouverait violé (consid. 3.2.1). Par ailleurs, l’assimilation effectuée par le TAS entre une expertise judiciaire ordonnée par la formation arbitrale en application de l’art. R44.3 et une expertise privée au sens de l’art. R44.2 du Code TAS, est contestable. Les règles régissant ces deux types d’expertise sont très différentes et leurs forces probantes respectives pas comparables (ibid.). Recours rejeté faute pour la recourante d’avoir invoqué la violation alléguée de son droit d’être entendue en temps voulu.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. SE [société européenne ayant son siège à Vienne] et Y. GmbH [société de droit autrichien] c. Z. BV [société de droit néerlandais])
Recours contre la sentence rendue le 29 mai 2012 par un Tribunal arbitral CCI. La partie qui s’estime victime d’une inégalité de traitement ou d’une violation de son droit d’être entendue doit s’en plaindre immédiatement et déployer tous les efforts que l’on peut raisonnablement exiger d’elle pour faire en sorte que le tribunal puisse remédier, tant que l’arbitrage est en cours, au vice de procédure allégué (consid. 3.1). En particulier, le fait que les recourantes se soient plaintes auprès du tribunal, pendant l’audience, que leur adverse partie avait bénéficié de plus de temps pour interroger les témoins, même avec l’indication expresse qu’elles souhaitaient soulever une objection à cet égard car leur « right to be heard and to be treated equally is really at stake here », ne constitue pas une protestation suffisamment claire. Ayant par la suite omis de requérir du tribunal qu’il ordonne la répétition ou une plus ample audition des témoins avant la clôture de la procédure arbitrale, le droit des recourantes de se plaindre d’une prétendue inégalité de traitement au stade du recours contre la sentence est forclos (consid. 3.4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. c. Z.)
Recours contre la sentence rendue le 6 juin 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Grief selon lequel le TA aurait violé le droit d’être entendue de la recourante en ignorant ses allégués et preuves tendant à démontrer que l’intimée aurait commis un abus de droit qui l’empêcherait de se prévaloir de l’effet guérisseur de sa réinscription au registre des sociétés, tel qu’avalisé par le TA dans sa sentence. Selon l’art. 190 al. 3 LDIP, une sentence incidente ne peut être attaquée que pour les motifs énoncés à l’art. 190 al. 2 let. a et b LDIP. Le grief formulé par la recourante, basé sur l’art. 190 al. 2 let. d LDIP, est donc en principe irrecevable. Il est vrai que selon une partie de la doctrine les griefs tirés de l’art. 190 al. 2 let. c à e LDIP peuvent être invoqués à l’encontre des décisions incidentes dans le cadre d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a ou b LDIP, à condition que ce recours ne soit pas manifestement irrecevable ou infondé. En l’espèce, la question peut être laissée ouverte, d’une part parce que, dans le cadre d’un tel recours, le TF aurait la possibilité de compléter l’état de fait à la base de la sentence attaquée, et d’autre part parce que, en l’espèce, la motivation du recours est à l’évidence insuffisante sur ce point (consid. 3.2). Recours rejeté (voir également les consid. 1.2 et 2.3.1.1 du même arrêt, résumés en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. [société française] c. Y. [société irakienne] Ltd.)
Recours contre la sentence rendue le 9 juillet 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Utilisation « contre toute attente » par le tribunal arbitral, afin d’étayer une conclusion juridique, d’un moyen de preuve administré en relation avec une problématique entièrement différente. La jurisprudence selon laquelle les arbitres peuvent avoir exceptionnellement l’obligation d’interpeller les parties lorsqu’ils envisagent de se fonder sur une norme ou une considération juridique qui n’a pas été évoquée au cours de la procédure, et dont les parties ne pouvaient pas anticiper la pertinence, s’applique de manière restrictive et ne concerne pas l’établissement des faits. En particulier, le droit d’être entendu n’exige pas des arbitres qu’ils sollicitent une prise de position des parties sur la portée de toute pièce produite. Si chaque partie pouvait déterminer par avance les conséquences probatoires que le tribunal sera autorisé à tirer des pièces au dossier, le principe essentiel de la libre appréciation des preuves, qui est un pilier de l’arbitrage international, serait vidé de sa substance (consid. 5.1). Recours rejeté (voir également le consid. 4.3 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. Limited [Société de droit anglais] c. Y. Limited [Société de droit suisse])
Recours contre la sentence rendue le 6 octobre 2012 par un arbitre unique statuant sous les auspices de la Chambre de commerce de Zurich. Mention expresse, dans la sentence, du rapport soumis par l’expert de la recourante, exposant les déductions à effectuer pour tenir compte de frais d’acquisition de produits destinés à la vente dans le calcul des dommages-intérêts pour gains manqués alloués à l’intimée. Calcul desdits dommages par l’arbitre faisant totalement abstraction de ces mêmes déductions, sans que soit fournie une explication au sujet de cette omission. Violation du droit d’être entendu de X. (consid. 3.2.1) : recours admis partiellement. Puisque le litige portait uniquement sur la prétention relative aux gains manqués de Y., la sentence doit être annulée dans son entier. Cela étant, dans la nouvelle sentence à rendre, seule devra être réexaminée la question à l’égard de laquelle la recourante a obtenu gain de cause devant le TF (consid. 3.3). Même si la sentence rectificative rendue par l’arbitre au sujet des frais et dépens des parties devient ipso facto caduque en raison de l’annulation de la sentence originaire, il se justifie de l’annuler également pour éviter d’éventuels problèmes, notamment au stade de l’exécution (consid. 4). Frais et dépens en instance fédérale calculés en fonction de ce que la recourante pourra obtenir, dans le meilleur des cas, après renvoi (consid. 5).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. [athlète] c. The International Association of Athletics Federations et Z.)
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 18 octobre 2012. Argumentation subsidiaire du recourant passée complètement sous silence dans la sentence. La « formule stéréotypée » par laquelle la formation a indiqué qu’elle avait pris en compte tous les faits, arguments juridiques et moyens de preuve soumis par les parties dans le cadre de la procédure arbitrale, mais qu’elle ne ferait référence, dans la sentence, qu’aux éléments nécessaires pour expliquer son raisonnement est une simple clause de style que l’on retrouve dans la plupart des sentences du TAS. Le seul fait d’en user ne suffit pas à exclure la violation du droit d’être entendu qu’un tribunal arbitral commet s’il ne prend pas en considération des allégués, arguments, ou preuves présentés par une partie et importants pour la sentence à rendre. En l’espèce, l’intimée a démontré dans sa réponse au recours que l’argumentation subsidiaire du recourant n’était pas pertinente pour résoudre le litige (consid. 3.3.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. Incorporation c. Y. AG)
Recours contre la sentence rendue le 15 janvier par un Tribunal arbitral CCI (arbitre unique). Sentence ne faisant pas état, entre autres, de la déclaration écrite et du témoignage rendu en audience par un témoin important de la recourante, et d’un e-mail dont il n’est pas contesté qu’il était pertinent pour l’issue du litige. Compte tenu du fait que le témoin a été entendu en audience, où il a pu confirmer sa déclaration au sujet de la question litigieuse, et que l’arbitre a expressément indiqué dans la sentence que sa conclusion sur ce point était basée sur son appréciation de l’ensemble des preuves offertes par les parties, « in particular the witness statements », le droit d’être entendue de la recourante n’a pas été violé (consid. 3.2). S’agissant de l’e-mail, la transcription de l’audience montre qu’il avait été discuté par la recourante dans le cadre du contre-interrogatoire d’un témoin. L’arbitre avait ainsi été rendu attentif à son existence et à son contenu. Le droit d’être entendu au sens de l’art. 190 al. 2 let. d LDIP ne comprenant pas le droit d’exiger une sentence motivée, l’on ne peut conclure que l’arbitre ait tout simplement ignoré cet e-mail dans son appréciation des preuves, même s’il ne l’a pas mentionné dans la sentence (consid. 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X.__ c. Y.__ Sàrl)
Recours contre la sentence rendue le 17 mars 2011 par le TAS.
Clause arbitrale dans un contrat de transfert de footballeurs entre un club et une agence de joueurs prévoyant que « [t]he competent instance in case of a dispute concerning this Agreement is the FIFA Commission or the UEFA Commission which will have to decide the dispute that could arise between the club and the agent ». Une clause compromissoire incomplète, peu claire ou contradictoire, est une clause arbitrale dite pathologique. S’il n’est pas possible de constituer le tribunal arbitral en appliquant les dispositions prévues par les parties dans la clause compromissoire, cela n’entraîne pas sans autre la nullité de la clause, pour autant que celle-ci fasse clairement ressortir la volonté des parties de soumettre leurs différends à une juridiction arbitrale à l’exclusion des juridictions étatiques. Il s’agira alors d’interpréter, voire au besoin compléter la clause selon les principes du droit des contrats, afin de dégager une solution qui respecte la volonté des parties de soumettre leurs litiges à une juridiction arbitrale.
Ainsi, l’arbitre (ou le juge) interprétera la clause comme toute déclaration de volonté privée : là où la volonté réelle des parties ne peut pas être établie quant à la procédure d’arbitrage spécifique que les parties envisageaient, il convient d’appliquer la théorie de la confiance ainsi que le principe dit de l’effet utile (consid. 2.2.2).
La nullité partielle peut également être prononcée si une partie de la clause a un objet impossible. Il y a lieu de se demander ce que les parties auraient convenu si elles s’étaient rendu compte du vice partiel au moment où elles ont adopté la clause, et de se fonder sur cette volonté hypothétique pour compléter leur accord dans le sens voulu.
En l’espèce le TAS a retenu, conformément à ces principes, que la clause litigieuse manifestait la volonté des parties de soumettre leur litige à un tribunal arbitral siégeant en Suisse et disposant de connaissances en matière de droit du sport - même si la clause ne contenait pas les mots « arbitrage », « arbitre » ou « tribunal arbitral ». La référence faite à la FIFA et à l’UEFA montre que les parties souhaitaient confier la résolution du litige à une organisation disposant de l’expertise nécessaire en matière de transferts.
Enfin, il sied d’observer que le TAS serait de toute manière compétent pour statuer sur appel contre les décisions rendues dans ce domaine par la Commission décidant des transferts au sein de la FIFA. Compte tenu de ces circonstances, force est de conclure que, si les parties avaient réalisé que les organisations désignées dans la clause compromissoire n’avaient pas compétence pour statuer sur les litiges relatifs à leur accord, elles auraient soumis ces litiges directement au TAS, une institution (d’arbitrage en matière sportive) qui décide régulièrement des affaires de transferts de joueurs (consid. 2.3.2).
Ainsi, c’est à bon droit que le TAS s’est jugé compétent pour statuer sur le litige en question. Recours rejeté.
(Association X. [association sportive] c. Y. [société privée qui produit et commercialise du matériel de sport] Limited)
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 5 janvier 2011.
Contrat de licence conférant à Y. le droit de produire des équipements de boxe approuvés par X. moyennant le paiement d’une redevance annuelle, contenant une clause compromissoire visant la résolution de tout « disagreement over the interpretation of any terms of this Agreement ».
Contrats non écrits portant sur la vente des mêmes équipements conclus subséquemment entre les parties. La jurisprudence du TF préconise une approche restrictive dans la détermination de la volonté de principe des parties de recourir à l’arbitrage lorsque ce point est contesté (consid. 3.2.1).
En revanche, une fois que l’existence d’une convention d’arbitrage est indubitablement établie, cette même jurisprudence fait preuve de souplesse quant à l’interprétation de sa portée, y compris l’étendue du litige qui en est couvert, en vertu des principes d’utilité et d’économie de la procédure (sans pour autant aller jusqu’à établir une présomption en faveur de la compétence des arbitres).
Le TAS a admis sa compétence pour statuer au sujet de la prétention litigieuse (relative aux contrats de vente d’équipement) en interprétant la clause compromissoire en question en ce sens qu’elle visait tout litige en rapport avec le contrat de licence. Il s’agit là d’une interprétation subjective relevant du fait, qui échappe à l’examen du TF, même dans le cadre du grief tiré du défaut de compétence du tribunal arbitral. Il est généralement admis qu’une clause de ce genre s’étend également aux contrats accessoires ou annexes au contrat dans lequel elle figure, à moins que ceux-ci ne comportent une clause de résolution des litiges de contenu différent.
S’il est vrai que le texte même de la clause en question semble vouloir restreindre son champ d’application aux prétentions fondées directement sur le contrat de licence, sa portée doit être déterminée à la lumière de la jurisprudence pertinente et des circonstances du cas concret. En l’espèce, l’ensemble des circonstances, telles l’étendue et la spécificité des relations contractuelles entre les parties, l’identité des biens faisant l’objet des différents accords, ainsi que l’absence de clauses de résolution de litiges spécifiques dans les contrats de vente conclus de manière informelle à la suite du contrat de licence, conduisent à admettre que la prétention en cause tombait sous le coup de la clause compromissoire insérée dans ce premier contrat (consid. 3.2.2).
Dès lors, c’est à bon droit que le TAS s’est déclaré compétent pour connaître du litige porté devant lui. Recours rejeté.
(X.__ GmbH (précédemment V. GmbH) c. Y. __ Sàrl)
Recours contre la sentence rendue par le tribunal ad hoc le 20 novembre 2011.
Une sentence arbitrale est définitive dès sa communication (art. 190 al. 1 LDIP). L’arbitre est, sous réserve de quelques exceptions, functus officio à partir du moment où il a rendu sa sentence. Toutefois, si cette dernière est annulée, une nouvelle situation juridique vient à s’établir, équivalente à celle qui existait avant la communication de la sentence aux parties : celles-ci sont derechef dans l’attente d’une décision finale tranchant leur litige et mettant fin à la procédure arbitrale pendante, et la mission du tribunal est (à nouveau) inachevée. Il n’y a aucune objection de principe à ce que les mêmes arbitres statuent à nouveau lorsque leur sentence finale a été annulée, sauf si la cause de l’annulation était la composition irrégulière ou le défaut de compétence du tribunal. Une base légale expresse à cet effet n’est pas requise (base légale qui, au demeurant, existe en droit de l’arbitrage interne en Suisse, cf. art. 395 al. 2 CPC, dont le TF a déjà indiqué qu’il incarne un principe s’appliquant également en arbitrage international), pour autant que la loi du siège ou l’accord des parties n’excluent pas pareille compétence (consid. 3.1.1).
Cette solution se justifie d’autant plus qu’elle satisfait aux exigences de l’économie de la procédure (consid. 3.1.4).
Partant, c’est à bon droit que le tribunal arbitral s’est estimé compétent pour se prononcer sur la question qu’il avait omis de trancher dans sa première sentence finale, omission ayant conduit à l’annulation de celle-ci. L’usurpation du pouvoir de statuer en équité est une irrégularité qui n’affecte pas la compétence du tribunal. Par conséquent, le grief correspondant n’est pas celui de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. La question de savoir s’il relève de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (violation de l’ordre public), déjà abordée dans la jurisprudence du TF, demeure ouverte (consid. 3.2).
(A. [joueur de tennis professionnel affilié à la VTV], B. [joueuse de tennis professionnel affiliée à la VTV] c. Agence Mondiale Antidopage [AMA], Fédération flamande de tennis [VTV])
Recours contre les « sentences partielles » rendues le 10 juin 2011 par le TAS.
De jurisprudence constante, le TF examine avec « bienveillance » le caractère consensuel de l’arbitrage dans les litiges sportifs. On considère désormais la clause d’arbitrage du TAS comme branchentypisch en matière sportive : en effet, il n’y a guère de sport d’élite sans consentement à l’arbitrage du sport (consid. 3.2.3).
Problématique de la concurrence entre le droit national et la réglementation sportive internationale. Au vu de ce qui précède, les recourants, deux joueurs de tennis professionnels, ne peuvent invoquer l’invalidité d’une clause arbitrale TAS (qu’elle soit imposée par la loi ou par les règlements d’une fédération ou autre organisme sportif compétent) « faute d’autonomie » dans sa conclusion. Compétence du TAS fondée sur la réglementation antidopage de la VTV et sur la jurisprudence du TF relative à la clause arbitrale par référence (consid. 3.2.3).
Compétence du TAS pour se saisir des appels de l’AMA : question de l’intérêt à recourir de cette fondation. Dans l’arbitrage atypique, tel l’arbitrage sportif, et plus particulièrement dans les affaires disciplinaires, où la compétence du tribunal arbitral résulte d’un renvoi aux statuts d’une fédération sportive prévoyant l’arbitrage pour résoudre les litiges relatifs à l’application des règles et dispositions légales pertinentes, la question de savoir si une partie est recevable à attaquer la décision d’un organe de la fédération ne concerne pas la compétence (ratione personae) du tribunal arbitral saisi de la cause mais la question de la qualité pour agir, qui elle, est à résoudre en application des règles procédurales pertinentes, application que le TF ne peut pas revoir (consid. 4.1.1).
Procédures parallèles introduites par les recourants devant les juridictions étatiques belges et la Commission européenne. Requête de suspension des procédures initiées par l’AMA devant le TAS (rejetée).
Possibilité de recourir contre une décision de suspendre (ou non) l’arbitrage prise en application de l’art. 186 al. 1 bis LDIP lorsque, en prononçant une telle décision, le tribunal arbitral statue de manière implicite sur sa compétence (ou sur la régularité de sa composition là où celle-ci était contestée). En son état actuel, la jurisprudence admet ce type de recours, mais une partie de la doctrine conteste le bien-fondé de cette approche (consid. 5.1.1).
La question peut être laissée ouverte car, en l’espèce, le grief tiré d’une violation de l’art. 190 al. 1 let. b LDIP est irrecevable pour une autre raison : lorsqu’une décision repose sur plusieurs motivations indépendantes, le recourant doit indiquer en quoi chacune de ces motivations viole le droit. Le TAS a retenu que l’exception de litispendance selon l’art. 186 al. 1 bis LDIP implique le respect de trois conditions cumulatives, qu’il a analysées dans les sentences attaquées avant de conclure qu’elles n’étaient pas réunies en l’espèce.
Pour leur part, les recourants s’en prennent uniquement aux motifs concernant la troisième de ces conditions.
S’agissant de conditions cumulatives, la lacune est rédhibitoire (consid. 5.2.2-5.2.3). Recours rejeté.
([Pellizotti] c. UCI, CONI et FCI)
Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 8 mars 2011.
Le non-respect du délai d’appel prévu par le Code TAS (ou des dispositions statutaires ou réglementaires équivalentes) met-il en cause la compétence du TAS ou entraîne-t-il l’irrecevabilité d’un appel déposé tardivement, voire le rejet des prétentions du recourant sur le fond ? Question « délicate », laissée ouverte en l’espèce.
Force est d’observer cependant que le principe selon lequel la validité temporelle de la convention d’arbitrage a trait aux conditions d’exercice de la compétence des arbitres, qui s’applique en matière d’arbitrage de source contractuelle, ne semble pas avoir sa place dans l’arbitrage atypique, tel l’arbitrage sportif, et plus spécifiquement dans les litiges de nature disciplinaire, où la compétence du tribunal arbitral résulte du renvoi aux statuts d’une fédération sportive.
L’opinion doctrinale selon laquelle le délai d’appel devant le TAS doit être considéré comme un délai de péremption (dont le non-respect entraîne, non pas l’incompétence du tribunal arbitral, mais la perte du droit d’entreprendre la décision querellée devant toute instance juridictionnelle, et donc le déboutement de l’appelant) apparaît convaincante prima facie (consid. 4.3.1).
Cf. aussi consid. 6.2 (résumé ci-dessous), sur la notion d’ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP).
(Association serbe de football c. M. [entraîneur de football professionnel])
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 23 septembre 2011.
Saisi du grief d’incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables telle l’arbitrabilité du litige, qui déterminent la compétence ou l’incompétence du tribunal arbitral. Comme l’exception d’incompétence, l’exception d’inarbitrabilité doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond (consid. 3.2).
Le législateur suisse a délibérément exclu l’adoption d’une règle conflictuelle pour la détermination de l’arbitrabilité des litiges dans le domaine de l’arbitrage international. L’arbitrabilité au sens de l’art. 177 al. 1 LDIP est exclusivement soumise à une règle matérielle, fondée sur le critère de la « patrimonialité » de la cause. Dans sa jurisprudence, le TF a, il est vrai, envisagé la possibilité de nier l’arbitrabilité de prétentions dont le traitement aurait été réservé exclusivement à une juridiction étatique par des normes étrangères qu’il s’imposerait de prendre en considération sous l’angle de l’ordre public. Toutefois, le recourant ne démontre pas que la disposition du droit international privé serbe à laquelle il se réfère relève de l’ordre public au sens de la jurisprudence du TF et prévoit la compétence exclusive des tribunaux étatiques pour connaître du litige en question (consid. 3.4).
Cf. aussi consid. 5.2 (résumé ci-dessous), sur le grief de décision extra petita (art. 190 al. 2 let. c LDIP). Recours rejeté.
(X. [société turque] c. Y. [société américaine] Inc.)
Recours contre la sentence rendue le 8 décembre 2011 par le Tribunal arbitral CCI.
La décision de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI rejetant la demande de récusation visant les trois membres du tribunal après l’annulation de leur première sentence, émanant d’un organisme privé, ne pouvait faire l’objet d’un recours direct au TF. Elle ne lie pas la Haute cour, qui peut revoir librement si les circonstances invoquées à l’appui de la demande de récusation sont de nature à fonder le grief de composition irrégulière du tribunal (consid. 2.1).
--> (sur ce point, et sur la différence de traitement entre les décisions sur récusation émises par les instances compétentes des institutions arbitrales et celles rendues par le juge d’appui, cf. 4A_14/2012 du 2 mai 2012, consid. 2.2.1-2.2.3).
Le même tribunal est en principe compétent pour statuer derechef en cas d’annulation d’une sentence par le TF. Argument de la recourante selon lequel, au vu des circonstances particulières résultant du déroulement de la procédure arbitrale et de l’annulation de leur première sentence, les membres du tribunal n’avaient plus l’indépendance d’esprit nécessaire pour reprendre le dossier sereinement afin de rendre une nouvelle décision. Les arbitres ne pouvant réexaminer que les questions laissées ouvertes dans la décision du TF leur renvoyant la cause suite à l’annulation de leur première sentence (en l’occurrence, un seul point spécifique), étant au surplus liés par cette sentence, le reproche d’un défaut d’impartialité par rapport à l’objet du litige est sans fondement. Par ailleurs, selon la jurisprudence du TF, seules des fautes de procédure particulièrement graves ou répétées, constituant une violation manifeste des obligations du tribunal, sont propres à fonder l’apparence de prévention (consid. 2.2.3).
Recours rejeté.
(Association serbe de football c. M. [entraîneur de football professionnel])
Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 23 septembre 2011.
Le TA n’a pas statué extra petita en allouant une prétention en euros alors que la demande pertinente visait à obtenir un montant exprimé, dans le contrat, en euros convertis en dinars serbes (« in Dinar counter value ») car, ce faisant, il n’a en définitive pas alloué plus ou autre chose que ce qui a été demandé (consid. 5.2).
(B.__ Ltd., D.__ Trust, C.__ Ltd., B.__ c. A.__)
Recours contre la sentence finale rendue le 22 février 2011 par l’arbitre unique CCI.
En droit suisse de l’arbitrage, l’arbitre n’est en principe pas lié par les moyens de droit développés par les parties (iura novit curia) (consid. 5.1).
Il n’a pas non plus à les aviser du caractère décisif d’un élément de fait sur lequel il s’apprête à fonder sa décision, pour autant que celui-ci ait été allégué et prouvé selon les règles, et encore moins à les informer, avant de rendre sa sentence, que les éléments de preuve versés au dossier ne suffisent pas à établir un fait décisif (consid. 5.1-5.2).
Recours rejeté.
(U.__, V.__, W.__, X.__ SA c. Y.__, Z.__)
Recours contre les sentences rendues le 30 juin 2011 par l’arbitre unique de la Chambre de commerce de Zurich (arbitrage régi par les Swiss Rules). Le TF ne revoit pas l’appréciation anticipée des preuves par les arbitres, sauf sous l’angle très restreint de l’ordre public (consid. 2.1).
Refus d’accepter un témoignage écrit dont l’arbitre unique a jugé qu’il avait été soumis tardivement et qu’il constituait une mesure probatoire inapte à fonder sa conviction quant à l’allégation factuelle en question, allégation déjà fondée sur des documents versés au dossier de l’arbitrage. Pas de violation du droit d’être entendus des recourants (consid. 2.2).
Recours rejeté.
Cf. aussi TF 4A_682/2011 du 31 mai 2012 (consid. 4.1-4.2).
(Francelino da Silva Matuzalem c. Fédération Internationale de Football Association [FIFA])
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 29 juin 2011, entérinant une sanction prononcée à l’encontre du joueur par la Commission de discipline de la FIFA, en application de l’art. 64 de son Code disciplinaire.
Non-exécution de l’obligation découlant d’une précédente sentence du TAS, condamnant solidairement le recourant et son nouveau club à payer près d’EUR 12 millions à l’ancien club du joueur. Nouveau club en faillite. Condamnation du joueur à une amende et fixation d’un dernier délai pour effectuer le paiement, assortie de la menace d’interdiction de toute activité professionnelle en relation avec le football, sur simple requête du club créancier. Premier arrêt du TF admettant une violation de l’ordre public matériel depuis l’entrée en vigueur de la LDIP. La liste d’exemples dressée par le TF dans sa jurisprudence pour décrire le contenu de l’ordre public matériel n’est pas exhaustive. Le principe consacré à l’art. 27 al. 2 CC, proscrivant les engagements excessifs au regard des droits de la personnalité, fait bien partie des valeurs essentielles et largement reconnues qui, « selon les conceptions prévalant en Suisse » (ATF 132 III 389, consid. 2.2.3), devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (consid. 4.1).
Une interdiction illimitée d’exercer sa profession constitue une atteinte manifeste et grave aux droits de la personnalité (consid. 4.3.5).
En vertu de la sentence litigieuse, le recourant serait livré à l’arbitraire de son ancien employeur, et sa liberté économique limitée dans une mesure telle que les bases mêmes de sa subsistance s’en trouveraient en péril, sans qu’un tel résultat puisse trouver une justification dans un intérêt prépondérant de la FIFA ou de ses membres (consid. 4.3.4). L’atteinte aux droits de la personnalité qu’elle consacre étant incompatible avec l’ordre public matériel, la sentence attaquée doit être annulée (consid. 4.3.5).
Recours admis.
([Pellizotti] c. UCI, CONI et FCI)
Recours contre la sentence rendue par le TAS le 8 mars 2011.
Les critiques formulées par le recourant à l’encontre de la sentence étant relatives à la charge de la preuve et à l’appréciation des preuves en droit privé, ne peuvent être rattachées à la notion (strictement limitée) d’ordre public telle qu’elle a été définie dans la jurisprudence du TF.
L’approche du recourant qui tend à proposer, comme le fait d’ailleurs une partie de la doctrine, d’interpréter cette notion d’ordre public avec moins de rigueur que dans l’arbitrage international « classique » lorsque le litige concerne des sanctions disciplinaires sportives, ne peut être suivie. Il est vrai que le TF a pris en compte les particularités de l’arbitrage sportif à plusieurs reprises dans sa jurisprudence, au sujet de certaines questions de procédure. Toutefois, en faire de même à l’égard du moyen de caractère général tiré de l’incompatibilité avec l’ordre public reviendrait créer une véritable lex sportiva par la voie prétorienne, ce qui ne manquerait pas de soulever des questions en relation avec la répartition des pouvoirs législatif et judiciaire au sein de la Confédération (consid. 6.2).
Recours rejeté.
(X. [coureuse de demi-fond] c. Z.[entité publique spécialisée dans la lutte antidopage])
Recours contre la sentence rendue le 26 juillet 2011 par le TAS.
Grief d’incompatibilité de la sentence avec l’ordre public procédural, dont le droit à un tribunal indépendant et impartial au sens de l’art. 30 al. 1 Cst. ferait partie.
Argument selon lequel (i) la procédure de première instance au sein de Z. ainsi que la commission antidopage l’ayant conduite ne satisfont pas aux exigences jurisprudentielles relatives à la garantie d’indépendance et impartialité, et (ii) l’ « effet guérisseur » reconnu à la procédure en appel devant le TAS en vertu de l’art. R57 du Code TAS ne peut opérer de façon à remédier à un tel défaut de la procédure en première instance. Admettre cet effet guérisseur reviendrait, par ailleurs, à faire du TAS une instance unique dotée de pouvoirs illimités.
Recevabilité du grief : la règle voulant qu’un tribunal présente des garanties suffisantes d’indépendance ou impartialité relève de l’art. 190 al. 2 let. a LDIP (désignation irrégulière du tribunal). L’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP n’est qu’une garantie subsidiaire ne pouvant être invoquée que si aucun des moyens prévus à l’art. 190 al. 2 let. a-d n’entre en ligne de compte (consid. 3.2).
A le supposer recevable, le grief ne pourrait qu’être rejeté en application, mutatis mutandis, des remarques formulées par le TF dans son arrêt dans la cause 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 (consid. 6.2), à savoir qu’il n’y a pas de raison de refuser de reconnaître le pouvoir du TAS de revoir les faits et le droit avec pleine cognition, conformément à l’art. R57 al. 1 du Code, et que l’exigence d’une double instance ou d’un double degré de juridiction ne relève pas de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.
Recours rejeté.