Droit fiscal

ATAF A-5872/2008

2009-2010

Notion d’assainissement de société de capitaux – Conditions à la remise du droit de timbre en raison des conséquences manifestement rigoureuses qu’engendrerait sa perception. Le Tribunal fédéral se prononce sur une demande de remise du droit de timbre d’émission selon l’art. 12 LT. Il considère que le fait que l’abandon de créances des actionnaires en faveur de la société de capitaux à assainir soit lié à une clause selon laquelle la société doit leur rembourser le montant de l’abandon de créance au cas où elle retrouvait un équilibre financier n’excluait pas une remise du droit de timbre selon l’art. 12 LT. Cette conception est notamment justifiée par le fait que l’examen des « conséquences manifestement rigoureuses » doit avoir lieu au niveau de la société à assainir et non pas au niveau des actionnaires. La clause selon laquelle la société s’engage à verser, dans l’hypothèse qu’elle retrouve une bonne santé financière, une part de ses bénéfices aux actionnaires qui renoncent à leur créance, ne remet pas en question le besoin d’assainissement de la société. Il est intéressant de noter que cette jurisprudence notamment a incité l’Administration fédérale des contributions à revoir sa pratique en matière d’assainissement et qu’une nouvelle circulaire dans ce domaine est attendue pour le mois de novembre 2010.

TF 2C_377/2009

2009-2010

Distribution dissimulée de bénéfice écartée – Prestations consenties à une société offshore. Une société suisse, active dans le domaine de la formation continue, a conclu un contrat de franchise avec une société offshore. Aux termes de ce contrat, l’entité offshore s’engageait à mettre à disposition de l’entité suisse un système de formation continue. En raison du fait qu’une grande partie des recettes encaissées par la société suisse transite vers la société offshore, l’AFC considéra que ces prestations constituaient des distributions dissimulées soumises à l’impôt anticipé. Le TF ne suivit pas cet avis et releva en substance que l’administration ne pouvait pas qualifier une prestation de distribution dissimulée simplement parce que celle-ci est consentie à une entité domiciliée dans un paradis fiscal. Ainsi, la qualité de proche doit être établie par l’administration ou à tout le moins être rendue crédible.

Droit de jouissance selon l’art. 21 al. 1 lit. a LIA – Evasion fiscale rejetée.

Le capital-actions d’une société holding souhaitant procéder à la réduction de celui-ci était en partie détenu par une institution de prévoyance. Aux fins de réaliser cette réduction, une banque, dont la société holding était l’actionnaire, avait, à deux reprises, cédé un paquet d’actions de la société holding à l’institution de prévoyance en acquérant, quelques jours plus tard, un nombre d’actions identique au nom et pour le compte du holding. La réduction du capital-actions de la société holding fut ainsi réalisée et l’impôt anticipé perçu sur la différence entre le prix de la vente et la valeur nominale des titres. L’AFC qui considérait que le droit de jouissance faisait défaut chez le contribuable fut déboutée par le TF. Ce dernier écarta également le grief d’évasion fiscale en considérant que la construction choisie n’était pas insolite et se justifiait notamment en raison des contraintes liées à la perception et au remboursement de l’impôt dans le cadre d’un rachat de propres actions ; pour plus de détail, cf. commentaire de l’arrêt par Robert Danon et Thierry Obrist, in : RJN 2009, p. 63ss., arrêt publié in : RDAF 2010 II, 335ss.

TF 2C_316/2010

2009-2010

Valeur d’un immeuble à prendre en considération pour l’impôt sur la fortune. L’art. 14 LHID désigne clairement la valeur vénale d’un immeuble comme la valeur déterminante pour l’impôt sur la fortune. La valeur de rendement n’a qu’une portée subsidiaire, notamment lorsque le prix obtenu dans une transaction n’était pas celui du marché libre. En l’espèce, la présence de trois vendeuses différentes et d’une multitude d’acquéreurs et le fait que les prix des différentes transactions étaient sensiblement les mêmes permettent d’admettre que le prix de vente payé par le recourant reflète bien la valeur du marché et qu’il doit donc être pris en compte pour fixer la valeur fiscale de la part de copropriété immobilière détenue par le recourant.

Evasion fiscale et versement d’un capital de prévoyance avant le délai de blocage de trois ans prévu par la Loi sur la prévoyance professionnelle – Selon l’art. 79b al. 3 LPP, les prestations résultant d’un rachat ne peuvent être versées sous forme de capital par les institutions de prévoyance avant l’échéance d’un délai de trois ans.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral confirme la pratique thurgovienne applicable dans le cadre de cette disposition. Selon cette pratique, toute prestation versée sous forme de capital avant l’échéance du délai de trois ans est considérée comme abusive. Dès lors, la déduction du revenu de tout rachat effectué pendant ce délai doit être refusée.

TF 2C_868/2008

2009-2010

Précision de la pratique dans le domaine du commerce professionnel de titres – Abolition de la « pratique zurichoise » – Ce cas a trait à un contribuable gravement malade qui délègue la gestion de sa fortune à un spécialiste. La question soulevée est de savoir si les gains engendrés par la gestion du patrimoine doivent être considérés comme des gains en capitaux privés francs d’impôt ou comme des revenus d’activités lucratives imposables. Selon le TF, les critères de « manière d’agir systématique ou planifiée » et d’« utilisation de connaissances spéciales » contenus dans la circulaire n° 8 de l’AFC ne sont plus actuels vu qu’ils peuvent être remplis par toute personne qui agit en bourse indépendamment du fait que les opérations soient faites de manière privée ou commerciale. En revanche, il convient, selon notre haute Cour, de donner plus d’importance aux critères de « recours à d’importants fonds étrangers pour financer les transactions » et de « volume des transactions ».

ATF 136 II 88

2009-2010

Principe de déterminance (« Massgeblichkeitsprinzip ») et impôt sur le bénéfice – Traitement comptable et fiscal des écarts de conversion. L'art. 960 al. 1 CO impose à une société qui tient ses comptes dans une monnaie fonctionnelle étrangère d'opérer une conversion de ses états financiers en monnaie suisse. En l'absence de disposition du droit suisse sur la façon de comptabiliser les écarts de conversions qui en résultent, les juges cantonaux pouvaient s'inspirer des normes IFRS pour calculer le bénéfice imposable de la recourante. Pour le Tribunal fédéral, il convient ainsi de ne pas prendre en compte les gains et pertes de change dans le cadre de la détermination du bénéfice imposable ; pour plus de détail, cf. commentaire de l’arrêt par Robert Danon et Thierry Obrist, in : RJN 2009, 56ss., cf. également Behnisch/Opel, in : ZBJV 2010, 6, 481ss.

TF 2C_199/2009

2009-2010

Distribution dissimulée de bénéfice. Une société immobilière sise en Valais paye des honoraires à une société offshore. Suivant le contrat liant la société suisse à la société offshore, cette dernière était chargée de l’ensemble d’un projet immobilier pour une rémunération forfaitaire. La société offshore n’avait toutefois, dans les faits, accompli aucune des tâches qui lui avaient été confiées contractuellement. En outre, cette société ne disposait d’aucune infrastructure en Valais, alors qu’il s’agissait pourtant en l’espèce d’une promotion immobilière nécessitant une présence constante sur le terrain. Le TF rappelle qu’une distribution dissimulée de bénéfice peut être retenue même s’il n’est pas directement établi que la société bénéficiant de la prestation est un proche de la société suisse. Cette qualité peut au contraire être présumée lorsqu’il apparaît que cette conclusion s’impose impérativement et qu’aucune autre raison ne permet d’expliquer le déroulement de l’opération insolite. En l’espèce, la prestation en argent est considérée comme insolite et partant qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice.