Arbitrage

(FC A. [club de football] c. B. [entraîneur]). Recours contre le jugement rendu le 17 novembre 2017 par la Cour d’appel du Canton de Bâle-Ville.

Contrat liant un club de football à un entraîneur, prévoyant une clause d’arbitrage en faveur du Tribunal arbitral du sport (TAS). Action ouverte par l’entraîneur devant les tribunaux civils bâlois suite à son licenciement par le club. Jugement rendu par le tribunal de première instance, confirmé en appel, reconnaissant les prétentions de l’entraîneur pour licenciement injustifié au sens de l’art. 337c CO. Exception d’arbitrage soulevée par le club. Le Tribunal fédéral a déjà tranché la question de l’arbitrabilité des prétentions relevant du droit du travail en arbitrage interne, peu avant l’entrée en vigueur du CPC, dans l’ATF 136 III 467. Un changement de jurisprudence ne se justifie pas. L’art. 337c CO est de nature impérative. Or selon l’art. 341 CO, le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant des dispositions impératives de la loi. Ainsi, de telles prétentions ne sont pas arbitrables, faute de caractère disponible au sens de l’art. 354 CPC. C’est donc à raison que l’instance précédente a rejeté l’exception d’arbitrage soulevée par le club (consid. 2.2). En arbitrage international, les prétentions issues du droit du travail sont en principe arbitrables sans restriction particulière (art. 177 al. 1 LDIP). Au vu de l’objectif de protection des travailleurs poursuivi par le législateur à l’art. 341 al. 1 CO, il est exclu que l’opting-out au sens de l’art. 353 al. 2 CPC permette aux parties de contourner les restrictions à l’arbitrabilité des litiges découlant du droit du travail selon l’art. 354 CPC, en soumettant leur arbitrage au régime international au lieu du régime de l’arbitrage interne (consid. 2.3.3). Recours rejeté.

(A. c. B.). Recours contre l’arrêt du 5 mai 2017 rendu par le Tribunal cantonal de Saint-Gall.

Clause d’arbitrage dans les statuts d’une société (dont A. et B. étaient à l’origine les actionnaires principaux), prévoyant que tous les litiges concernant les affaires sociales (Gesellschaftsangelegenheiten) entre la société, ses actionnaires, les administrateurs ou la direction seraient tranchés par un tribunal arbitral, sous réserve des dispositions légales impératives imposant la compétence du juge étatique. Conclusion ultérieure d’un « Trust Agreement » entre A. et B., par lequel B. (entretemps devenu seul actionnaire et directeur de la société) cédait irrévocablement 50% des actions à A., étant entendu que ces actions seraient détenues en fiducie par B. Le Trust Agreement contenait une clause d’élection de for en faveur des tribunaux Saint-Gallois. Ouverture d’une action par A. contre B., portant sur le paiement d’une créance issue du Trust Agreement, devant le Tribunal de district de Saint-Gall, lequel entrait en matière après avoir écarté l’exception d’arbitrage soulevée par B. Recours de B. devant le Tribunal cantonal, qui lui donnait raison et annulait le jugement de première instance pour défaut de compétence, retenant que le litige tombait sous la clause d’arbitrage statutaire. En vertu de l’art. 107 al. 2 LTF, si le Tribunal fédéral admet le recours, il peut en principe statuer lui-même sur le fond. La partie recourante ne peut dès lors se borner à demander l’annulation de la décision attaquée, mais elle doit également, en principe, prendre des conclusions sur le fond du litige; il n’est fait exception à cette règle que lorsque le Tribunal fédéral, en cas d’admission du recours, ne serait de toute manière pas en situation de statuer lui-même sur le fond et ne pourrait que renvoyer la cause à l’autorité inférieure. Tel est le cas ici, car le Tribunal cantonal ne s’est pas prononcé sur les conclusions du demandeur, ni sur les faits de la cause, reconnaissant de prime abord l’exception d’arbitrage et considérant ainsi expressément pouvoir laisser toutes les autres questions ouvertes. Dans la mesure où il demande l’annulation du jugement cantonal et le renvoi de la cause à l’autorité inférieure, les conclusions de A. sont donc admissibles (consid. 1.2). Selon la jurisprudence, lorsqu’il s’agit d’interpréter des statuts, les méthodes d’interprétation peuvent varier en fonction du type de société. Pour l’interprétation des statuts de grandes sociétés, on recourt plutôt aux méthodes d’interprétation de la loi. Pour celle de statuts de petites sociétés, on se réfère plutôt aux méthodes d’interprétation des contrats, à savoir une interprétation selon le principe de la confiance, l’interprétation subjective n’entrant en considération que si les sociétaires étaient, comme en l’espèce, très peu nombreux. En l’espèce, une interprétation correcte de la clause d’arbitrage permet de conclure que sa portée est limitée aux litiges portant sur les affaires de la société ; elle ne s’étend pas à tous les litiges entre sociétaires. Cela étant, la question de savoir si les statuts peuvent prévoir de soumettre à l’arbitrage les litiges contractuels entre sociétaires peut demeurer ouverte (consid. 3.1-3.4). Recours partiellement admis ; renvoi au Tribunal cantonal pour qu’il statue sur la validité de la clause d’attribution de juridiction et détermine si le présent litige entre dans le champ d’application de ladite clause.

(X. [avocat] c. Z. [avocat, ancien associé de X.]). Recours contre la sentence incidente rendue le 19 juin 2017 par un Arbitre unique ad hoc.

Convention d’association entre X. et Z., avocats à Genève, contenant une clause arbitrale prévoyant qu’en cas de litige, si une négociation ou une médiation devaient se solder par un échec, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats genevois serait nommé comme arbitre unique, et que si ce dernier devait se récuser, un autre arbitre « nécessairement membre du Conseil de l’Ordre des avocats de Genève » serait nommé. A la suite d’un différend et après plusieurs années de procédure au cours desquelles le premier arbitre saisi avait été destitué, et le deuxième avait démissionné, une sentence incidente a été rendue par le dernier arbitre, nommé finalement par le juge d’appui. La décision par laquelle le juge d’appui nomme un arbitre n’est pas susceptible de recours directement ou conjointement à un recours dirigé contre la sentence ultérieure (consid. 2.2.1). Le législateur fédéral n’ayant pas prévu de recours contre cette décision, il est peu probable que cette dernière puisse être frappée de nullité absolue, excepté dans le cas d’un vice gravissime. Il est reconnu de longue date que la liste des situations prévues à l’art. 362 CPC (anciennement art. 12 du Concordat sur l’arbitrage), permettant au juge d’appui de nommer un arbitre, n’est pas exhaustive, nonobstant son texte (consid. 2.2.2.2). Par ailleurs, la décision de nomination par le juge d’appui, rendue en procédure non contentieuse, ne jouit pas de l’autorité de la chose jugée, de sorte que l’arbitre nommé peut ensuite examiner de manière indépendante sa propre compétence. La décision arbitrale incidente rendue sur ce point est sujette à recours immédiat au Tribunal fédéral, pour les motifs prévus aux art. 393 let. a et b CPC, sous peine de forclusion (consid. 2.3.1.2). La clause d’arbitrage litigieuse revêt un caractère pathologique. Elle est incomplète car elle n’envisage pas le cas de figure qui s’est produit en l’espèce, où, lors de la dernière tentative de nomination, le Bâtonnier en exercice ainsi que chacun des membres du Conseil de l’Ordre ont refusé de siéger comme arbitre unique. Pareille circonstance constitue l’une des situations d’impasse dont il convient d’admettre qu’elle justifie une application extensive de la possibilité de nomination de l’arbitre par le juge d’appui selon l’art. 362 al. 1 CPC, comme cela a été fait in casu (consid. 2.3.2.2). Dans la décision sur compétence qu’il a rendue après sa nomination, l’Arbitre unique est parvenu à établir une volonté réelle et concordante des parties de recourir à l’arbitrage. Il a donc pu établir la validité de la convention d’arbitrage même sans la partie, impossible à exécuter en raison du refus des candidats envisagés dans la clause d’agir en tant qu’arbitres (consid. 2.3.2.3). Lorsqu’une décision sur compétence a été rendue par un arbitre destitué par la suite, elle n’a pas besoin d’être réitérée si la destitution n’avait aucun lien avec les motifs de cette décision (consid. 2.4.2). Recours rejeté.

(A., B., C. c. D.). Recours contre la sentence rendue le 18 décembre 2017 par un Tribunal arbitral ad hoc.

Pacte d’actionnaires prévoyant un droit de préemption en cas de départ d’un actionnaire de la société, ainsi qu’une convention d’arbitrage pour tous les litiges relatifs au pacte. Toujours selon le pacte, la valeur de la société est déterminée annuellement par l’organe de révision ou par un auditeur ou expert agréé, nommé à la demande d’une partie, en cas d’opting-out. Chaque partie garde néanmoins le droit de demander à un tribunal arbitral de déterminer la valeur réelle des actions à ses propres frais. En outre, les actionnaires restants pourront racheter les actions d’un actionnaire sortant à 60% de leur valeur ainsi déterminée. Litige sur le prix de rachat des actions de D. suite à sa décision de quitter la société. D. saisit un tribunal arbitral, lui demandant d’évaluer la société et d’ordonner à ses anciens partenaires de lui payer son dû. Les recourants considèrent que le litige ne peut pas être soumis à l’arbitrage car son objet touche au droit du travail, D. étant également un employé de l’entreprise. Le droit de préemption et ses modalités d’exercice sont clairement couverts par la clause d’arbitrage dans le pacte. Ce dernier prévoit également que les circonstances du départ de l’actionnaire sortant doivent être prises en considération. Partant, s’il est vrai que le tribunal arbitral ne peut connaître des prétentions découlant du droit du travail, qui ne sont pas arbitrables, il peut (et doit) néanmoins en tenir compte, dans la mesure où cela est prévu dans le pacte, aux fins de sa décision quant au prix de rachat des actions de D. (consid. 2.1). Recours rejeté.