Appartenance à une société simple. Dans cette affaire qui portait sur le droit de participer aux revenus locatifs engendrés dans le cadre d’un projet immobilier, se pose la question de savoir qui appartient à une société simple hypothétiquement créée entre trois intervenants (l’acquéreur de deux terrains, une Sàrl, ainsi que son gérant) ayant participé à la planification et à la réalisation du projet, et ayant signé dans ce contexte une « convention ». La société simple implique que les associés orientent leur comportement futur vers la poursuite du but convenu et que la réalisation des intérêts de tous les associés, réunis en un but commun, soit favorisée. Dans le cas d’espèce, le TF relève que le gérant de la Sàrl est certes mentionné comme partie et a signé la « convention » en tant que telle, mais qu’aucun droit ou obligation ne lui a été attribué : le gérant était impliqué uniquement en tant que gérant de la Sàrl, mais n’a jamais poursuivi d’intérêts propres en relation avec la réalisation du projet. Partant, même pour le cas où la « convention » conclue devait être qualifiée de contrat de société simple, cette société simple ne concernerait que le propriétaire des terrains et la Sàrl, et non le gérant.
Ulysse DuPasquier, Livia Crétin
Interprétation du contrat ; animus societatis. La commune et réelle volonté des parties s’interprète de façon concrète à l’aune de l’ensemble des circonstances. L’animus societatis fait défaut lorsqu’il ne peut être inféré des circonstances que la collaboration des parties vise la vente d’un capital-actions à tout client. En l’espèce, l’échange de quelques courriers à la suite d’une vente d’un capital-actions non venue à chef à une personne spécifique ne permet pas de retenir la volonté des parties d’être liées par un contrat de société simple pour toute vente future.
Ulysse DuPasquier, Livia Crétin
Existence d’une société simple ; calcul du bénéfice de liquidation. Dans le cadre de l’acquisition et de la rénovation d’appartements par un couple de concubins, l’existence d’une société simple doit être retenue, quand bien même l’un des concubins n’a pas signé le prêt hypothécaire nécessaire au projet, qu’il ne souhaite pas devenir propriétaire de l’immeuble, ni être inscrit au registre foncier comme tel. Ces éléments n’influent pas sur la volonté commune d’acquérir un immeuble, ni sur les apports en industrie et financiers effectués par le concubin. La plus-value conjoncturelle de l’apport en usage (quoad usum) ou en destination (quoad sortem) revient à l’associé qui l’a effectué au moment de la dissolution de la société simple, alors que la plus-value due à l’activité de la société simple constitue un gain à partager entre les associés. Toutefois, si les associés traitent, dans leurs relations internes, l’apport quoad sortem comme s’ils en étaient propriétaires collectifs, toute plus-value, y compris conjoncturelle, constitue un bénéfice de la société. Partant, un immeuble acheté par un concubin pour servir de logement au couple constitue un apport quoad sortem de sorte que le bénéfice devra être partagé entre les associés lorsqu’ils se sont comportés comme s’ils en étaient propriétaires collectifs.
Ulysse DuPasquier, Livia Crétin
Société simple ; principe de la confiance ; imputation de connaissance à la personne morale. Dans le cadre de rapports commerciaux (achat, engraissement et revente de porcs) tissés par un entrepreneur individuel avec un père et ses deux fils, le TF avait déjà confirmé à l’époque que les deux fils, malgré leurs contestations, formaient avec leur père une société simple et, partant, étaient solidairement débiteurs d’impayés envers l’entrepreneur (arrêts 4A_513/2015 du 13 avril 2016, puis 4A_253/2017 du 18 juin 2018). La question de l’existence d’une société simple du père et ses deux fils est à nouveau débattue en 2023 dans le cadre de trois nouvelles livraisons de porcs litigieuses par l’entrepreneur, à ceci près que son entreprise est désormais déployée sous la forme d’une société anonyme. D’après le TF, lorsque celui qui croit contracter avec une société simple est une société anonyme, cette dernière est engagée contractuellement par ses organes. Les déclarations (« Willensäusserungen »), la connaissance (« Wissen ») et la connaissance attendue (« Wissen müssen ») de l’organe sont donc directement celles de la société anonyme. L’imputation à la personne morale doit intervenir seulement pour ce qui est connu de l’organe qui est au moins saisi de l’affaire, ou lorsque les informations acquises par un organe n’ont pas été transmises à un autre organe, en raison du défaut d’organisation de la société, ou encore lorsque des contacts préalables ont été noués par la société avec des tiers. En l’espèce, le TF retient que la société anonyme, par son organe, pouvait valablement, selon les règles de la bonne foi (principe de la confiance), déduire qu’elle était liée avec une société simple formée par le père et ses deux fils.
Ulysse DuPasquier, Livia Crétin
Existence d’une société simple ; notion d’apport. En 2007, un couple de nationalité allemande n’étant pas en mesure d’acquérir un immeuble sur le sol suisse, convenait oralement avec un tiers (de nationalité suisse), que ce dernier y acquerrait un bien immobilier en son propre nom, au moyen des fonds remis par le couple, pour une durée indéterminée et sans intérêts ; le tiers en aurait la jouissance et, sur demande, le mettrait à disposition du couple ou de leurs amis sans contrepartie. En 2013, le couple demande le remboursement des liquidités, le tiers s’y refusant. Le TF est appelé à se prononcer quant à l’existence ou non d’une société simple (qui aurait, entre autres, une incidence sur le droit applicable, selon l’art. 117 LDIP). In casu, la volonté réelle des parties était la mise en commun de certaines ressources et capacités (liquidités d’une part ; capacité à acquérir un bien immobilier d’autre part) dans l’optique d’un but commun (partage de la jouissance du bien immobilier). Il s’agit donc d’un contrat de société simple (art. 530 al. 1 CO) : la notion d’apport (art. 531 CO) est une notion relativement large qui appréhende toute prestation susceptible de favoriser la réalisation du but social, comme en l’espèce, la mise à disposition de sa capacité à acquérir un immeuble. Par conséquent, la demande de remboursement orale du couple (par laquelle il réclamait la restitution de l’intégralité de son apport) pouvait valablement être interprétée comme une dénonciation du contrat de société simple, la forme écrite n’étant pas exigée.
Ulysse DuPasquier, Livia Crétin