TF 9C_423/2014*

2014-2015

Art. 52 al. 2, 3 et 4 LAVS ; art. 135 et 136 CO ; art. 303 al. 1 et 2 LP

Prétention en réparation du dommage basée sur l’art. 52 al. 2 LAVS formulée par la caisse de compensation du canton d’Argovie à l’encontre de l’ancien directeur et administrateur unique d’une société déclarée en faillite le 29 janvier 2007 ; prétention rejetée par le tribunal cantonal des assurances pour cause de prescription.

Selon l’art. 52 al. 3 1ère phrase LAVS, la prétention en dommages et intérêts de la caisse de compensation se prescrit deux ans après que la caisse ait eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L’employeur peut renoncer à invoquer la prescription. La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (art. 52 al. 4 LAVS).

Pour fixer la survenance du dommage, le TF fait état du moment où sur le plan juridique, le droit pour la caisse de compensation de percevoir des cotisations se prescrit (art. 16 al. 1 LAVS). Il fait également état du moment où, de fait, la caisse de compensation n’est plus en mesure de recouvrer les cotisations selon la procédure ordinaire en raison de l’insolvabilité de l’employeur. Dans cette hypothèse, le dommage survient en règle générale lorsqu’un acte de défaut de biens est délivré ou au moment de l’ouverture de la faillite de l’employeur.

S’agissant de l’interruption de la prescription, contrairement au droit privé ou seuls les actes mentionnés à l’art. 135 al. 1 et 2 CO sont interruptifs de la prescription, tous les actes par lesquels la caisse de compensation fait valoir, de manière appropriée, sa prétention en dommages et intérêts vis-à-vis de l’ancien organe subsidiairement responsable ont un effet interruptif.

Dans le cas d’espèce, la survenance du dommage correspond à la date de l’ouverture de la faillite du 29 janvier 2007, puisque les cotisations sociales ne pouvaient plus être perçues selon la procédure ordinaire depuis ce moment-là. C’est dire que le délai absolu de prescription de cinq ans était échu lorsque la caisse de compensation a fait valoir sa créance en réparation du dommage par décision du 10 février 2013, à moins que ce délai n’ait été interrompu avant le 29 janvier 2012. A ce propos, l’OFAS soutenait que la caisse de compensation avait accompli plusieurs actes interruptifs de la prescription en se référant à deux décisions de rappel de cotisations, à deux décisions sur opposition et à quatre productions de créances de cotisations dans la faillite.

Le TF retient que les actes dont se prévaut l’office recourant, concernent la procédure de perception des cotisations ou la procédure de faillite contre la société anonyme. En revanche, ils ne concernent pas la prétention en dommages et intérêts contre l’intimé en sa qualité d’organe subsidiairement responsable. Or, la prétention de la caisse de compensation visant la perception des cotisations, puis la prétention en dommages et intérêts selon l’art. 52 LAVS, ne sont pas identiques sur le plan juridique. En effet, la première repose sur le devoir légal de la faillie d’effectuer un décompte et de payer ces cotisations. En revanche, la seconde n’est née qu’avec la survenance du dommage à la suite de l’insolvabilité de la faillie. La différence entre ces deux prétentions vaut également en matière de prescription. Ainsi, la prescription de la prétention en dommages et intérêts à l’encontre de l’organe de l’employeur ne peut être interrompue que par des actes juridiques qui se réfèrent à cette même prétention. En l’espèce, un tel acte interruptif de prescription à l’encontre de l’intimé fait défaut, si bien que la prétention de la caisse de compensation en réparation du dommage contre ce dernier était prescrite cinq ans après l’ouverture de la faillite de l’ancien employeur, c’est-à-dire avant le prononcé de la décision litigieuse du 10 février 2013.

Le TF rejette ensuite l’argument de l’office recourant selon lequel une analyse différente s’imposait selon un arrêt du TFA du 15 septembre 2005 (SVR 2006 AHV no 9 p. 35). Si l’on pouvait considérer la société faillie débitrice des cotisations sociales comme coobligée au sens de l’art. 303 LP avec l’organe subsidiairement tenu à la réparation du dommage au sens de l’art. 52 LAVS, cette notion de coobligeance sous l’empire de l’ancien art. 219 LP applicable jusqu’au 31 décembre 2000 ne se recoupe pas avec celle de l’art. 136 CO. Dès lors, l’art.136 CO ne s’applique pas à l’organe tenu subsidiairement à la réparation du dommage selon l’art. 52 LAVS et les actes interruptifs de la prescription contre la société faillie (débiteur primaire) ne peuvent lui être opposés.