Droit pénal général

Art. 8 CEDH

Expulsion d’un ressortissant nigérian dont l’épouse et les trois enfants sont des ressortissants suisses. Le requérant prétend que son expulsion en raison de sa condamnation pour trafic de stupéfiants viole son droit à la vie privée et familiale au sens de l’art. 8 CEDH. La Cour rappelle qu’elle admet depuis toujours que les autorités nationales se montrent intransigeantes face aux individus participant à la propagation des trafics de drogue. S’agissant de l’impact de l’expulsion sur les enfants mineurs du requérant, l’expulsion d’un parent étranger en raison d’une condamnation pénale concerne le délinquant avant tout ; la nature et la gravité des infractions fondant l’expulsion, ainsi que les antécédents de l’individu sont susceptibles d’avoir un poids déterminant dans la pesée globale des intérêts en jeu. En l’espèce, dans la mesure où les actes du requérant étaient particulièrement graves et qu’il est possible pour ses enfants de maintenir avec lui des liens étroits après son renvoi grâce aux moyens de communication modernes, une violation de l’art. 8 CEDH ne saurait être retenue.

Art. 3 CEDH, Art. 5 CEDH al. 1

Maintien de l’internement d’un homme présentant des risques de récidive et un comportement dangereux. En vertu de l’art. 5 par. 1 CEDH, un lien de causalité suffisant doit exister entre la condamnation initiale et la décision de maintien de l’internement. En l’espèce, un tel lien est donné dès lors que les juridictions suisses ont maintenu la détention pour empêcher l’intéressé de commettre d’autres infractions semblables à celles qui étaient à l’origine de sa condamnation, le risque de récidive et de dangerosité n’ayant pas diminué entre temps. Dans la mesure où elle se fonde effectivement sur une évaluation raisonnable et régulièrement/récemment mise à jour, cette décision est compatible avec l’art. 5 par. 1 CEDH. Quant au régime d’internement, le requérant s’est vu offrir un suivi médical cohérent et adapté à sa situation mais a refusé de s’y soumettre. S’il est vrai qu’une personne détenue n’est pas obligée d’accepter le traitement qui lui est proposé et que les autorités ne sauraient donc le lui imposer, il est néanmoins attendu de ces dernières qu’elles persistent à proposer un suivi thérapeutique adapté aux besoins de l’intéressé. In casu et en dépit du manque de coopération du détenu, les autorités ont mis en place un plan d’exécution de la sanction propre à lui offrir un suivi thérapeutique individualisé. Enfin, sous l’angle de l’art. 3 CEDH, il s’avère que l’internement en cause n’est pas incompressible, étant donné que le requérant a fait l’objet, à intervalles réguliers, de multiples évaluations de la part d’experts médicaux, qui toutes concluent à une absence d’évolution. Contrairement à ce que prétend le requérant, le refus de sa demande de libération conditionnelle en raison de sa dangerosité persistante ne constitue pas à elle seule une violation de l’art. 3 CEDH ; de même, en défendant que l’expertise médicale rendue à son propos nie toute perspective de libération future, le requérant oublie que le pronostic qu’elle contient est susceptible d’être modifié à l’avenir dans une nouvelle expertise.

ATF 145 IV 404 (d)

2019-2020

Art. 121 Cst. al. 3 let. a, Art. 66a CP al. 1 let. d

Expulsion obligatoire ; vol en lien avec une violation de domicile. A teneur de l’art. 66a al. 1 let. d CP, la personne étrangère condamnée pour vol en lien avec une violation de domicile doit être expulsée de Suisse. Le champ d’application de cette disposition ne couvre pas le simple vol à l’étalage avec violation d’une interdiction d’entrer dans un grand magasin. Cette conclusion se déduit non seulement du principe de proportionnalité mais plus encore d’une interprétation littérale du terme « effraction » présent à l’art. 121 al. 3 let. a Cst. Si l’« effraction » ne correspond certes pas à une infraction en droit pénal suisse (d’où le fait que l’art. 66a al. 1 let. d CP parle de « vol en lien avec une violation de domicile »), il n’en demeure pas moins que l’art. 66a al. 1 let. d CP doit être interprété de façon conforme à la Constitution. Il sied ainsi de tenir compte du fait qu’une « effraction » suppose, littéralement, de s’introduire dans un bâtiment avec une certaine violence, ce qui n’est pas le cas lorsqu’une personne commet un vol à l’étalage dans un magasin en violant par là même une interdiction d’y pénétrer. Le TF abandonne ici la posture qu’il avait précédemment adoptée en considérant que l’art. 121 al. 3 Cst. était par trop imprécis pour être susceptible d’application directe (ATF 139 I 16).

ATF 145 IV 455 (f)

2019-2020

Art. 8 CEDH al. 2, Art. 66a CP al. 2

Expulsion ; clause de rigueur. Une expulsion du territoire suisse est susceptible de placer la personne qui en fait l’objet dans une situation personnelle grave au sens de l’art. 66a al. 2 CP ou d’être disproportionnée sous l’angle de l’art. 8 par. 2 CEDH en fonction de l’état de santé de cette personne et des possibilités d’accès aux prestations de soins nécessaires dans l’Etat d’origine. Pour cette raison, lorsque l’intéressé fait valoir une maladie ou infirmité, la CourEDH exige qu’il soit tenu compte des éléments médicaux dans le cadre de l’examen de l’art. 8 par. 2 CEDH et eu égard au caractère provisoire ou définitif de l’interdiction du territoire (not. CourEDH, Hasanbasic c. Suisse, 11 juin 2013 [requête n° 52166/09], § 54). Selon la jurisprudence rendue en droit des personnes étrangères, il revient à l’autorité d’examiner la proportionnalité de l’expulsion lorsqu’elle la prononce, étant admis que cela ne dispense pas l’autorité chargée de l’exécution du renvoi de vérifier que les conditions propres au retour de la personne concernée sont toujours remplies sur le plan médical. Si l’on transpose ces principes dans le domaine pénal, la juridiction prononçant l’expulsion doit dès lors examiner la proportionnalité de cette dernière au regard de l’état de santé de l’auteur. La question ne saurait donc être simplement renvoyée à l’autorité d’exécution. L’exécution prioritaire de la privation de liberté (art. 66c al. 2 CP) peut néanmoins avoir pour conséquence l’écoulement d’un certain laps de temps entre le prononcé de l’expulsion et son exécution, de sorte que l’état de santé de l’individu pourrait évoluer. C’est pourquoi le tribunal ordonnant l’expulsion doit examiner si l’état de santé de l’intéressé est susceptible de s’améliorer, auquel cas il doit renoncer à l’expulsion si elle apparaît disproportionnée en vertu de l’art. 66a al 2. CP et/ou de l’art. 8 par. 2 CEDH. A l’inverse, lorsque le problème de santé s’avère curable ou susceptible d’être stabilisé, le tribunal, qui doit fonder ici sa décision sur des éléments concrets tels que la perspective d’une opération propre à maîtriser de manière suffisante le problème de santé en question, peut conclure à la proportionnalité de l’expulsion.

ATF 146 IV 105 (d)

2019-2020

Art. 8 CEDH, Art. 66a CP al. 2

Expulsion ; clause de rigueur ; situation particulière des personnes étrangères nées ou ayant grandi en Suisse. Le TF rappelle premièrement qu’il n’est pas, dans la loi, de règles strictes relatives à l’âge de la personne ni de temps de présence minimal en Suisse qui conduiraient à l’acceptation automatique d’un cas de rigueur. L’existence de ce dernier doit toujours être évaluée en l’espèce sur la base des critères usuels en matière d’intégration. Pour cette raison, la situation particulière des personnes étrangères nées ou ayant grandi en Suisse n’est prise en compte que dans la mesure où elle s’assortit d’un long séjour et d’une bonne intégration. Ces deux derniers critères constituent de sérieux indices d’un intérêt personnel à rester en Suisse et donc d’un cas de rigueur, ledit intérêt devant être considéré d’autant plus important dans le cadre de la pesée des intérêts subséquente que le séjour en Suisse est long.