TF 2C_1155/2014

2015-2016

Art. 8, 11 et 14 LHID ; 10 et 11 ss LDFR

Indemnité pour « lucrum cessans », réalisation d’amortissements, différence entre la valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu et celui sur la fortune.

A. et B., un couple d’agriculteurs, exploitent des terres cultivables que le canton d’Argovie souhaite acquérir afin de pouvoir y construire une route. Après négociations, un accord prévoyant le dédommagement du couple est trouvé. La question principale de l’arrêt est de savoir si ce dédommagement est imposable, ou non. Pour le TF, il faut traiter différemment les prestations visant à remplacer un dommage subi ou futur (damnum emergens) et celles visant à indemniser un manque à gagner (lucrum cessans). Les premières ne représentant pas un accroissement de la fortune nette, elles ne sont, par conséquence, pas imposables. Cependant les secondes constituent au sens du droit fiscal des « revenus acquis en compensation d’une activité lucrative ». Ainsi, si le revenu est un versement en capital, comme dans le cas d’espèce, et qu’il intervient en remplacement d’une prestation périodique, l’art. 11 al. 2 LHID permet une dérogation au calcul du taux de l’impôt standard en prenant en compte le taux applicable si « une prestation annuelle correspondante était versée en lieu et place de la prestation unique ».

Notre Haute Cour rappelle également que l’on peut traiter une perte de valeur subie par les immeubles d’exploitation (actifs immobilisés) par un amortissement ordinaire. Par contre, pour le terrain, n’étant pas confronté à une baisse de valeur due à la vétusté et n’ayant pas une durée limitée d’utilisation, il ne peut en être autant. En ce qui concerne la valorisation des terrains utilisés à des fins commerciales, le droit harmonisé distingue les valeurs déterminantes pour l’impôt sur la fortune de celles pour l’impôt sur le revenu. Il peut donc y avoir des divergences entre les deux valorisations. Ce régime est applicable aux actifs d’une entreprise agricole, comme dans le cas d’espèce. Le dernier point de l’arrêt concerne un éventuel amortissement immédiat que voulaient faire les époux. Selon eux, il était correct de faire l’inscription immédiatement car ils allaient de toute manière transférer leur domaine à leur fils. Selon le TF, un amortissement « anticipé » n’est pas justifié, car ledit transfert est certes possible mais pas certain. La solution soutenue par les recourants est contraire aux principes de périodicité de l’impôt et de constance des amortissements. Le recours est donc rejeté par le TF.