Droit de proposition ; annulabilité des décisions de l’assemblée générale. Une société anonyme tient une assemblée générale par écrit, en vertu de la législation Covid-19 et envoie les documents de vote à ses actionnaires. Une actionnaire s’adresse au conseil d’administration et lui présente des propositions, ce qui est refusé par le conseil d’administration, qui ne soumet pas lesdites propositions au vote. Le TF juge cela inadmissible : tout actionnaire a le droit, dans le cadre des objets portés à l’ordre du jour, de faire des propositions écrites ou orales, avant et pendant l’assemblée générale, et les dispositions des ordonnances Covid‑19 sur les assemblées de sociétés n’avaient pas pour vocation de limiter le droit de proposition des actionnaires. Il s’agit toutefois d’un cas d’annulabilité et non de nullité.
Ulysse DuPasquier, Livia Crétin
Demande de convocation d’une assemblée générale ; degré de preuve. Lorsque le conseil d’administration ne donne pas suite à la demande de convocation d’une assemblée générale ordinaire par les actionnaires détenant au moins 10% du capital-actions, la convocation peut être ordonnée par le tribunal à la demande des requérants (art. 699 al. 3 et 4 aCO, 699 al. 3 et 5 CO). Le degré de preuve requis est celui de la simple vraisemblance. Cette exigence est satisfaite dès lors que le juge, en se fondant sur des éléments objectifs, à l’impression que tous les faits pertinents se sont produits avec une certaine probabilité, tout en n’excluant pas qu’ils aient pu se produire autrement. La doctrine retient une probabilité de 51%. En l’espèce, malgré des divergences avec une convention d’actionnaires, les inscriptions dans le registre des actionnaires, le testament public et la déclaration fiscale du donataire, le TF retient qu’un document sous seing privé, attribuant 25 actions à chacun des requérants de la convocation et confirmé par un avocat, répond au degré de preuve requis. Les requérants disposent donc de la qualité d’actionnaire leur permettant de requérir la convocation d’une assemblée générale ordinaire.
Ulysse DuPasquier, Livia Crétin
Demande de convocation d’une assemblée générale ; violation des statuts. Un investisseur est propriétaire de 60% des actions d’une entreprise textile de Bâle-Campagne et demande la tenue d’une assemblée générale visant à réélire le conseil d’administration, ce qui lui est refusé. Il s’adresse alors au juge civil. Le requérant qui entend demander au juge d’ordonner la convocation d’une assemblée générale (art. 699 al. 3 et 4 aCO ; art. 699 al. 5 CO) doit rendre vraisemblable qu’il détient la qualité d’actionnaire et que le conseil d’administration n’a pas donné suite à la demande dans un délai raisonnable. Ce degré de preuve vaut également pour l’établissement des modalités statutaires de convocation. Le TF rappelle également que le juge saisi de la requête de convocation n’a pas à se prononcer sur la question de savoir si les décisions à prendre lors de l’assemblée générale seraient valables, ces questions pouvant être examinées dans le cadre d’une éventuelle action en annulation ou en nullité des décisions prises.
Ulysse DuPasquier, Livia Crétin
Action en annulation d’une décision de l’AG ; abus de majorité ; abus de droit. Dans cet arrêt, se posait la question de savoir si le fait, pour l’actionnaire majoritaire, de procéder à une modification des statuts, dans le seul but de réduire le nombre de représentants au conseil d’administration octroyé statutairement à l’actionnaire minoritaire (le faisant passer de quatre à un, au sein d’un conseil d’administration composé de douze membres), était constitutif d’un abus de droit. Le TF rappelle qu’une décision prise par la majorité est abusive au sens de l’art. 2 al. 2 CC aux trois conditions suivantes : (1) elle n’est pas justifiée par des motifs économiques raisonnables, (2) elle lèse manifestement les intérêts de la minorité, et (3) elle favorise sans raison les intérêts particuliers de la majorité. En l’espèce, les conditions pour admettre l’abus sont données : il est mathématiquement incontestable qu’avec un seul représentant, le représentant du minoritaire devrait convaincre davantage d’administrateurs (6 au lieu de 3) pour emporter un vote du conseil (majorité de 7) ; en outre, le pouvoir de persuasion du représentant minoritaire sur les autres administrateurs s’en trouverait diminué. La réduction des représentants de la minorité et, partant, leur capacité d’influencer les autres membres du conseil d’administration, est à l’origine, d’une part, de la lésion des intérêts de la minorité et, d’autre part, de la favorisation des intérêts de la majorité. L’annulation de la décision de l’assemblée générale approuvant la modification des statuts est donc confirmée.
Ulysse DuPasquier, Livia Crétin