(A. ; B. ; C. ; les héritiers de feu D, à savoir : D1. à D5. ; les héritiers de feu E., à savoir : E1. à E3. [recourants] c. F. ; G. (intimés), et S. & Cie SA ; 2. à 11., 12a. à 12d., 16. à 26. [parties intéressées]). Recours contre la sentence arbitrale du 30 septembre 2019 rendue par un Tribunal arbitral ad hoc avec siège à Genève. Convention d’arbitrage contenue dans un Acte d’association conclu en 1982 (AA 1982) entre les associés-gérants d’une banque privée (Banque H.), stipulant les conditions convenues pour maintenir la présence dans le collège d’au moins un représentant de la branche genevoise de la famille du fondateur de la banque. Plusieurs autres actes d’association avaient été conclus après l’AA 1982, au fil des ans et au gré des entrées et sorties des associés gérants, soit en 1986, 1987 et 1988. Ces AA subséquents contenaient (pour les deux derniers, par renvoi) la même convention d’arbitrage que l’AA 1982 (consid. A). En décembre 2016, F. et G., membres de la branche genevoise et descendants d’un des signataires de l’AA 1982, qui n’avaient pas été admis comme membres du collège des associés, avaient déposé une demande d’arbitrage à l’encontre de 31 défendeurs (comprenant notamment le successeur légal et de nombreux associés présents et passés de la banque), sur la base de la clause compromissoire contenue dans un projet de l’AA 1982 qu’ils avaient découvert en 1999, après le décès de leur aïeul. Sur le fond, F. et G. réclamaient le paiement d’un montant en francs suisses à déterminer par les arbitres, à titre de dédommagement pour le traitement inéquitable et injuste que les défendeurs leur avaient réservé. Les défendeurs, qui avaient produit les AA de 1986, 1987 et 1988 seulement en cours de procédure, avaient contesté la compétence du Tribunal arbitral au motif que la clause d’arbitrage se trouvait dans un acte n’ayant été signé ni par les demandeurs ni par la plupart des défendeurs. Les recourants soutenaient également que les accords conclus entre les associés-gérants de 1982 n’avaient pas été repris dans le cadre des modifications subies ultérieurement par la banque, qui avait entretemps été fusionnée avec une autre banque et dissoute, puis fusionnée avec une troisième banque, avant d’être transformée, en 2014, en société anonyme (S. & Cie). Dans sa sentence du 30 septembre 2019, le Tribunal arbitral s’était déclaré compétent à l’égard des deux demandeurs et de cinq des 31 défendeurs. En bref, le Tribunal avait retenu que la convention d’arbitrage dans l’AA 1982 liait à la fois les demandeurs (non-signataires de l’AA 1982) et les cinq défendeurs qui avaient souscrit (ou consenti) à l’AA 1982 et dont les obligations avaient survécu à la dissolution de la Banque H. (consid. B.). En vertu du principe de la relativité des obligations contractuelles, la convention d’arbitrage incluse dans un contrat ne lie en principe que les cocontractants. Toutefois, la jurisprudence recense diverses hypothèses pouvant conduire à ce qu’une convention d’arbitrage oblige des personnes qui ne l’ont pas signée ou n’y sont pas mentionnées. Il est notamment admis que, sauf convention contraire, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui parfaite au sens de l’art. 112 al. 2 CO peut déposer une requête d’arbitrage puisqu’il acquiert, vis-à-vis du débiteur (ou promettant), une créance avec tous les droits de préférence et autres droits accessoires rattachés à celle-ci, y compris la clause compromissoire (consid. 3.1). L’article 5 de l’AA 1982 (repris dans les AA 1986, 1987 et 1988) disposait que « les associés autres que ceux de la branche genevoise… s’engage[aient] à maintenir celle-ci dans l’Association en acceptant comme associés, pour autant qu’ils les en jugent dignes et capables, les descendants de […] » et que « [c]ette règle sera[it] notamment observée pour […], F. et G. […], pour autant qu’il [l’eussent souhaité] ». Le Tribunal avait retenu que l’article 5 était une stipulation pour autrui parfaite et irrévocable, ce qui avait notamment pour conséquence que F. et G. avaient le droit d’invoquer la convention d’arbitrage contenue dans les différents AA, même si cette stipulation ne leur conférait pas nécessairement le droit de devenir associés – question de fond qu’il reviendrait au Tribunal de résoudre dans une phase ultérieure de l’arbitrage. Le TF souscrit à la conclusion du Tribunal selon laquelle sa compétence est fondée sur la stipulation pour autrui parfaite dont F. et G. étaient bénéficiaires en vertu des AA. En revanche, le TF considère que le Tribunal arbitral ne peut être suivi lorsqu’il considère que cette stipulation était irrévocable. A cet égard, les défendeurs recourants se plaignent à raison de la violation de la règle supplétive sur le complètement des lacunes des contrats prévu à l’art. 112 al. 3 CO. Selon cette règle, que le Tribunal n’a pas appliquée, une stipulation pour autrui parfaite peut être révoquée ou modifiée aussi longtemps que les bénéficiaires n’ont pas fait valoir leur droit. Etant donné que les parties n’avaient rien prévu dans les AA concernant la révocabilité/irrévocabilité de la stipulation de l’article 5, le Tribunal aurait dû appliquer l’art. 112 al. 3 CO au lieu de rechercher d’emblée la (pseudo) volonté hypothétique des parties sur ce point (consid. 6.3). Les recourants ont également raison lorsqu’ils reprochent au Tribunal d’avoir retenu, sans fondement juridique valable, que l’AA de 1982 avait subsisté à côté des AA subséquents et liait donc toujours ses signataires, en plus des adhérents aux AA subséquents. Il faut bien plutôt retenir que l’AA de 1982 avait été abrogé et remplacé, tour à tour, par les AA 1986, 1987 et 1988, avec la conséquence que la portée subjective de la convention d’arbitrage figurant dans ces AA a pu varier dans le temps. De ce fait, le Tribunal arbitral est compétent seulement vis-à-vis des parties liées par l’AA 1988, soit les deux demandeurs (en tant que bénéficiaires de l’article 5 de l’AA) et les défendeurs signataires de cet AA, soit B., E., A. et C. Le Tribunal n’était pas compétent à l’égard du défendeur D. qui avait quitté le collège des associés avant la conclusion de l’AA 1988, et n’en était pas signataire. Recours partiellement admis ; sentence partiellement annulée, le point (ii) de son dispositif étant réformé en ce qui concerne l’étendue de la compétence ratione personae du Tribunal arbitral.