Droit fiscal

Art. 28 al. 2, 2e phrase, LHID ; 12 al. 4 LIHD ; 127 al. 4 LICD/FR

Imposition des sociétés holdings. Les sociétés holdings ne paient pas d’impôt cantonal sur le bénéfice afin d’éviter une double imposition économique. Néanmoins, les rendements d’immeubles suisses de ces sociétés sont imposables au barème ordinaire au sens l’art. 28 al. 2, 2e phrase, LHID. Selon la doctrine unanime, les bénéfices immobiliers réalisés par des sociétés holdings font partie des rendements immobiliers au sens large soumis à l’art. 12 al. 4 LHID. Ainsi, non seulement les excédents de rendements périodiques sont compris dans le terme « rendements », mais aussi les bénéfices en capital réalisés par les holdings suite à la vente de biens immobiliers. Cette large interprétation résulte notamment du fait que la doctrine suit le régime prévu pour les personnes morales et les travailleurs indépendants pour lesquels les bénéfices en capital sont imposables. C’est à bon droit que le canton de Fribourg se réserve la faculté de percevoir l’impôt sur les gains immobiliers des sociétés holding à l’art. 127 al. 4 LICD/FR.

Art. 61 al. 1 LIFD ; 67 al. 1 LIFD

Report des pertes ; provision pour remise en état d’un immeuble ; ruling ; évasion fiscale. Cinq sociétés sœurs immobilières fusionnent rétroactivement avec une sixième société au 1er janvier 2015. Avant la fin de cette même période fiscale, quatre des cinq immeubles des sociétés absorbées sont vendus ; dont un immeuble au prix de CHF 0.-, ce qui entraîne une perte. La société absorbante demande le report des pertes de la société absorbée liée à cet immeuble (art. 67 al. 1 LIFD) ainsi que la prise en compte de la provision pour remise en état de l’immeuble. Le Tribunal fédéral rejoint l’instance cantonale en admettant l’existence d’une évasion fiscale et souligne le caractère insolite du cas d’espèce. La vente des immeubles dans les mois qui suivent la fusion a retiré tout intérêt à cette dernière, la fusion ne se justifiant plus économiquement (consid. 5). La recourante ne peut rien déduire du ruling qu’elle a obtenu pour la fusion dès lors que cette dernière est constitutive d’évasion fiscale (consid. 6).

Art. 127 al. 3 Cst. ; 20 LHID

Assujettissement d’une société immobilière ; double imposition intercantonale. Une double imposition intercantonale intervient lorsque deux cantons soumettent un contribuable au même impôt pour le même objet fiscal et pendant la même période fiscale ou lorsqu’un des cantons viole les règles de conflits de loi applicable en percevant un impôt relevant de la souveraineté fiscale de l’autre canton (double imposition virtuelle). Les sociétés sont assujetties à l’impôt dans un canton lorsqu’elles y ont leur siège (tel que défini dans les statuts et dans le registre du commerce) ou leur administration effective, conformément à l’art. 20 LHID. Lorsque les activités de gestion et d’administration, respectivement les activités dirigeantes, se trouvent dans un canton différent du siège, le lieu où ces activités sont exercées prévaut. C’est ainsi le lieu de l’activité de direction courante prépondérante, soit le centre économique réel de la société, qui est déterminant. Ne sont dès lors pas pertinents ni le lieu où les assemblées générales et séances du conseil d’administration se tiennent, ni celui où les activités administratives secondaires sont exercées, ni celui où les organes sociaux suprêmes de la société prennent des décisions fondamentales ou exercent un contrôle de la direction courante proprement dite. En revanche, le lieu d’exécution des tâches administratives ordinaires courantes constitue un indice de domicile fiscal principal. L’ensemble des circonstances du cas d’espèce sont néanmoins à prendre en compte. En pratique, le domicile fiscal correspond au lieu où le courrier est effectivement traité et où la société est joignable par téléphone (et non pas où le raccordement téléphonique et l’adresse postale sont enregistrés, soit un domicile créé artificiellement ne correspondant pas aux circonstances réelles). En outre, le siège social d’un tiers lorsque la direction effective lui a été déléguée sur une base contractuelle ne peut pas être considéré comme domicile fiscal principal. La reconnaissance sans réserve d’une créance fiscale dans un canton (notamment en se soumettant expressément ou tacitement à l’imposition) en pleine connaissance de l’existence d’une créance fiscale dans un autre canton entraîne toutefois la déchéance du droit de contester l’imposition cantonale du premier canton. Dans une telle situation particulière, les conséquences de la double imposition doivent être acceptées par le contribuable. C’est donc à juste titre que les conséquences de la double imposition sont acceptées dans le cas d’espèce.

Art. 57 s. LIFD ; 151 ss CO

Condition suspensive intégrée à un contrat de vente immobilier ; moment de la réalisation. Au sein d’un contrat de vente immobilier, une clause octroie un « droit de rétractation unilatéral » à l’acheteur. Le contrat prévoit que si l’acheteur exerce ledit droit, le contrat n’entre pas en force. Dans le cas contraire, l’acheteur s’engage à signifier par écrit sa renonciation au notaire en charge de la transaction pour qu’il procède à l’inscription au registre foncier. Alors que le contrat est signé en 2011, le « droit de rétractation » est ouvert jusqu’en janvier 2012 ; mois durant lequel l’acheteur renoncer à l’exercer. En lien avec le principe de la réalisation, la conclusion d’un contrat de vente immobilier engendre en principe un droit ferme, dont le revenu afférent est imposable à ce moment-là. Dans la règle, l’inscription au registre foncier mais aussi le transfert des risques et profits de la chose ne sont ainsi pas déterminants, et le moment de la réalisation de l’immeuble dépend du caractère certain de la transaction. Dans ce sens, l’intégration au contrat d’une condition suspensive a typiquement pour effet de rendre la transaction incertaine, corolairement de retarder le moment de la réalisation. L’incertitude est toutefois absente si l’insertion d’une telle clause est une simple formalité. Le Tribunal fédéral s’attèle à déterminer le caractère suspensif ou résolutoire de la condition intégrée au contrat. Bien que la terminologie utilisée par les parties suggère plutôt une condition résolutoire, le Tribunal fédéral recourt aux principes d’interprétation de l’art. 18 CO et conclut que la condition est de nature suspensive. Partant, il juge que la réalisation de l’immeuble a été effective durant la période fiscale de 2012, et non au moment de la conclusion du contrat.