Art. 58 al. 1 lit. b 5e tiret LIFD
Distribution dissimulée de bénéfices, estimation de l’immeuble vendu.
X. SA vend à son actionnaire unique, C. Y., une parcelle au prix de CHF 250’000. L’administration fiscale vaudoise, calculant la valeur de l’immeuble à partir de l’assiette fiscale du droit de mutation (500 CHF/m2), considère que la valeur de marché de l’immeuble s’élève à CHF 572’500. Elle conclut que X. SA a effectué une distribution dissimulée de bénéfices à C. Y. qui doit faire l’objet d’une reprise de CHF 322’500 au compte de bénéfice de l’entreprise pour la période fiscale 2008. La recourante conteste l’estimation de la valeur de l’immeuble et souhaite que celle-ci soit basée sur l’expertise qu’elle a fourni qui préconise un prix de 375 CHF/m2. Après avoir rappelé les conditions constitutives d’une distribution dissimulée de bénéfices, le Tribunal fédéral examine en quoi le prix fixé par les parties respecte la mise en œuvre du principe de pleine concurrence.
A ce titre, il indique que « lorsqu’il existe un marché libre, les prix de celui-ci sont déterminants et permettent une comparaison effective avec les prix appliqués dans la transaction examinée». Cependant si une comparaison effective s’avère impossible, « il convient alors de procéder selon la méthode de la comparaison avec une transaction comparable, qui consiste à procéder à une comparaison avec le prix appliqué entre tiers dans une transaction présentant les mêmes caractéristiques, soit en tenant compte de l’ensemble des circonstances déterminantes ». La détermination de la valeur vénale doit être conforme aux principes du droit fédéral qui sont, par ailleurs, revus librement par la Haute Cour. Si l’estimation est en adéquation avec ceux-ci alors elle doit être acceptée si elle n’est pas manifestement insoutenable. Dans le cas d’espèce, les juges de Mon Repos statuent que l’instance précédente n’a pas fait preuve d’arbitraire en se fondant sur les ventes contemporaines intervenues en matière de droit de mutation et en rejetant l’expertise de la recourante car cette dernière était incomplète et ne tenait pas suffisamment compte des spécificités du bien en question.
Thierry Obrist, Delphine Yerly, Thierry Bornick
Art. 67 LIFD
Cessation de l’activité industrielle ; changement de buts statutaires en société immobilière ; report de pertes, continuité économique et évasion fiscale.
Une société fortement endettée cesse son activité industrielle, acquiert des biens immobiliers de ses actionnaires et demande la compensation des pertes subies alors qu’elle exerçait une activité industrielle. Le Tribunal fédéral refuse la déduction des pertes en retenant que le but de la « réorganisation » de l’entreprise ne peut pas être autre que celui d’obtenir une réduction d’impôt en bénéficiant du report de pertes et constitue dès lors une évasion fiscale.
Thierry Obrist, Delphine Yerly, Thierry Bornick
Art. 8 al. 4 et 24 al. 4 LHID ; 36 al. 2 et 92 al. 2 de la loi d’impôt soleuroise du 1 décembre 1985 (StG/SO, RS/SO 614.11)
Report des réserves latentes sur les biens acquis en remploi ; délai autorisé pour le remploi.
A. AG aliène un immeuble en 2006 et l’autorité fiscale admet, à ce moment, la constitution de réserves latentes. Le droit cantonal soleurois prévoit une période maximale de cinq ans pour le remploi. Les autorités fiscales s’y conforment et n’acceptent plus de tenir compte de ces réserves latentes dès la période fiscale de 2012. A. AG recourt au Tribunal fédéral en invoquant l’incompatibilité du droit cantonal avec le droit fédéral. Le TF relève que l’art. 8 al. 4 LHID ne contient aucune précision sur ce point tandis que, à titre de comparaison, l’art. 30 al. 2 LIFD prévoit seulement que le remploi doit être effectué « dans un délai raisonnable ». En rappelant que le remploi est un moyen qui vise à permettre des corrections provisoires, le TF juge que la condition soleuroise du délai de cinq ans est conforme au droit fédéral et rejette le recours.
Thierry Obrist, Delphine Yerly, Thierry Bornick
Art. 19 al. 1 lit. b LIFD
Activité d’un commerçant professionnel d’immeubles et notion d’exploitation au sens de l’art. 19 LIFD.
A est l’associé d’une société de personnes Y. qui transfère à la valeur comptable, en 2009, son patrimoine (4 appartements sis dans une copropriété, 4 places de stationnement souterrain, 4 actions de S. et T. SA) à la société de capitaux Z. SA dont le siège est en Suisse et qui est, par ailleurs, détenue à 50 % par A. Ce dernier considère, qu’en tant que commerçant professionnel d’immeubles, il satisfait aux critères d’une exploitation dont le patrimoine peut être transféré en neutralité fiscale si les conditions de l’art. 19 al. 1 lit b LIFD sont remplies. En revanche, l’administration fiscale schwytzoise lui refuse la qualification d’exploitation. En la matière, le Tribunal fédéral rappelle que la doctrine est divisée. Cependant pour la Haute Cour la notion d’activité lucrative indépendante est plus large que celle d’exploitation qui exige une organisation du travail et du capital afin d’obtenir une unité organique indépendante. Ainsi toute activité indépendante ne remplit pas nécessairement l’exigence d’exploitation voulue par l’art 19 al. 1 lit. b LIFD.
Par conséquent ce n’est que très exceptionnellement, notamment lorsque les critères d’organisation du capital et du travail sont remplis, que le commerce d’immeubles peut constituer une exploitation immobilière. Dans le cas d’espèce, les juges de Mon Repos constatent qu’au vu du nombre de biens sous gestion, du manque de structure administrative propre et d’un but (acquérir, détenir et gérer des immeubles) qui n’est pas tourné vers la poursuite d’une activité commerciale, la société de personnes ne formait pas une unité organique indépendante et par conséquent ne pouvait être qualifiée d’exploitation au sens de l’art. 19 al. 1 lit. B LIFD et partant bénéficier de la neutralité fiscale accordée aux opérations de restructuration.
Thierry Obrist, Delphine Yerly, Thierry Bornick
Art. 65 LIFD ; circulaire n°6 du 6 juin 1997
Capital propre dissimulé, estimation d’un immeuble, prêt de tiers garanti par un proche.
La société immobilière fribourgeoise X. SA, détenue à part égale par A. SA et B. SA, s’est vue accorder un prêt hypothécaire de CHF 18’000’000 par la Fondation D pour financer l’acquisition de biens immobiliers comptabilisés à CHF 17’825’570. A cet égard, concurremment à la mise en gage des immeubles, cette dernière a exigé que M. C., l’administrateur de la société B. SA, soit tenu conjointement et solidairement responsable de cet emprunt. Selon l’administration fiscale des contributions, cette garantie requalifie le prêt de tiers en prêt octroyé par un proche et déclenche l’examen d’un éventuel cas de capital propre dissimulé.
Comme le rappelle le Tribunal fédéral, cette notion ayant été objectivée par l’art. 65 LIFD, qui est une norme correctrice à rattachement économique, elle ne nécessite, par conséquent, plus l’existence d’une évasion fiscale. Partant la Haute Cour considère que « l’assimilation de la garantie fournie par l’actionnaire/le proche à la mise à disposition de fonds par celui-ci est conforme à l’art. 65 LIFD si cette garantie joue économiquement le rôle de prêt ». Ainsi, il convient de déterminer dans quelle mesure la garantie personnelle fournie par M. C. remplit économiquement la fonction de capital propre. Constatant que le prêt (CHF 18’000’000) n’est pas couvert pas la garantie réelle (valeur comptable des immeubles : CHF 17’825’570), les juges de Mon Repos concluent que l’excédent, en l’occurrence CHF 3’739’544 (18’000’000 - 80 % de 17’825’570 selon la circulaire n°6), n’a été accordé qu’en raison de la garantie personnelle procurée par M. C. La recourante échouant à démontrer que son plan de financement est conforme aux conditions de marché, le TF reconnait de ce fait la présence d’un capital propre dissimulé.
Thierry Obrist, Delphine Yerly, Thierry Bornick
Art. 58 al. 1 let. b et 62 al. 1 LIFD ; 99 et 100 al. 1 let. b de la loi fribourgeoise sur les impôts cantonaux directs du 6 juin 2000 (LI/FR, RS/FR 631.1)
Amortissement unique justifié par l’usage commercial, conditions.
Afin d’obtenir l’adjudication de travaux de construction, X. SA, société active dans le domaine de la gypserie et la peinture, acquiert en 2011 des parts d’une coopérative d’habitation d’utilité publique. Arguant que de telles participations sont difficiles à revendre, elle effectue, pour la période fiscale 2011, un amortissement extraordinaire de CHF 204’001 (valeur d’acquisition desdites parts).
Les autorités fiscales fribourgeoises refusent cet amortissement unique au motif qu’il n’est pas justifié par l’usage commercial et redressent le bénéfice imposable en conséquence. Si l’art. 62 LIFD permet l’amortissement des actifs justifié par l’usage commercial à condition que ceux-ci soient comptabilisés ou à défaut qu’ils apparaissent dans le plan spécial d’amortissement, le Tribunal fédéral rappelle pour sa part, que selon sa jurisprudence, bien qu’un amortissement, c’est-à-dire la constatation définitive d’une diminution de valeur d’un actif, soit en principe progressif il peut toutefois à titre exceptionnel être unique.
Cependant, comme celui-ci vient réduire la charge fiscale du contribuable, c’est à ce dernier de supporter le fardeau de la preuve. Pour la Haute Cour le fait que les parts sociales ne soient pas remboursables ne démontre pas que celles-ci n’aient aucune valeur. Elle relève, du reste, que les statuts de la coopérative prévoient explicitement que les parts sociales peuvent être cédées à un tiers sous conditions. Constatant l’incapacité de la recourante à démontrer la perte de valeur justifiant cet amortissement extraordinaire, les juges de Mon Repos se rangent donc à l’avis de l’administration fiscale et refusent la prise en compte de cet amortissement.
Thierry Obrist, Delphine Yerly, Thierry Bornick