TF 4A_554/2014

2014-2015

(A. [société de droit français] c. B. [société soumise au droit de l’Etat du Delaware]) 

Recours contre la sentence rendue le 30 juillet 2014 par un Arbitre unique CCI siégeant à Genève. En Suisse, le droit des parties d’être interpellées sur des questions juridiques n’est reconnu que de manière restreinte. En vertu de l’adage jura novit curia, les tribunaux étatiques et arbitraux peuvent statuer sur la base de règles de droit autres que celles invoquées devant eux. Pour autant que la convention d’arbitrage ne restreigne pas la mission du tribunal aux seuls moyens juridiques soulevés par les parties, celles-ci n’ont pas à être entendues sur la portée à reconnaître aux règles de droit, à moins que le tribunal n’envisage de fonder sa décision sur une norme ou considération juridique qui n’a pas été invoquée dans l’arbitrage et dont les parties ne pouvaient pas supputer la pertinence pour la résolution du litige (consid. 2.1).

Par ailleurs, si les parties étaient convenues de déroger à la règle jura novit curia en limitant la mission de l’arbitre aux seuls moyens juridiques qu’elles invoqueraient (par exemple en incluant une clause à cet effet dans l’acte de mission), le non-respect de cette limitation ouvrirait un recours au TF au titre de l’incompétence de l’arbitre (art. 190 al. 2 let. b LDIP) ou de la violation de la règle ne eat judex ultra petita partium (art. 190 al. 2 let. c LDIP), et non du chef de la violation du droit d’être entendu sanctionnée par l’art. 190 al. 2 let d LDIP (consid. 2.2).

Cela étant, la recourante plaide en vain l’effet de surprise : s’il est vrai que l’expression « reconduction tacite » n’avait pas été utilisée dans les écritures des parties, l’application par l’arbitre de cette figure juridique connue du droit français, régissant le contrat litigieux, était loin d’être imprévisible. Au vu de la question à résoudre, l’hypothèse de la reconduction tacite ne pouvait en tout cas pas être écartée d’emblée par un plaideur prudent et a fortiori par la recourante, une entreprise française rompue à la négociation de contrats internationaux, dotée d’un service juridique interne et assistée dans l’arbitrage par deux conseils inscrits au barreau de Paris (consid. 2.3.2). Recours rejeté.