Arbitrage

(A. SA c. B. Corp., C.). Recours contre la décision rendue le 21 juin 2021 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. Demande d’arbitrage introduite par « X. Inc./C. » ; requête de la défenderesse sollicitant la clôture de la procédure en raison, d’une part, « de la nullité et de l’irrecevabilité » de la demande du fait de l’inexistence alléguée de la demanderesse X. Inc./C., et, d’autre part, au motif que les mandataires de la demanderesse auraient agi en qualité de falsus procurator. En parallèle, la défenderesse avait présenté une demande de récusation à l’encontre d’un des arbitres, qui avait été rejetée par la Cour internationale d’arbitrage de la CCI. Dans une décision incidente (Procedural Order No. 6 on the Respondent’s Preliminary Motion), le Tribunal arbitral a confirmé la régularité de sa composition, rejeté l’instance de clôture de la procédure, décidé que le libellé de la procédure arbitrale devait être modifié en remplaçant « X. Inc./C. » par la désignation « B. Corp. (formerly X.) and C. », et réservé certaines questions relatives, entre autres, à sa compétence pour une phase ultérieure de l’arbitrage. La recourante, qui conteste la validité de la constitution du Tribunal arbitral en réitérant, devant le TF, que la procédure avait été initiée par une partie inexistante, ne tient nullement compte dans sa critique des considérations émises par les arbitres pour justifier leur décision quant à la rectification de la désignation de la demanderesse. Rappel par le TF de la jurisprudence dans laquelle il a été amené à se pencher sur des problématiques similaires, et du principe qui veut que « la désignation d’une partie qui est entachée d’une inexactitude purement formelle peut être rectifiée lorsqu’il n’existe dans l’esprit du juge et des parties aucun doute raisonnable sur son identité ». Selon le TF, la rectification était admissible dans le cas d’espèce car il était évident, même pour la recourante, que la désignation initiale de la demanderesse n’avait guère de sens. Dans ces conditions (et sous réserve des objections relatives à la qualité de parties de B. Corp. et C., qui restent à trancher dans une phase ultérieure de l’arbitrage), on ne saurait conclure qu’aucun tribunal arbitral ne pouvait être constitué ab initio (consid. 4.1 à 4.4). La recourante se plaint également de la composition irrégulière du Tribunal en raison du risque de partialité de l’arbitre dont elle avait demandé la récusation devant la Cour CCI. A cet égard, la recourante fait valoir qu’un associé de l’arbitre, œuvrant dans la même étude d’avocats, avait été, entre 2010 et 2019, consul honoraire de l’Etat Y., circonstance que l’arbitre incriminé a omis de révéler, nonobstant le fait que cet Etat est directement concerné par l’issue du litige soumis au Tribunal arbitral. Selon le TF, il convient de distinguer cette situation des cas de prévention qui peuvent survenir en raison de l’activité d’avocat déployée par un arbitre (ou par l’un de ses associés), situations dans lesquelles il existe entre les personnes concernées une relation de mandat à proprement parler. Le rôle de consul honoraire n’est pas de la même nature. La recourante ne s’exprime pas sur le fait que l’activité de consul honoraire n’est pas rémunérée, et de manière plus générale sur le fait que ladite activité n’est pas comparable à un mandat d’avocat. Elle ne s’attarde pas non plus sur le fait que l’associé de l’arbitre avait cessé ses activités de consul au moment où la procédure arbitrale a été introduite, et elle ne fournit guère de précisions quant aux intérêts spécifiques de l’Etat Y. qui seraient affectés par l’issue de l’arbitrage. Enfin, il sied de relever que la mission de consul honoraire s’exerce à titre privé, si bien qu’on ne peut pas exclure qu’elle n’était pas connue de l’arbitre incriminé. Ainsi, sans preuve du contraire (que la recourante n’apporte pas), on ne peut pas apprécier au détriment de l’arbitre le fait qu’il ait omis de mentionner cette circonstance au moment où il a accepté son mandat. Dans l’ensemble, les circonstances alléguées ne permettent pas de conclure à une prévention ou apparence de prévention de l’arbitre concerné (consid. 5.2). Recours rejeté.

(A. [société turque] c. B. [filiale turque d’un groupe étatsunien]). Recours contre la sentence rendue le 15 juillet 2021 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Bâle. Litige issu d’un contrat de joint venture (JVA) conclu en 2015 entre A. et B., portant création d’une filiale dédiée à l’élaboration et à la commercialisation de colorants et produits chimiques pour textiles en Turquie. Résiliation du JVA et dépôt d’une requête d’arbitrage par A., en 2017. Constitution d’un Tribunal arbitral de trois membres ; instruction par celui-ci de la cause au fond ; clôture de la procédure arbitrale en juin 2021, suivie de la reddition de la sentence (à la majorité des membres du Tribunal) en juillet 2021. La recourante demande, à titre principal, l’annulation de plusieurs points du dispositif de la sentence et la récusation de la Présidente du Tribunal et du co-arbitre nommé par sa partie adverse (co-arbitre E.), ou éventuellement seulement de la Présidente, et le renvoi de la cause à un Tribunal nouvellement constitué (sans la participation de(s) (l’)arbitre(s) recusé(s)), ou, à titre subsidiaire, l’annulation des mêmes points du dispositif de la sentence et le renvoi de la cause au même Tribunal pour qu’il statue à nouveau sur le litige. A. se plaint de la composition irrégulière du Tribunal arbitral, et pour fonder sa demande de récusation à l’encontre de la Présidente et du co-arbitre E., elle allègue l’existence d’erreurs « tellement graves » dans les motifs de la sentence qu’elles éveilleraient des doutes objectifs sur l’impartialité de ces arbitres. Selon le TF, les erreurs invoquées par la recourante portent sur la motivation au fond de la sentence et non sur la conduite de la procédure. De telles critiques reviennent en réalité à demander une révision au fond de la décision, ce qui rend déjà le grief soulevé à cet égard irrecevable. En tout état de cause, on ne voit pas, à la lecture de la sentence, en quoi les prétendues erreurs dans la décision seraient tellement grossières qu’elles révèleraient une intention de nuire à la demanderesse (consid. 3.2.2). A l’appui de sa demande de récusation dirigée contre la Présidente, la recourante fait également valoir que son défaut d’impartialité doit être constaté au motif que, durant l’arbitrage, elle a quitté son ancienne étude pour rejoindre l’étude G., dont l’intimée B. est l’un des « key clients » dans le domaine du contentieux, circonstance qu’elle a omis de révéler aux parties. La recourante allègue avoir connaissance de déclarations faites par la Présidente dans un autre arbitrage, qui démontreraient que, au moins à partir de juin 2021, la Présidente avait connaissance de la liste des clients de G. et aurait donc dû faire une révélation dans le présent arbitrage, auquel B. est partie. Il s’agit là d’une violation intentionnelle de son devoir de révélation, qui suffit à elle seule à prouver son manque d’impartialité. En outre, en tant qu’ancienne collaboratrice de G., la Présidente avait en réalité connaissance des rapports existant entre l’étude G. et l’intimée B. depuis bien plus longtemps (consid. 4.1). Le TF rappelle que selon sa jurisprudence, l’existence d’un mandat en cours ou d’un rapport de clientèle de durée entre l’étude à laquelle appartient l’arbitre et une partie à l’arbitrage constitue un conflit d’intérêts justifiant la récusation de l’arbitre (consid. 4.2). Toutefois, la recourante ne parvient pas à démontrer que la Présidente aurait manqué à son devoir d’indépendance et d’impartialité dans le cas d’espèce. En effet, dans ses observations sur le recours, signées par les trois arbitres, le Tribunal arbitral a expliqué qu’il avait délibéré par vidéo-conférence les 28 janvier et 5 février 2021, cette dernière étant la date à laquelle il était parvenu à sa décision finale sur le litige. Dans ses observations personnelles, la Présidente a indiqué que ce n’est que le 26 février 2021 qu’elle avait eu un entretien avec l’étude G. en vue de son éventuelle entrée dans l’association, suite à quoi, en mars 2021, elle avait échangé des informations concernant d’éventuels conflits d’intérêts avec ses interlocuteurs chez G., et le contrat d’engagement avait été signé fin avril de cette année. Au vu de cette chronologie et en particulier du fait que le premier entretien n’a eu lieu qu’après la délibération sur la décision finale du 5 février 2021, le fait que B. soit un « key client » de G. ne peut avoir influencé la délibération. La recourante rétorque que selon la jurisprudence du TF, l’obligation d’indépendance perdure jusqu’à la reddition de la sentence, comme le confirment le nouveau texte de l’art. 179 al. 6 LDIP (en vigueur depuis janvier 2021) et l’art. 9 des Swiss Rules applicables à la présente procédure. Les solutions et la motivation critiquables de la sentence montreraient par ailleurs que la Présidente a été influencée par le rapport entre son futur employeur et G. lors de la délibération déjà. La recourante échoue à convaincre le TF sur ce point, compte tenu du fait qu’un projet de sentence était déjà prêt au moment de la délibération du 5 février et que les trois arbitres ont expressément confirmé, dans leurs observations déposées en réponse au recours, que leur décision finale avait été prise à cette date. La jurisprudence à laquelle la recourante se réfère ne fait que confirmer qu’en cas d’écart temporel entre la prise de décision définitive du Tribunal et la reddition de la sentence, le seul critère déterminant est de savoir si cette décision peut encore être influencée par la prévention éventuelle d’un arbitre – ce qui n’était clairement pas le cas en l’espèce. La recourante fait enfin valoir que la violation délibérée par la Présidente de son devoir de révélation au sens des art. 179 al. 6 LDIP et 9 Swiss Rules, à la seule fin d’éviter une récusation, constitue en elle-même un motif de récusation. Le TF rappelle que selon sa jurisprudence, l’obligation de révélation concerne uniquement des faits susceptibles d’éveiller des doutes légitimes quant à l’indépendance de l’arbitre. Or, en l’espèce, il a été établi que la Présidente pouvait, compte tenu des circonstances, considérer qu’elle n’était pas tenue de révéler le changement d’étude puisqu’il avait été convenu seulement après la prise de décision finale du Tribunal (consid. 4.3). Recours rejeté.

(A. c. B.). Recours contre la sentence rendue le 6 août 2021 par un arbitre unique siégeant à Genève. Cas de figure où la recourante forme en même temps un recours en matière civile et, subsidiairement, une demande de révision de la sentence. Dans une telle configuration, conformément à la jurisprudence du TF, le recours est en principe traité en priorité (consid. 3). Voir également les consid. 5 et 6 de cet arrêt, résumés ci-dessous en relation avec les art. 190 al. 2 let. e et 190a al. 1 let. a LDIP.

(A. [résident en Suisse] c. B. Ltd [société britannique]). Demande de révision de la sentence rendue le 29 octobre 2020 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Genève. Le requérant sollicite sa mise au bénéfice de l’assistance judiciaire pour la procédure fédérale. Requête rejetée, dès lors que ses conclusions étaient vouées à l’échec. Le recourant devra donc payer les frais de la procédure fédérale et verser à l’intimée une indemnité à titre de dépens (consid. 6). Voir également, sous le titre marginal « Discipline » ci-dessous, le résumé de la requête présentée par l’intimée au TF, ainsi que le consid. 4 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 190a al. 1 LDIP (demande de révision).

(A. c. B.). Recours contre la sentence rendue le 30 novembre 2021 par un Tribunal Arbitral CCI avec siège à Lausanne. Série de trois contrats (X.1, X.2 et X.3) portant sur un marché pour l’armement de frégates pour l’armée du pays Y., conclus entre l’intimée B. (demanderesse dans l’arbitrage) et une société D., domiciliée dans l’Etat V., dont le recourant, ressortissant lui aussi de V., était le seul propriétaire (comme il l’est maintenant de la société C., ayant succédé à D.). Les contrats X.2 et X.3, qui contiennent des clauses d’arbitrage, ont été signés d’une part par un représentant de B. et d’autre part par F., en vertu d’une procuration l’autorisant à agir pour le compte de D. Introduction d’une demande d’arbitrage par B., réclamant le paiement de montants dus par D. Appel en cause de A. en tant que deuxième défendeur dans l’arbitrage ; succession de C. à D. en tant que première défenderesse. Par sentence du 30 novembre 2021, le Tribunal arbitral s’est déclaré compétent à statuer sur le litige entre B. et A., a condamné ce dernier à payer à la demanderesse un montant d’environ EUR 50 millions, intérêts en sus, et a décliné sa compétence à l’égard de C., puis a alloué les frais de l’arbitrage et rejeté toutes les autres conclusions. A., qui avait contesté la compétence du Tribunal durant l’arbitrage, fait valoir que les arbitres se sont à tort déclarés compétents à son égard, au motif que la procuration dont bénéficiait F., en tant que représentant de D., ne l’autorisait pas à signer les conventions d’arbitrage contenues dans les contrats d’armement. Le Tribunal arbitral a examiné la validité et la portée de la procuration litigieuse à la lumière du droit de V. et est parvenu à la conclusion, notamment sur le vu des termes employés dans cette procuration, qu’elle contenait indubitablement l’autorisation spécifique requise par l’art. 58(2) de la loi de procédure civile de V. pour la conclusion d’une convention d’arbitrage. Le recourant ne démontre pas, dans sa critique purement appellatoire, en quoi l’interprétation du Tribunal serait contraire au droit de V., tel qu’il est reflété, en particulier, dans les opinions émises par la juridiction suprême de ce pays (consid. 3.3). Recours rejeté.

(A. [individu domicilié en Belgique] c. B. Ltd. [société ayant son siège à Hong Kong], C. [individu dont le domicile n’est pas spécifié]). Recours contre la sentence finale rendue le 31 mai 2021 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Genève. Conclusion, entre A. et C., de divers contrats régissant leurs relations commerciales entre 2008 et 2016. Vente, par A. et C., de l’intégralité du capital-actions d’une société E. à B. Ltd., par un contrat de cession d’actions (SPA) du 8 juin 2016. En 2017, déclaration d’invalidation partielle, par A., du SPA et des autres contrats souscrits antérieurement par elle avec C., dont elle prétendait les avoir conclus sous l’emprise d’une crainte fondée. Introduction, par B., d’une demande d’arbitrage dirigée contre A., sur le fondement de la clause d’arbitrage contenue dans le SPA, afin d’obtenir l’exécution d’une garantie conventionnelle. Dépôt par A. d’une demande reconventionnelle et d’une demande croisée contre C. Décision par le Tribunal arbitral SCAI, dûment constitué sur le fondement du SPA, faisant droit à la demande d’appel en cause visant C., suivie d’une ordonnance scindant la procédure arbitrale afin de statuer sur l’exception d’incompétence ratione materiae soulevée par C. en rapport avec certaines conclusions reconventionnelles de A. Sentence incidente sur compétence, non entreprise, admettant la compétence du Tribunal à statuer sur les demandes reconventionnelles concernant uniquement le SPA (à l’exclusion des autres contrats conclus entre A. et C.). Après instruction de la cause, le Tribunal a rendu sa sentence finale, déclarant sans objet la conclusion en paiement de garantie prise par B. et rejetant intégralement les prétentions reconventionnelles de A. Le recourant fait grief au Tribunal arbitral d’avoir violé les règles sur la compétence en ne tenant pas compte du caractère contraignant de la sentence incidente, dans laquelle les arbitres avaient admis leur compétence par rapport aux prétentions relatives au SPA. Le TF est lié par la constatation faite par le Tribunal, dans la sentence finale, selon laquelle le fondement juridique des prétentions pécuniaires du recourant a évolué après la reddition de la sentence incidente, dans le sens où ces prétentions n’avaient plus un fondement contractuel (comme c’était le cas au moment où le Tribunal avait statué sur sa compétence) et reposaient désormais sur des moyens extracontractuels, tels que la gestion d’affaires sans mandat et la responsabilité aquilienne. Etant donné que le Tribunal n’avait pas examiné, dans la sentence incidente, s’il était compétent pour connaître de ces mêmes prétentions sur des fondements extracontractuels, il n’a nullement méconnu le caractère contraignant de ladite sentence en se déclarant incompétent à cet égard dans sa sentence finale (consid. 5.3). Par ailleurs, le Tribunal a considéré à bon droit qu’il n’était pas compétent pour statuer sur la plupart des prétentions du recourant fondées sur la responsabilité délictuelle de C., du fait que celles-ci avaient un lien plus étroit avec les contrats autres que le SPA, qui contenaient des clauses arbitrales incompatibles avec celles figurant dans ce dernier contrat, ce que le recourant ne conteste pas (consid. 5.4.2). Le recourant reproche également au Tribunal d’avoir rendu une sentence finale qui, par sa décision d’incompétence, a pour effet de lui interdire de saisir un tribunal arbitral d’une quelconque prétention envers B., qui n’est pas partie aux contrats autres que le SPA. Il va sans dire qu’une partie ne peut faire valoir aucun droit à soumettre ses prétentions contre un tiers à un tribunal arbitral si ces prétentions ne sont pas couvertes par une convention d’arbitrage. Cela étant, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux prétentions sur lesquelles les arbitres ont statué au fond. Pour les prétentions à l’égard desquelles ils se sont déclarés incompétents, la sentence ne crée pas d’obstacle à ce que le recourant les soumette au tribunal étatique compétent (consid. 5.5). Voir également le consid. 6 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(République bolivarienne du Venezuela c. A. S.L. [société de droit espagnol]) (publication prévue). Recours contre la sentence rendue le 17 juin 2021 par un Tribunal arbitral CNUDCI, constitué sous l’égide de la Cour permanente d’arbitrage, avec siège à Genève. Initiation d’une procédure arbitrale par A. S.L., société de droit espagnol commercialisant des produits de nettoyage et désinfectants sur le territoire du Venezuela, à l’encontre de cet Etat, suite à l’adoption par celui-ci d’une loi restrictive sur les coûts, les bénéfices et la garantie du juste prix ; demande en dommages-intérêts pour cause de violation des dispositions du Traité bilatéral d’investissement (TBI) entre l’Espagne et le Venezuela ; constitution d’un Tribunal arbitral de trois membres sur le fondement de la clause d’arbitrage contenue dans ce TBI. Sentence sur compétence faisant suite à la sentence (déclinatoire) sur compétence précédemment partiellement annulée par le TF (ATF 146 III 142 résumé dans l’édition 2020-2021 de cette chronique), qui avait renvoyé la cause au Tribunal arbitral pour nouvelle décision dans le sens des considérants, c’est-à-dire pour qu’il se prononce sur l’existence d’un abus de droit et d’éventuelles autres objections à sa compétence. Le Tribunal arbitral a constaté, dans la sentence entreprise (rendue à la majorité de ses membres), que la seule objection pendante devant lui était celle ayant trait à l’éventuelle existence d’un abus de droit, objection qu’il a écartée, en se déclarant compétent pour connaître du fond du litige. La recourante met en cause l’analyse du Tribunal au sujet de l’existence d’un abus de droit et demande que le TF constate définitivement l’incompétence du Tribunal pour trancher le litige. L’intimée objecte que le TF ne saurait examiner l’existence d’un éventuel abus de droit dès lors que le Tribunal arbitral a considéré, sans être contredit par la recourante, que cette question ne se rapportait pas à sa compétence, mais plutôt à la recevabilité de la demande. Dans son arrêt de renvoi précité, le TF avait retenu que « la compétence du Tribunal arbitral ne pouvait être constatée » dès lors que la question d’un éventuel abus de droit restait à trancher par les arbitres. Dans ces circonstances, le TF est tenu à présent d’examiner les critiques formulées par la recourante pour étayer son moyen tiré de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Cette approche est d’ailleurs conforme à la jurisprudence du TF, qui s’est déjà prononcé, dans une autre affaire, sur un grief d’abus de traité invoqué afin de provoquer un réexamen de la compétence arbitrale (consid. 5.4 et 5.5). La recourante soutient que le Tribunal s’est déclaré à tort compétent pour connaître du litige, dès lors que la société mère de l’intimée (basée aux Etats-Unis) a opéré un changement stratégique de la nationalité de cette dernière dans le seul but d’assurer à ses investissements le bénéfice de la protection offerte par le TBI entre l’Espagne et le Venezuela. S’il est vrai qu’un investisseur peut légitimement modifier la structure de son investissement afin de bénéficier de la meilleure protection possible, pareille restructuration peut constituer un abus de droit (en l’espèce, un « abus de traité ») lorsqu’elle est opérée à un moment où un litige avec l’Etat hôte de nature à engager les garanties offertes par le TBI était prévisible. Dans ce cas, la compétence du Tribunal arbitral constitué en vertu du TBI ne serait pas donnée. L’abus de droit étant un correctif exceptionnel, le critère de la prévisibilité du litige doit être apprécié de manière restrictive (consid. 5.2). Le Tribunal arbitral a considéré, en particulier, qu’un abus de traité ne peut être retenu que lorsque l’investisseur a opéré la restructuration à un moment où il avait connaissance de tous les éléments permettant de prévoir le litige spécifique à raison duquel il poursuit l’Etat hôte pour violation du TBI. Il a estimé, sur la base des faits constatés dans la sentence, que la restructuration en question avait eu lieu à une époque où le litige entre les parties n’était pas prévisible, de sorte que l’intimée n’avait pas commis un abus de traité (consid. 5.3). La recourante tente en vain de remettre en question cette conclusion ; sur le vu des faits constatés souverainement par le Tribunal arbitral dans sa sentence, elle ne fournit pas d’éléments qui permettraient de retenir que la restructuration litigieuse avait été opérée en vue d’un litige spécifique, à un moment où celui-ci était prévisible (consid. 5.6). Recours rejeté.

(A. AG [compagnie d’assurance domiciliée au Liechtenstein] c. Ba. LLC [société domiciliée aux Etats-Unis]). Recours contre la sentence (« Award on Jurisdiction ») rendue le 30 juillet 2021 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Bâle. Litige issu d’une police d’assurance émise (avec d’autres assureurs) par A. AG, et couvrant plusieurs sociétés du Groupe B. La police incluait, entre autres, un volet assurant la protection juridique de ces sociétés. Selon la pratique déjà suivie par le passé entre les parties, le pool des compagnies d’assurance impliquées et la portée de la couverture des polices souscrites par le Groupe B. étaient renégociés et nouvellement convenus d’année en année. Conclusion, fin 2013, d’une police temporaire dite insurance slip pour l’année 2014, souscrite, entre autres, par A. AG et contenant une clause d’élection de for, suivie de la police définitive pour cette même année, signée au mois d’avril, et contenant une convention d’arbitrage. Suite à un sinistre survenu aux Etats-Unis, l’intimée, s’estimant couverte par la police d’assurance 2014 en vertu de son appartenance au Groupe B., a réclamé à la recourante une indemnisation pour certains frais de justice soutenus en 2014. Initiation d’un arbitrage par Ba. LLC suite au refus de A. AG de donner suite à sa demande d’indemnisation ; objection de la défenderesse à la compétence du Tribunal arbitral, lequel, une fois constitué, a ordonné la bifurcation de la procédure et rendu une sentence préliminaire sur compétence (la sentence entreprise), se déclarant compétent pour statuer sur le litige entre les parties. La recourante soutient que le Tribunal s’est déclaré à tort compétent, en l’absence d’une convention d’arbitrage valable liant les parties au litige. Le TF rappelle que, selon sa jurisprudence, l’interprétation d’une convention d’arbitrage se fait selon les règles générales d’interprétation des contrats. Ce faisant, le juge ou l’arbitre doivent d’abord rechercher la volonté réelle et concordante des parties (interprétation subjective). L’interprétation subjective repose sur l’appréciation des preuves, et, si elle s’avère concluante, le résultat qui en est tiré, c’est-à-dire la constatation d’une commune et réelle intention des parties, relève du domaine des faits et lie, partant, le TF. Dans le cas contraire, le juge ou l’arbitre devront rechercher, en appliquant le principe de la confiance, le sens que les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l’ensemble des circonstances. Cette interprétation, dite objective, relève du droit et peut donc être librement revue par le TF (consid. 3.1). Au sujet de la validité formelle de la convention d’arbitrage, la recourante fait valoir qu’elle n’a pas signé la convention contenue dans la police d’assurance produite par Ba. LLC. Le Tribunal arbitral a écarté cette objection, car la forme écrite simplifiée requise par l’art. 178 al. 1 LDIP n’exige pas que la convention d’arbitrage soit signée, mais simplement qu’elle soit écrite, ou que sa conclusion puisse être prouvée par un texte. Les arbitres ont constaté que la police contenant la convention d’arbitrage avait fait l’objet de plusieurs échanges écrits entre les parties, à l’occasion desquels la recourante avait confirmé son accord aux termes de la police – tout en formulant quelques réserves qui ne concernaient pas la convention d’arbitrage –, de sorte que ladite convention avait été valablement conclue en la forme écrite au sens de l’art. 178 al. 1 LDIP (consid. 3.2). En conformité avec l’art. 178 al. 2 LDIP, le Tribunal a examiné la validité matérielle de la convention d’arbitrage à la lumière du droit suisse, auquel les parties se sont également référées. La recourante reproche au Tribunal d’avoir prétendu effectuer une interprétation subjective de la convention d’arbitrage, sans toutefois véritablement parvenir à établir leur volonté réelle et commune de conclure une telle convention, et procédant, en réalité, à une interprétation objectivée des circonstances pertinentes, tout en « confondant » les deux types d’interprétation dans son analyse de la question. Selon le TF, le Tribunal a correctement appliqué les principes du droit suisse sur l’interprétation des conventions d’arbitrage et c’est à bon droit qu’il a conclu avoir pu établir l’existence d’une volonté commune des parties (valablement représentées par des individus habilités à agir en leur nom, et dont les agissements pouvaient leur être imputés) de conclure une convention d’arbitrage, constatation qui est soustraite à l’examen du TF dans le cadre d’un recours dirigé contre une sentence arbitrale. Ce n’est qu’à titre subsidiaire que le Tribunal a procédé à une interprétation objective, la distinguant clairement de l’interprétation subjective, et sa conclusion selon laquelle le résultat de cette deuxième interprétation confirmait celui de la première ne prête pas non plus le flanc à la critique (consid. 3.3 à 3.5). Recours rejeté.

(A. [ressortissant français domicilié en Suisse] c. B. [entrepreneur russe domicilié au Royaume-Uni], C. SA [société de droit suisse], D. [filiale de C. ayant son siège en France]). Recours contre la sentence rendue le 11 juin 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Lausanne. Litige issu d’un Contrat de service, aux termes duquel A., en sa qualité de mandataire, avait pour mission de développer et diriger la société C. SA et toutes ses filiales ou sociétés apparentées. Arbitrage initié par les intimées, visant à obtenir le remboursement, intérêts en sus, de l’intégralité des honoraires et de la prime de signature versés à A. en vertu du Contrat. Selon la jurisprudence, un tribunal arbitral ne statue pas ultra ou extra petita s’il n’alloue pas plus que le montant total réclamé par la demanderesse, tout en appréciant certains des éléments de la réclamation autrement que ne l’a fait la partie intéressée, ou encore si, saisi d’une action négatoire de droit qu’il estime infondée, il constate l’existence du rapport juridique litigieux dans le dispositif de la sentence plutôt que d’y rejeter l’action. Le tribunal arbitral ne viole pas non plus le principe ne eat iudex ultra petita partium s’il donne à une demande une autre qualification juridique que celle qui a été présentée par le demandeur. Le principe jura novit curia, applicable en arbitrage, exige que les arbitres appliquent le droit d’office, sans se limiter aux motifs avancés par les parties (à ce sujet, voir également le consid. 5.2 de cet arrêt, résumé en lien avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP ci-dessous). Un tribunal arbitral peut donc retenir des moyens qui n’ont pas été invoqués, dans la mesure où cela aboutit à une nouvelle qualification des faits de la cause plutôt qu’à une modification de la demande. Le tribunal arbitral est, en revanche, lié par l’objet et le montant des conclusions qui lui sont soumises. Enfin, selon l’adage a maiore minus, il est évident qu’un tribunal arbitral ne statue pas ultra ou extra petita s’il accorde à une partie moins que ce qu’elle demande. Le recourant reproche au Tribunal arbitral d’être sorti du cadre fixé par les conclusions en prononçant la réduction partielle des honoraires dus au mandataire alors que les intimés s’étaient contentés d’en réclamer la suppression totale. Selon lui, une demande tendant à la réduction partielle des honoraires aurait dû faire l’objet d’une conclusion spécifique. Les arbitres ont bien relevé que les demandeurs concluaient au remboursement intégral des honoraires versés au recourant et qu’ils n’avaient pas pris de conclusions subsidiaires tendant à la réduction partielle de cette rémunération. Toutefois, ils ont considéré que le principe de « qui peut le plus peut le moins » leur permettait d’allouer une proportion de réduction inférieure à ce que les demandeurs sollicitaient, sans être obligés de rejeter la demande en l’absence de conclusion ad hoc. Ils ont également estimé disposer des éléments de preuve nécessaires pour apprécier la mesure de la rupture de l’équilibre des prestations résultant des violations contractuelles imputables au mandataire. Ce faisant, le Tribunal arbitral n’est pas sorti du cadre fixé par la conclusion des demandeurs, qui réclamaient le paiement d’une certaine somme sans autres précisions, en leur allouant une somme inférieure à celle réclamée. Le point de savoir si les allégations des demandeurs et les preuves produites par eux permettaient bien au Tribunal arbitral de réduire la rémunération due au mandataire est une question qui échappe à la cognition du TF (consid. 6.2). Recours rejeté.

(A. [résident en Suisse] c. B. Ltd [société britannique]). Demande de révision de la sentence rendue le 29 octobre 2020 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI). Première demande de révision décidée en application du nouvel art. 190a LDIP (entré en vigueur le 1er janvier 2021). Requête fondée sur la prétendue découverte, après la reddition de la sentence, de l’existence d’un conflit d’intérêt des avocats de l’intimée, qui auraient assumé simultanément la défense d’intérêts antagonistes dans la cause. Rappel des conditions qui doivent être réalisées afin d’obtenir la révision d’une sentence pour le motif tiré de la découverte de faits nouveaux (consid. 4.4.1). Requête manifestement tardive et reposant sur des faits dont on ne peut pas soutenir qu’ils auraient été découverts « après coup », au sens de l’art. 190a al. 1 let. a LDIP, car le requérant avait déjà connaissance, ou, à tout le moins, disposait d’éléments suffisants pour l’amener à s’enquérir de l’existence éventuelle du conflit d’intérêts allégué, compte tenu des faits révélés lors de l’audience tenue dans l’arbitrage. Le dépôt de la demande est également incompatible avec les règles de la bonne foi, sachant que le requérant n’a jamais contesté la capacité de postuler des avocats de l’intimée alors même qu’il avait connaissance des faits pertinents au cours de la procédure d’arbitrage (consid. 4.5). Demande irrecevable.

(A. c. B.). Demande de révision de la sentence rendue le 6 août 2021 par un arbitre unique siégeant à Genève. Voir le récapitulatif des faits pertinents présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants de l’arrêt en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. Argument de la recourante selon lequel sa découverte, après l’arbitrage, que l’avenant 3 au contrat litigieux aurait vraisemblablement été falsifié serait un fait pertinent au sens de l’art. 190a al. 1 let. a LDIP, à même de modifier l’état de fait à la base de la sentence entreprise, et à conduire à une solution différente. Rappel des conditions qui doivent être réalisées afin d’obtenir la révision d’une sentence pour le motif tiré de la découverte de faits nouveaux, et en particulier de l’obligation de diligence du requérant, lequel doit démontrer que les faits en question n’auraient pas pu et dû être découverts pendant la procédure arbitrale (consid. 6.2.1). Compte tenu de l’importance manifeste revêtue par la question de l’articulation des avenants 3 et 4 pour la solution du litige, la recourante aurait dû assurément entreprendre toute recherche nécessaire à vérifier l’authenticité de l’un et l’autre de ces documents pendant la procédure arbitrale. En tout état de cause, la demande de révision repose sur des faits non établis, et la recourante n’a pas introduit de procédure pénale concernant les faits qu’elle dénonce, de sorte qu’aucune décision judiciaire ne vient – à ce stade – confirmer l’existence d’une éventuelle escroquerie au procès commise par l’intimée ou par des tiers (consid. 6.3). Demande rejetée.

(A. [résident en Suisse] c. B. Ltd [société britannique]). Demande de révision de la sentence rendue le 29 octobre 2020 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Genève. L’intimée invite le TF à infliger une amende pour témérité au requérant, se référant à l’art. 33 LTF. Conclusion irrecevable ; la compétence pour prononcer des sanctions disciplinaires en vertu de cette disposition est du seul ressort du TF. Quoi qu’il en soit, et malgré le fait que l’issue défavorable de la demande de révision était prévisible, il n’apparaît pas, à la lecture des écritures du requérant, qu’il y ait matière à sanctionner ce dernier ou son mandataire (consid. 6.). Voir également le consid. 4 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190a al. 2 LDIP (demande de révision).

(A. c. B.). Recours contre la sentence rendue le 30 novembre 2021 par un Tribunal Arbitral CCI avec siège à Lausanne. Voir le récapitulatif des faits pertinents présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants de l’arrêt en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Le recourant fait valoir que le Tribunal aurait violé à la fois son droit d’être entendu et son droit à l’égalité de traitement en se fondant, dans sa sentence, sur des allégations factuelles introduites par son adverse partie bien après la date butoir (« cut off date ») fixée à cet effet dans les règles de procédure convenues entre le Tribunal et les parties. Pareille argumentation est vouée à l’échec dès lors que le recourant ne démontre pas qu’il ne lui aurait pas été possible d’exciper de la tardiveté de la production adverse, ou de prendre position sur les allégations en question en cours de procédure, et que l’application des règles de procédure par le Tribunal arbitral échappe à la cognition du TF lorsqu’il est appelé à se prononcer sur un recours dirigé contre une sentence arbitrale internationale (consid. 4 et 5). Recours rejeté.

(A. Ltd, B. c. C. Sàrl). Recours contre la sentence rendue le 24 mars 2020 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution avec siège à Lugano. Litige issu d’une série de contrats concernant la distribution, par C. Sàrl, sur les territoires italiens et de la République de San Marin, d’un logiciel de gestion créé par A. Ltd. et B. Les contrats prévoyaient un droit d’option exerçable en cas de cessation des travaux de développement du logiciel, permettant à C. Sàrl d’acquérir une licence d’utilisation exclusive, de durée illimitée, sur les territoires couverts par les accords. Dépôt, après quelques années, d’une demande d’arbitrage par A. Ltd et B., et de demandes reconventionnelles par C. Sàrl Sentence partielle du Tribunal arbitral, constatant notamment que les litiges relatifs à la politique commerciale de C. Sàrl avaient été transigés par la conclusion d’accords ultérieurs entre les parties, que le droit d’option avait été exercé valablement par la défenderesse, et que cette dernière avait violé certaines de ses obligations contractuelles, la détermination de l’existence et du quantum de l’éventuel dommage subi par les demandeurs en raison de ces violations étant réservée à une phase ultérieure de l’arbitrage. Les recourants reprochent au Tribunal arbitral d’avoir enfreint leur droit d’être entendus en rendant une sentence fondée sur un motif imprévisible, à savoir que leur renonciation à l’activité de développement du logiciel, qui avait ouvert la porte à l’exercice du droit d’option de C. Sàrl, pouvait être déduite de l’extension pour une durée prolongée des accords entre les parties. Selon l’adage jura novit curia, tel qu’interprété par la jurisprudence, il appartient aux parties d’envisager les différentes hypothèses juridiques envisageables pour résoudre les questions soumises au Tribunal, et de développer leurs argumentations en conséquence, y compris en présentant des arguments subsidiaires ou alternatifs, répondant à la gamme des considérations qui peuvent entrer en ligne de compte (consid. 5). Recours rejeté.

(A. [ressortissant français domicilié en Suisse] c. B. [entrepreneur russe domicilié au Royaume-Uni], C. SA [société de droit suisse], D. [filiale de C. ayant son siège en France]). Recours contre la sentence rendue le 11 juin 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Lausanne. Voir le récapitulatif des faits pertinents présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants de l’arrêt en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP. Le recourant reproche au Tribunal d’avoir fondé sa sentence sur des motifs imprévisibles en rapport avec la question de la réduction des honoraires du mandataire pour cause d’exécution défectueuse du mandat. Selon le recourant, l’effet de surprise découle de ce que le Tribunal a appliqué, à cet égard, le critère de l’inexécution au lieu de celui de l’inutilité des prestations litigieuses, qui avait été avancé par les défendeurs et sur lequel s’étaient focalisées les écritures des parties dans l’arbitrage. En droit suisse, pour autant que la convention d’arbitrage ne restreigne pas la mission du tribunal arbitral à l’application des seuls moyens juridiques soulevés par les parties, l’adage jura novit curia veut que les arbitres apprécient librement la portée juridique des faits qui leur sont présentés, statuant au besoin sur la base de règles de droit autres que celles invoquées par les parties. A titre exceptionnel, il convient pour le tribunal d’interpeller les parties lorsqu’il envisage de fonder sa décision sur des règles ou considérations juridiques qui n’ont pas été évoquées dans la procédure et dont les parties ne pouvaient pas supputer la pertinence. En l’espèce, compte tenu du caractère central, aux fins de la résolution du litige, des critères à appliquer à la question de la réduction des honoraires pour cause d’exécution défectueuse, le recourant devait nécessairement envisager que le Tribunal puisse prendre en compte et porter son appréciation juridique sur tous les éléments pertinents en vue de rétablir l’équilibre des prestations contractuelles entre les parties, y compris en évaluant l’exécution effective des prestations par le mandataire, au lieu de se confiner à une analyse uniquement basée sur le critère de leur inutilité (consid. 5.2). Recours rejeté.

(A. SA c. B.). Recours contre la sentence rendue le 14 avril 2021 par le Tribunal arbitral genevois du gros œuvre. Alors que la procédure de recours à l’encontre de la sentence était pendante, le Tribunal arbitral a annulé sua sponte la sentence attaquée (au mépris de l’effet dévolutif rattaché au recours en matière civile), après avoir établi qu’il n’était pas en mesure de démontrer que la recourante avait reçu, durant l’arbitrage, copie d’un courrier de l’intimée, au sujet duquel la recourante se plaignait de ne pas avoir pu se déterminer. Ce faisant, le Tribunal arbitral lui-même a implicitement reconnu que le droit d’être entendue de la recourante avait été violé, de sorte que celle-ci aurait très certainement obtenu gain de cause dans la procédure fédérale. En conséquence, dès lors que la cause, devenue sans objet, doit être rayée du rôle, et que dans de tels cas le TF statue sur les frais du procès par une décision sommairement motivée qui peut se fonder sur le précepte général voulant que les frais doivent être supportés par la partie qui a provoqué la procédure devenue sans objet, il convient, en application du pouvoir d’appréciation dont dispose le juge instructeur en la matière, de mettre les frais à la charge de l’intimée. [Note : Dans cette affaire, le Tribunal arbitral a rendu une nouvelle sentence le 10 mars 2022. Le recours interjeté par A. à l’encontre de cette sentence pour le motif tiré de l’arbitraire (art. 393 let. e) a été rejeté dans un arrêt TF 4A_217/2022 du 6 juillet 2022, non résumé dans cette Chronique].

(A. [individu domicilié en Belgique] c. B. Ltd [société ayant son siège à Hong Kong], C. [individu dont le domicile n’est pas spécifié]). Recours contre la sentence finale rendue le 31 mai 2021 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Genève. Voir le récapitulatif des faits pertinents présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants de l’arrêt en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Dans la première branche de son moyen tiré de la violation de l’ordre public procédural, le recourant reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’autorité de la chose jugée de la sentence incidente. Le moyen est insuffisamment motivé et, quoi qu’il en soit, la critique tombe à faux pour les mêmes motifs qui ont conduit le TF à rejeter le grief de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP (voir ci-dessus, le résumé du consid. 5 en relation avec la disposition précitée). Le recourant soutient également, dans la seconde branche du moyen examiné, que le Tribunal aurait doublement méconnu la garantie de l’art. 29a Cst., d’une part en lui fermant l’accès à toute autre juridiction arbitrale, du fait que le dispositif de la sentence finale ne fait que rejeter toutes les prétentions du recourant, sans préciser que le Tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur certaines d’entre elles, et d’autre part, parce que le refus des arbitres de statuer sur les prétentions du recourant envers B. Ltd signifie que le recourant ne pourra pas saisir valablement un autre tribunal arbitral au sujet de ces prétentions, faute de convention d’arbitrage liant B. Ltd dans les autres contrats pertinents. La violation des normes constitutionnelles ne compte pas en tant que telle au nombre des griefs énumérés à l’art. 190 al. 2 LDIP, et le recourant n’explique pas, dans son recours, en quoi il faut rattacher la violation alléguée au grief de la violation de l’ordre public procédural. En tout état de cause, le grief devrait être rejeté car la portée de l’autorité de la chose jugée du dispositif d’une sentence peut être déterminée en se référant aux considérants de la décision, dans lesquels le Tribunal s’est explicitement déclaré incompétent pour connaître de certaines prétentions de nature extracontractuelle, qu’il a clairement identifiées, si bien que l’exception de chose jugée ne pourrait pas être opposée au recourant au cas où il saisirait une autre juridiction arbitrale ou étatique pour lui soumettre ces mêmes prétentions. Pour ce qui est de la prétendue impossibilité de saisir la voie arbitrale résultant de la sentence, il suffit de rappeler qu’une partie ne saurait tirer de la garantie de l’art. 29a Cst. un quelconque droit à soumettre ses prétentions à un tribunal arbitral plutôt qu’à un juge étatique (consid. 6.3). Recours rejeté.

(A. S.p.A. [société de droit italien] c. B. S.p.A. [société de droit italien]). Recours contre la sentence rendue le 22 juin 2021 par un Tribunal CCI avec siège à Genève. Litige issu d’un contrat d’achat d’actions (SPA) par lequel B. S.p.A. a cédé à A. S.p.A. la totalité du capital-actions d’une société détenant entièrement une filiale (société F.) opérant dans l’industrie chimique et exploitant des sites dans lesquels avait été observée, par la suite, une contamination environnementale. Sentence intitulée Partial Award, condamnant A. S.p.A. à indemniser B. S.p.A. pour les pertes subies jusqu’au 31 décembre 2016 en conséquence des travaux d’assainissement qui se sont rendus nécessaires sur les sites de F., et réservant l’examen des prétentions en dommages-intérêts visant la période courant du 1er janvier 2017, ainsi que les intérêts relatifs à l’ensemble des pertes subies par B. S.p.A., à un stade ultérieur de la procédure. Le TF considère que le recours, fondé sur le seul grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, est recevable contre la sentence entreprise, qu’il y a lieu de considérer comme une sentence partielle dans la mesure où elle tranche une partie quantitativement limitée des prétentions litigieuses, même si, en vertu du SPA, les intérêts sont inclus dans la définition contractuelle des pertes à indemniser, de sorte que, en réservant la détermination des intérêts pour un stade ultérieur de la procédure, le Tribunal n’a pas véritablement réglé de manière exhaustive la question des dommages-intérêts dus pour la période allant jusqu’à fin 2016 (consid. 3.4). Argument de la recourante selon lequel le Tribunal arbitral a usurpé le pouvoir de statuer en équité, faisant fi du droit italien applicable et allant même à l’encontre de celui-ci. Il ressort clairement de la sentence attaquée que la décision du Tribunal est fondée sur le droit matériel italien, spécifiquement les dispositions du Code civil et la jurisprudence topique de la Cour suprême italienne, et que les allusions faites par les arbitres à des considérations de principe et/ou extra-juridiques n’ont pour fonction que de venir étayer leur raisonnement en droit (consid. 4.3). La question de savoir si l’usurpation du pouvoir de statuer en équité constitue une violation de l’ordre public, qui demeure controversée selon la jurisprudence du TF, reste donc indécise (consid. 4.1.1). Recours rejeté.

(A. SA c. B.). Recours contre la sentence rendue le 22 juillet 2021 par un arbitre unique siégeant à Genève, dans un arbitrage CCI. Dépôt par A. SA de deux demandes d’arbitrage dirigées contre B., réclamant notamment le paiement de dommages et intérêts pour non-respect par la défenderesse (intimée) de ses obligations dans le cadre de deux contrats liant plusieurs parties et portant sur des activités de vérification de la quantité et de la qualité de produits pétroliers importés, stockés, puis vendus au Libéria en vertu d’un autre contrat, conclu entre A. et des parties tierces. Jonction des deux procédures en une seule, au terme de laquelle l’arbitre a rendu une sentence finale déboutant intégralement la demanderesse (recourante), estimant en particulier que les contrats litigieux ne lui conféraient aucun droit d’action directe à l’encontre de l’intimée. Dans son recours, A. SA soutient que la sentence viole l’ordre public matériel à plusieurs égards, car elle est contraire à la garantie de la propriété au sens de l’art. 26 al. 1 Cst., représente une atteinte excessive à sa liberté économique, viole le principe de la fidélité contractuelle, concrétise un déni de justice et contrevient au principe de la bonne foi et de la prohibition de l’abus de droit. Rappel de la jurisprudence selon laquelle la violation de dispositions de la CEDH ou de la Constitution fédérale n’est pas un motif de recours au sens de l’art. 190 al. 2 LDIP, même si les principes qui sous-tendent ces dispositions peuvent être pris en considération dans le cadre de l’examen de la conformité de la sentence avec l’ordre public, afin de donner un sens concret à cette notion (consid. 5.1). Pour le surplus, les moyens soulevés par la recourante ne respectent pas les exigences de motivation applicables et revêtent un caractère appellatoire marqué, visant essentiellement à remettre en cause la décision au fond de l’arbitre (consid. 5.2 à 5.6). Recours rejeté.

(A. c. B.). Recours contre la sentence rendue le 6 août 2021 par un arbitre unique siégeant à Genève. Contrat de vente complété par trois avenants successifs (avenants 2 à 4) ; sentence condamnant la recourante à payer des dommages-intérêts à l’intimée et à lui rembourser les montants déjà perçus au titre du contrat, sur le fondement de l’interprétation donnée par l’arbitre des avenants 3 et 4. Allégation de la recourante selon laquelle elle aurait découvert, au terme d’enquêtes internes diligentées par ses soins après avoir pris connaissance de la sentence, que les avenants 3 et 4 avaient été falsifiés. Selon la recourante, il se justifierait de tenir compte, à titre exceptionnel, de ses allégations et des pièces et expertises nouvelles produites avec son recours, dès lors que tous ces éléments sont en lien avec son grief tiré de la violation de l’ordre public matériel et qu’elle ne pouvait pas s’attendre au raisonnement juridique développé par l’arbitre dans la sentence (consid. 4.3). Les éléments en question ne résultent pas de la sentence attaquée et ne peuvent donc pas être pris en considération par le TF dans le recours, comme cela découle clairement de l’art. 99 al. 1 LTF. Par ailleurs, l’exception permettant au TF de revoir l’état de fait à la base de la sentence si l’un des griefs de l’art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l’encontre dudit état de fait ne permet pas à la recourante d’alléguer des faits ou invoquer des preuves nouvelles qu’elle n’avait jamais fait valoir dans la procédure arbitrale. A supposer (quand bien même cela apparaît extrêmement douteux) qu’une telle exception doive être admise dans le cas particulier où la recourante n’aurait pas été en mesure de prévoir que l’arbitre adopterait la solution juridique contestée, force est de constater que la construction retenue par l’arbitre en l’espèce n’avait rien d’imprévisible, tant l’interprétation et l’articulation des avenants 3 et 4 étaient au cœur du litige (consid. 4.3). La recourante soutient que la sentence est incompatible avec l’ordre public au motif que la solution adoptée par l’arbitre aurait été influencée par un avenant contractuel prétendument falsifié et dès lors inexistant, ce qui serait contraire au principe de la fidélité contractuelle et aux règles de la bonne foi. Grief insuffisamment motivé, reposant, en outre, sur des faits nouveaux irrecevables et en tout état de cause non établis (consid. 5). Recours rejeté. Voir également le consid. 6 de cet arrêt résumé en relation avec l’art. 190a al. 1 let. a LDIP ci-dessous.

(A. D.D. c. B. Ltd). Recours contre la sentence rendue le 16 décembre 2021 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. Recours déclaré irrecevable faute pour la recourante, qui est domiciliée à l’étranger, d’avoir élu un domicile de notification en Suisse, en conformité avec l’art. 39 al. 3 LTF, et d’avoir versé l’avance de frais requise dans l’ultime délai fixé à cette fin par le juge instructeur (art. 62 al. 3 LTF)

(A. [individu domicilié en Belgique] c. B. Ltd. [société ayant son siège à Hong Kong], C. [individu, dont le domicile n’est pas spécifié]). Recours contre la sentence finale rendue le 31 mai 2021 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Genève. Les conclusions des parties (en l’espèce, celles du recourant) doivent être interprétées selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation présentée dans leurs écritures. S’il est vrai que, comme l’affirme l’intimé, la conclusion 2 du recourant est formulée de manière large et ne vise pas spécifiquement un ou des points du dispositif de la sentence entreprise, la lecture des arguments développés dans le recours permet d’élucider le contenu de ladite conclusion, à savoir que le recourant reproche au Tribunal de s’être déclaré à tort incompétent pour statuer sur certaines prétentions reconventionnelles, en retenant que celles-ci reposaient sur des fondements juridiques non couverts par la convention d’arbitrage (consid. 3.2). Le recours est recevable. Voir également les consid. 5 et 6 de cet arrêt, résumés ci-dessous en relation avec les art. 190 al. 2 let. b et let. e LDIP.

(A. GmbH [société autrichienne] c. B. Ltd [société chinoise]). Recours contre la sentence rendue le 21 juin 2021 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Zurich. Contrats entre les parties contenant une convention d’arbitrage accompagnée d’une clause prévoyant que « [t]he decision of the Arbitration Committee shall be final and binding upon both parties. Neither part shall seek recourse to a law court or other authorities to appeal for revision of the decision ». Dans l’arrêt TF 4A_577/2013 du 3 avril 2014, le TF avait déjà eu à connaître une clause rédigée en des termes pratiquement identiques, dont il avait conclu qu’il s’agissait d’une renonciation au recours valable au sens de l’art. 192 al. 1 LDIP. La recourante soutient que la clause en question ne reflète pas la volonté réelle et commune des parties, à la fois du fait qu’elles se sont servies de clauses standardisées et non négociées, et qu’une telle renonciation ne correspond pas à leur pratique contractuelle constante, illustrée par d’autres contrats précédemment conclus entre elles et qui ne contentaient pas la même disposition. Arguments rejetés, faute entre autres pour la recourante d’avoir prouvé l’existence d’une volonté commune des parties divergeant de celle exprimée sans ambiguïté dans les contrats pertinents qu’elles ont souscrits et même paraphés sur chaque page. Rappel du fait que, selon la jurisprudence du TF, une référence expresse à l’art. 192 al. 1 LDIP n’est pas une condition nécessaire pour la conclusion d’une convention de renonciation au recours valable (consid. 2.2). Recours irrecevable.

(A. c. Genossenschaft B.). Recours contre la sentence rendue le 8 mai 2015 par la Commission arbitrale de la scène de Bâle-Ville. Selon l’art. 75 LTF, le recours en matière civile est recevable uniquement contre les décisions cantonales de dernière instance, les décisions du Tribunal administratif fédéral et celles du Tribunal fédéral des brevets. Le principe de l’épuisement des voies de recours s’applique également en matière d’arbitrage. S’il est vrai que la décision ici entreprise indique qu’elle peut faire l’objet d’un recours au TF, le recourant l’a néanmoins attaquée par la voie de l’appel devant le Tribunal arbitral de la scène à Berne, qui a rendu sa sentence en octobre 2017. La décision qui forme l’objet du présent recours n’est donc pas une décision de dernière instance, de sorte que le recours est, pour ce motif déjà, irrecevable. Le recours à l’encontre de la sentence rendue dans cette même cause, en 2017, par le Tribunal arbitral de la scène siégeant à Berne est également irrecevable, en raison de son dépôt tardif (TF 4A_628/2021 du 6 janvier 2022 (d), (A. c. Genossenschaft B.), non résumé dans cette chronique).

(A. SA [société d’architecture] c. Z. [fondation suisse]). Recours contre la sentence rendue le 29 janvier 2021 par un Tribunal arbitral constitué selon la norme SIA 150, avec siège au canton de Vaud. Litige issu d’un contrat d’architecte relatif à la construction d’un immeuble locatif, suite à la résiliation immédiate du contrat par la constructrice, Z., presque un an plus tard, suite à des retards d’exécution et dépassements de coûts. Arbitrage initié par la société d’architecture, réclamant le paiement de divers montants, y compris un solde d’honoraires et une indemnité pour résiliation en temps inopportun ; dépôt de conclusions reconventionnelles par la constructrice. Sentence condamnant la société d’architecture à verser plus que CHF 300’000, intérêts en sus, à la constructrice, et rejetant toutes autres conclusions. La recourante soutient que la sentence est entachée d’arbitraire, tant pour ce qui est de certaines constatations factuelles effectuées par les arbitres, qu’en raison de l’application qu’ils ont faite du droit suisse en examinant la validité de la résiliation immédiate du contrat par la constructrice. Le TF passe en revue les différentes constatations factuelles visées par le recours, dont aucune ne résulte violer l’interdiction de l’arbitraire au sens de l’art. 393 let. e CPC (consid. 3). Quant à l’argument selon lequel les arbitres auraient indûment nié une résiliation du contrat en temps inopportun, la sentence repose sur deux motivations alternatives résultant du fait que le Tribunal était divisé sur le raisonnement juridique à suivre (notamment pour ce qui est de la prise en considération de motifs de résiliation articulés seulement dans la procédure arbitrale) pour parvenir à la même conclusion, soit que le contrat avait été valablement résilié avec effet immédiat au regard du droit suisse (et plus spécifiquement de l’art. 404 al. 2 CO, correspondant, selon le Tribunal, à la notion de résiliation en temps inopportun au sens de l’art. 1.12.2 du Règlement SIA 102, applicable au fond du litige). La recourante fait valoir que la solution consistant à s’appuyer sur des motifs invoqués seulement ex post, dans la procédure, est arbitraire. Elle ne conteste pas toutefois que les violations contractuelles évoquées dans ce contexte aient fourni de justes motifs ou motifs sérieux de résiliation. Le TF ne discerne pas d’arbitraire dans la prise en considération de cette motivation (alternative) dans la sentence (consid. 4). Recours rejeté.

(A. AG c. B. SA). Recours contre la sentence rendue le 24 mars 2021 par un arbitre unique opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Genève. Litige issu d’une série de contrats et projets portant sur le sous-traitement par B. SA à A. AG de la programmation de solutions informatiques (initialement développées par B. SA) destinées à protéger la sphère privée des particuliers et des entreprises sur Internet. Sentence condamnant A. AG à payer un montant total de CHF 479’211, intérêts en sus, sur la base de divers manquements constatés à ses obligations en lien avec le projet dénommé Y., et rejetant toutes les autres demandes de B. La recourante fait valoir que l’arbitre unique a versé dans l’arbitraire dans plusieurs passages de la sentence, tant en procédant à des constatations manifestement contraires aux faits tels qu’ils résultent du dossier qu’en adoptant des solutions juridiques qui violent manifestement le droit suisse. Examinant un par un les passages de la sentence attaqués par la recourante en rapport avec la première branche de son moyen (constatations factuelles en contradiction manifeste avec le dossier de la cause), le TF admet que l’arbitre unique a versé dans l’arbitraire dans une de ses constatations, qui ne peut être conciliée avec les faits établis dans la procédure, et annule le dispositif correspondant de la sentence, indiquant que l’arbitre devra à nouveau se pencher sur le sous-poste concerné dans les « additional damages » réclamés par B. SA afin de déterminer si (ou dans quelle mesure) il est par ailleurs suffisamment étayé pour être alloué à la demanderesse (consid. 4.8). En rapport avec toutes les autres critiques soulevées par la recourante à l’encontre des constatations effectuées dans la sentence, le TF retient qu’elles ne font que remettre en question la manière dont l’arbitre a apprécié les preuves et/ou le résultat de cette appréciation, des aspects du processus décisionnel qui ne peuvent pas être revus par le TF (consid. 4.3 à 4.7). Le TF rejette également les arguments par lesquels la recourante tente de démontrer que l’arbitre aurait déterminé certaines demandes en violation manifeste du droit (consid. 5). Recours partiellement admis, sentence renvoyée à l’arbitre unique pour qu’il statue à nouveau sur le bien-fondé de la conclusion de la demanderesse visant à obtenir des « additional damages » d’un montant de CHF 31’862.40.

(A. SA c. B. SA). Recours contre la sentence rendue le 20 septembre 2021 par un arbitre unique siégeant à Genève, dans une procédure régie par la norme SIA 150 et les règles du CPC. Sentence admettant la demande principale dans une très faible mesure (7 %), accueillant entièrement la demande reconventionnelle et répartissant les frais de l’arbitrage par moitié entre les parties, sans allouer de contribution aux frais d’avocat. Recours concluant à l’annulation partielle de cette décision et au renvoi de la cause à l’arbitre pour nouvelle répartition des frais et dépens entre les parties, sans remettre en cause le montant des frais arrêtés par l’arbitre. La répartition des frais et dépens n’est pas un motif de recours au sens de l’art. 393 CPC, dont la let. f permet uniquement de faire valoir que les frais et honoraires fixés par les arbitres sont manifestement excessifs. L’application des règles sur la répartition des frais et dépens relève du droit procédural, tandis que l’art. 393 let. e CPC vise uniquement la violation du droit matériel. Dès lors, comme le TF a déjà eu l’occasion de l’affirmer, seule une répartition des frais et dépens qui serait incompatible avec l’ordre public procédural pourrait être sanctionnée dans un recours en annulation [Note : voir toutefois l’arrêt TF 4A_277/2021, rendu avant l’arrêt ici mentionné et exprimant un avis beaucoup plus nuancé au consid. 4 (non résumé dans cette chronique)]. Compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont disposent les tribunaux arbitraux en la matière et sur le vu des motifs retenus par l’arbitre unique dans sa décision, le résultat auquel il a abouti n’apparaît nullement contraire à l’ordre public procédural (consid. 3.3). Recours rejeté.

(A. c. B.). Demande de révision de l’arrêt rendu le 13 juillet 2021 par le TF. Différend issu d’un contrat d’association entre avocats contenant une clause arbitrale. Sentence arbitrale datée du 30 août 2018, condamnant A. (défendeur) à payer une certaine somme au demandeur B. Arrêt du TF (TF 4A_539/2018 du 27 mars 2019) rejetant le recours interjeté par A. contre la sentence, suivi d’un autre arrêt (TF 4F_7/2019 du 27 août 2019) rejetant la demande de révision présentée par A. à l’encontre de l’arrêt précité. Arrêt de la Cour de justice du canton de Genève rejetant la demande de révision introduite par A., tendant à obtenir l’annulation de la sentence arbitrale et le renvoi de la cause à l’arbitre pour une nouvelle décision. Arrêt du TF (TF 4A_71/2021 du 13 juillet 2021) rejetant le recours interjeté par A. contre cette dernière décision, faisant l’objet de la demande de révision traitée dans la présente procédure (TF 4F_15/2021 du 3 décembre 2021). Le requérant invoque une inadvertance du TF au sens de l’art. 121 let. d LTF, par une demande qui méconnaît manifestement les principes jurisprudentiels concrétisant cette notion et qui vise uniquement à remettre en cause les différentes décisions en force qui ont déjà été rendues dans cette affaire (consid. 2). Demande rejetée.

(C. c. Aktiengesellschaft B.B. Erben, C.B., A.). Recours contre la sentence préjudicielle rendue le 14 janvier 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Zoug. Litige issu d’un contrat de consortium contenant une clause d’arbitrage assortie d’un préalable de conciliation obligatoire, prévoyant la constitution d’un Tribunal arbitral de trois membres et désignant le Président du Tribunal cantonal de Zoug (TC ZG) comme autorité de nomination pour le cas où l’une des parties ne nommerait pas son arbitre dans le délai prévu à cette fin. Initiation d’un arbitrage par les demanderesses ; saisine de la Présidente du TC ZG d’une requête de nomination de l’arbitre en lieu et place des défendeurs, qui n’avaient pas procédé à cette nomination dans le délai contractuellement prévu ; défaut du défendeur 2 durant la procédure cantonale de nomination ; décision de nomination d’un arbitre pour les défendeurs ; recours du défendeur 2, contre cette décision, devant le Tribunal supérieur du Canton de Zoug ; fin de non-recevoir. Le recourant (défendeur 2) soulève, devant le TF, l’irrégularité de la constitution du Tribunal arbitral au motif qu’il n’aurait pas été dûment notifié de la procédure de nomination, ce qui l’aurait empêché, sans faute de sa part, d’y participer. Le TF rappelle que, selon sa jurisprudence, la décision de nomination d’un arbitre par le juge d’appui n’est pas susceptible de recours et ne peut pas, en tant que telle, être contestée dans le cadre d’un recours contre la sentence rendue par le Tribunal après sa constitution. En tout état de cause, les critiques du recourant sont, à l’évidence, sans fondement (consid. 5.3). Recours rejeté. Voir également les consid. 3 et 4, résumés ci-dessous en relation avec l’art. 393 let. b CPC.

(C. c. Aktiengesellschaft B.B. Erben, C.B., A.) [affaire connexe à celle traitée dans l’arrêt TF 4A_90/2021 du 9 septembre 2021, résumé ci-dessus]. Recours contre la sentence préjudicielle rendue le 14 janvier 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Zoug. Contrat de consortium contenant une clause d’arbitrage obligeant les parties à entreprendre une tentative de conciliation, devant un conciliateur de leur choix, avant l’introduction d’une éventuelle procédure d’arbitrage, tout accord issu d’une telle conciliation devant être assimilé à une sentence d’accord-parties « au sens de la procédure civile ». A la suite de divergences entre les parties, une procédure de liquidation avait été engagée, et une réunion avait été tenue avec le liquidateur, durant laquelle les parties n’étaient pas parvenues à trouver un accord. Par la suite, les demanderesses (sociétés B.B. et C.B.) avaient entamé une procédure d’arbitrage, procédant à la désignation de leur arbitre en vue de la constitution du tribunal de trois membres prévue par la convention d’arbitrage. Faute de désignation d’un arbitre par les défendeurs, les demanderesses avaient saisi le Président du Tribunal cantonal de Zoug afin qu’il procède à la nomination d’un arbitre en lieu et place des défendeurs. Seul le défendeur 1 avait participé à la procédure devant le Tribunal cantonal. Une fois la décision de nomination publiée au Journal officiel du Canton de Zoug, le défendeur 2 avait demandé une restitution de délai pour faire valoir ses objections, restitution qui lui avait été refusée par une décision contre laquelle il avait recouru, en vain, devant le Tribunal Supérieur du Canton de Zoug. Une fois constitué, le Tribunal arbitral a décidé de limiter la suite de la procédure à la question préalable de la compétence, « y compris la question de la réalisation d’une tentative de conciliation au sens [du Contrat de consortium] ». Après avoir tenu audience, le Tribunal a rendu la sentence attaquée, dans laquelle il s’est déclaré compétent pour connaître du litige entre les parties. Le recourant (défendeur 2) reproche au Tribunal de s’être déclaré à tort compétent, au motif qu’aucune tentative de conciliation valable n’avait été mise en œuvre au préalable, contrairement à ce qui était prévu « en des termes impératifs » par le contrat. Le Tribunal arbitral a constaté que le contrat stipulait en effet qu’une tentative de conciliation devait impérativement être effectuée par les parties, sans cependant prescrire une procédure précise ou d’autres exigences ou délais à observer à cette fin. Dès lors, c’est à bon droit que le Tribunal a conclu, en vertu d’une interprétation objectivée de la convention d’arbitrage (faute d’avoir pu établir la volonté réelle et commune des parties à ce sujet), que toute tentative de trouver une solution à l’amiable par le biais d’un conciliateur désigné par les parties, comme cela avait été fait en l’espèce devant le liquidateur, suffisait à remplir l’obligation de conciliation préalable prévue par le contrat (consid. 3). Quoi qu’il en soit, le Tribunal a retenu, à juste titre, que le recourant avait assumé un comportement contraire à la bonne foi en refusant de participer au processus de liquidation pour ensuite exciper de l’absence de tentative de conciliation. Il sied également de relever que, durant l’arbitrage, les défendeurs ont encore refusé la proposition des demanderesses d’organiser une nouvelle tentative de conciliation (sans l’intervention du Tribunal) en lieu et place de l’audience d’instruction prévue par le calendrier procédural. Dans ces circonstances, l’interdiction de l’abus de droit (art. 2 CC) fait obstacle aux objections du recourant quant au prétendu non-épuisement du préalable de conciliation (consid. 4).

(A. AG c. B. SA). Recours contre la sentence rendue le 25 octobre 2021 par une Arbitre unique siégeant à Bâle sous l’égide du Swiss Arbitration Centre (SAC). Litige issu d’un « accord » conclu entre A. AG et B. SA en 2019, contenant une clause arbitrale aux termes de laquelle « [t]ous litiges, différends ou prétentions nés du présent accord ou se rapportant à celui-ci, y compris concernant sa validité, invalidité, violation, ou résiliation [...] seront tranchés par voie d’arbitrage conformément au Règlement suisse d’arbitrage international […] » [Note : traduction des auteurs]. Dépôt d’une demande d’arbitrage par A. AG. Sentence préliminaire statuant sur la compétence de l’Arbitre, sur la recevabilité de la demande, et sur la suspension de l’arbitrage en considération d’une procédure d’exécution forcée pendante issue du même accord (recours au TF interjeté par A. AG contre la décision de la Cour d’appel du Canton de Bâle confirmant le prononcé de la mainlevée provisoire) ; décisions affirmatives de l’arbitre, tant sur sa compétence que sur la recevabilité de la demande, et ordonnant la suspension de l’arbitrage jusqu’à droit connu sur le recours pendant devant le TF. La recourante reproche, entre autres, à l’arbitre d’avoir retenu à tort que la convention d’arbitrage était valable. Elle soutient que l’accord est nul en raison de différents vices affectant la formation de sa volonté et parce qu’il serait lésionnaire, et que, par conséquent, la convention d’arbitrage qui en fait partie ne peut déployer aucun effet juridique. Rappel du principe de la séparabilité de la convention d’arbitrage, consacré à l’art. 357 al. 2 CPC, selon lequel « [l]a validité de la convention ne peut pas être contestée pour le motif que le contrat principal ne serait pas valable ». C’est à bon droit que l’arbitre a rappelé ce principe avant d’examiner si les vices allégués par la recourante affectaient la convention d’arbitrage elle-même. S’il n’est pas exclu que les mêmes vices puissent affecter aussi bien le contrat principal que la convention d’arbitrage, celle-ci est autonome par rapport à celui-là, et son invalidité (par exemple en raison des vices du consentement allégués) doit donc être établie de manière spécifique. La motivation du recours est insuffisante à cet égard, et les faits constatés dans la sentence ne permettent pas de conclure à l’existence des vices allégués en rapport avec la conclusion de la convention d’arbitrage (consid. 4). Recours rejeté.

(A. c. Aktiengesellschaft B.B., C.B.). Recours contre la sentence préjudicielle rendue le 14 janvier 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Zoug. Contrat de consortium contenant une clause d’arbitrage obligeant les parties à entreprendre une tentative de conciliation, devant un conciliateur de leur choix, avant l’introduction d’une éventuelle procédure d’arbitrage, tout accord issu d’une telle conciliation devant être assimilé à une sentence d’accord-parties « au sens de la procédure civile ». A la suite de divergences entre les parties, une procédure de liquidation avait été engagée, et une réunion avait été tenue avec le liquidateur, durant laquelle les parties n’étaient pas parvenues à trouver un accord. Dépôt d’une requête d’arbitrage par les demanderesses (sociétés B.B. et C.B.) à l’encontre des défendeurs A. et C. (au sujet de ce dernier, voir l’affaire connexe TF 4A_112/2021, résumée ci-dessous). Une fois constitué, le Tribunal arbitral a décidé de limiter la suite de la procédure à la question préalable de la compétence, « y compris la question de la réalisation d’une tentative de conciliation au sens [du contrat de consortium] ». Après avoir tenu audience, le Tribunal a rendu la sentence attaquée, dans laquelle il s’est déclaré compétent pour connaître du litige entre les parties. Le recourant (défendeur A. dans l’arbitrage) reproche au Tribunal de s’être déclaré à tort compétent, au motif qu’aucune tentative de conciliation valable n’avait été mise en œuvre au préalable, contrairement à ce que prévoyait le Contrat « en des termes impératifs ». Le recourant demande que la sentence soit annulée et le Tribunal déclaré incompétent, faute pour les « prérequis procéduraux » d’avoir été satisfaits. Subsidiairement, il demande que la cause soit renvoyée au Tribunal pour qu’il statue à nouveau sur sa compétence, et à titre encore plus subsidiaire, il demande que l’arbitrage soit suspendu jusqu’à ce que les obligations découlant de la procédure de conciliation soient accomplies. Selon sa jurisprudence, le TF examine le grief tiré de la violation d’un mécanisme contractuel constituant un préalable obligatoire à l’arbitrage sous l’angle de la compétence (consid. 2.3). Le Tribunal arbitral a constaté que le contrat stipulait qu’une tentative de conciliation devait impérativement être effectuée par les parties, sans cependant prescrire une procédure précise ou d’autres exigences ou délais à observer à cette fin. En vertu d’une interprétation objectivée de la convention d’arbitrage (faute d’avoir pu établir la volonté réelle et commune des parties à ce sujet), le Tribunal a conclu que toute tentative de trouver une solution à l’amiable par le biais d’un conciliateur désigné par les parties, comme cela avait été fait en l’espèce devant le liquidateur, suffisait à remplir l’obligation de conciliation préalable prévue par le contrat. Au demeurant, le Tribunal arbitral a retenu que même à supposer le contraire, l’objection du recourant tirée de l’absence de préalable de conciliation devait être qualifiée d’abus de droit manifeste (consid. 3). Le TF rappelle que selon sa jurisprudence la partie qui se prévaut de l’absence de tentative de conciliation préalable sans s’activer elle-même pour mettre en œuvre la conciliation agit de manière abusive. La doctrine souligne toutefois que l’obligation d’entamer la tentative de conciliation préalable devrait revenir, en principe, à la partie demanderesse. En d’autres termes, la violation d’une obligation de conciliation préalable ne peut, en règle générale, être tenue pour guérie du seul fait que la défenderesse n’initie pas elle-même la conciliation (consid. 4.1). En l’espèce, le TF est lié par les constatations du Tribunal selon lesquelles la période précédant le dépôt de la requête d’arbitrage a été marquée par les tentatives de trouver un accord à l’amiable déployées par les intimées. Ces tentatives sont documentées en particulier dans le procès-verbal de la séance tenue avec le liquidateur (en présence des parties, respectivement de leurs représentants légaux), et dans la correspondance échangée entre les intéressés par la suite, où les termes d’une transaction ont été évoqués à plusieurs reprises, et le représentant des intimées avait clairement exprimé leur intention d’entamer l’arbitrage si un accord n’était pas conclu au-delà d’une certaine date. Cela étant, la question de savoir si ces démarches constituaient une tentative de conciliation au sens du contrat peut être laissée ouverte, car le point déterminant est qu’il aurait appartenu au recourant, s’il estimait que les efforts de conciliation déployés jusque-là ne correspondaient pas aux exigences contractuelles, de proposer la procédure qui à son sens s’y conformerait. Le comportement du recourant, qui a attendu l’introduction de l’arbitrage pour se plaindre du défaut de conciliation préalable, n’est guère compatible avec les règles de la bonne foi (consid. 4.3). Recours rejeté.

(A. SA c. Y., Z. SA). Recours contre la sentence rendue le 31 mars 2021 par un arbitre unique opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI). Calendrier procédural prévoyant un échange unique de mémoires post-audience simultanés. Rejet par l’arbitre unique de la requête de la recourante visant à obtenir un délai pour répliquer. Entre autres griefs (non résumés dans cette chronique), la recourante reproche à l’arbitre de lui avoir indûment refusé la possibilité de répliquer au mémoire post-audience de ses parties adverses. Quand bien même le TF affirme de manière générale que le droit d’être entendu en arbitrage correspond pour l’essentiel à celui consacré par l’art. 29 al. 2 Cst., ce propos est nuancé, notamment en ce qui concerne le droit de réplique inconditionnel tel qu’il est reconnu et garanti dans les procédures judiciaires. La jurisprudence confirme plus spécifiquement que, dans le domaine de l’arbitrage, la garantie du droit d’être entendu lato sensu ne confère pas un droit absolu à un double échange d’écritures ; tout au plus le demandeur doit pouvoir se déterminer, d’une manière ou d’une autre, sur les moyens articulés par le défendeur en second lieu, en particulier sur d’éventuelles conclusions reconventionnelles. Le TF a déjà jugé, dans un arrêt concernant un arbitrage international, que l’obligation de déposer des mémoires post-audience simultanés sans possibilité de réplique n’enfreignait pas le droit d’être entendu en procédure contradictoire (consid. 2.2.1). Au demeurant, il n’apparaît pas que les défendeurs auraient soulevé, dans leur mémoire post-audience, des éléments nouveaux, ou à tout le moins qui eussent pu surprendre la recourante et justifier une prise de position de sa part. Dans ces circonstances, l’arbitre unique n’a pas violé le droit d’être entendue de la recourante au sens de l’art. 393 let. d CPC (consid. 2.2.2). Recours rejeté.

(A. AG [bailleur de bien-fonds] c. B. [société exploitant les bains thermaux sur ces biens-fonds]). Recours contre la sentence finale rendue par un arbitre unique le 7 avril 2020 sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Accords et conventions bilatérales conclus d’une part entre A. (bailleur) et C. (filiale d’un groupe français et locataire), à laquelle B. (société détenue par C.) avait succédé par la suite, et d’autre part entre A. et G. (pour l’obtention d’un crédit de financement), en vue de la rénovation et exploitation d’un complexe thermal situé en Suisse. Les accords conclus entre A. et C. prévoyaient une clé de répartition des subsides qui seraient perçus des communes environnantes, en contrepartie de la mise à disposition de certains bassins pour dispenser des cours de natation à leurs écoliers. Dans une lettre annexée à l’un de leurs contrats, A. et C. avaient estimé que les subsides perçus annuellement à ce titre « se monter[aient] à un minimum de CHF 600’000 ». B. avait initié l’arbitrage pour réclamer à A. le paiement de sa part des subsides qui avaient été versés à celle-ci par la commune de U. entre mars 2017 et mars 2020. Dans sa sentence, l’arbitre unique avait entièrement fait droit aux conclusions de B. L’arbitre avait notamment considéré, sur la base d’une interprétation normative, que A. et B. entendaient se répartir par moitié les subsides reçus, quel que soit le montant de ces subsides. La recourante reproche à l’arbitre unique d’avoir versé dans l’arbitraire, en commettant des « erreurs de lecture » ou en omettant de tenir compte d’éléments au dossier qui selon elle dictaient une solution différente. Contrairement à ce que prétend la recourante, l’arbitre n’a pas ignoré les faits et pièces mis en exergue par elle, mais il a considéré, sur la base des preuves administrées dans l’arbitrage, que les parties n’avaient pas entendu modifier la clé de répartition des subsides dans l’hypothèse où ceux-ci n’atteindraient pas le montant escompté de CHF 600’000 par an. La conclusion à laquelle l’arbitre a abouti n’est pas manifestement réfutée par les pièces citées par la recourante. En réalité, celle-ci tente de remettre en question l’appréciation des preuves opérée par l’arbitre, ce qui n’est pas admissible dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre une sentence arbitrale (consid. 6.1). Recours rejeté.

(B. AG [société suisse de négoce, courtage et extraction de matières premières] c. A. AG [société suisse d’extraction et transformation de matières premières]). Recours contre la sentence rendue le 22 mai 2020 par un Tribunal arbitral siégeant à Zurich sous l’égide de la Chambre de commerce de Zurich. Litige né de contrats pour la vente et la livraison de cuivre. Dans ses arrêts du 19 novembre 2014 (4A_190/2014 ; résumé dans l’édition 2014-2015 de ce recueil) et 11 avril 2016 (4A_426/2015 ; résumé dans l’édition 2015-2016 de ce recueil), le TF avait annulé les deux sentences finales précédemment rendues dans cette affaire par le même Tribunal arbitral. Dans le premier cas, le TF avait considéré que le Tribunal avait violé l’interdiction de l’arbitraire en rendant une sentence dont la motivation était manifestement insuffisante et reposait sur un raisonnement contradictoire. Dans le deuxième cas, le TF avait constaté que le Tribunal arbitral avait rendu une décision pratiquement identique à la première, violant par-là son obligation de statuer dans le sens des considérants de l’arrêt par lequel le TF lui avait renvoyé la première sentence (art. 395 al. 2 CPC), ce qui entraînait une nouvelle annulation de la sentence pour violation de l’arbitraire. L’arrêt ici résumé se prononce sur le recours formé par B. contre la troisième sentence du Tribunal arbitral. La recourante reproche au Tribunal d’avoir encore une fois rendu une sentence arbitraire, en manquant à nouveau de se conformer aux considérants des arrêts de renvoi du TF. Dans cette troisième sentence, le Tribunal arbitral a développé son raisonnement juridique au sujet de la qualification et des conséquences de la résiliation des contrats litigieux par B., notamment en articulant plus en détail son analyse du contexte entourant cette résiliation, et en rattachant la conduite de B., dont il avait jugé qu’elle était abusive, à la catégorie plus précisément définie des cas comportant une disproportion grossière des intérêts en présence (consid. 3.3-3.4). Contrairement à ce que prétend la recourante, le raisonnement du Tribunal arbitral dans cette troisième sentence résiste à l’examen sous l’angle de l’arbitraire (consid. 4). Recours rejeté.

(A. ; B. ; C. ; les héritiers de feu D, à savoir : D1. à D5. ; les héritiers de feu E., à savoir : E1. à E3. [recourants] c. F. ; G. (intimés), et S. & Cie SA ; 2. à 11., 12a. à 12d., 16. à 26. [parties intéressées]). Recours contre la sentence arbitrale du 30 septembre 2019 rendue par un Tribunal arbitral ad hoc avec siège à Genève. Convention d’arbitrage contenue dans un Acte d’association conclu en 1982 (AA 1982) entre les associés-gérants d’une banque privée (Banque H.), stipulant les conditions convenues pour maintenir la présence dans le collège d’au moins un représentant de la branche genevoise de la famille du fondateur de la banque. Plusieurs autres actes d’association avaient été conclus après l’AA 1982, au fil des ans et au gré des entrées et sorties des associés gérants, soit en 1986, 1987 et 1988. Ces AA subséquents contenaient (pour les deux derniers, par renvoi) la même convention d’arbitrage que l’AA 1982 (consid. A). En décembre 2016, F. et G., membres de la branche genevoise et descendants d’un des signataires de l’AA 1982, qui n’avaient pas été admis comme membres du collège des associés, avaient déposé une demande d’arbitrage à l’encontre de 31 défendeurs (comprenant notamment le successeur légal et de nombreux associés présents et passés de la banque), sur la base de la clause compromissoire contenue dans un projet de l’AA 1982 qu’ils avaient découvert en 1999, après le décès de leur aïeul. Sur le fond, F. et G. réclamaient le paiement d’un montant en francs suisses à déterminer par les arbitres, à titre de dédommagement pour le traitement inéquitable et injuste que les défendeurs leur avaient réservé. Les défendeurs, qui avaient produit les AA de 1986, 1987 et 1988 seulement en cours de procédure, avaient contesté la compétence du Tribunal arbitral au motif que la clause d’arbitrage se trouvait dans un acte n’ayant été signé ni par les demandeurs ni par la plupart des défendeurs. Les recourants soutenaient également que les accords conclus entre les associés-gérants de 1982 n’avaient pas été repris dans le cadre des modifications subies ultérieurement par la banque, qui avait entretemps été fusionnée avec une autre banque et dissoute, puis fusionnée avec une troisième banque, avant d’être transformée, en 2014, en société anonyme (S. & Cie). Dans sa sentence du 30 septembre 2019, le Tribunal arbitral s’était déclaré compétent à l’égard des deux demandeurs et de cinq des 31 défendeurs. En bref, le Tribunal avait retenu que la convention d’arbitrage dans l’AA 1982 liait à la fois les demandeurs (non-signataires de l’AA 1982) et les cinq défendeurs qui avaient souscrit (ou consenti) à l’AA 1982 et dont les obligations avaient survécu à la dissolution de la Banque H. (consid. B.). En vertu du principe de la relativité des obligations contractuelles, la convention d’arbitrage incluse dans un contrat ne lie en principe que les cocontractants. Toutefois, la jurisprudence recense diverses hypothèses pouvant conduire à ce qu’une convention d’arbitrage oblige des personnes qui ne l’ont pas signée ou n’y sont pas mentionnées. Il est notamment admis que, sauf convention contraire, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui parfaite au sens de l’art. 112 al. 2 CO peut déposer une requête d’arbitrage puisqu’il acquiert, vis-à-vis du débiteur (ou promettant), une créance avec tous les droits de préférence et autres droits accessoires rattachés à celle-ci, y compris la clause compromissoire (consid. 3.1). L’article 5 de l’AA 1982 (repris dans les AA 1986, 1987 et 1988) disposait que « les associés autres que ceux de la branche genevoise… s’engage[aient] à maintenir celle-ci dans l’Association en acceptant comme associés, pour autant qu’ils les en jugent dignes et capables, les descendants de […] » et que « [c]ette règle sera[it] notamment observée pour […], F. et G. […], pour autant qu’il [l’eussent souhaité] ». Le Tribunal avait retenu que l’article 5 était une stipulation pour autrui parfaite et irrévocable, ce qui avait notamment pour conséquence que F. et G. avaient le droit d’invoquer la convention d’arbitrage contenue dans les différents AA, même si cette stipulation ne leur conférait pas nécessairement le droit de devenir associés – question de fond qu’il reviendrait au Tribunal de résoudre dans une phase ultérieure de l’arbitrage. Le TF souscrit à la conclusion du Tribunal selon laquelle sa compétence est fondée sur la stipulation pour autrui parfaite dont F. et G. étaient bénéficiaires en vertu des AA. En revanche, le TF considère que le Tribunal arbitral ne peut être suivi lorsqu’il considère que cette stipulation était irrévocable. A cet égard, les défendeurs recourants se plaignent à raison de la violation de la règle supplétive sur le complètement des lacunes des contrats prévu à l’art. 112 al. 3 CO. Selon cette règle, que le Tribunal n’a pas appliquée, une stipulation pour autrui parfaite peut être révoquée ou modifiée aussi longtemps que les bénéficiaires n’ont pas fait valoir leur droit. Etant donné que les parties n’avaient rien prévu dans les AA concernant la révocabilité/irrévocabilité de la stipulation de l’article 5, le Tribunal aurait dû appliquer l’art. 112 al. 3 CO au lieu de rechercher d’emblée la (pseudo) volonté hypothétique des parties sur ce point (consid. 6.3). Les recourants ont également raison lorsqu’ils reprochent au Tribunal d’avoir retenu, sans fondement juridique valable, que l’AA de 1982 avait subsisté à côté des AA subséquents et liait donc toujours ses signataires, en plus des adhérents aux AA subséquents. Il faut bien plutôt retenir que l’AA de 1982 avait été abrogé et remplacé, tour à tour, par les AA 1986, 1987 et 1988, avec la conséquence que la portée subjective de la convention d’arbitrage figurant dans ces AA a pu varier dans le temps. De ce fait, le Tribunal arbitral est compétent seulement vis-à-vis des parties liées par l’AA 1988, soit les deux demandeurs (en tant que bénéficiaires de l’article 5 de l’AA) et les défendeurs signataires de cet AA, soit B., E., A. et C. Le Tribunal n’était pas compétent à l’égard du défendeur D. qui avait quitté le collège des associés avant la conclusion de l’AA 1988, et n’en était pas signataire. Recours partiellement admis ; sentence partiellement annulée, le point (ii) de son dispositif étant réformé en ce qui concerne l’étendue de la compétence ratione personae du Tribunal arbitral.

(A.A. c. B.A.). Recours contre la décision rendue le 15 octobre 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Zurich. Convention conclue entre un père et ses fils, régissant le rachat et l’entretien d’une maison familiale. Clause d’arbitrage prévoyant que l’avocat G., qui avait conseillé les parties lors l’élaboration de la convention, agirait en tant qu’arbitre en cas de différend entre elles, et que, si G. devait être empêché d’assumer cette fonction, son « successeur de bureau » (Büronachfolger) le remplacerait. Un litige survint entre deux des fils (A.A. et B.A.), et B.A. fit appel à G. pour qu’il se prononce en tant qu’arbitre. G. déclara accepter son mandat d’arbitre et nomma Me H. secrétaire du Tribunal. A.A. déposa une demande de récusation à l’encontre de G. auprès de l’Obergericht du Canton Aargau, qui, par décision en date du 20 août 2020, lui donna raison. Récusé, l’arbitre G. informa les parties que son successeur au bureau était Me H. et qu’il lui avait transmis les actes de l’arbitrage. Sur ce, A.A. écrivit en septembre 2020 à H. qu’il n’était pas compétent pour assumer le mandat d’arbitre, qu’il devait retourner les actes de procédure à G., et en détruire toute copie en sa possession. Selon A.A., comme G. était toujours en activité et restait titulaire de son bureau d’avocat, il n’existait pas de « successeur de bureau » qui pouvait reprendre son mandat d’arbitre au sens de la clause d’arbitrage. Le 15 octobre 2020, H. rendit une décision dans laquelle il se constituait en tant qu’arbitre unique et rejetait l’exception d’incompétence soulevée par A.A. Dans son recours au TF, A.A. demande en premier lieu que H. soit déclaré incompétent. Selon lui, il était apparent que son écriture de septembre 2020 ne faisait que signaler qu’il pourrait ultérieurement soulever une exception d’incompétence, qui serait alors formulée en bonne et due forme, mais que, au moment où il avait rédigé cette écriture, A.A. pensait encore que H. n’allait pas assumer le mandat d’arbitre, ou à tout le moins qu’il commencerait par donner l’opportunité aux parties de se prononcer sur la question de sa compétence, avant d’entreprendre toute autre démarche dans la procédure. De plus, A.A. affirme que H. n’avait aucunement démontré être le successeur au bureau de G. au sens de la clause arbitrale, et qu’il était prévenu et ne pouvait pas être considéré indépendant des parties, ayant préalablement agi comme secrétaire du Tribunal aux côtés de l’arbitre G. récusé (consid. 3). Dans ses observations sur le recours, H. affirme qu’il n’avait pas considéré l’écriture de A.A. comme faisant état d’une exception d’incompétence, qu’il ne l’avait donc pas traitée comme telle, et que A.A., qui était assisté d’un avocat, aurait dû attirer son attention sur cette erreur immédiatement après sa décision du 15 octobre 2020. Le TF retient que la décision du 15 octobre 2020 est bel et bien une décision incidente tranchant une contestation au sujet de la compétence et de la régularité de la constitution du Tribunal au sens de l’art. 359 al. 1 CPC (consid. 5.3). En définitive, par cette décision l’arbitre avait déterminé que le fait que l’arbitre G. était encore actif à l’époque de sa récusation n’excluait pas que H. puisse être considéré comme son « successeur de bureau » au sens de la clause d’arbitrage, et que la récusation de l’arbitre G. constituait bien un empêchement propre à provoquer la mise en œuvre du mécanisme de remplacement de l’arbitre G. par son « successeur de bureau », selon les prévisions de cette même clause. Cela étant, devant le TF, A.A. conteste non seulement la compétence mais également l’indépendance de H. Selon l’art. 367 al. 1 CPC un arbitre peut être récusé, entre autres motifs, s’il n’a pas les qualifications convenues entre les parties ou en cas de doutes légitimes quant à son indépendance ou impartialité. L’art. 369 al. 2 CPC prévoit que si les parties n’ont pas convenu d’une procédure particulière à cet effet, et si l’arbitrage est toujours pendant, la demande de récusation, écrite et motivée, doit être adressée à l’arbitre concerné dans les 30 jours à compter de la découverte du motif de récusation. Dans les 30 jours suivant la notification à l’arbitre, la partie requérante peut demander à l’organe désigné par les parties ou, à défaut d’un tel organe, à l’autorité judiciaire compétente, de statuer sur la demande de récusation. La décision de l’organe désigné ou de l’autorité compétente ne peut ensuite être revue « qu’à la faveur d’un recours contre la première sentence attaquable » rendue par l’arbitre contesté. Ainsi, tant que l’arbitrage est pendant, une contestation de la régularité de la composition du Tribunal au motif d’un défaut d’indépendance ne peut pas être soulevée directement devant le TF dans un recours contre une décision arbitrale incidente. Le recours de A.A., qui n’a pas démontré avoir déposé une demande de récusation à l’encontre de H. devant l’autorité compétente (ni que les parties avaient convenu de suivre une procédure autre que celle prévue aux art. 367 CPC en cas de récusation), doit donc être déclaré irrecevable dans la mesure où il repose sur un défaut d’indépendance allégué de H. (consid. 6.2.2). Par ailleurs, la clause arbitrale litigieuse, interprétée à la lumière du principe de la bonne foi, ne se révèle pas être pathologique et la constitution du Tribunal arbitral au moment où la décision litigieuse a été rendue n’apparaît pas avoir été irrégulière, sous réserve du ou des motifs de récusation qui auraient dû être portés devant l’autorité compétente (consid. 8). Voir également le consid. 7 de cet arrêt résumé en relation avec l’art. 393 let. d CPC.

(A.A. c. B.A.). Recours contre la décision rendue le 15 octobre 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Zurich. Récapitulatif des faits présentés ci-dessus, avant le résumé des considérants en lien avec l’art. 393 let. b CPC. Force est de constater que l’arbitre admet, de fait, avoir violé le droit d’être entendu de A.A. puisque, après avoir rendu sa décision rejetant l’exception d’incompétence d’A.A. en octobre 2020, il affirme à présent devant le TF que A.A. aurait dû attirer son attention sur le fait que son écriture de septembre 2020 comportait une exception d’incompétence (consid. 7.1). Le droit d’être entendu est une garantie fondamentale de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Cela étant, le droit d’être entendu n’est pas une fin en soi : lorsque la partie recourante ne parvient pas à démontrer que la violation de son droit d’être entendue a eu un quelconque effet concret sur la procédure, il n’y a pas lieu d’annuler la décision. Le recours de A.A. se révèle être en partie insuffisamment motivé sur ce grief, et en partie fondé sur des arguments qui n’avaient pas été soulevés devant l’arbitre (consid. 7). Recours rejeté.

(A. AG [locataire du bien-fonds sur la base d’un contrat de bail à construction] c. B. AG[propriétaire du terrain du contrat de bail à construction]). Recours contre la décision de clôture rendue le 17 février 2020 par un Tribunal arbitral statuant en application de la St. Galler Schiedsordnung (SGSO). Dans la procédure arbitrale, le Tribunal avait rendu plusieurs décisions, conduit une inspection oculaire du site en question, et tenu une audience au cours de laquelle il avait proposé une solution transactionnelle au litige, que les parties n’avaient pas adoptée. Peu après l’audience, les parties avaient transigé, retiré leurs demandes respectives, et demandé au Tribunal de clore la procédure et rendre une décision sur le montant et l’allocation des frais de l’arbitrage, dont les parties avaient convenu que chacune d’entre elles supporterait la part correspondant à ses demandes. Dans sa décision de clôture, le Tribunal avait fixé ses frais et honoraires et les frais administratifs de la procédure à CHF 58’000 et CHF 2’000 respectivement, et avait alloué ces montants de manière proportionnée à la valeur des demandes principales et reconventionnelle présentées par les parties. La recourante demande au TF d’annuler le point du dispositif fixant les montants des frais de l’arbitrage, montants qu’elle considère manifestement excessifs au sens de l’art. 393 let. f CPC, et de fixer les frais et honoraires des arbitres à CHF 25’000 et les frais administratifs à CHF 400.40, en application du règlement SGSO. Le TF observe que lorsque les parties se sont soumises à un règlement d’arbitrage prévoyant un barème pour les frais et honoraires des arbitres et frais de l’arbitrage, et que, comme en l’espèce, les parties n’ont pas conclu d’accord spécifique modifiant ce barème, l’examen du caractère excessif ou non des honoraires et frais fixés par les arbitres doit être effectué par référence aux prévisions du barème (consid. 3). Il n’est pas contesté que la valeur litigieuse de l’affaire était de CHF 50’000, ce qui la plaçait dans la fourchette « jusqu’à CHF 250’000 » dans le barème SGSO. Ce dernier prévoit que les frais et honoraires d’un tribunal de 3 membres peuvent aller, dans ce cas, d’un minimum de CHF 25’000 à un maximum de CHF 75’000. Le barème prévoit également des ajustements en cas de transaction en cours de procédure ou de décision rendue sans les motifs (réduction de 25% du montant honoraires et frais), ainsi que la prise en compte de facteurs de majoration, lorsque l’affaire exige des étapes procédurales particulières ou est spécialement complexe. Le Tribunal arbitral souligne que la valeur litigieuse n’est pas le seul élément pertinent pour la détermination des honoraires des arbitres. Ses frais et honoraires, fixés à CHF 60’000 se situent à l’intérieur de la fourchette prévue par le règlement et sont justifiés, eu égard aux actes procédure accomplis et compte tenu de la complexité de l’affaire (consid. 2.3). Le TF retient qu’il est possible que l’application cumulée de la réduction consécutive à une transaction et des facteurs justifiant une augmentation des frais et honoraires puisse résulter en un montant supérieur au maximum prévu par le barème pour la valeur litigieuse en question. Ici, le montant maximal selon le barème serait, compte tenu de la transaction, de CHF 56’250 (75% de CHF 75’000) ; le Tribunal a donc excédé ce maximum en fixant ses frais honoraires à CHF 58’000, et il faut examiner si ce dépassement est justifié en l’espèce. Selon le TF, les décisions et mesures procédurales dont le Tribunal a considéré qu’elles justifiaient une augmentation du montant maximum de ses honoraires pour cette affaire n’ont rien d’exceptionnel et ne peuvent donc pas fonder une telle augmentation (consid. 4.3). Dès lors, le montant des frais et honoraires fixé par le Tribunal est excessif et le dispositif correspondant dans sa décision doit être annulé (consid. 4.5). Lorsqu’il admet un recours pour le grief de l’art. 393 let. f CPC, le TF peut réformer la décision des arbitres et fixer lui-même le montant de leurs frais et honoraires, à condition de disposer des faits et informations nécessaires. Tel n’est pas le cas ici ; la cause doit donc être renvoyée au Tribunal arbitral pour qu’il reconsidère sa décision et prenne le soin de calculer ses frais et honoraires en conformité avec les critères prévus par la SGSO. Dans ce contexte, la valeur litigieuse, en tant qu’elle reflète l’importance et portée de l’affaire, doit être prise en compte, et les arbitres doivent s’assurer que le temps qu’ils consacrent à la conduite de la procédure n’est pas disproportionné par rapport à cette valeur (consid. 5.2). Recours admis ; émoluments et dépens mis à la charge des arbitres.

(A. GmbH [société de droit allemand], B. GmbH [société de droit allemand], C. GmbH [société de droit allemand] c. D.D. [veuve et héritière de H.D.], E.D. [descendant et héritier de H.D.], F.D. [descendant et héritier de H.D.], G.D. [descendant et héritier de H.D.]). Recours contre la sentence rendue le 19 mai 2020 par un Tribunal arbitral SCAI avec son siège à Zurich. Introduction, par les recourantes, d’une demande de récusation à l’encontre de l’arbitre nommé par les intimés, à un stade avancé de la procédure arbitrale, soit après la tenue de l’audience d’audition des témoins et plusieurs échanges d’écritures. Démission immédiate de l’arbitre en question, qui niait toutefois les allégations avancées à son encontre. Après la nomination d’un nouvel arbitre, les recourantes avaient demandé que l’ensemble de la procédure arbitrale soit répétée, en argumentant que l’arbitre démissionnaire (par hypothèse partial) avait influencé la procédure et participé à la rédaction du projet de sentence jusqu’à la date de sa démission. Le Tribunal arbitral recomposé avait décidé, en application de l’art. 14 des Swiss Rules, qu’il n’y avait pas lieu, en l’espèce, de répéter des étapes de la procédure. Par la suite, le Tribunal recomposé avait rendu une sentence majoritaire, admettant la demande des intimés. Les recourantes, qui invoquent une violation de leur droit à un tribunal régulièrement constitué sur le fondement de l’art. 190 al. 2 let. a LDIP, se méprennent sur la portée et la pertinence de ce grief par rapport au cas d’espèce. En effet, selon la jurisprudence du TF, le Tribunal arbitral visé à l’art. 190 al. 2 let. a LDIP ne peut être que celui qui a rendu la sentence faisant l’objet du recours. Ainsi, si un arbitre est remplacé avant que la sentence arbitrale ne soit rendue, seule la nouvelle composition du Tribunal qui aura effectivement rendu la sentence peut être contestée (consid. 2.3.2). Le chapitre 12 LDIP ne contient pas de disposition indiquant quels principes s’appliquent pour décider du sort des actes de procédure déjà accomplis en cas de remplacement d’un arbitre en cours d’instance. Dans le cas d’espèce, comme le permet l’art. 182 LDIP, les parties ont soumis leur arbitrage à un règlement de procédure qui régit cette question : l’art. 14 Swiss Rules (n.d.a. : édition 2012) prévoit qu’en cas de remplacement d’un arbitre, « la procédure reprend, en règle générale, au stade où l’arbitre remplacé a cessé d’exercer ses fonctions, sauf si le tribunal arbitral en décide autrement ». Le CPC dispose, en son art. 371 al. 3, que dans une telle situation, faute pour les parties de se mettre d’accord, « le Tribunal arbitral reconstitué décide […] dans quelle mesure les actes auxquels a participé l’arbitre remplacé sont réitérés ». Ces dispositions reconnaissent une marge de discrétion au Tribunal reconstitué, lui permettant de décider, en fonction des circonstances et en connaissance de cause, s’il y a lieu de répéter des actes de procédure, étant entendu que cette détermination doit être faite, comme toute autre décision arbitrale, dans le respect du droit d’être entendues et de l’égalité des parties (art. 182 al. 3 LDIP ; consid. 2.3.3). Voir également les consid. 3 et 4.2 de cet arrêt, résumés ci-dessous en relation avec les art. 190 al. 2 let. d et let. e LDIP.

(A.A. Co., Ltd, [société de droit sud-coréen] c. C. Pte. Ltd, [société de droit singapourien], D. Pte. Ltd, [société de droit bangladais ou singapourien], E.E. Company Ltd, [société de droit bangladais], E.F. Ltd, [société de droit bangladais], E.G. Ltd, [société de droit bangladais], H. Ltd, [société de droit bangladais], A.B. Co., Ltd, [société de droit sud-coréen]). Recours contre la sentence rendue le 24 janvier 2020 par un Tribunal CCI avec siège à Genève. Litige issu d’un contrat conclu en 2010 et ayant pour objet la planification, construction et livraison d’une centrale électrique au Bangladesh (ci-après le contrat principal). La société en charge de la réalisation de la centrale, A.B. (fournisseur), avait sous-traité à A.A. (sous-traitant, membre du même groupe), par contrats séparés, la livraison et installation, directement chez les acheteurs (C., D., E.E., E.F, E.G., H.), de plusieurs moteurs diesel destinés à la centrale. Après l’installation, les acheteurs avaient signalé des problèmes techniques au fournisseur, qui avait fait intervenir le sous-traitant. Le sous-traitant s’était rendu chez les acheteurs et avait correspondu avec eux pour tenter de résoudre les dysfonctionnements des moteurs. En 2014, alors que certains problèmes persistaient et des rencontres entre le fournisseur, le sous-traitant et les acheteurs n’avaient pas permis de les résoudre, les acheteurs avaient cessé leurs paiements. En 2018, le fournisseur avait initié une procédure d’arbitrage dirigée contre les acheteurs sur le fondement de la clause d’arbitrage contenue dans le contrat principal, afin de leur réclamer les paiements en souffrance. Les acheteurs avaient requis que le sous-traitant soit joint comme partie à l’arbitrage. Le Tribunal arbitral constitué pour statuer sur le litige avait bifurqué la procédure pour régler en premier lieu la question de sa compétence vis-à-vis du sous-traitant, qui n’était pas signataire du contrat principal. Par sentence intitulée « Partial Final Award on Jurisdiction », le Tribunal s’était déclaré compétent à statuer sur les prétentions des acheteurs vis-à-vis du sous-traitant en relation avec le contrat principal. Les arbitres avaient retenu, sur la base d’une interprétation objective selon les règles de la bonne foi, que le comportement du sous-traitant, et notamment son degré élevé d’implication et participation dans l’exécution du contrat, avait pu raisonnablement induire les acheteurs à conclure qu’il entendait être lié par la convention d’arbitrage contenue dans ce contrat (théorie dite de l’immixtion ; consid. 3.2). Le sous-traitant conteste cette interprétation et le TF lui donne raison. Selon la Haute Cour, le degré d’implication du sous-traitant dans l’exécution du contrat principal n’était qu’une conséquence logique de son rôle dans le projet en vertu du contrat de sous-traitance le liant au fournisseur, de sorte que l’on ne pouvait pas sans autre en déduire sa volonté implicite d’être lié au contrat principal entre le fournisseur et les acheteurs, et par là à la convention d’arbitrage contenue dans ce contrat. Le TF considère en particulier que la situation du sous-traitant dans le cas d’espèce est fondamentalement différente de celle du tiers non-signataire dans l’ATF 129 III 727, où la théorie de l’immixtion avait trouvé application (consid. 3.3). Recours admis, sentence partiellement annulée ; renvoi de la cause au Tribunal arbitral pour qu’il statue à nouveau sur sa compétence.

(A. c. 1. à 26.). Recours contre la sentence rendue le 28 février 2020 par un Tribunal arbitral PCA avec siège à Genève. Litige né entre 26 sociétés (les investisseurs), tout(e)s domicilié(e)s dans l’Union européenne (UE), et le Royaume d’Espagne, suite à la décision du Royaume de mettre un terme aux mesures d’encouragement des installations photovoltaïques pour la production d’électricité. Les investisseurs avaient introduit une procédure d’arbitrage pour obtenir le paiement de dommages-intérêts pour violation du Traité sur la Charte de l’énergie (TCE). Par sentence du 13 octobre 2014, le Tribunal arbitral s’était déclaré compétent pour connaître du litige. Dans cette décision, le Tribunal avait rejeté l’argument de l’Espagne selon lequel les différends intra-communautaires au sujet d’investissements visés par le TCE ne pouvaient pas être résolus par voie d’arbitrage. La sentence sur compétence n’avait pas fait l’objet d’un recours en annulation, ni d’une demande de révision. Poursuivant l’instruction de la cause, le Tribunal avait rendu, en octobre 2019, une ordonnance de procédure (OP 19), écartant la « nouvelle exception d’incompétence » soulevée par l’Espagne. Pour fonder cette nouvelle objection, l’Etat avait invoqué la décision rendue le 6 mars 2018 par la CJUE dans l’affaire Achmea c. Slovaquie (C-284/16), ainsi qu’une communication et une fiche d’information émanant de la Commission européenne, où celle-ci affirmait que l’arbitrage investisseur-Etat prévu par les traités bilatéraux d’investissement conclus entre Etats membres de l’UE n’est pas compatible avec le droit européen. Le Tribunal avait considéré que le jugement de la CJUE et les autres actes émanant de l’UE invoqués par l’Espagne ne modifiaient pas la nature de l’objection déjà écartée dans sa sentence d’octobre 2014, dont les conclusions s’imposaient à lui. L’OP 19 n’avait pas non plus fait l’objet d’un recours ou d’une demande de révision, et l’Espagne n’avait pas soulevé d’objections à son encontre dans la suite de l’arbitrage. En mars 2019, l’Espagne avait demandé au Tribunal arbitral de réexaminer d’office sa compétence, à la lumière de la déclaration signée par vingt-deux Etats membres de l’UE quelques semaines plus tôt (Déclaration des 22). Dans sa sentence finale de février 2020, le Tribunal arbitral avait constaté que l’Espagne avait violé le TCE et l’avait condamnée à payer divers montants aux investisseurs. Lorsqu’un Tribunal arbitral écarte une exception d’incompétence par une sentence séparée, il rend une décision incidente, qui, en vertu de l’art. 190 al. 3 LDIP, doit être entreprise immédiatement, et ne peut être attaquée que pour les motifs tirés de l’art. 190 al. 2 let. a et let. b LDIP (composition irrégulière ou décision incorrecte sur la compétence). Les autres griefs de l’art. 190 al. 2 LDIP peuvent être soulevés contre une décision incidente seulement dans la mesure où il se rapportent strictement et directement aux questions de la composition ou de la compétence du tribunal (consid. 4.2). L’Etat recourant reproche au Tribunal arbitral d’avoir violé son droit d’être entendu et d’avoir méconnu le principe de l’autorité de la chose jugée en refusant d’examiner sa « nouvelle exception d’incompétence » dans l’OP 19. Il sied tout d’abord de relever que, nonobstant sa dénomination, l’OP 19 n’est pas une simple ordonnance de procédure, susceptible d’être modifiée ou rapportée en cours d’instance. Dans cette décision, le Tribunal arbitral a refusé de revenir sur la question de sa compétence et d’ordonner une instruction complémentaire sur ce point, car il a considéré, à juste titre, que le recourant tentait de faire réexaminer la même « exception intracommunautaire » déjà écartée dans la sentence préliminaire sur compétence de 2014. Il s’agit à l’évidence d’une décision incidente sur compétence, par laquelle le Tribunal a confirmé sa sentence préliminaire, et dont rien ne laisse entendre qu’elle revêtirait un caractère provisoire. Dès lors, le recourant aurait pu et dû recourir contre l’OP 19 immédiatement, dans les 30 jours après sa notification. Ce faisant, il aurait pu reprocher au Tribunal d’avoir violé l’art. 190 al. 2 let. b LDIP et, dans ce même recours, soulever ses griefs tirés de la violation des art. 190 al. 2 let. d et e (droit d’être entendu et ordre public, dans sa composante procédurale, en lien avec la question de l’autorité de la chose jugée), griefs qui portent en l’occurrence sur des points intrinsèquement liés à la compétence du Tribunal. N’ayant pas recouru en temps utile, le Recourant est forclos à invoquer ces griefs (consid. 5). Voir également le consid. 6, résumé ci-dessous en lien avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(State of Libya [Litigation Department, Foreign Disputes Committee] c. A. Anonim Şi rketi [société turque]). Recours contre la sentence rendue le 22 mai 2020 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. L’intimée, une société turque, avait participé, depuis 1980, à de nombreux projets de construction dans le cadre de travaux publics en Libye. Suite à des défauts de paiement, elle avait suspendu les travaux dans les années ‘90, puis essayé pendant plusieurs années de recouvrer les montants dus par l’Etat. En 2013, l’Etat (représenté à cette occasion par le ministre adjoint des finances) et l’intimée avaient conclu une transaction pour solde de tout compte (Settlement Agreement), dans laquelle la Libye s’engageait à payer à l’intimée une somme de plus que 5 millions de dinars libyens. En 2016, l’intimée avait introduit une demande d’arbitrage sur le fondement du Traité bilatéral d’investissement entre la Turquie et la Libye (ci-après, le TBI). Dans sa sentence de mai 2020, le Tribunal arbitral statuant sur cette demande avait rejeté les objections juridictionnelles de la Libye et admis sa compétence ; déclaré que l’Etat avait violé son obligation d’accorder un traitement juste et équitable à l’investissement de l’intimée, et condamné le défendeur au paiement dommages-intérêts. En 2018, alors que l’arbitrage était pendant, la Libye avait demandé au Tribunal de Tripoli de déclarer le Settlement Agreement nul et non avenu, ce que cette juridiction avait fait par un jugement de la même année. Devant le TF, l’Etat conteste la compétence du Tribunal arbitral. Le TF relève que, après avoir constaté que l’intimée se prévalait de violations d’obligations contenues dans le TBI et dans le Settlement Agreement (qui n’incluait pas une clause d’arbitrage), le Tribunal arbitral avait statué sur sa compétence en prenant en considération ces deux instruments. Il avait jugé que le Settlement Agreement était valable en droit Libyen et qu’il représentait un investissement protégé par le TBI, lequel trouvait à s’appliquer ratione temporis car il était entré en vigueur en 2011, avant la conclusion du Settlement Agreement. L’Etat objecte que le Tribunal arbitral a appliqué le principe de la compétence-compétence de manière erronée : sachant que le Settlement Agreement ne contenait pas de clause d’arbitrage, l’Etat avait le droit de soumettre la question de sa validité à la juridiction normalement compétente, soit le Tribunal de Tripoli, et à partir du moment où ce dernier était saisi de cette question, les arbitres auraient dû assurer la coordination entre les deux procédures. En refusant de le faire, ils ont contrevenu aux principes de la courtoisie internationale. Selon le TF, l’argumentation de l’Etat ne peut être suivie : les règles applicables en matière de litispendance et de reconnaissance des jugements étrangers sont claires et consacrent la priorité du tribunal premier saisi, dans ce cas le Tribunal arbitral (consid. 4). L’Etat recourant conteste également la compétence ratione materiae du Tribunal, au motif que le Settlement Agreement était nul et ne pouvait donc pas constituer un investissement protégé par le TBI. Le TF rejette les causes de nullité invoquées par l’Etat, notamment le défaut d’autorité du ministre adjoint des finances qui avait signé le Settlement Agreement, et confirme la compétence du Tribunal pour statuer sur les prétentions tirées de cet accord (consid. 5). Enfin, le TF confirme que le litige issu du Settlement Agreement rentrait bien dans le champ d’application temporel du TBI, puisqu’il était né après l’entrée en vigueur de ce traité. Cette interprétation découle sans ambiguïté du texte du Settlement Agreement, dans lequel les parties avaient déclaré qu’il mettait un terme à tous les litiges et procédures préexistantes, de sorte que le seul litige et les seules prétentions soumises au Tribunal arbitral étaient celles résultant de cet accord (consid. 6). Recours rejeté.

(A. c. B.). Recours contre l’arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la IIChambre civile du Tribunale d’appello del Cantone Ticino. Demande de reconnaissance et exécution d’une sentence arbitrale rendue par la Chambre européenne d’arbitrage de Bruxelles. Sentence condamnant A. à payer à B. USD 6’874’283 à titre d’honoraires pour les services rendus par B. en sa qualité de cabinet de conseil représentant A. dans un arbitrage LCIA. Argument selon lequel le Tribunale d’appello aurait violé l’art. 194 LDIP en appliquant la Convention entre la Suisse et la Belgique sur la reconnaissance et l’exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales du 29 avril 1959 (CSB ; RS 0.276.191.721), au lieu de la CNY, à la reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale. La CNY elle-même réserve, en son article VII al. 1, l’application du droit national ou conventionnel plus favorable à la reconnaissance et à l’exécution de la sentence en question, en vertu d’un examen au cas par cas que le juge de la reconnaissance est libre d’effectuer selon les circonstances. Le Message du Conseil fédéral relatif à l’adoption de la CSB avait lui aussi rappelé que les parties restaient libres de choisir si invoquer la CSB ou la CNY en matière de reconnaissance et exécution des sentences arbitrales. Enfin, le TF a déjà eu l’occasion de confirmer qu’en cas de concurrence entre dispositions conventionnelles, la priorité doit être donnée à la convention ou à la disposition rendant possible ou facilitant davantage la reconnaissance ou l’exécution, conformément au but des conventions bi- ou multilatérales en la matière, qui est de faciliter dans toute la mesure du possible la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales (consid. 5). Le Tribunale d’appello n’a pas violé le droit en retenant que les conditions formelles prévues par la CSB pour la reconnaissance et l’exécution de la sentence litigieuse étaient remplies (consid. 6-7). Enfin, la sentence arbitrale ne contrevient pas à la réserve de l’ordre public telle qu’elle s’applique en matière de reconnaissance et exécution des sentences étrangères (effet dit atténué de l’ordre public), même à supposer qu’elle consacre un pactum de palmario contraire au droit suisse (consid. 8). Recours rejeté.

(A. c. B. Ltd). Recours contre l’arrêt de l’Obergericht du Canton de Zurich du 31 octobre 2019. Procédure de mainlevée définitive portant sur une sentence arbitrale LCIA rendue à Londres dans un litige entre une partie étrangère (B.) et une partie suisse (C.) au sujet d’un contrat de financement de procès. La question litigieuse était si A. (ayant succédé à C.) avait valablement résilié le contrat de financement, dans lequel les parties d’origine (B. et C.) avaient convenu que B. apporterait un soutien pécuniaire à C. dans le cadre d’un autre arbitrage (CCI), opposant C. à D., en contrepartie de la moitié du montant remporté en cas de victoire. Pendant l’arbitrage l’opposant à B., C. a fait faillite. Peu après, l’Office des poursuites de Zug avait désigné A., ancien directeur de C., comme cessionnaire des droits de défense et contestation (art. 260 LP) au regard des prétentions en litige dans l’arbitrage. Dans sa sentence rendue deux ans plus tard, le Tribunal LCIA avait retenu que la résiliation du contrat de financement par A. n’était pas valable, avec la conséquence que A. restait redevable envers B. de 50% du montant qui serait éventuellement reconnu à C. (en liquidation) dans l’arbitrage CCI. De plus, le Tribunal LCIA avait condamné A. à payer à B. 74’298.60 GBP à titre de remboursement des frais de l’arbitrage, intérêts en sus. En janvier 2019, B. avait requis la mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer qu’il avait fait notifier à A. pour le montant des frais de l’arbitrage avec intérêts. Le juge des poursuites de Horgen avait déclaré la sentence exécutoire et ordonné la mainlevée, puis ce jugement avait été confirmé en appel par l’Obergericht ZH. Dans son recours à l’encontre de cette dernière décision, A. fait valoir essentiellement que le litige était devenu non arbitrable en raison de la faillite de C., de sorte que la sentence LCIA ne pouvait pas être reconnue et exécutée en Suisse, en application de l’art. V(2)(a) CNY. Il sied de rappeler qu’en droit suisse, l’arbitrabilité des litiges internationaux est régie par l’art. 177 LDIP, lequel prévoit que « toute cause de nature patrimoniale » peut faire l’objet d’un arbitrage. Les prétentions pécuniaires sujettes au régime de la faillite sont ainsi en principe arbitrables selon l’art. 177 LDIP, sauf dans la mesure où le litige porte sur les voies d’exécution, domaine réservé des juridictions étatiques (consid. 3.6). Le TF rappelle que selon sa jurisprudence l’action en collocation d’une dette n’est en principe pas arbitrable, compte tenu de ses liens étroits avec la procédure de liquidation de la faillite (consid. 3.8), mais il considère que ce principe n’empêche pas nécessairement d’admettre l’arbitrabilité d’un litige portant sur cette créance lorsque l’arbitrage était déjà un cours au moment où a été ouverte la faillite. Le droit interne suisse (art. 207 LP) prévoit la suspension automatique des procédures judiciaires pendantes en cas de faillite d’une partie, et leur prise en compte dans la procédure d’insolvabilité. La loi aménage la possibilité pour les créanciers de décider s’ils souhaitent assumer les risques inhérents à une procédure en cours, voire de désigner l’un d’entre eux comme titulaire du droit de participer à cette procédure. Toutefois, ce régime ne s’applique pas aux procédures (judiciaires ou arbitrales) étrangères (consid. 3.9-3.10). Le législateur a récemment renoncé à prendre position sur ce point, un choix qu’il a fait de manière délibérée, pour laisser la marge de manœuvre nécessaire au développement d’une jurisprudence adaptée aux cas concrets (consid. 3.11). Il est vrai que le TF a récemment décidé qu’un jugement rendu dans une procédure étrangère déjà pendante au moment de l’ouverture de la faillite ne lie pas sans autre le juge de la collocation suisse, mais cela n’empêche pas, contrairement à ce qu’affirme le recourant, que le jugement puisse être reconnu et exécuté en Suisse. La pratique veut que, en cas de procédure pendante à l’étranger, la prise en considération et coordination requises par l’art. 207 LP soient également mises en place, avant que le jugement étranger ne soit rendu, pour que ce dernier puisse ensuite être reconnu et exécuté en Suisse (consid. 3.12). Sur le vu de cette pratique, il n’est pas exclu qu’une sentence arbitrale étrangère rendue dans une procédure déjà pendante au moment de l’ouverture de la faillite suisse puisse être reconnue et exécutée en Suisse (consid. 3.13). En tout état de cause, l’ouverture de la faillite pendente lite ne peut pas être invoquée comme motif de refus de reconnaissance de la sentence, car cet évènement n’a pas pour effet, en droit suisse, de rendre le litige automatiquement inarbitrable au sens de l’art. V al. 2 a. CNY. Recours rejeté.

(A. Limitada [société de droit xxx] c. B. SA [société de droit xxx]). Recours contre la sentence rendue le 4 mars 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève. Litige opposant une entreprise de construction à sa sous-traitante dans le cadre des travaux pour le bâtiment d’un terminal maritime dans le pays xxx. Sentence retenant que la recourante avait indûment fait appel à des garanties bancaires pendant l’exécution des travaux, et la condamnant rembourser à l’intimée la valeur des montants libérés. La recourante reproche au Tribunal arbitral d’avoir statué extra petita, et plus précisément d’être sorti du cadre que lui fixaient les conclusions de l’intimée par sa décision d’allouer des sommes exclusivement en USD à titre de restitution des garanties appelées à tort, alors que l’intimée n’avait pas demandé la conversion en USD de la garantie libellée en la devise « xxx ». Le TF relève que l’intimée ne s’était pas limitée à réclamer uniquement la restitution des garanties dans les montants et les devises dans lesquelles celles-ci avaient été libérées. Dans ses conclusions, l’intimée avait en effet demandé que le Tribunal lui accorde 7’947’217’582 xxx et 3’755’269 USD ou, alternativement, « tout autre montant que celui-ci jugerait approprié ». Une telle formulation permettait assurément aux arbitres d’allouer un ou des montant(s) exprimé(s) uniquement en USD, même si l’intimée n’avait pas formulé de requête spécifique et expresse dans ce sens. A cet égard, il n’est pas contesté que l’appel injustifié aux garanties avait obligé l’intimée à conclure un accord de financement, libellé en USD, pour y faire front, ce qui justifiait également que, sur la base des conclusions qui lui étaient soumises, le Tribunal arbitral décide d’allouer à l’intimée la « valeur » exprimée en USD des garanties appelées à tort (consid. 5). Voir également le consid. 6, résumé ci-dessous en lien avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP.

(A. [investisseur turc actionnaire de D.], B. [investisseur turc actionnaire de D.], C. [investisseur turc actionnaire de D.], D. [société anonyme de droit turc active dans le domaine de la construction et dans la production de ciment] c. République Arabe Syrienne). Recours contre la sentence arbitrale rendue le 31 août 2020 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. Sentence retenant que la Syrie avait enfreint ses obligations en vertu du Traité bilatéral d’investissement Syrie-Turquie, et devait indemniser les investisseurs (demandeurs dans l’arbitrage, recourants devant le TF) pour les pertes qu’ils avaient subies en raison du conflit armé qui avait ravagé le pays à partir de 2011. Décision condamnant l’Etat défendeur (intimé devant le TF) à verser la somme de 4,565,469,288.64 livres syriennes (SYP), majoré d’intérêts au taux de 10%, composés sur une base annuelle et courant dès la date de la sentence, avec la faculté pour les recourants d’exiger le paiement de leur créance en dollars étatsuniens (USD) convertis au taux de change appliqué par la Banque centrale syrienne le jour du paiement. Les recourants reprochent au Tribunal de leur avoir alloué une somme en SYP alors que leurs conclusions pécuniaires étaient libellées en USD, c’est-à-dire d’avoir statué extra petita. Dans le cadre du recours contre les sentences arbitrales rendues en Suisse, l’adage ne eat judex ultra vel extra petita partium est fréquemment interprété à la lumière de la jurisprudence relative au droit suisse. Il reflète le principe de l’autonomie privée et son corollaire procédural, la maxime de disposition, qui sont ancrés dans le droit des obligations. Depuis l’entrée en vigueur du Code de procédure civile, la maxime de disposition est consacrée à l’art. 58 CPC : elle s’oppose à ce que le juge émette une condamnation pécuniaire dans une monnaie autre que celle utilisée dans les conclusions du demandeur (consid. 5.3-5.4). Dans le cas d’espèce, les recourants ont formulé toutes leurs prétentions en USD : il faut dès lors reconnaître que, techniquement, le Tribunal leur a alloué un aliud, c’est-à-dire qu’il a décidé extra petita, en fixant le montant dû en SYP. Les singularités de la situation font toutefois qu’il n’y a pas lieu d’annuler la sentence. D’une part, il faut reconnaître que la question de la monnaie d’indemnisation, inévitable dans les litiges internationaux relatifs à la protection des investissements, ne fait pas l’objet de règles générales bien définies. Ainsi, sous réserve des dispositions plus ou moins spécifiques qu’on peut trouver dans le(s) traité(s) applicable(s), les arbitres disposent de latitude à cet égard. Il n’est en tout cas pas certain que la maxime de disposition s’applique en droit international avec la même rigueur qu’en droit suisse. La question peut de toute manière rester indécise, car les recourants ne justifient pas d’un intérêt digne de protection à obtenir l’annulation de la sentence (art. 76 al. 1 let. b LTF). Compte tenu du rejet du grief de la contrariété à l’ordre public de la décision des arbitres d’allouer l’indemnité en SYP (cf. le résumé des consid. 4 ci-dessous, en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP), ainsi que des circonstances particulières de cette affaire, l’intérêt des recourants à formuler une nouvelle demande après l’annulation de la sentence attaquée n’est pas démontré (consid. 5). Grief irrecevable.

(A. c/o X. [investisseur indien], B. c/o X. [investisseur indien] c. République de C. [Etat partie à un traité d’investissement bilatéral]). Recours contre la sentence (Award on Costs) rendue le 17 février 2020 par un Tribunal arbitral CNUDCI avec siège à Genève. Faute de paiement de l’avance de frais requise, le Tribunal avait clos la procédure, fixé les frais de l’arbitrage et statué sur les dépens. Argument des recourants selon lequel ils n’avaient pas disposé du temps nécessaire pour répondre à la « requête sur les coûts » déposée par la partie adverse, compte tenu du fait qu’ils n’étaient plus représentés par leurs conseils. Le TF retient que les recourants avaient bénéficié d’une prolongation de délai et d’une période de plus qu’un mois et demi pour se déterminer sur cette écriture. De plus, la sentence constate que les conseils en question n’avaient résilié leur mandat qu’après l’échéance du délai pour répondre à la requête, ce que les recourants ont reconnu. Dans ces circonstances, les recourants ont bel et bien disposé du temps nécessaire pour se déterminer sur cette requête (consid. 5.2). La garantie du droit d’être entendu n’implique pas, en matière d’arbitrage, un droit absolu à un double échange d’écritures, pour autant que le demandeur ait la possibilité de se déterminer sous une forme ou une autre sur les moyens articulés par le défendeur en second lieu. Ainsi, lorsqu’une partie dépose une écriture spontanée, le Tribunal arbitral n’est pas dans l’obligation d’impartir eo ipso un délai à l’autre partie pour dupliquer. Celle-ci est libre de faire usage, à l’instar de sa partie adverse, de son droit de se déterminer spontanément sur l’écriture déposée, ou de requérir la fixation d’un délai pour se déterminer, ou encore de se plaindre auprès du Tribunal si elle estime que celui-ci devrait lui accorder la possibilité de dupliquer. Les recourants, qui n’ont effectué aucune démarche dans ce sens pendant les deux mois qui se sont écoulés entre le dépôt de l’écriture de l’intimée et le prononcé de la sentence, adoptent un comportement contraire à la bonne foi. Ils auraient pu et dû invoquer ce prétendu vice de procédure en cours d’arbitrage (consid. 5.4). Voir également le consid. 6, résumé ci-dessus en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(A. Limitada [société de droit xxx] c. B. SA [société de droit xxx]). Recours contre la sentence rendue le 4 mars 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève. Récapitulatif des faits présentés ci-dessus, avant le résumé des considérants en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP. La recourante reproche au Tribunal d’avoir procédé de façon surprenante à la conversion en USD d’un montant réclamé qui, dans les écritures, était libellé en une autre monnaie, sans que l’intimée ne demande une telle conversion, et sans permettre aux parties de s’exprimer sur ce point au préalable. Le TF retient que le Tribunal n’a pas ignoré que le montant en question était libellé en devise « xxx » en non en USD. Cependant, les conclusions de l’intimée lui donnaient la latitude nécessaire pour procéder de cette manière (cf. consid. 5, résumé ci-dessus en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c), et il ressort de la sentence que les problématiques relatives à la conversion en USD du montant litigieux et aux différents taux de conversion envisageables à cette fin avaient bien été abordées en cours de procédure, même si elles l’avaient été en lien avec une question préalable autre que celle du montant final à allouer à l’intimée (consid. 6). Recours rejeté.

(A. GmbH [société de droit allemand], B. GmbH [société de droit allemand], C. GmbH [société de droit allemand] c. D.D. [veuve et héritière de H.D.], E.D. [descendant et héritier de H.D.], F.D. [descendant et héritier de H.D.], G.D. [descendant et héritier de H.D.]). Recours contre la sentence rendue le 19 mai 2020 par un Tribunal arbitral SCAI ayant son siège à Zurich. Tribunal reconstitué après la démission d’un arbitre à un stade avancé de la procédure. Les recourantes reprochent au Tribunal arbitral nouvellement constitué d’avoir violé leur droit d’être entendues par son refus de répéter les actes de procédure déjà accomplis, y compris l’audition de témoins, avec la participation de l’arbitre démissionnaire. Cependant, il apparaît à la lecture du résumé de la procédure dans la sentence qu’une fois reconstitué et avant de rendre sa sentence, le Tribunal arbitral avait bien accordé aux recourantes la possibilité de se prononcer sur cette question. Par ailleurs, les recourantes reconnaissent elles-mêmes qu’un Tribunal reconstitué n’a pas besoin de répéter la procédure dans la mesure où l’arbitre remplaçant a la possibilité de se former une opinion, de manière adéquate et équitable, sur les questions pertinentes pour l’issue du litige. Or, en l’espèce, le nouvel arbitre – informé des reproches formulés à l’encontre de son prédécesseur et après avoir pris connaissance du procès-verbal de l’audience et du dossier de la cause – a décidé, de commun accord avec les autres membres du Tribunal, qu’il n’y avait pas lieu de répéter les actes de procédure déjà accomplis. Enfin, compte tenu du fait que le Tribunal arbitral a tranché le litige sur la base d’une interprétation objective du contrat, le cas présent ne comporte pas une situation dans laquelle la perception directe et immédiate des éléments probatoires par l’arbitre remplaçant (par exemple, l’appréciation de la crédibilité d’un témoin) aurait été déterminante. Ainsi, le Tribunal arbitral n’a pas violé le droit d’être entendues des recourantes (consid. 3). Voir également le consid. 4.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(A. [acheteur de gaz naturel] c. B. [fournisseur de gaz naturel]). Recours contre la sentence rendue le 18 juin 2020 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. Litige issu de deux contrats pour l’achat et la livraison de gaz naturel, conclus en 1995 et 1997 pour une période de vingt-cinq ans, entre la National Iranian Gas Company (NIGC, ou A. dans le rubrum de l’arrêt) et Türkmengaz, une société détenue par l’Etat du Turkménistan (B. dans le rubrum de l’arrêt). Au fil des ans, les parties avaient adapté les contrats par plusieurs avenants. NIGC avait fait défaut sur un certain nombre de paiements, notamment à cause de l’impact des sanctions internationales imposées par les Etats-Unis et l’UE à l’encontre de l’Iran à partir de 2012. Le 1er janvier 2017, Türkmengaz avait suspendu les livraisons en raison des retards de paiement de NIGC. En mars 2017, NIGC avait déclaré qu’elle n’effectuerait plus de paiements au titre des contrats. Fin 2017, Türkmengaz avait initié une procédure d’arbitrage conformément à la clause compromissoire contenue dans les contrats, sur quoi NIGC avait présenté des demandes reconventionnelles. Dans sa sentence, le Tribunal arbitral avait condamné NIGC à payer les montants en souffrance à partir du 31 décembre 2016. Il avait également retenu que Türkmengaz avait manqué à ses obligations d’ajuster le prix du gaz en raison de défauts de qualité et que sa décision de suspendre les livraisons en janvier 2017 était en violation des contrats ; pour ces motifs, le Tribunal avait reconnu en partie les prétentions soulevées par NIGC à titre reconventionnel. La recourante reproche au Tribunal arbitral d’avoir violé son droit d’être entendue, et plus précisément d’avoir fondé sa sentence sur un motif imprévisible, en prenant l’initiative d’examiner la question de la validité de la suspension des livraisons à un date postérieure par rapport au moment où l’intimée avait définitivement cessé de fournir le gaz, sans avoir interpellé les parties sur ce point, qu’elles n’avaient pas plaidé (consid. 5.3). La recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle invoque l’effet de surprise, même s’il est vrai que les parties ont focalisé leur attention sur la suspension des livraisons au 1er janvier 2017. En effet, il faut bien tenir compte du fait que la recourante avait également requis du Tribunal qu’il ordonne à l’intimée de reprendre immédiatement les livraisons, jusqu’au terme des contrats, et que l’intimée avait conclu, à titre reconventionnel, au rejet intégral des conclusions de la recourante. Dès lors, le Tribunal devait, afin de statuer sur ces prétentions, déterminer si l’intimée était légitimée à ne plus fournir de gaz non seulement au 1er janvier 2017, mais aussi tout au long de la période visée par les conclusions des parties. Le fait que le Tribunal ait retenu une date différente de celle avancée par les parties comme moment à partir duquel la cessation des livraisons était justifiée n’a rien d’imprévisible, s’agissant d’une affaire complexe, commandant aux parties d’examiner l’ensemble des scénarios envisageables. Par ailleurs, les documents sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour déterminer la date à partir de laquelle la cessation des livraisons était légitime ont été produits par les parties, qui ont eu tout le loisir de s’exprimer à leur sujet en cours d’instance. La recourante fait valoir que les parties elles-mêmes ne s’étaient pas prévalues de ces documents pour déterminer le moment à partir duquel la suspension des livraisons était justifiée. Toutefois, le droit d’entre entendu n’exige pas des arbitres qu’ils sollicitent des parties une prise de position sur la portée de chacune des pièces produites. Bien au contraire, le Tribunal arbitral doit pouvoir apprécier les preuves produites par les parties de manière autonome (consid. 5.4). Les considérants 6 et 7, rejetant les griefs d’ultra petita (art. 190 al. 2 let. c LDIP) et de la violation de l’ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP) ne sont pas résumés dans cette chronique. Recours rejeté.

(A. [actionnaire du groupe G. via Société B.], Société B. [société mauricienne] c. Z. Ltd [société de droit mauricien et investisseur du groupe G.]). Recours contre la sentence rendue le 15 septembre 2020 par un Tribunal arbitral LCIA avec siège à Genève. Dans un litige ayant donné lieu à plusieurs procédures parallèles, y compris devant la High Court of England and Wales (EWHC), après avoir suspendu l’arbitrage jusqu’à droit connu dans la procédure devant la cour anglaise, le Tribunal arbitral avait rendu une première sentence en mai 2018. Dans cette sentence, le Tribunal avait incorporé le contenu d’une « décision par consentement » préparée par l’intimée et agréée par les recourants, qui reflétait des pans du jugement de la EWHC. Après cette sentence, la procédure arbitrale s’était poursuivie : l’intimée avait partiellement modifié et complété ses conclusions, le Tribunal avait rendu une sentence partielle en novembre 2018, puis tenu une audience par vidéo-conférence en mai 2020, et finalement rendu sa sentence finale en septembre 2020. Les recourants reprochent au Tribunal arbitral, en premier lieu, de leur avoir refusé un report de l’audience de quelques semaines et de les avoir ainsi privés de la possibilité de présenter leur défense et de contre-interroger les témoins de la partie adverse, nonobstant leurs requêtes réitérées, provoquées par la crise sanitaire et les circonstances exceptionnelles résultant de la pandémie du COVID. Le TF relève que les recourants ont été consultés à plusieurs reprises au sujet du calendrier procédural de l’arbitrage. Après s’être opposés à la date d’audience proposée par l’intimée, ils avaient requis la clôture de la procédure au motif que la majorité des prétentions de l’intimée avaient été tranchées par la EWHC et que les demandes restantes devaient plutôt être traitées dans un autre arbitrage. Dans les mois précédant la tenue de l’audience, les recourants avaient changé de conseil, puis leur nouvelle étude avait annoncé qu’elle avait cessé de les représenter. Peu après, alors que le Tribunal venait de proposer de tenir l’audience par vidéo-conférence pour parer aux difficultés résultant de la crise sanitaire, les recourants avaient encore soulevé des objections et maintenu leur requête de clôture de l’arbitrage. Le Tribunal avait refusé de reconsidérer sa décision de rejet de la requête de clôture et avait fixé la date de l’audience par vidéo-conférence, qu’il avait ensuite reportée de 2 semaines à la demande de l’intimée. Le recourants n’avaient pas participé aux essais techniques pour la vidéo-conférence et aux échanges de correspondance y relatifs, pas plus qu’ils n’avaient déposé de mémoire en réponse, ou répondu aux interpellations du Tribunal au sujet de leur intention de participer à l’audience. Tard le soir de la veille de l’audience, un ancien avocat des recourants avait annoncé qu’il les représentait à nouveau et sollicité un report. L’audience s’était tenue comme prévu le lendemain, sans la participation des recourants (leur nouveau conseil s’étant limité à comparaître au début de la session pour en demander encore une fois le report, demande derechef refusée par le Tribunal). A l’issue de l’audience, le Tribunal avait clôturé la procédure, sous réserve des écritures à déposer par les parties au sujet des frais de l’arbitrage, puis il avait rendu sa sentence finale. Le TF observe que les recourants ont attendu le prononcé de la sentence pour se plaindre du rejet de leur demande de report d’audience, au lieu de solliciter la tenue d’une nouvelle audience en cours de procédure. Cependant, leur comportement ne contrevient pas nécessairement aux règles de la bonne foi, sachant que le Tribunal a clôturé la procédure à l’issue même de l’audience (consid. 5.4). Quoi qu’il en soit, force est de constater que les recourants ont causé des retards contraires à l’exigence de célérité de l’arbitrage tout au long de la procédure, en invoquant des difficultés logistiques non mieux précisées. Ils n’établissent pas avoir été empêchés de déposer une réponse et des déclarations de témoins, et n’expliquent pas ce qui les a retenus de se manifester et d’exposer leurs difficultés lorsque le Tribunal les interpellait. Par ailleurs, dans leur recours, ils ne cherchent pas à démontrer quels éléments de preuve, ou quels arguments de fait ou de droit pertinents ils auraient pu présenter s’ils avaient bénéficié du report demandé. Dans cette configuration, le Tribunal pouvait refuser le report de l’audience sans enfreindre le droit d’être entendus des recourants (consid. 5.5). Quant à l’argument selon lequel un report d’audience aurait été accordé à l’intimée en violation du principe de l’égalité de traitement, le TF relève que l’intimée a activement collaboré à l’avancement de la procédure et n’a demandé un report de la date d’audience qu’en réponse à la question du Tribunal, qui avait invité les deux parties à lui signaler si des ajustements étaient nécessaires par rapport à la date initialement retenue. Après avoir modifié la date à la demande de l’intimée, le Tribunal avait encore recommandé aux deux parties de lui signaler dès que possible d’éventuelles difficultés liées à la nouvelle date. Les recourants n’avaient pas réagi. Dans ces conditions, le fait que le Tribunal ait accordé le report demandé par l’intimée alors qu’il avait refusé celui requis par les recourants ne représente pas une inégalité de traitement des parties (consid. 5.6). Voir également le consid. 6 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(Stiftung A. [fondation privée de droit liechtensteinois] c. B. Inc. [société de droit seychellois]). Recours contre l’arrêt rendu le 12 mars 2020 par l’Obergericht du canton de Zurich. Contrat de prêt (Loan Agreement) contenant une convention d’arbitrage, conclu entre la société B. et C., une Limited Partnership écossaise, et contresigné par la fondation A., en sa capacité de General Partner de C., et par D., représentant légal (habilité à la signature) de A. et C. La recourante reproche à l’Obergericht d’avoir retenu à tort qu’elle était liée par la convention d’arbitrage dans le Loan Agreement. Conformément à l’art. 7 LDIP, le juge étatique saisi d’une exception d’arbitrage en faveur d’un tribunal arbitral ayant son siège en Suisse examine la validité et l’étendue de la clause d’arbitrage invoquée seulement de manière sommaire (consid. 3). La question de savoir si la jurisprudence relative à l’extension de la convention d’arbitrage en cas de reprise de dette cumulative peut s’appliquer sans autre dans une situation où la reprise de dette n’est pas contractuelle mais dictée par la loi, n’a pas ici besoin d’être tranchée. La convention d’arbitrage est prima facie valable, et la recourante, dont le représentant autorisé avait signé le contrat, était censée en avoir connaissance. C’est donc à bon droit que l’Obergericht a confirmé le jugement inférieur admettant l’exception d’arbitrage (consid. 4.4). Recours rejeté.

(A. c/o X. [investisseur indien], B. c/o X. [investisseur indien] c. République de C. [Etat partie à un traité d’investissement bilatéral]). Recours contre la sentence (Award on Costs) rendue le 17 février 2020 par un Tribunal arbitral CNUDCI avec siège à Genève. En théorie, il n’est pas inconcevable que la décision prise par un tribunal arbitral au sujet du montant des dépens puisse contrevenir à l’ordre public matériel. Cependant, dans un domaine (les frais et dépens) où le TF n’intervient qu’avec la plus grande retenue lorsqu’il est saisi du grief d’arbitraire, il doit s’imposer une réserve encore plus grande quand cette question se pose à lui sous l’angle de l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. Pour justifier l’intervention du juge étatique à ce titre, il faut que les dépens alloués par le tribunal soient hors de toute proportion avec les frais nécessaires consentis par la partie concernée pour sa défense, eu égard à l’ensemble des circonstances du cas concret – et ce, au point de heurter de manière choquante les principes les plus essentiels de l’ordre juridique déterminant (consid. 6.1). Argument des recourants selon lequel le montant des dépens alloués à l’intimée est disproportionné compte tenu du stade préliminaire auquel se trouvait la procédure au moment où la sentence attaquée a été prononcée. D’une part, les recourants ne sauraient tirer profit de leurs propres atermoiements et demandes répétées de prolongation de délai, y compris pour le paiement de leur part de l’avance de frais, pour venir soutenir que l’intimée aurait dû réaliser que la procédure risquait de ne pas se poursuivre et, de ce fait, s’abstenir de préparer sa défense sur le fond. D’autre part, les motifs exposés dans la sentence et le résultat auquel a abouti le Tribunal en décidant que les dépens réclamés par l’intimée étaient raisonnables en l’espèce ne sont pas incompatibles avec l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 6.4). Recours rejeté.

(A. c. 1. à 26.). Recours contre la sentence rendue le 28 février 2020 par un Tribunal arbitral PCA avec siège à Genève. Récapitulatif des faits présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants en lien avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Le recourant considère que la sentence finale est contraire à l’ordre public procédural, du fait qu’elle consacre une application erronée du principe de l’autorité de la chose jugée. En particulier, les arbitres auraient estimé à tort que l’exception d’incompétence soulevée par le recourant sur le fondement de la Déclaration des 22 ne constituait pas un nouveau motif d’incompétence mais une tentative d’obtenir une nouvelle décision sur l’objection déjà examinée et écartée dans la sentence sur compétence de 2014. En qualifiant la Déclaration des 22 d’argument juridique, le Tribunal se serait estimé indûment lié par la sentence sur compétence et aurait à tort refusé de prendre en considération ce nouvel élément de fait. Selon la jurisprudence, un tribunal viole l’ordre public procédural s’il statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure ou s’il s’écarte, dans sa sentence finale, de l’opinion qu’il a émise dans une sentence précédente tranchant une question préalable de fond. Les sentences préjudicielles ou incidentes qui règlent des questions préalables de fond ou de procédure (comme la compétence) ne jouissent pas de l’autorité de la chose jugée, mais, à la différence des simples ordonnances de procédure qui peuvent être modifiées ou rapportées en cours d’instance, de telles sentences lient bien le tribunal dont elles émanent. Dès lors, et quels que soient les motifs sous-tendant leur décision de ne pas réexaminer leur compétence, les arbitres n’ont pas violé l’ordre public procédural en se considérant liés par la sentence sur compétence qu’ils avaient rendue auparavant (consid. 6.3.3). Recours rejeté.

(A. [ressortissant indonésien, actif dans le secteur bancaire et dans l’industrie pétrolière] c. B. [homme d’affaires singapourien actif dans le commerce du pétrole]). Recours contre la sentence rendue le 27 mai 2020 par un Tribunal arbitral sous l’égide des Swiss Rules avec siège à Genève. Les arbitres avaient constaté dans la sentence que les parties avaient simulé un contrat de vente d’actions et dissimulé une convention de fiducie : ce constat de la volonté réelle et commune des parties constitue un élément factuel qui ne peut pas être revu par le TF dans le cadre du recours contre la sentence (consid. 6). De plus, il ne faut pas perdre de vue que même lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une sentence rendue par un tribunal arbitral ayant son siège en Suisse et appliquant le droit suisse, le TF est tenu d’observer, quant à la manière dont ce droit a été mis en œuvre, la même distance que celle qu’il s’imposerait vis-à-vis de l’application faite de tout autre droit ; dans ce contexte, la Haute Cour ne doit pas céder à la tentation d’examiner avec une pleine cognition si les règles topiques du droit suisse ont été interprétées et/ou appliquées correctement, comme elle le ferait si elle était saisie d’un recours en matière civile portant sur un arrêt étatique (consid. 7.1). Même en faisant abstraction du fait qu’en soutenant pour la première fois devant le TF que le contrat de fiducie était illicite le recourant contrevient au principe de la bonne foi procédurale, cette thèse ne lui est d’aucun secours, car le résultat auquel la sentence a abouti demeurerait inchangé en cas d’illicéité : en effet, dans ce cas de figure comme dans la configuration juridique retenue par les arbitres (contrat de fiducie valablement conclu et résilié), le recourant serait tenu de restituer les actions à l’intimé. Or, ce résultat est tout à fait compatible avec l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 8). Recours rejeté.

(A. GmbH [société de droit allemand], B. GmbH [société de droit allemand], C. GmbH [société de droit allemand] c. D.D. [veuve et héritière de H.D.], E.D. [descendant et héritier de H.D.], F.D. [descendant et héritier de H.D.], G.D. [descendant et héritier de H.D.]). Recours contre la sentence rendue le 19 mai 2020 par un Tribunal arbitral SCAI avec siège à Zurich. Tribunal reconstitué après la démission d’un arbitre à un stade avancé de la procédure. Les recourantes font valoir qu’en vertu des art. 38 LTF et 51 CPC, les actes de procédure auxquels a participé un juge tenu de se récuser doivent être annulés et renouvelés. Selon elles, le Tribunal arbitral aurait violé un principe fondamental du droit suisse, et donc l’ordre public, en refusant de répéter les actes de procédure accomplis avec la participation de l’arbitre démissionnaire. Le TF relève que les dispositions invoquées par les recourantes ne s’appliquent qu’aux procédures devant les juridictions étatiques. En matière d’arbitrage international, il n’existe pas de règle générale selon laquelle les actes auxquels aurait participé un arbitre récusé doivent être annulés et répétés. Au contraire, la LDIP ne prévoit pas de règle en la matière, et le CPC dispose qu’il revient au Tribunal arbitral de décider, au cas par cas et selon son appréciation des circonstances pertinentes, s’il y a lieu de répéter des actes de procédure après la démission d’un arbitre (consid. 4.2). Recours rejeté.

(A. SA [société avec siège au Panama] c. B. SA). Recours contre la sentence rendue le 25 mai 2020 sous l’égide du règlement CCI par un arbitre unique siégeant à Genève. Litige en relation avec trois contrats d’agence en vertu desquels A. s’engageait à fournir divers services, dans trois pays différents, à C. (devenue par la suite B. SA), moyennant le paiement de commissions. En 2017, découverte par C., dans le cadre d’une enquête pénale en Suisse, du fait qu’un de ses employés (E.) avait reçu divers montants de la société mère de A. en contrepartie pour la conclusion et/ou le renouvellement annuel des contrats d’agence. Poursuivie pour le paiement de commissions en souffrance, en 2018, C. avait introduit une action en libération de dette dans une requête d’arbitrage CCI à l’encontre de A. Dans sa sentence finale, l’arbitre unique avait décidé que C. n’était pas tenue de payer les commissions réclamées par A. L’arbitre avait considéré que A. avait commis un dol (art. 28 CO) vis-à-vis de C. en omettant de lui révéler le versement de pots-de-vin à E. Pour sa part, C. avait agi tardivement, en déclarant vouloir invalider les contrats seulement après le délai péremptoire d’un an à compter de la découverte du dol, de sorte que les contrats devaient être tenus pour ratifiés au sens de l’art. 31 CO. Cependant, selon l’arbitre unique, C. pouvait opposer l’exception de l’art. 60 al. 3 CO pour faire échec aux prétentions en paiement de A., puisque les contrats avaient été obtenus de manière illicite. La recourante reproche à l’arbitre d’avoir violé le principe pacta sunt servanda en refusant d’assurer le respect des contrats dont il avait reconnu l’existence, sur le fondement d’une application erronée de l’art. 60 al. 3 CO. Lue correctement, l’argumentation de la recourante vise à remettre en question l’application du droit par l’arbitre, ce qui n’est pas admissible dans le cadre d’un recours en matière civile dirigé contre une sentence arbitrale internationale. En tout état de cause, le résultat auquel a abouti l’arbitre en application de l’art. 60 al. 3 CO n’est pas contraire à l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 6.2 et 6.3). Recours rejeté.

(A. [investisseur turc actionnaire de D.], B. [investisseur turc actionnaire de D.], C. [investisseur turc actionnaire de D.], D. [société anonyme de droit turc active dans le domaine de la construction et dans la production de ciment] c. République Arabe Syrienne). Recours contre la sentence arbitrale rendue le 31 août 2020 par un Tribunal arbitral CCI ayant son siège à Genève. Récapitulatif des faits présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP. Les recourants reprochent au Tribunal de leur avoir fait supporter indûment la dévaluation vertigineuse subie par la livre syrienne (SYP), en leur octroyant des dommages-intérêts dans cette monnaie-là plutôt qu’en dollars étatsuniens (USD), comme ils l’avaient demandé. Ils soulignent qu’une fois convertie en USD, l’indemnité allouée par les arbitres équivalait à seulement 4,6% de la perte subie par eux, évaluée au moment déterminant (2012). Consacrant une forme d’expropriation sans indemnité adéquate, la sentence contreviendrait ainsi à l’ordre public (consid. 4.1). Avant d’examiner le grief, le TF passe en revue les règles et principes régissant la réparation du préjudice, l’indemnisation pour expropriation et la détermination de la monnaie d’indemnisation en droit international public, des investissements et sous le régime de la CEDH, auxquels les recourants se sont en partie référés (consid. 4.2-4.3). Selon la jurisprudence constante du TF, une mesure spoliatrice sans indemnisation heurte l’ordre public. Si cette formulation peut également couvrir des cas où l’indemnisation existe mais est dérisoire, la notion d’ordre public au sens de l’art. 190 LDIP requiert que l’indemnisation apparaisse à ce point disproportionnée avec la valeur du bien perdu qu’elle heurte de façon choquante les principes les plus essentiels de l’ordre juridique. En effet, le recours de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP n’a pas pour but d’assurer l’application correcte – ou même non arbitraire – d’un traité d’investissement, du droit coutumier international, des principes généraux du droit international ou même des garanties conférées par la CEDH. Ainsi, l’ordre public matériel n’est pas nécessairement enfreint par une sentence qui n’octroie pas une réparation intégrale du dommage ou alloue une indemnité ne se trouvant pas dans une proportion raisonnable avec la valeur des investissements perdus (consid. 4.4). En l’espèce, l’indemnité allouée aux recourants apparaît indéniablement très basse par rapport à la valeur estimée de leur perte, et il n’est pas douteux que cet état de choses est imputable à la forte dépréciation de la SYP. Cependant, les arbitres disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation des dommages-intérêts et des méthodes pour redresser l’effet de la dépréciation monétaire. Les recourants n’ont pas justifié leur choix du dollar devant le Tribunal, ni démontré que l’adoption de la monnaie de l’Etat hôte leur serait préjudiciable au point de justifier une mesure plus importante que l’application d’un taux d’intérêt élevé (comme l’avait fait le Tribunal). En fin de compte, une appréciation globale de la situation, prenant en considération le risque pris par les recourants, qui ont choisi d’investir dans un pays à l’économie instable déjà avant le conflit armé, ainsi que le type spécial de responsabilité assumée par l’Etat hôte (responsabilité objective, et non pour fait illicite) et la situation notoirement très difficile de ce pays, toujours en proie à de graves conflits internes, permet d’affirmer que la compensation allouée ne contrevient pas à l’ordre public (consid. 4.6). Recours rejeté.

(A. [actionnaire du groupe G. via Société B.], Société B. [société mauricienne] c. Z. Ltd [société de droit mauricien et investisseur du groupe G.]). Recours contre la sentence rendue le 15 septembre 2020 par un Tribunal arbitral LCIA avec siège à Genève. Récapitulatif des faits présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP. Les recourants reprochent au Tribunal arbitral d’avoir indûment attribué l’autorité de la chose jugée aux jugements de la EWHC, au mépris des règles de droit suisse en la matière. Dans sa jurisprudence, le TF a déjà considéré, dans un obiter dictum, qu’une atteinte à l’autorité de la chose jugée peut résulter du fait qu’un Tribunal attribue à tort l’autorité de force jugée à une précédente décision et renonce à examiner une question pour cette raison. La doctrine a commenté avec approbation qu’un tribunal qui s’estimerait à tort lié par un jugement antérieur commettrait un déni de justice et enfreindrait le droit à un procès équitable, lequel fait bien partie de l’ordre public procédural (consid. 6.3). Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît l’autorité de la chose jugée aux décisions (judiciaires ou arbitrales) étrangères pour autant qu’elles puissent être reconnues en Suisse. Toutefois, une décision étrangère ne peut avoir en Suisse que l’autorité qui serait la sienne si elle émanait d’un tribunal étatique suisse ou d’un tribunal arbitral sis en Suisse. En particulier, même si selon la loi de l’Etat d’origine de la décision l’autorité de la chose jugée s’étend aux considérants qui en sous-tendent le dispositif, l’autorité de la chose jugée de cette même décision ne sera admise en Suisse que pour les chefs du dispositif (consid. 6.3). Le Tribunal arbitral s’était jugé lié par les constatations de fait et de droit effectuées dans les jugements de la EWHC au sujet de la grande majorité des violations contractuelles alléguées par l’intimée, constatations qu’il avait estimé pouvoir reprendre « telles quelles ». Les recourants protestent à juste titre que le Tribunal aurait dû commencer par examiner si les conditions pour la reconnaissance de ces jugements étaient réalisées et, dans l’affirmative, appliquer la notion suisse de l’autorité de la chose jugée. Or, les arbitres se sont fondés, entre autres, sur le concept de issue estoppel, qui n’est pas reconnu en droit suisse, et n’ont pas correctement analysé la question de l’identité de l’objet litigieux des procédures. Cela étant, l’on ne saurait ici se limiter à conclure que les arbitres ne pouvaient pas invoquer l’autorité de la chose jugée des jugements anglais comme ils l’ont fait. Force est de constater, en effet, que les recourants ont eux-mêmes attribué une autorité au jugement de la EWHC, d’une part en consentant, en 2018, au projet de décision arbitrale fondé sur l’un de ces jugements, et d’autre part en affirmant, en 2020, que la Cour anglaise avait déjà tranché la majorité des prétentions émises par l’intimée dans l’arbitrage. Ils n’ont pas non plus contesté la conclusion du Tribunal selon laquelle les jugements anglais constituaient des preuves convaincantes aux fins de ses déterminations au sujet des violations contractuelles alléguées. A cet égard il sied également de rappeler qu’une appréciation même arbitraire des preuves ne porte pas atteinte à l’ordre public. Dans ces circonstances, on ne peut pas reprocher aux arbitres d’avoir enfreint l’ordre public en reprenant les constatations effectuées dans les jugements anglais (consid. 6.6). Recours rejeté.

(A. GmbH [société de droit allemand] c. B. Co. [société américaine avec siège à New York]). Demande de révision de la sentence arbitrale rendue le 27 novembre 2018 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève. Litige né d’un contrat pour l’importation, la vente et la distribution exclusive de pâtes alimentaires sur un certain nombre de territoires. Le Tribunal arbitral avait condamné A. à verser à B. des dommages-intérêts pour violation du contrat et agissements contraires au devoir de fidélité. Les montants alloués à B. par les arbitres comprenaient une indemnisation pour le dommage qui avait résulté pour elle du fait d’avoir dû conclure un accord transactionnel avec une société tierce à laquelle elle s’était engagée à fournir les produits, suite à la cessation prématurée des livraisons par A. La requérante demande que la sentence soit révisée et la cause renvoyée au Tribunal, pour qu’il rouvre l’instruction et rende une nouvelle décision, suite à la découverte par elle de faits et moyens de preuve concluants qu’elle n’avait pas pu invoquer dans la procédure d’arbitrage. Selon elle, les faits et preuves nouvellement découverts permettraient d’établir que les prétendus engagements de B. envers la société tierce n’étaient pas authentiques et avaient été créés pour les besoins de l’arbitrage. Le TF considère, à la lecture des motifs de la sentence, que les faits et moyens nouveaux invoqués par la requérante n’entraîneraient pas nécessairement une décision différente sur le fond du litige (consid. 3.2.2), et auraient pu et du être découverts et invoqués par la requérante pendant l’arbitrage (consid. 3.2.3). Demande rejetée.

Art. 190 LDIP al. 2 let. a

(A. AG [société suisse] c. B. [société turque]). Recours contre la sentence rendue le 13 mai 2019 par un tribunal arbitral ad hoc avec siège à Wollerau. Découverte par la recourante qu’une conversation téléphonique de quelques minutes avait eu lieu entre l’arbitre nommé par une partie et le conseil de cette partie, après confirmation de l’arbitre mais avant la nomination par les coarbitres d’un président et la constitution du tribunal arbitral. Les contacts unilatéraux entre une partie ou son représentant légal et un arbitre ne sont pas exclus dans tous les cas. Par exemple, il est d’usage et généralement permis de contacter un arbitre potentiel pour déterminer son aptitude et sa disponibilité ou pour discuter de la nomination d’un président du tribunal. En relation avec le cas de figure litigieux en l’espèce, les IBA Guidelines on Party Representation in International Arbitration de 2013 prévoient expressément, en leur chiffre 8, que : « (b) A Party Representative may communicate with a prospective or appointed Party-Nominated Arbitrator for the purpose of the selection of the Presiding Arbitrator ». La doctrine confirme également qu’il est largement admis que – sauf convention contraire – les deux coarbitres peuvent être en contact avec les parties qui les ont désignés en vue de choisir un président ; en revanche, les contacts unilatéraux ne sont généralement pas autorisés après la désignation du président. Enfin, le Canon III/B.2 du AAA Code of Ethics for Arbitrators in Commercial Disputes de 2004 confirme lui aussi que « [i]n an arbitration in which the two party-appointed arbitrators are expected to appoint the third arbitrator, each party-appointed arbitrator may consult with the party who appointed the arbitrator concerning the choice of the third arbitrator ». Il apparaît évident que le contact téléphonique entre le coarbitre Lazopoulos et la représentante de la demanderesse – qui, selon les explications fournies, concernait le droit applicable au fond, avait été convenu au préalable avec l’autre coarbitre et dont le président avait été informé par la suite – ait servi à choisir un président approprié, étant donné que la décision de nomination des deux coarbitres par le tribunal d’arrondissement de Höfe ne contenait aucune indication concernant l’élection de droit, et que cette question était de nature à influencer le choix du président. Ainsi, compte tenu des circonstances, il n’y a pas d’élément objectif qui puisse justifier des doutes quant à l’impartialité du coarbitre Lazopoulos (consid. 3.4). Recours rejeté.

Art. 190 LDIP al. 2 let. b

(A. A.S. [société de construction de droit turc] et B. [société de construction de droit iranien] c. C [société de droit iranien contrôlée par le ministère iranien des routes et du développement urbain] et D. [Banque d’Etat iranienne]). Recours contre la sentence rendue le 2 juillet 2019 par un tribunal arbitral avec siège à Genève. Cas d’un Accord Trilatéral (AT) entre une entreprise de construction étrangère d’une part, et une société et une banque contrôlées par l’Etat iranien d’autre part, portant sur la construction de 20’000 logements sociaux en Iran et contenant une convention d’arbitrage s’avérant être une copie presque identique de la clause de résolution des différends contenue dans le Traité bilatéral d’investissement entre la Turquie et la République islamique d’Iran de 1996. Absence de cohérence entre la convention d’arbitrage et le reste de l’AT (consid. 3.1). Sentence majoritaire concluant à l’incompétence du tribunal pour résoudre le litige entre les parties. Confirmation de la jurisprudence selon laquelle le Tribunal fédéral ne peut revoir les constatations de fait contenues dans la sentence, même dans le cadre d’un recours visant une décision sur compétence (consid. 3.2.3). Il découle de cette jurisprudence que, s’agissant de l’interprétation de la convention d’arbitrage, le Tribunal fédéral ne peut revoir que l’établissement de la volonté présumée des parties (interprétation dite objective ; question de droit) et non pas la constatation de leur volonté réelle (interprétation dite subjective ; question de fait). Ayant établi que les parties envisageaient deux types différents (et incompatibles) d’arbitrage pour résoudre les différends pouvant surgir de l’AT, la majorité du tribunal a conclu, sur le fondement d’une interprétation subjective de la clause d’arbitrage, à l’absence de volonté mutuelle et concordante des parties de recourir à l’arbitrage international. Le tribunal a correctement déduit de cette conclusion qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une interprétation objective de la convention d’arbitrage. En effet, la divergence des vues des parties quant au mode de résolution des différends à adopter étant clairement établie, il eût été impossible que l’une ou l’autre d’entre elles puisse croire, de bonne foi, qu’un accord avait été trouvé à ce sujet (consid. 3.2.5). Recours rejeté.

Art. 190 LDIP al. 2 let. b

(A. SA [Société de droit suisse sise à Genève, créateur d’un concept de bars d’aéroport] c. Z. Ltd [Société de droit anglais sise à Londres, exploitant d’échoppes de nourriture et boissons dans les lieux de transport]). Recours contre la sentence finale rendue le 23 novembre 2018 par un tribunal arbitral siégeant à Genève. En matière d’arbitrage, la qualité de partie à la convention d’arbitrage et la légitimation active ou passive, qualité qui relève du fondement matériel de l’action, peuvent se chevaucher, car, contrairement aux juges, les arbitres tirent leur compétence de la convention des parties, souvent incorporée, en tant que clause de résolution des différends, dans le contrat dont découle l’obligation litigieuse. Déterminer si l’on peut déduire d’un contrat l’existence d’une obligation stipulée pour autrui et s’il est possible de prendre des conclusions en faveur d’un tiers sur la base d’une telle stipulation est une question de fond. Les arbitres sont compétents pour en connaître, du moment que les parties à l’arbitrage sont les signataires du contrat en question et que celui-ci inclut une clause soumettant à l’arbitrage toute controverse concernant le contrat, respectivement toute réclamation relative au contrat ou à sa violation. De même, lorsqu’une clause d’arbitrage couvre les litiges relatifs aux dommages-intérêts consécutifs à une violation contractuelle, il importe peu que le créancier fasse valoir son propre dommage ou celui d’un tiers : dans l’un et l’autre cas, ses conclusions entrent dans le champ d’une telle clause compromissoire (consid. 3.2). Dans le cas d’espèce, telle que formulée, la clause d’arbitrage permettait bel et bien aux arbitres de connaître de la question du dommage subi par un tiers non partie au contrat de licence contenant cette clause (consid. 3.4.2). Recours rejeté.

Art. 190 LDIP al. 2 let. b

(A. S.L [société espagnole sise à B. c. République bolivarienne du Venezuela]). Recours contre la sentence rendue le 20 mai 2019 par un tribunal arbitral avec siège à Genève. Notion d’investissement selon l’art. I(2) du Traité bilatéral d’investissement (TBI) Espagne-Venezuela. Statuant sur sa compétence, le tribunal s’est penché sur les objections ratione personae et ratione materiae soulevées par l’intimée et est parvenu à la conclusion que la recourante n’avait pas effectué un investissement propre à fonder sa compétence en vertu du TBI. Conformément à sa jurisprudence, le TF interprète le sens des termes « investisseur » et « investissement » dans un TBI conformément aux règles de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 (consid. 3.4.1). Ayant déjà eu l’occasion de constater qu’il n’existe pas de définition abstraite, définitive et unanimement acceptée de la notion d’investissement dans les traités internationaux de protection des investissements, le TF interprète cette notion de bonne foi, à partir du texte du traité examiné, suivant le sens ordinaire des termes pertinents, considérés dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but du traité (consid. 3.4.2.2). Se fondant sur une interprétation littérale de l’article I(2) TBI, le tribunal arbitral en a déduit la nécessité d’un acte d’investissement actif de la part de l’investisseur. Quand bien même les actions de la société D. S.A. constituaient un investissement, et même si la recourante remplissait les critères pour être considérée un investisseur au sens du TBI, le tribunal a tenu pour décisif le fait que les actions avaient été transférées à la recourante par des sociétés sises dans des pays tiers, dans le cadre d’une restructuration dont le but était précisément de bénéficier de la protection du TBI. Sur cette base, il a nié à la recourante la protection du TBI, en se déclarant incompétent pour statuer sur le litige qui lui a été soumis. Il est admis que les Etats parties aux TBIs disposent – et font régulièrement usage – de possibilités diverses d’exclure une telle pratique, connue sous l’appellation de « treaty shopping ». De nombreux TBI comportent, par exemple, des clauses dites de « denial of benefits » ou « origin of capital » qui servent précisément à cette fin. Or, le TBI en question ne contient aucune clause de ce genre, alors qu’elles étaient déjà courantes à l’époque de sa conclusion et que les deux pays signataires en ont fait usage dans d’autres traités. Force est donc de constater que les Etats contractants avaient renoncé en connaissance de cause à inclure une telle disposition limitative dans le TBI. Ainsi, c’est à tort que le tribunal arbitral a retenu l’existence d’un investissement actif comme condition d’application de ce traité. En réalité, rien ne permet de dégager du texte du TBI la volonté des Etats contractants d’exclure l’investissement en question de son champ d’application. Demeure réservée l’hypothèse de l’abus de droit, que le tribunal arbitral devra encore examiner dans le cadre des objections de l’intimée qu’il avait pu se dispenser de déterminer en déclinant sa compétence sur la base de cette interprétation erronée (consid. 3.4.2.4-3.4.2.8). Recours partiellement admis, sentence annulée. Renvoi de la cause au tribunal arbitral pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Art. 190 LDIP al. 2 let. b

(A. [Société de droit sud-coréen spécialisée dans la production d’écrans pour automobiles] c. B. [société de droit allemand spécialisée dans les technologies automobiles.]). Recours contre la sentence partielle sur compétence et responsabilité rendue le 3 juin 2019 par un tribunal arbitral CCI avec siège à Zurich. Litige ayant surgi de l’attribution d’une commande d’écrans à transistors pour automobiles dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres. Alors que la demanderesse avait déjà commencé à livrer les écrans, les parties ne réussissaient pas à trouver un accord sur la teneur finale de certaines dispositions du « Contrat cadre » et des « Conditions d’achat » censés régir la commande. En revanche, les parties parvenaient à s’accorder sur et à signer le Quality Assurance Agreement (QAA) qui devait accompagner ces deux autres contrats. Chacun des documents contractuels discutés entre les parties envisageait la soumission d’éventuels litiges à un tribunal arbitral CCI avec siège à Zurich. Arbitrage initié par l’intimée sur le fondement de la clause d’arbitrage contenue dans le QAA, à la suite de la déclaration de la recourante qu’elle n’entendait pas livrer toutes les unités convenues. C’est à raison que le tribunal arbitral s’est considéré compétent pour décider du litige, malgré le fait que celui-ci ne portait pas sur les obligations spécifiques couvertes dans le QAA, car le langage de ce contrat et de la clause litigieuse, tout comme l’ensemble de la relation contractuelle entre les parties indiquent clairement qu’elles entendaient soumettre à l’arbitrage envisagé dans le QAA (tout comme, en des termes très similaires, dans les projets des autres accords que les parties n’avaient pas signés) l’ensemble des litiges (« contract disputes ») pouvant surgir en relation avec la commande d’écrans adjugée à la recourante (consid. 3.4). Recours rejeté.

Art. 190 LDIP al. 2 let. b

(A. [Joint-Venture de droit turc], B. SA, C. SA [actionnaires] c. D. [organisation indépendante régissant la construction d’un grand fleuve artificiel], Etat de Libye). Recours contre la sentence intitulée Partial Award rendue le 22 octobre 2018 par un tribunal CCI. Confirmation de la jurisprudence Westland (arrêt P 1675/1987 du 19 juillet 1988), selon laquelle le droit suisse reconnaît l’indépendance des entités détenues par l’Etat par rapport à ce dernier (consid. 4.5.1). Une convention d’arbitrage signée par une organisation étatique ne lie pas automatiquement l’Etat (non-signataire de la convention) ayant créé cette organisation. En l’espèce, les faits établis dans la sentence attaquée montrent que l’entité D. était indépendante de l’Etat libyen, n’exerçait pas la puissance publique, et avait conclu le contrat litigieux de manière autonome (consid. 4.3). La théorie du droit libyen selon laquelle la responsabilité contractuelle encourue par une entité étatique doit être endossée par l’Etat, à la supposer applicable, est sans pertinence en matière de compétence juridictionnelle (consid. 4.4.2). Les faits constatés par les arbitres ne permettent pas non plus de conclure à une extension de la convention d’arbitrage sur la base du droit suisse (consid. 4.5). Recours rejeté.

Art. 190 LDIP al. 2 let. b

(La République X. c. A. N.V [société de droit néerlandais, filiale de B. Ltd], B. Ltd. [société de droit chypriote], C. Ltd [société de droit chypriote], D. Sàrl [société de droit luxembourgeois]). Recours contre la sentence arbitrale partielle rendue le 20 décembre 2017 par un tribunal arbitral ad hoc constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) et au Règlement CNUDCI. Question de savoir si la « taxe solaire » litigieuse était une « mesure fiscale » au sens de l’art. 21 TCE, auquel cas les intimées ne pouvaient déduire aucun droit de ce traité ni se prévaloir de la clause d’arbitrage figurant en son art. 26. Interprétation du TCE conformément aux art. 31 ss de la Convention de Vienne sur le droit des traités (RS 0.111), qui codifient en substance le droit coutumier international. A la lumière de son analyse de la jurisprudence de la plus haute instance ordinaire du pays hôte de l’investissement, ayant dûment examiné les implications de la désignation formelle de la mesure en question, tout comme son essence, le contexte de son introduction et son but, le tribunal a constaté que la « taxe solaire » n’avait matériellement pas la nature d’un impôt, et n’était donc pas une mesure fiscale au sens de l’art. 21 TCE. Cette interprétation est conforme aux principes applicables en la matière et ne peut donc pas être remise en question (consid. 3). Question du changement stratégique de nationalité, accompli dans le but d’obtenir la protection d’un traité d’investissement qui, sans cette opération, ne trouverait pas application (« Treaty shopping »). Sur le vu des faits constatés dans la sentence, interprétés à la lumière des dispositions pertinentes du TCE et des traités bilatéraux de protection des investissements applicables, les intimées ont bel et bien effectué des investissements protégés par ces traités (consid. 4.1-4.7). Le correctif de l’abus de droit, qui trouve à s’appliquer en tant que principe général du droit international ou même en tant que règle de droit international coutumier, suppose des circonstances exceptionnelles. La situation factuelle présentée dans la sentence, notamment la chronologie des événements et la conduite des parties dans ce contexte, qui montrent que le litige n’était pas nécessairement prévisible, portent à conclure que de telles circonstances ne sont pas réunies en l’espèce (consid. 4.8). Recours rejeté (voir également les consid. 2.4.1-2.4.3 de cet arrêt, résumé ci-dessus, dans la section intitulée Recevabilité, en relation avec l’art. 99 al. 1 LTF).

(A [CEO et actionnaire majoritaire de B. AG], B. AG [société d’informatique suisse] c. C. [société américaine]). Recours contre l’arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois du 30 octobre 2018. Argument selon lequel l’inobservation par les arbitres de clauses contractuelles claires et pertinentes pour l’issue du litige devrait conduire au refus de reconnaître la sentence en application de l’art. V ch. 2 let. b CNY. La doctrine et la jurisprudence des tribunaux du siège arbitral n’accréditent pas forcément cette thèse. En l’espèce, la carence de motivation de la sentence quant aux effets d’une clause limitative de responsabilité ne fait pas obstacle, au regard de l’ordre public, à l’exequatur de cette décision (consid. 6). Recours rejeté.

Art. 190 LDIP al. 2 let. c

(A. Ltd [société israélienne] c. B. A.S [société de droit turc] et C. A.S. [société de droit turc]). Recours contre la sentence rendue le 6 mai 2019 par un tribunal arbitral CCI avec siège à Zurich. Une sentence arbitrale statue ultra ou extra petita si elle alloue davantage ou autre chose que ce qui a été demandé. En l’espèce, le tribunal arbitral a statué extra petita en allouant des dommages-intérêts alors que la demanderesse n’avait demandé qu’une décision déclaratoire constatant que les défenderesses avaient manqué à leurs obligations en vertu de l’accord litigieux, mais non une fixation du dédommagement dû en conséquence de ces violations (consid. 4.2). De même, les défenderesses soutiennent à juste titre que la demanderesse n’avait pas demandé la compensation de sa créance avec les demandes reconventionnelles éventuellement admises par le tribunal, alors que la sentence procède bel et bien à une telle compensation (consid. 6.2.2). Recours partiellement admis. Annulation de certains dispositifs de la sentence et renvoi au tribunal pour qu’il rende une nouvelle décision sur les chefs de demande correspondants (voir également le consid. 5 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP).

Art. 99 LTF al. 1

(La République X. c. A. N.V [société de droit néerlandais, filiale de B. Ltd], B. Ltd. [société de droit chypriote], C. Ltd [société de droit chypriote], D. Sàrl [société de droit luxembourgeois]). Recours contre la sentence arbitrale partielle rendue le 20 décembre 2017 par un tribunal arbitral ad hoc constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) et au Règlement CNUDCI. L’art. 99 al. 1 LTF proscrit en principe la présentation de faits nouveaux et preuves nouvelles devant le TF. A contrario, cette disposition n’interdit pas les moyens de droit nouveaux. Aussi la production d’un avis de droit, d’extraits doctrinaux ou de jurisprudence, pour autant qu’elle soit effectuée en temps utile (soit dans le délai de recours), échappe-t-elle en principe à l’interdiction des nova, en tant que ces éléments visent à supporter l’argumentation juridique du recourant. Cela étant dit, une expertise sur le droit étranger, des extraits de doctrine ou encore des décisions d’autorités judiciaires étrangères peuvent avoir, partiellement au moins, le caractère d’un moyen de preuve, dans la mesure où les parties doivent contribuer à faire constater le droit étranger. Il arrive également qu’une partie produise un jugement ayant un lien avec la cause pour étayer des faits. Enfin, la production de jugements postérieurs à la décision entreprise heurte le postulat sous-jacent à l’art. 99 LTF, à savoir que le TF contrôle l’application du droit sur la base de la situation prévalant au moment du jugement attaqué (consid. 2.4.1). Par ailleurs, le TF a déjà eu l’occasion de relever, dans des recours contre des sentences arbitrales dans le domaine de la protection internationale des investissements, que les solutions dégagées dans d’autres affaires arbitrales ne lient pas un tribunal arbitral, de sorte qu’on ne saurait voir dans la jurisprudence arbitrale une source à proprement parler du droit de l’arbitrage. En application de ces principes, la sentence étrangère produite par les intimées à l’appui de leur duplique est irrecevable (consid. 2.4.3) (voir également le consid. 4 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP).

Art. 190 LDIP al. 2 let. e

(Fédération de Russie c. B. [société ukrainienne]). Recours contre la sentence rendue le 12 avril 2019 par un tribunal arbitral siégeant à Genève. Note : ce recours contre la sentence finale faisait suite au recours contre la sentence sur compétence du 26 juin 2017, rejeté par le TF dans son arrêt ATF 144 III 559 du 16 octobre 2018. Dans cet arrêt précédent, le Tribunal fédéral avait entériné la décision du tribunal arbitral, qui, fondant sa juridiction sur le Traité d’investissement de 1998 entre l’Ukraine et la Russie (ISA 1998), l’avait déclaré applicable à un investissement effectué en Ukraine (sur la péninsule de Crimée), mais se trouvant désormais (à la suite de l’annexion de la Crimée en 2014) sur un territoire placé sous le contrôle et la juridiction de facto de la Fédération de Russie. Les allégations de la recourante selon lesquelles l’investissement aurait été entaché de fraude et corruption sont irrecevables car elles se fondent sur des documents nouveaux et des faits non constatés dans la sentence (consid. 3.5). La recourante reproche au tribunal de s’être prononcé sur la question – qui selon elle est non arbitrable et non sujette à la libre disposition des parties au litige – du statut et de la portée de l’ISA 1998 entre l’Ukraine et la Russie en ce qui concerne le territoire de la Crimée. De ce fait, selon la recourante, la sentence doit être déclarée nulle ou alors doit être annulée pour violation de l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. En réalité, le tribunal s’est uniquement prononcé sur la demande de l’intimée, qui visait à obtenir un dédommagement pour l’expropriation de ses investissements effectuée par la recourante en violation de l’ISA 1998. Une telle demande constitue une cause de nature patrimoniale au sens de l’art. 177 LDIP et était donc tout à fait arbitrable. A y regarder de plus près, dans la mesure où il critique la constatation du tribunal que le litige relevait du champ d’application matériel, temporel et territorial de l’ISA 1998, le recours vise à nouveau la décision arbitrale sur compétence, qui a déjà été confirmée par le TF et ne peut donc être remise en question (consid. 4.1). Recours rejeté.

Art. 190 LDIP al. 2 let. e

(Fédération de Russie c. A., B., C., D., E., F., G., H., I., J., K.. [sociétés ukrainiennes]). Recours contre la sentence rendue le 12 avril 2019 par un tribunal arbitral siégeant à Genève. Voir le résumé de l’arrêt du TF 4A_244/2019 ci-dessus, dont le texte est identique (à l’exception des détails concernant les parties intimées) à celui du présent arrêt.

Art. 190 LDIP al. 2 let. e

(A. Ltd [société israélienne] c. B. A.S [société de droit turc] et C. A.S. [société de droit turc]). Recours contre la sentence rendue le 6 mai 2019 par un tribunal arbitral CCI avec siège à Zurich. Selon une jurisprudence bien établie, le fait que l’art. 163 CO relève de l’ordre public suisse ne signifie pas encore que sa violation contreviendrait à l’ordre public de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. L’argument de la demanderesse selon lequel le tribunal arbitral aurait violé l’art. 163 al. 2 CO du fait qu’il a alloué des pénalités conventionnelles pour la non-exécution d’une obligation devenue impossible se heurte au fait que cette disposition prévoit précisément la possibilité pour les parties de conclure une « convention contraire » par rapport à la règle voulant que les pénalités sont en principe inexigibles dans une telle circonstance (consid. 5 ; voir également les consid. 4.2 et 6.2.2 de cet arrêt, résumés ci-dessus en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP).

Art. 42 LTF al. 1 , Art. 6 LTF

(A. c. B. Group). Recours contre la sentence rendue le 28 janvier 2020 par un arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. En vertu de l’art. 42 al. 6 LTF, si le mémoire de recours n’est pas rédigé dans une langue officielle (art. 70 al. 1 Cst.), le TF peut le renvoyer à son auteur en lui impartissant un délai approprié pour remédier à l’irrégularité. En dépit de la formulation potestative de cette disposition, le TF n’est, en principe, pas libre de déclarer d’emblée irrecevable un mémoire déposé dans une autre langue qu’une langue officielle ; il doit bien plutôt fixer un délai permettant à la partie concernée de traduire cette écriture, afin d’éviter tout formalisme excessif. Cependant, cette règle souffre des exceptions, en particulier en présence d’un abus de droit. En l’espèce, le recourant lui-même admet qu’il a délibérément déposé le mémoire en une langue autre qu’une langue officielle (c’est-à-dire, un acte juridique vicié), dans le seul but de sauvegarder le délai de recours (lequel n’est pas prolongeable (art. 47 al. 1 LTF)). Un tel comportement est constitutif d’un abus de droit, qu’il ne se justifie pas de protéger. Recours manifestement irrecevable (à double titre, car l’acte était également démuni de signature manuscrite ; consid. 4).

Art. 100 LTF al. 1

(A. [société de droit azerbaïdjanais] c. B [société de droit chinois]). Recours contre la sentence rendue le 17 octobre 2018 par un arbitre unique CCI. Dans l’arbitrage CCI, l’acte qui doit être regardé comme « la notification de l’expédition complète » au sens de l’art. 100 al. 1 LTF est la notification aux parties de l’original signé de la sentence (ATF 4A_40/2018, consid. 2.2). Selon la jurisprudence constante du TF, le principe de la bonne foi procédurale, tel qu’il dérive de l’art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale, s’applique également dans les arbitrages internationaux sis en Suisse (consid. 1.3). En vertu de ce principe, la recourante se devait de vérifier promptement l’expédition de l’original de la sentence que la CCI lui a notifiée par courrier. Elle aurait alors pu signaler que la sentence reçue par ce moyen (contrairement à la copie électronique qu’elle avait reçue par courriel le jour précédent) était incomplète. Au vu de la tardiveté de sa demande d’une nouvelle expédition (plusieurs mois après la réception de l’expédition de l’original incomplet) elle est forclose à se prévaloir de l’argument que la nouvelle expédition de l’original signé (cette fois complète) effectuée par la CCI a fait courir un nouveau délai de recours (consid. 1.4). Recours irrecevable.

Art. 393 CPC let. e

(A. Schweiz AG [société de publicité suisse] c. B. Europe AG [société de commercialisation et distribution de machines-outils ayant son siège social à V.]). Recours contre la sentence rendue le 27 mars 2019 par un tribunal arbitral siégeant à Zurich. Une partie de la doctrine s’interroge sur la question de savoir si la « violation manifeste du droit » visée à l’art. 393 let. e CPC in fine concerne aussi le droit étranger ou seulement le droit (matériel et international privé) suisse (consid. 2.1). Question laissée ouverte (consid. 2.5). Recours rejeté.

[Avocat à Sion] c. A, B, C [avocats et notaires à Sion et E. [arbitre unique]). Recours contre les prononcés de la Chambre des affaires arbitrales du Tribunal cantonal du canton du Valais du 14 décembre 2018 et du 5 juillet 2019. L’arbitrage à l’origine du recours était pendant lorsque le Code de procédure civile unifié (CPC) est entré en vigueur en 2011. Dès lors, les dispositions du Concordat sur l’arbitrage de 1969 (CA) s’appliquent à cette procédure, à l’exception des voies de recours ouvertes contre la sentence finale, rendue en 2014, qui sont celles prévues par le CPC (consid. 1). Le CA ne prévoyait pas la possibilité de demander la révision d’une sentence en cas de découverte d’un motif de récusation après la clôture de l’arbitrage. Il en va de même du CPC. Quant à elle, la LTF prévoit en son art. 38 al. 4 que si un motif de récusation à l’encontre d’un juge ou greffier du TF est découvert après la clôture de la procédure, les dispositions sur la révision s’appliquent. L’art. 121 let. a LTF régit la révision dans les cas où les dispositions concernant la composition du tribunal ou la récusation n’ont pas été observées. Dans l’ATF 142 III 521, consid. 2, le TF a envisagé que le régime des art. 38 al. 4 et 121 let. a LTF, prévu pour ses propres juges et greffiers, soit applicable par analogie aux membres d’un tribunal arbitral, nonobstant l’absence de dispositions correspondantes dans le CPC. Il avait déterminé que la question pouvait rester indécise au motif que la législation topique était en cours de révision et allait être complétée, et que dans le cas d’espèce, de toute manière, il n’y avait pas lieu à révision de la sentence attaquée. Question laissée derechef indécise dans le présent arrêt, par identité de motifs (même si l’art. 121 let. a LTF devait s’appliquer par analogie, l’arbitre unique n’était pas récusable au regard des dispositions pertinentes du CA ; consid. 3-5). Recours rejetés.

(A. [avocat] c. B. [avocat]). Demande de révision de l’arrêt rendu par le TF le 27 mars 2019 dans la cause TF 4A_539/2018 (résumé dans le chapitre « Arbitrage » de l’édition 2018-2019 de cet ouvrage). Le requérant se réfère à un passage dans le considérant 7 de l’arrêt précité (retenant que « [d]ans ce litige… emprunt d’un puissant esprit d’animosité et de polémique, le tribunal arbitral pouvait voir dans l’exception [de compensation soulevée par le recourant] une simple récrimination supplémentaire plutôt qu’un moyen de défense sérieux… »), et à un courrier reçu du greffier du Tribunal fédéral, pour reprocher à la Haute Cour d’avoir violé la garantie d’un tribunal indépendant et impartial. Contrairement à ce qu’il soutient, ni le passage incriminé, ni le courrier (envoyé par le greffier sur ordre de la Présidente de la Ire Cour de droit civil) ne démontrent une apparence de partialité (consid. 4.3). Demande rejetée.

(A. [Tommy Wiking] c. International Federation of American Football [IFAF], USA Football, Football Canada, Japanese American Football Association, Panamian Federation of American Football et B. [Richard MacLean]) ; recours contre la sentence rendue le 1er mars 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant reproche à la Formation arbitrale d’avoir statué au-delà des demandes dont elle était saisie. Le Tribunal fédéral rappelle que le principe « ne eat iudex ultra petita partium » n’est pas violé lorsqu’un tribunal arbitral donne aux demandes des parties d’autres qualifications juridiques que celles qu’elles lui ont présentées, ou s’écarte des conclusions des parties, pour autant qu’il n’accorde pas davantage que ce qui a été sollicité (consid. 3.2-3.3). Recours rejeté.

(Club A. [club de football professionnel] c. B. [entraineur]) ; recours contre la décision rendue le 20 mars 2018 par le TAS ; le recourant reproche au TAS de ne pas lui avoir donné la faculté de s’exprimer – ce qui lui aurait permis de demander une restitution du délai – avant de rendre sa décision de non-entrée en matière sur l’appel pour cause de dépôt tardif de l’original de la déclaration d’appel. Le recourant ne prétend pas avoir été privé de la faculté d’invoquer des faits pertinents pour la question du respect du délai (ou la demande de restitution). Tout au plus s’essaie-t-il à démontrer que l’appel était recevable et qu’il était possible selon la doctrine de demander une restitution du délai – tout en s’abstenant de préciser que la doctrine subordonne ce remède (déduit du principe de la bonne foi) à la preuve d’un empêchement non fautif. Selon la jurisprudence pertinente, le tribunal arbitral n’a pas, en principe et sous réserve d’exceptions non réalisées en l’espèce, à inviter les parties à s’exprimer sur l’appréciation juridique des faits ou à les aviser du caractère décisif d’un élément de fait sur lequel il s’apprête à fonder sa décision (consid. 4.2-4.3). Recours rejeté.

(José Paolo Guerrero c. Fédération Internationale de Football Association [FIFA] et Agence Mondiale Antidopage [AMA]) ; recours contre la sentence rendue le 30 juillet 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant reproche à la Formation arbitrale d’avoir violé, à plusieurs égards, son droit d’être entendu. Tout d’abord, l’athlète considère que la Formation aurait omis de prendre en considération (i) des éléments importants qu’il aurait soulevés en relation avec les hypothèses susceptibles d’expliquer une éventuelle contamination de son échantillon et (ii) une pièce produite par l’une des intimées. Le recourant fait également valoir que l’argument juridique selon lequel la Formation était liée par le Règlement antidopage de la FIFA et que le principe de proportionnalité ne lui permettait pas de prononcer une suspension inférieure au seuil minimal réglementaire était imprévisible pour les parties. Quant aux prétendues omissions de la Formation arbitrale, le Tribunal fédéral constate, à la lecture de la sentence attaquée, que les arbitres ont bien pris en compte les hypothèses de contamination avancées par le recourant et les ont écartées (consid. 4.2.1). De même, il ressort du dossier que la pièce prétendument ignorée avait été prise en considération, fût-ce implicitement, par la Formation. Au demeurant, le recourant ne démontre pas en quoi ladite pièce était susceptible d’influer sur le sort du litige (consid. 4.2.2). Quant à l’argument de l’effet de surprise, le Tribunal fédéral écarte le grief du recourant au motif que la question de savoir si le prononcé d’une sanction inférieure à la durée minimale prévue par le Règlement, en vertu du principe de proportionnalité, était possible en l’espèce constituait précisément l’un des éléments centraux du litige (consid. 4.2.3). Recours rejeté.

(Comité International Olympique [CIO] c. X. [Alexander Legkov]) ; recours contre la sentence rendue le 23 avril 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant reproche à la Formation arbitrale d’avoir manqué à son devoir minimum d’examiner les problèmes pertinents et d’avoir fondé sa sentence sur des motifs imprévisibles. Le Tribunal fédéral relève, en particulier, que le fait de savoir si l’on peut inférer ou non la responsabilité individuelle d’un athlète à partir de la constatation de l’existence d’un « système de dopage institutionnalisé » et à grande échelle appliqué à une compétition à laquelle ce sportif a pris part sous le drapeau du pays organisateur est un point de droit qui échappe à la connaissance des juges fédéraux lorsqu’ils statuent sur un recours en matière d’arbitrage international. Cela étant, le recourant ne démontre nullement que la Formation aurait violé, par inadvertance ou malentendu, son droit à ce que ses allégués, arguments, preuves et offres de preuve importants pour la sentence à rendre fussent dûment pris en considération. Le Tribunal fédéral écarte également l’argument de l’effet de surprise invoqué par le recourant, non sans avoir rappelé que, conformément à sa jurisprudence, celui-ci n’est que très rarement admis (consid. 3.2.2). Recours rejeté.

(A. [Sara Errani] c. ITF et B [Nado Italia])

Recours contre la sentence rendue le 8 juin 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; la recourante, une joueuse de tennis professionnelle, reproche à la Formation arbitrale d’avoir violé son droit d’être entendue concernant la détermination du point de départ de la période de suspension prononcée à son encontre à la suite d’un contrôle antidopage positif. En particulier, la recourante fait valoir que la Formation aurait pris en compte des faits postérieurs à l’audience, sans que les parties aient eu la possibilité de s’exprimer à cet égard. Le Tribunal fédéral rappelle que, quand bien même le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle à caractère formel, il n’est pas « une fin en soi » (consid. 5.2.2). Partant, pour pouvoir prétendre à l’annulation de la décision attaquée, le recourant doit démontrer, en plus de la violation alléguée, que les éléments de fait, de preuve ou de droit prétendument ignorés par les arbitres « étaient de nature à influer sur le sort du litige » (consid. 5.2). En l’espèce, le Tribunal fédéral reconnait que la Formation arbitrale a violé le droit d’être entendue de l’athlète, en appréciant ses intérêts et en tenant compte des résultats qu’elle avait obtenus entre le moment de l’audience et le prononcé de la sentence (soit dans un intervalle de plus de 7 mois), sans qu’elle ait pu se déterminer sur ce point (consid. 5.7). Toutefois, le Tribunal fédéral considère qu’il n’est pas démontré que cette violation était de nature à influer sur le sort du litige, en particulier compte tenu du fait que les règles applicables laissent à l’entière discrétion des arbitres la possibilité de faire débuter la période de suspension à une date antérieure à celle de la sentence (consid. 5.8). Recours rejeté.

(X. [société spécialisée dans le consulting sportif] c. Confederación Sudamericana de Fútbol [CONMEBOL])

Recours contre la sentence rendue le 13 juin 2018 par le TAS (procédure arbitrale ordinaire) ; la recourante dénonce la violation de son droit d’être entendue et fait grief au TAS d’avoir totalement passé sous silence des faits pertinents pour l’application de la théorie de l’imprévision (clausula rebus sic stantibus). Le Tribunal fédéral relève qu’il ressort de la sentence attaquée que la Formation arbitrale a pris en compte les faits invoqués par la recourante et a admis, à tout le moins de manière implicite, que les événements en question ne présentaient pas un caractère imprévisible au moment de la signature du contrat par les parties. Sous le couvert d’une prétendue violation de son droit d’être entendue, la recourante critique en réalité l’appréciation des faits juridiquement pertinents par la Formation arbitrale, cherchant à provoquer par ce biais un examen de l’application du droit de fond, ce qui n’est pas admissible dans un recours en matière d’arbitrage international (consid. 4.6). Recours rejeté.

(Jérôme Valcke c. Fédération Internationale de Football Association [FIFA]) (destiné à la publication) ; recours contre la sentence rendue le 27 juillet 2018 par le TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant fait valoir la violation de son droit d’être entendu en relation avec le fait que la Formation arbitrale ne s’est pas prononcée sur le caractère interne ou international de l’arbitrage, estimant que la question était essentiellement dénuée de pertinence. Le Tribunal fédéral confirme que la question de savoir si l’arbitrage était régi par les dispositions de la troisième partie du CPC ou celles du chapitre 12 de la LDIP était dénuée d’importance pour la procédure devant le tribunal arbitral. Le droit d’être entendu ne peut pas être invoqué pour une question qui n’est pas pertinente aux fins de trancher le litige. De plus, un tribunal arbitral, contrairement à une autorité cantonale, n’est pas tenu d’indiquer les voies de recours contre la sentence et, dans tous les cas, le Tribunal fédéral examine sa compétence d’office, sans être lié par les indications de l’autorité inférieure à cet égard (consid. 2.2). Recours rejeté.

(A. [footballeur professionnel brésilien] c. B. [agent de joueurs] et Fédération Internationale de Football Association [FIFA])

Recours contre le Termination Order prononcé le 10 septembre 2018 par le Président suppléant de la Chambre d’appel du TAS (procédure arbitrale d’appel) ; le recourant fait valoir la violation de son droit d’être entendu en relation avec sa lettre au TAS par laquelle il demandait la continuation de la procédure arbitrale nonobstant le non-respect des exigences formelles prévues à l’art. R31.3 du Code d’arbitrage du TAS. Le Tribunal fédéral relève qu’avant de rendre l’ordonnance de clôture, le Président suppléant avait donné au recourant l’occasion de s’exprimer et que, par ailleurs, le Termination Order fait expressément référence à sa lettre. Par conséquent, bien que le Tribunal fédéral considère la décision attaquée « pour le moins laconique » (consid. 4.5.1), il convient de retenir que le Président suppléant a écarté du moins implicitement les arguments avancés par le recourant, de sorte que son droit d’être entendu a été respecté. En tout état de cause, une violation du droit d’être entendu est exclue, car les considérations tout à fait générales formulées par le recourant n’étaient pas susceptibles d’influencer l’issue du litige (consid. 4.5.2). Recours rejeté.

(Mokgadi Caster Semenya c. International Association of Athletics Federation [IAAF] et Athletics South Africa [fédération sudafricaine d’athlétisme, membre de l’IAAF]) ; ordonnance sur mesures provisionnelles et demande d’effet suspensif dans le cadre du recours contre la sentence rendue le 30 avril 2019 par le TAS (procédure d’arbitrage ordinaire) ; simultanément au dépôt du recours contre la sentence du TAS, la recourante a demandé l’effet suspensif et requis des mesures superprovisionnelles urgentes. Statuant à titre superprovisionnel (ordonnance du 31 mai 2019), le Tribunal fédéral avait accepté la demande de la recourante et ordonné à l’IAAF de suspendre immédiatement l’application du règlement litigieux (à savoir le « Règlement régissant la qualification dans la catégorie féminine – pour les athlètes présentant des différences du développement sexuel », abrégé dans l’arrêt « Règlement DDS ») à son égard. Statuant présentement à titre provisionnel, le Tribunal fédéral rappelle qu’en principe le recours en matière civile n’est pas assorti d’effet suspensif (art. 103 al. 1 LTF). Le juge instructeur peut toutefois, d’office ou sur requête d’une partie, statuer différemment sur l’effet suspensif (art. 103 al. 3 LTF) ou ordonner d’autres mesures provisionnelles (art. 104 LTF). Ce faisant, le juge doit effectuer une pesée des intérêts et se demander, en particulier, si la décision attaquée est de nature à entraîner un préjudice irréparable pour la partie recourante, mais aussi prendre en considération, dans la mesure du possible à ce stade, les chances de succès du recours. Le Tribunal fédéral rappelle que, selon sa pratique « stricte », l’effet suspensif, de même que toute autre mesure provisionnelle, ne peut être accordé que si, prima facie, « le recours apparaît très vraisemblablement fondé » (consid. 1). L’athlète fait valoir, dans son mémoire de recours, que la sentence du TAS est contraire à l’ordre public matériel à un double titre. Premièrement, la recourante dénonce le fait que la sentence attaquée constitue une violation de l’interdiction de discrimination. Deuxièmement, elle se plaint de la violation injustifiée de ses droits de la personnalité et de sa dignité humaine (notamment en s’appuyant sur la CEDH). Sur le premier des deux arguments, le Tribunal fédéral relève qu’« il est douteux » que l’interdiction de discrimination entre dans le champ d’application de la notion d’ordre public (matériel) au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. Même à vouloir l’admettre, le grief n’apparait pas « très vraisemblablement fondé », compte tenu de l’examen approfondi effectué dans la sentence par la Formation arbitrale, qui avait jugé que le règlement litigieux crée certes une « différenciation fondée sur le sexe légal et les caractéristiques biologiques innées », mais que cette mesure était néanmoins justifiée, à savoir nécessaire, raisonnable et proportionnée (consid. 3.1). Quant au deuxième argument de la recourante, le Tribunal fédéral rappelle qu’il a déjà jugé que la CEDH ne s’applique pas directement à l’arbitrage (TF 4A_178/2014). De plus, l’argumentation de la recourante n’emporte pas la conviction du Tribunal fédéral quant au caractère « très vraisemblablement fondé » de la violation alléguée (consid. 3.2). De même, aux yeux du Tribunal fédéral, il n’apparaît pas de façon évidente que la situation de la recourante soit comparable à celle du footballeur brésilien Matuzalem (ATF 138 III 322) (consid. 3.2 in fine). Requête rejetée.

(X. SA [entreprise de construction] c. A., B. [architectes] et M. Sàrl [bureau d’architectes]). Recours contre la sentence rendue par un tribunal arbitral avec siège à Genève le 20 octobre 2017. La recourante invoque une application arbitraire de l’art. 1.12.1 du Règlement SIA 102 (édition 2003). Ce faisant, elle n’invoque pas à strictement parler une violation manifeste du droit, comme l’exige l’art. 393 let. e CPC. On comprend néanmoins qu’elle se plaint d’une interprétation insoutenable de la disposition en question, ce qui revient à une critique relevant du droit si on admet que les arbitres ont recherché le sens de cette clause selon le principe de la confiance. Quoi qu’il en soit, la question de savoir si cela est suffisant pour admettre la recevabilité du moyen peut rester ouverte, car l’interprétation donnée par le tribunal arbitral est en ligne avec celle d’une partie de la doctrine, et ne peut donc pas être taxée d’arbitraire (consid. 5.4). Etant parvenu à deux conclusions contradictoires quant à la question de savoir si les architectes intimés avaient effectivement satisfait à leur devoir de préparer des études de détails complètes, le tribunal arbitral a retenu l’une de ces deux conclusions sans nullement expliquer les motifs de ce choix, et sur cette base, il a refusé d’allouer le montant dont la recourante réclamait la restitution en lien avec ces études. Ce faisant, le tribunal arbitral a procédé à des constatations manifestement contraires au dossier et violé le droit d’être entendue de la recourante. Le recours doit donc être admis sur ce point (consid. 6). Recours partiellement admis.

(FIFA c. A. AG [Société avec siège à U. offrant des services de promotion, consultation, commercialisation et évaluation d’événements sportifs en Suisse et à l’étranger]). Recours contre la sentence rendue le 2 mai 2018 par un tribunal arbitral avec siège à Zurich. La recourante reproche aux arbitres d’avoir, dans leur sentence, violé son droit d’être entendue (art. 393 lit. d CPC) à 19 reprises (consid. 5) et d’avoir versé dans l’arbitraire (art. 393 lit. e CPC) en effectuant 26 constatations manifestement contraires aux faits résultant du dossier (consid. 3), en statuant en violation manifeste du droit à 13 occasions (consid. 4), et en répartissant les frais de l’arbitrage de façon grossièrement contraire au principe qui veut que les frais soient alloués en fonction du succès relatif des parties (consid. 6). Tous les (59) griefs soulevés par la recourante sont irrecevables, soit faute de motivation suffisante, soit parce qu’ils se rapportent à l’appréciation des faits juridiquement pertinents, appréciation qui échappe à l’examen du Tribunal fédéral dans le cadre d’un recours en annulation, soit, en ce qui concerne la répartition des frais, parce qu’il s’agit d’une question relevant du droit de procédure et non du droit matériel, seul visé (sous réserve de l’ordre public procédural) par l’interdiction de l’arbitraire à l’art. 393 let. e CPC. Recours irrecevable.

(X. Sàrl c. Z. SA). Recours contre la sentence arbitrale finale rendue le 18 mars 2019 par un arbitre unique siégeant à Genève. L’arbitre unique a imputé les frais de la procédure arbitrale et les dépens de chaque partie à raison de deux tiers à la charge de la demanderesse et d’un tiers à celle de la défenderesse. Parmi d’autres critères, l’arbitre a pris en considération le « comportement des parties », constatant en particulier que la demanderesse avait considérablement augmenté son travail par la manière dont elle avait plaidé l’affaire, dans la mesure où elle n’avait pas pris position sur certains arguments et développements juridiques avancés par la défenderesse, ou ne l’avait fait que de manière incomplète. La demanderesse (recourante devant le Tribunal fédéral) conteste cette répartition des frais et dépens et soutient que l’arbitre aurait dû lui donner l’occasion de prendre position sur son propre comportement procédural et sur l’incidence de ce comportement dans ladite répartition. La jurisprudence invoquée par la recourante n’est pas pertinente en l’espèce, car elle concerne le devoir d’un tribunal arbitral d’interpeller les parties sur la répartition des frais et dépens lorsque l’une d’elles renonce à l’arbitrage sur la base de l’art. 378 al. 2 CPC. Dans une procédure arbitrale ayant abouti à une sentence finale, comme c’est le cas ici, la répartition des frais et dépens n’est qu’un point accessoire de cette sentence ; on ne saurait raisonnablement exiger du tribunal arbitral qu’il reporte son prononcé et recueille préalablement les prises de position des parties sur un projet de répartition motivé. Le moyen tiré de l’art. 393 let. d CPC est donc dénué de fondement. Recours rejeté.

(X. [avocat à Genève] c. Z. [avocat à Genève])

Recours contre la sentence rendue le 30 août 2018 par un arbitre unique siégeant à Genève. Arbitrage fondé sur une clause compromissoire dans un contrat d’association entre deux avocats. Recourant faisant grief à l’arbitre d’avoir totalement omis d’examiner l’exception de compensation soulevée par lui dans l’arbitrage (art. 393 let. d CPC). La créance compensante invoquée est une prétention en dommages-intérêts, réclamée sur la base d’une prétendue violation de l’obligation de loyauté par l’ancien associé du recourant. A teneur de l’art. 42 al. 1 CO, il incombait au recourant d’alléguer, dans l’arbitrage, un dommage d’un montant déterminé, ou de mettre en avant tout élément propre à permettre l’estimation réservée par l’art. 42 al. 2 CO, ce qu’il s’est abstenu de faire. Le recourant n’a pas non plus fait allusion à un éventuel préjudice moral, ni cherché à démontrer une atteinte à sa personnalité susceptible de justifier une réparation en argent sur le fondement de l’art. 49 CO. L’exception de compensation n’était donc pas motivée, sinon par la seule allégation d’un acte illicite. Cela n’est de toute évidence pas suffisant. Aussi, dans ce litige empreint d’un fort esprit d’animosité, l’arbitre unique pouvait voir dans l’exception ainsi soulevée une simple récrimination supplémentaire plutôt qu’un moyen de défense sérieux et apte à influencer l’issue de la cause. Dans ces circonstances, l’arbitre pouvait se dispenser de mentionner et discuter l’exception, sans violer, par-là, le droit du défendeur d’être entendu en procédure contradictoire (consid. 7). Recours rejeté.

(X. Inc. [société sise aux Iles Vierges Britanniques] c. Z. Ltd. [société sise à Hong Kong]). Recours contre la sentence rendue le 23 novembre 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI.

Le Tribunal arbitral constate dans sa sentence qu’un séquestre a été régulièrement validé par une action en reconnaissance de dette. Le Tribunal fédéral et la doctrine reconnaissent la possibilité pour l’action en validation de séquestre d’être soumise à un tribunal arbitral. Qu’un tribunal arbitral soit compétent pour statuer sur l’existence de la créance formant l’objet de l’action en validation de séquestre et condamner le débiteur à s’exécuter n’implique pas nécessairement qu’il puisse aussi se prononcer sur une conclusion en mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer prise par le créancier demandeur. C’est le contraire qui est vrai. Le prononcé de mainlevée est un incident de pur droit des poursuites qui ressortit exclusivement à une autorité étatique et échappe, partant, à la compétence d’un tribunal arbitral, faute d’arbitrabilité. L’exception d’incompétence du tribunal arbitral doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond, sous peine de forclusion (art. 186 al. 2 LDIP). La question de savoir si l’exception d’inarbitrabillité obéit à la même règle est controversée. En l’espèce, elle peut être laissée ouverte car l’action en reconnaissance de dette est arbitrable (consid. 3.2.2.1), et le chef du dispositif de la sentence où le Tribunal constate, sans en avoir la compétence, que le séquestre a été « valablement validé » est à la fois superflu et sans portée propre. Dès lors, la recourante ne peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection pour conclure à l’annulation de la sentence sur cette base (consid. 3.2.2.2). Recours rejeté.

(A.[avocat] c. Stiftung B. [Fondation indépendante à but non lucratif de droit allemand]). Recours contre la sentence incidente rendue le 5 octobre 2017 par un Tribunal arbitral ad hoc.

Clause d’arbitrage contenue dans un contrat de mandat conclu entre A. et le feu Dr C., dont la fondation B. était seule héritière, au sujet de la Corporation X. Refus de A. de transférer à B. le certificat d’actions de X. qu’il détenait pour le compte du Dr C. Ce faisant, A. alléguait exercer un droit de rétention découlant de créances dont il était titulaire, en rapport avec le mandat et d’autres accords. Argument de A. selon lequel le Tribunal arbitral n’était pas compétent pour décider de toutes les prétentions à l’origine du droit de rétention. Si l’interprétation de la convention d’arbitrage ne permet pas d’établir l’intention commune des parties, elle doit être interprétée à la lumière du principe de confiance. En l’espèce, malgré le choix d’une formulation peu expansive pour décrire la portée de la clause d’arbitrage (visant les différends « découlant du présent contrat »), rien n’indique que les parties souhaitaient restreindre la compétence du Tribunal arbitral dans leur convention. La clause d’arbitrage contenue dans un contrat s’applique en principe également aux différends relatifs à la formation et à la résiliation de ce contrat, ainsi qu’aux droits accessoires par rapport aux obligations principales résultant du contrat. Le Tribunal arbitral a donc eu raison de se déclarer compétent pour toutes les prétentions du recourant en lien avec le mandat et sa résiliation, y compris les éventuelles créances présentant un tel lien et couvertes par le droit de rétention invoqué par lui (consid. 3.2-3.5). Recours rejeté.

(A. [veuve du défunt chef d’orchestre C.] c. B. GmbH [label de disques, filiale fille du groupe D.]). Recours contre la sentence du 5 octobre 2017 rendue par un Tribunal arbitral ad hoc.

Reproche fait au Tribunal d’avoir tranché divers points litigieux qui ne lui étaient pas soumis et d’avoir omis de statuer sur d’autres requêtes. Contrairement à ce que soutient la recourante, le Tribunal arbitral a statué uniquement sur les questions qui lui étaient soumises, quitte à donner une définition plus générale de certaines requêtes spécifiques, et – sans jamais accorder d’aliud – il n’a approuvé que partiellement quelques-unes des requêtes de la recourante (consid. 2.2.-2.5). Recours rejeté (voir également le consid. 3.3 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).

(Société X. c. Z.). Recours contre la sentence finale rendue le 16 avril 2017 par un Tribunal arbitral CCI.

En matière d’arbitrage international, le droit de faire procéder à une expertise, qui est rattaché au droit d’être entendu, est reconnu par le Tribunal fédéral à certaines conditions. La réquisition de l’expertise doit être faite de manière expresse, dans les formes convenues et en temps utile. La partie requérante doit, cas échéant, accepter d’en avancer les frais. L’expertise requise doit porter sur des faits pertinents, c’est-à-dire susceptibles d’influer sur la sentence, et être propre à prouver ces faits. Une requête d’expertise peut, dès lors, être rejetée si elle n’est pas accompagnée des documents et pièces indispensables à l’exécution de la mission de l’expert. Le tribunal arbitral peut refuser l’administration d’une preuve, sans violer le droit d’être entendu, quand bien même les parties la requièrent de concert, lorsque l’une ou l’autre des conditions rappelées ci-dessus n’est pas réalisée (consid. 3.1 et 3.3). Recours rejeté.

(A., B. [deux sociétés apparentées ayant leur siège à Doha] c. Z. [société avec laquelle A. avait conclu un contrat d’agence]). Recours contre la sentence finale rendue le 9 août 2017 par un Arbitre unique CCI.

L’octroi de délais différents aux parties pour soumettre leurs écritures ne constitue pas nécessairement une inégalité de traitement (consid. 3.2.1). Selon la jurisprudence, le tribunal arbitral doit traiter les parties de manière semblable à toutes les étapes de la procédure. Ratione temporis, le champ d’application de cette garantie est limité à la phase de l’instruction, à l’exclusion de celle de la délibération du tribunal. Ainsi, il n’est pas admissible de remettre en cause la décision du tribunal arbitral quant à la répartition des dépens sous l’angle de l’égalité de traitement (consid. 3.2.2). Recours rejeté.

(X. S.P.A [société de droit italien] c. Z. GmbH & Co [société de droit allemand]). Recours contre la sentence finale rendue le 16 août 2017 par un Tribunal arbitral CCI.

Pour permettre au Tribunal arbitral de mener à bien sa mission, un expert est engagé d’abord comme médiateur entre les parties et ensuite, si les parties ne trouvent pas d’accord sur tous les points de leur litige, comme expert judiciaire appelé à répondre aux questions des Arbitres. La recourante reproche au Tribunal arbitral d’avoir modifié unilatéralement la mission de l’expert, malgré l’accord formel passé avec les parties à ce sujet, et d’avoir refusé de se justifier quant à cette manière de procéder. En réalité, le Tribunal a consulté les parties avant le début de la mission de l’expert, pendant celle-ci, et après que le rapport d’expertise ait été rendu. En outre, les Arbitres ne se sont pas substitués à l’expert en modifiant sa mission, mais se sont cantonnés à fournir des instructions fondées sur des considérations juridiques, dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation anticipée des preuves. Le Tribunal arbitral a agi à juste titre et a ainsi pu éviter une augmentation non nécessaire des frais de la procédure probatoire ; cette dernière avait déjà duré plus de cinq ans durant lesquels les parties avaient à de maintes reprises motivé leurs points de vue respectifs (consid. 3.2.2-3.2.3). Recours rejeté.

( [joueur de football professionnel] c. Z. Ltd [club de football professionnel israélien]) ; Recours contre une sentence rendue le 11 septembre 2017 par le TAS (procédure d’arbitrage ordinaire).

Recours faisant grief à l’Arbitre d’avoir statué sur un autre état de fait que celui que les parties lui avaient soumis. Une inadvertance du tribunal arbitral n’équivaut à une violation du droit d’être entendu que si elle a empêché la partie qui dénonce semblable violation de faire valoir ses arguments et de fournir les éléments de preuve nécessaires sur une question pertinente pour la solution du litige (consid. 3.3). En l’espèce, au vu du raisonnement suivi dans la sentence, les erreurs commises (et expressément reconnues dans la procédure de recours) par l’Arbitre unique n’ont pas eu d’impact sur l’issue du litige (consid. 3.3.3). Confirmation de la jurisprudence selon laquelle le Tribunal fédéral ne partage pas l’opinion doctrinale qui veut que les parties peuvent compléter l’état de fait retenu dans la sentence (seul soumis à la cognition des juges fédéraux au stade du recours) par référence aux preuves présentées dans l’arbitrage, quand bien même celles-ci font partie du dossier de la cause (consid. 3.3.1.2). Recours rejeté.

(A. [veuve du défunt chef d’orchestre C.] c. B. GmbH [label de disques, filiale fille du groupe D.]). Recours contre la sentence du 5 octobre 2017 rendue par un Tribunal arbitral ad hoc. Le droit des parties à une expertise n’est pas absolu. Le tribunal arbitral n’a pas à entendre l’avis d’un expert pour interpréter des dispositions contractuelles. Cette tâche est du ressort des arbitres et le recours à un expert n’est nécessaire que lorsque le tribunal n’a pas les compétences requises pour procéder à une telle interprétation, ce qui n’était pas le cas en l’espèce (consid. 3.3). Recours rejeté (voir également les consid. 2.2, 2.4 et 2.5 de cet arrêt, résumés ci-dessus en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP).

(République de X. c. A., B., C.). Recours contre la sentence rendue le 16 février 2017 par un Tribunal ad hoc.

Le Tribunal fédéral ne dispose pas d’un pouvoir de cognition illimité dans l’examen du grief de l’incompatibilité de la sentence avec l’ordre public. En particulier, la Haute cour ne peut revoir l’appréciation juridique à laquelle le Tribunal s’est livré sur la base des faits qu’il a constatés dans la sentence. Une interprétation erronée, voire arbitraire, d’une clause d’un traité bilatéral d’investissement ne sera pas sanctionnée si le résultat de cette appréciation juridique souveraine n’est pas incompatible avec l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 3.3.3-3.3.4). Recours déclaré irrecevable pour non-respect de l’exigence de motivation découlant de l’art. 77 al. 3 LTF (consid. 3.3.5).

(K. Limited, L, c. M. Limited, N. Limited). Recours contre la sentence finale rendue le 21 mars 2017 par un Tribunal arbitral CCI.

Avant, puis en parallèle à l’arbitrage initié par les recourants, et malgré les objections de ces derniers, les intimées ont saisi la Haute Cour des Iles Vierges Britanniques et les tribunaux moscovites pour obtenir le remboursement de différents prêts. Elles ont été déboutées par les autorités russes, mais ont obtenu gain de cause devant les juridictions des Iles Vierges Britanniques. Déboutés dans l’arbitrage, les recourants font alors valoir que le Tribunal arbitral n’a pas respecté l’autorité de chose jugée de l’arrêt moscovite, violant ainsi l’ordre public procédural. Un jugement étranger prononcé à l’égard d’une partie ayant dûment soulevé une exception d’arbitrage, sans que la convention d’arbitrage ait été déclarée caduque, inopérante ou non susceptible d’être appliquée, ne peut pas être reconnu en Suisse et ne revêt donc pas l’autorité de la chose jugée (consid. 4.1.2). Les recourants reprochent également au Tribunal arbitral d’avoir rendu sa sentence sans répondre à leur requête de statuer sur l’opportunité de suspendre la procédure sur la base de l’art. 186 al. 1bis LDIP, eu égard à l’existence du jugement moscovite rendu pendant l’arbitrage. En réalité, le Tribunal a rejeté cette requête, à tout le moins implicitement, par une ordonnance dans laquelle, ayant pris note du jugement moscovite, il se déclarait néanmoins compétent à l’égard de toutes les parties pour connaître des prétentions litigieuses. La suspension du procès en cas de litispendance est une règle de compétence dont la violation relève de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Par conséquent, si les recourants étaient mécontents de cette décision, ils auraient dû recourir immédiatement contre l’ordonnance en question, sans attendre la sentence finale (consid. 4.2.2.2). Recours rejeté.

(X. Inc. [société sise aux Iles Vierges Britanniques] c. Z. Ltd. [société sise à Hong Kong]) Recours contre la sentence rendue le 23 novembre 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI.

Voir le consid. 3.2.2.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP.

(X. SA [société de droit suisse] c. Z. [ressortissante chinoise résidant en Grand-Bretagne]).

Demande de révision de la sentence finale rendue le 8 février 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI. La demande en révision n’étant pas soumise aux règles de l’art. 77 LTF, elle peut être transmise au Tribunal fédéral en vertu de l’art. 48 LTF si elle a été adressée en temps utile à une autorité cantonale incompétente, ici la Cour de justice du canton de Genève (consid. 3). Cela étant, la requérante ne prouve pas avoir respecté le délai de 90 jours à compter de la découverte du motif de révision pour le dépôt de sa demande ad hoc (consid. 4.2). Par ailleurs, la demande se révèle être abusive à plusieurs titres (consid. 4.2) et doit donc être rejetée.

(A. [société de droit russe ] c. B. [société de droit autrichien]) Recours contre la sentence partielle rendue le 28 juillet 2017 par un Tribunal arbitral CNUDCI.

Recours irrecevable dans la mesure où la recourante souhaite obtenir l’annulation de l’ensemble de la sentence, alors que seule une partie du dispositif constitue une décision susceptible de recours immédiat (consid. 2). Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle ; il peut ainsi être imprudent, du point de vue de la recevabilité, de le truffer de citations en langue étrangère, à tel point qu’on en arrive à douter de la langue de rédaction de cette écriture (consid. 3). Recours partiellement irrecevable et, pour le surplus, rejeté.

(République X. c. Z. Plc). Demande en révision de la sentence rendue le 23 décembre 2016 par un Tribunal arbitral CNUDCI.

Selon la jurisprudence, la révision revêt en principe un caractère subsidiaire par rapport au recours en matière civile. Dès lors, si un motif de récusation est découvert avant l’expiration du délai de recours, il serait contraire à la bonne foi d’admettre que ledit motif puisse permettre le dépôt d’une demande en révision, alors que les parties ont expressément renoncé à tout recours (consid. 3.1 et 3.2). Demande de révision irrecevable (voir également les consid. 2.1-2.2 de cet arrêt, résumés ci-dessus en relation avec l’art. 192 al. 1 LDIP).

(A. c. Club B.). Demande en révision de l’arrêt rendu le 5 décembre 2017 par le Tribunal fédéral (4A_592/2017) et de la sentence finale rendue le 4 octobre 2017 par le Tribunal Arbitral du Sport (procédure d’appel).

Courriel du requérant au Tribunal fédéral, s’enquérant de la possibilité de transmettre la demande de révision par voie électronique, et du caractère acceptable ou non d’une traduction du texte de son mémoire de l’anglais au français à l’aide du traducteur Google. La LTF ne permet pas au Tribunal fédéral de donner des conseils ou de fournir des informations aux parties quant à la manière de déposer un recours ou une demande de révision (consid. 2.1 ; 3.2). Dépôt subséquent de la demande de révision en langue anglaise, assortie d’une requête visant à obtenir un délai de plusieurs semaines pour la traduire. Démarche abusive, dès lors que le requérant, pour avoir déjà déposé un mémoire de recours devant le Tribunal fédéral, était bien au courant de l’exigence fixée à l’art. 42 al. 1 LTF en ce qui concerne les langues admissibles pour la rédaction des mémoires destinés à la Haute cour. Demande irrecevable.

(A. et al. c. B) Recours contre la sentence rendue le 18 août 2017 par le TAS (procédure d’arbitrage ordinaire).

Le Tribunal fédéral octroie en principe un délai supplémentaire pour la traduction en une langue officielle d’un recours déposé à l’origine en langue étrangère (art. 42 al. 6 LTF et la jurisprudence y relative, en lien avec l’interdiction du formalisme excessif). Cependant, cette disposition ne peut protéger l’abus de droit commis par le recourant qui soumet sciemment un mémoire en anglais, alors qu’il ressort de cette écriture que son auteur est à connaissance des dispositions régissant les exigences en matière de langues devant le Tribunal fédéral. Recours d’emblée irrecevable.

(FC A. [club de football] c. B. [entraîneur]). Recours contre le jugement rendu le 17 novembre 2017 par la Cour d’appel du Canton de Bâle-Ville.

Contrat liant un club de football à un entraîneur, prévoyant une clause d’arbitrage en faveur du Tribunal arbitral du sport (TAS). Action ouverte par l’entraîneur devant les tribunaux civils bâlois suite à son licenciement par le club. Jugement rendu par le tribunal de première instance, confirmé en appel, reconnaissant les prétentions de l’entraîneur pour licenciement injustifié au sens de l’art. 337c CO. Exception d’arbitrage soulevée par le club. Le Tribunal fédéral a déjà tranché la question de l’arbitrabilité des prétentions relevant du droit du travail en arbitrage interne, peu avant l’entrée en vigueur du CPC, dans l’ATF 136 III 467. Un changement de jurisprudence ne se justifie pas. L’art. 337c CO est de nature impérative. Or selon l’art. 341 CO, le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant des dispositions impératives de la loi. Ainsi, de telles prétentions ne sont pas arbitrables, faute de caractère disponible au sens de l’art. 354 CPC. C’est donc à raison que l’instance précédente a rejeté l’exception d’arbitrage soulevée par le club (consid. 2.2). En arbitrage international, les prétentions issues du droit du travail sont en principe arbitrables sans restriction particulière (art. 177 al. 1 LDIP). Au vu de l’objectif de protection des travailleurs poursuivi par le législateur à l’art. 341 al. 1 CO, il est exclu que l’opting-out au sens de l’art. 353 al. 2 CPC permette aux parties de contourner les restrictions à l’arbitrabilité des litiges découlant du droit du travail selon l’art. 354 CPC, en soumettant leur arbitrage au régime international au lieu du régime de l’arbitrage interne (consid. 2.3.3). Recours rejeté.

(A. c. B.). Recours contre l’arrêt du 5 mai 2017 rendu par le Tribunal cantonal de Saint-Gall.

Clause d’arbitrage dans les statuts d’une société (dont A. et B. étaient à l’origine les actionnaires principaux), prévoyant que tous les litiges concernant les affaires sociales (Gesellschaftsangelegenheiten) entre la société, ses actionnaires, les administrateurs ou la direction seraient tranchés par un tribunal arbitral, sous réserve des dispositions légales impératives imposant la compétence du juge étatique. Conclusion ultérieure d’un « Trust Agreement » entre A. et B., par lequel B. (entretemps devenu seul actionnaire et directeur de la société) cédait irrévocablement 50% des actions à A., étant entendu que ces actions seraient détenues en fiducie par B. Le Trust Agreement contenait une clause d’élection de for en faveur des tribunaux Saint-Gallois. Ouverture d’une action par A. contre B., portant sur le paiement d’une créance issue du Trust Agreement, devant le Tribunal de district de Saint-Gall, lequel entrait en matière après avoir écarté l’exception d’arbitrage soulevée par B. Recours de B. devant le Tribunal cantonal, qui lui donnait raison et annulait le jugement de première instance pour défaut de compétence, retenant que le litige tombait sous la clause d’arbitrage statutaire. En vertu de l’art. 107 al. 2 LTF, si le Tribunal fédéral admet le recours, il peut en principe statuer lui-même sur le fond. La partie recourante ne peut dès lors se borner à demander l’annulation de la décision attaquée, mais elle doit également, en principe, prendre des conclusions sur le fond du litige; il n’est fait exception à cette règle que lorsque le Tribunal fédéral, en cas d’admission du recours, ne serait de toute manière pas en situation de statuer lui-même sur le fond et ne pourrait que renvoyer la cause à l’autorité inférieure. Tel est le cas ici, car le Tribunal cantonal ne s’est pas prononcé sur les conclusions du demandeur, ni sur les faits de la cause, reconnaissant de prime abord l’exception d’arbitrage et considérant ainsi expressément pouvoir laisser toutes les autres questions ouvertes. Dans la mesure où il demande l’annulation du jugement cantonal et le renvoi de la cause à l’autorité inférieure, les conclusions de A. sont donc admissibles (consid. 1.2). Selon la jurisprudence, lorsqu’il s’agit d’interpréter des statuts, les méthodes d’interprétation peuvent varier en fonction du type de société. Pour l’interprétation des statuts de grandes sociétés, on recourt plutôt aux méthodes d’interprétation de la loi. Pour celle de statuts de petites sociétés, on se réfère plutôt aux méthodes d’interprétation des contrats, à savoir une interprétation selon le principe de la confiance, l’interprétation subjective n’entrant en considération que si les sociétaires étaient, comme en l’espèce, très peu nombreux. En l’espèce, une interprétation correcte de la clause d’arbitrage permet de conclure que sa portée est limitée aux litiges portant sur les affaires de la société ; elle ne s’étend pas à tous les litiges entre sociétaires. Cela étant, la question de savoir si les statuts peuvent prévoir de soumettre à l’arbitrage les litiges contractuels entre sociétaires peut demeurer ouverte (consid. 3.1-3.4). Recours partiellement admis ; renvoi au Tribunal cantonal pour qu’il statue sur la validité de la clause d’attribution de juridiction et détermine si le présent litige entre dans le champ d’application de ladite clause.

(X. [avocat] c. Z. [avocat, ancien associé de X.]). Recours contre la sentence incidente rendue le 19 juin 2017 par un Arbitre unique ad hoc.

Convention d’association entre X. et Z., avocats à Genève, contenant une clause arbitrale prévoyant qu’en cas de litige, si une négociation ou une médiation devaient se solder par un échec, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats genevois serait nommé comme arbitre unique, et que si ce dernier devait se récuser, un autre arbitre « nécessairement membre du Conseil de l’Ordre des avocats de Genève » serait nommé. A la suite d’un différend et après plusieurs années de procédure au cours desquelles le premier arbitre saisi avait été destitué, et le deuxième avait démissionné, une sentence incidente a été rendue par le dernier arbitre, nommé finalement par le juge d’appui. La décision par laquelle le juge d’appui nomme un arbitre n’est pas susceptible de recours directement ou conjointement à un recours dirigé contre la sentence ultérieure (consid. 2.2.1). Le législateur fédéral n’ayant pas prévu de recours contre cette décision, il est peu probable que cette dernière puisse être frappée de nullité absolue, excepté dans le cas d’un vice gravissime. Il est reconnu de longue date que la liste des situations prévues à l’art. 362 CPC (anciennement art. 12 du Concordat sur l’arbitrage), permettant au juge d’appui de nommer un arbitre, n’est pas exhaustive, nonobstant son texte (consid. 2.2.2.2). Par ailleurs, la décision de nomination par le juge d’appui, rendue en procédure non contentieuse, ne jouit pas de l’autorité de la chose jugée, de sorte que l’arbitre nommé peut ensuite examiner de manière indépendante sa propre compétence. La décision arbitrale incidente rendue sur ce point est sujette à recours immédiat au Tribunal fédéral, pour les motifs prévus aux art. 393 let. a et b CPC, sous peine de forclusion (consid. 2.3.1.2). La clause d’arbitrage litigieuse revêt un caractère pathologique. Elle est incomplète car elle n’envisage pas le cas de figure qui s’est produit en l’espèce, où, lors de la dernière tentative de nomination, le Bâtonnier en exercice ainsi que chacun des membres du Conseil de l’Ordre ont refusé de siéger comme arbitre unique. Pareille circonstance constitue l’une des situations d’impasse dont il convient d’admettre qu’elle justifie une application extensive de la possibilité de nomination de l’arbitre par le juge d’appui selon l’art. 362 al. 1 CPC, comme cela a été fait in casu (consid. 2.3.2.2). Dans la décision sur compétence qu’il a rendue après sa nomination, l’Arbitre unique est parvenu à établir une volonté réelle et concordante des parties de recourir à l’arbitrage. Il a donc pu établir la validité de la convention d’arbitrage même sans la partie, impossible à exécuter en raison du refus des candidats envisagés dans la clause d’agir en tant qu’arbitres (consid. 2.3.2.3). Lorsqu’une décision sur compétence a été rendue par un arbitre destitué par la suite, elle n’a pas besoin d’être réitérée si la destitution n’avait aucun lien avec les motifs de cette décision (consid. 2.4.2). Recours rejeté.

(A., B., C. c. D.). Recours contre la sentence rendue le 18 décembre 2017 par un Tribunal arbitral ad hoc.

Pacte d’actionnaires prévoyant un droit de préemption en cas de départ d’un actionnaire de la société, ainsi qu’une convention d’arbitrage pour tous les litiges relatifs au pacte. Toujours selon le pacte, la valeur de la société est déterminée annuellement par l’organe de révision ou par un auditeur ou expert agréé, nommé à la demande d’une partie, en cas d’opting-out. Chaque partie garde néanmoins le droit de demander à un tribunal arbitral de déterminer la valeur réelle des actions à ses propres frais. En outre, les actionnaires restants pourront racheter les actions d’un actionnaire sortant à 60% de leur valeur ainsi déterminée. Litige sur le prix de rachat des actions de D. suite à sa décision de quitter la société. D. saisit un tribunal arbitral, lui demandant d’évaluer la société et d’ordonner à ses anciens partenaires de lui payer son dû. Les recourants considèrent que le litige ne peut pas être soumis à l’arbitrage car son objet touche au droit du travail, D. étant également un employé de l’entreprise. Le droit de préemption et ses modalités d’exercice sont clairement couverts par la clause d’arbitrage dans le pacte. Ce dernier prévoit également que les circonstances du départ de l’actionnaire sortant doivent être prises en considération. Partant, s’il est vrai que le tribunal arbitral ne peut connaître des prétentions découlant du droit du travail, qui ne sont pas arbitrables, il peut (et doit) néanmoins en tenir compte, dans la mesure où cela est prévu dans le pacte, aux fins de sa décision quant au prix de rachat des actions de D. (consid. 2.1). Recours rejeté.

( c. B. SpA). Recours contre l’arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 19 mai 2017.

Arrêt cantonal rejetant le recours de A. contre une ordonnance du Tribunal de première instance, déclarant exécutoire (en application de la CLug) un jugement rendu par le Tribunal de Lucca, dans une cause opposant A. et B., aux termes duquel une sentence arbitrale émise en Italie à l’encontre de C. et en faveur de B. était également « efficace » vis-à-vis de A. (seul ayant droit économique de C., société-écran dont la personnalité juridique se confondait avec celle de A.). L’autorité cantonale a considéré que le jugement italien constituait une décision au sens de l’art. 32 CLug, et non une simple mesure d’exécution de la sentence arbitrale. En effet, ce jugement avait été rendu à l’issue d’une instruction complète, n’opposait pas les mêmes parties, et statuait sur une question différente de celle soumise aux Arbitres : ceux-ci avaient tranché la question de savoir si C. était tenue au paiement d’une facture émise par B., alors que le Tribunal de Lucca avait tranché celle de savoir si A. était tenu à un tel paiement en raison de son identité avec C. Ainsi, c’est à bon droit que la Cour cantonale a confirmé l’application de la CLug, car, en l’espèce, l’objet de la décision italienne dont l’exequatur est requis n’est pas l’arbitrage en tant que tel mais une question de droit civil matériel que le Tribunal arbitral n’a pas été amené à trancher et qui n’oppose pas les personnes qui étaient parties devant lui. La décision en cause ne sert donc pas à mettre en œuvre l’arbitrage. Partant, la décision italienne entre bien dans le champ d’application de la CLug, et il suit de là que le grief de la violation de l’art. III ss CNY doit être rejeté (consid. 5). Recours rejeté.

(X. Ltd [société de droit turc] c. Z. Ltd [société ayant son siège à Kowloon (Hong-Kong)]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 février 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.

Selon une pratique établie de longue date, un tribunal arbitral dont la sentence est attaquée n’a pas droit à une indemnité de dépens pour la rédaction et le dépôt de ses observations dans la procédure de recours. Absence de base juridique pour donner suite à une telle demande (consid. 6).

(X. c. A., B., C. & FIFA) ; recours contre la sentence rendue le 4 octobre 2016 par le TAS.

Recourant sollicitant le bénéfice de l’assistance judiciaire et la désignation de son conseil comme avocat d’office. En droit suisse, l’assistance judiciaire est exclue en matière d’arbitrage. Cette règle a d’ailleurs été codifiée à l’art. 380 CPC pour l’arbitrage interne, disposition de droit impératif qui interdit aux parties et aux arbitres de faire supporter les frais de la procédure arbitrale à l’Etat. Le Chapitre 12 LDIP ne contient pas de disposition équivalente, mais il est admis de longue date que la même solution s’applique aux arbitrages internationaux. Cela étant, le fait que le bénéfice de l’assistance judiciaire publique soit exorbitant de la procédure d’arbitrage n’exclut pas qu’elle soit accessible aux parties dans le cadre de la procédure de recours contre une sentence arbitrale devant le TF, procédure étatique qui tombe sous le coup de l’art. 29 al. 3 Cst., en vertu duquel le justiciable qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l’assistance judiciaire gratuite. Confirmation de la jurisprudence dans laquelle le TF en avait déjà jugé ainsi, fut-ce implicitement. Solution approuvée également par la doctrine majoritaire (consid. 5.1). En l’espèce et quels que soient les moyens financiers du recourant, il ne peut pas prétendre à l’octroi de l’assistance judiciaire, car ses conclusions sur le fond sont vouées à l’échec (consid. 5.2). Voir également le résumé de cet arrêt en relation avec le grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP ci-dessous.

(X. Ltd [société de droit turc] c. Z. Ltd [société ayant son siège à Kowloon (Hong-Kong)]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 février 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI, au terme d’une procédure accélérée au sens de l’art. 42 Swiss Rules.

Reproche fait à l’arbitre d’avoir rendu la sentence un jour après l’échéance du délai de six mois stipulé à l’art. 42(1)(d) dudit règlement, soit après que ses pouvoirs s’étaient éteints. En réalité l’arbitre a rendu la sentence le jour même de l’échéance du délai (soit six mois à compter du lendemain de la date à laquelle elle avait reçu le dossier de l’arbitrage, en accord avec l’art. 2(2) Swiss Rules), donc dans les temps (consid. 4.2.1-4.2.2). A supposer même que le délai ait été dépassé d’un jour, quod non, la situation où l’arbitre se serait par hypothèse trompé d’un jour en calculant le délai résultant du règlement d’arbitrage serait sans commune mesure avec celle sous-jacente à l’ATF 140 III 75, invoqué par la recourante, où l’arbitre n’avait pas respecté un accord passé avec les parties quant à la date de fin de sa mission, après que celles-ci lui avaient adressé de nombreuses mises en demeure - toutes restées sans effet (consid. 4.2.3). Recours rejeté.

(A. A.S. [société de droit turc] c. B. Co. Ltd. [société de droit irakien]). Recours contre la sentence partielle rendue le 11 avril 2016 par un Tribunal arbitral CCI.

Shareholders’ Agreement, contenant une convention d’arbitrage, conclu entre A. et D., actionnaires de B., amendé par des protocoles ultérieurs, dont un prenant acte du fait que E. avait succédé à D. suite au rachat des actions de cette dernière. Accords connexes contenant des clauses compromissoires divergentes. Dépôt d’une demande d’arbitrage par A. à l’encontre de E. et B. Sentence partielle portant déclaration d’incompétence du Tribunal à l’égard de B., ainsi que des prétentions de A. tirées des accords connexes. Question de la portée subjective de la convention d’arbitrage, examinée par le Tribunal arbitral au regard du droit suisse. La recourante tente en vain de remettre en question le processus d’interprétation par lequel le Tribunal est parvenu à mettre au jour la volonté réelle des parties, par une appréciation des preuves qui échappe au contrôle du TF dans le cadre d’un recours contre une sentence arbitrale internationale (consid. 3.2.1-3.2.2). Recours rejeté.

(A. Corporation, B. Company [sociétés détenues directement ou indirectement par l’Etat d’Egypte, actives dans le commerce du pétrole et du gaz naturel], désignées collectivement sous l’acronyme B., c. X. [société de droit égyptien], Y. Corporation Ltd [société de droit israélien, détenue par l’Etat d’Israël, active dans la production et commercialisation d’électricité]).

Recours contre la sentence rendue le 4 décembre 2015 par un Tribunal arbitral CCI. Complexe de contrats, tous soumis au droit anglais, conclus dans le cadre du Gas for Peace Deal passé entre l’Egypte et Israël en 2005, et relatifs à la fourniture et livraison de gaz à la société israélienne Y. par les deux sociétés égyptiennes B. et X. (cette dernière agissant en tant qu’intermédiaire entre B. et Y.). Plus spécifiquement, conclusion d’un contrat de fourniture entre B. et X., prévoyant l’arbitrage sous l’égide du Cairo Regional Center for International Commercial Arbitration (CRCICA) comme mode de résolution des différends, suivi d’un contrat de vente entre B. et X., prévoyant l’arbitrage CCI en cas de différend, et accompagné d’un accord tripartite (Tripartite Agreement) entre B., X. et Y., prévoyant lui aussi l’arbitrage CCI. Litige survenu suite à des retards de livraison, aggravés par les événements liés au mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Initiation de plusieurs procédures d’arbitrage, CCI et CRCICA. En l’espèce, reproche fait par B. au Tribunal CCI saisi par X. de s’être déclaré à tort compétent pour statuer sur le litige la divisant d’avec B. sur la base de la clause compromissoire contenue dans le Tripartite Agreement. L’existence d’une créance de X. envers B. au titre de cet accord (légitimation active de X.) constitue la condition sine qua non de la compétence du Tribunal CCI (consid. 3.4.1). Question à résoudre en interprétant l’art. 1 du Tripartite Agreement, clause substantielle non sujette au rattachement in favorem validitatis de l’art. 178 al. 2 LDIP, qui s’applique uniquement à la clause compromissoire, quand bien même l’art. 1 du Tripartite Agreement règle une question préliminaire pertinente pour déterminer la compétence du Tribunal (consid. 3.4.2). La méthode des recourantes, consistant à présenter six arguments distincts pour étayer leur grief fondé sur l’art. 190 al. 2 let. b LDIP est critiquable, car la question de la compétence suppose une appréciation globale de la situation juridique. Cela étant, les six arguments en question sont sans fondement (consid. 3.5.1). Recours rejeté (voir également les consid. 4.2-4.5 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).

(A., B. [sociétés de droit libyen] c. C. [société de droit libyen]). Recours contre la sentence incidente rendue le 15 mai 2016 par un Tribunal arbitral CCI.

Conclusion entre la première recourante (A.) et l’intimée (C., demanderesse à l’arbitrage) d’un contrat portant sur la construction d’un immeuble en Libye, soumis aux règles FIDIC et contenant une clause d’arbitrage CCI, suivi deux mois plus tard d’un Public Works Contract entre les mêmes parties, contenant une clause d’élection de for en faveur des tribunaux libyens. Dépôt d’une demande d’arbitrage par C. suite aux difficultés engendrées sur le terrain par le mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Exception d’incompétence soulevée par A. et B., qui avaient entretemps entamé une procédure judiciaire devant les cours libyennes, rejetée par le Tribunal arbitral dans un Interim award réglant également la question du droit applicable au fond. Recours au motif que le Tribunal aurait violé le droit d’être entendues de A. et B. dans l’instruction de la cause relative à la question de sa compétence (au sujet de l’admissibilité d’un tel recours, voir le résumé de l’ATF 140 III 477 dans l’édition 2014/2015 de cette chronique). La garantie du droit d’être entendu inclut certes la faculté pour chaque partie de présenter son argumentation juridique et moyens de preuve sur les questions à décider, à condition toutefois qu’une telle faculté soit exercée à temps et dans les formes requises (consid. 3.1.1). Or, les allégations et arguments que les recourantes reprochent au Tribunal d’avoir ignoré dans la sentence – outre le fait qu’en réalité le Tribunal ne les a pas ignorés, mais plutôt implicitement rejetés – ont été présentés de manière tardive dans l’arbitrage, en partie même après la clôture des débats (consid. 3.2.2-3.3.3). Par ailleurs, les recourantes sont forcloses d’invoquer le fait que B. n’aurait pas été partie au contrat FIDIC – de sorte que le Tribunal ne serait pas compétent à son égard –, car elles n’ont pas soulevé l’objection correspondante dans l’arbitrage (consid. 3.4). Recours rejeté.

(X. SA [société de droit français] c. La République socialiste du Vietnam]). Recours contre la sentence finale rendue le 28 septembre 2015 par un Tribunal arbitral CNUDCI.

Notion d’investissement au sens du Traité bilatéral d’investissement (TBI) conclu entre la France et le Vietnam en 1992. Il n’existe à ce jour aucune définition universellement acceptée de cette notion dans les traités de protection et promotion des investissements. C’est donc à raison que le Tribunal s’est focalisé, lors de l’examen de sa propre compétence, sur le texte du TBI topique. Compte tenu de l’expérience et renommée internationale des arbitres en question (reconnues par les deux parties), le TF ne s’écartera pas sans nécessité de leur opinion unanime sur ce point, bien qu’il jouisse d’une pleine cognition à cet égard (consid. 3.4.1). Le Tribunal arbitral a interprété l’art. 1(1) TBI (définissant les investissements protégés) en conformité avec les principes d’interprétation de l’art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. C’est donc à bon droit qu’il a décliné sa compétence pour connaître de la demande de la recourante, qui n’entrait pas dans les prévisions du TBI ainsi élucidées (consid. 3.4.4). Le moyen pris de la violation de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP tombe à faux. Recours rejeté (voir également le consid. 4.3.1 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP).

(A. GmbH [société allemande] c. B. Inc. [société grecque]). Recours contre la sentence finale rendue le 18 octobre 2016 par un Tribunal arbitral CCI, au motif que ce dernier se serait déclaré à tort compétent.

Contrat de vente stipulant que « [a]ll disputes arising out of or in connection with this agreement shall be finally settled […] by the International Chamber of Commerce of Geneva, under the Rules of Conciliation and Arbitration of the International Chamber of Commerce […] ». Clause arbitrale pathologique, désignant une institution qui n’existe pas. Interprétation selon le principe de la confiance, faute pour le Tribunal arbitral d’avoir pu établir la volonté réelle et commune des parties. C’est à bon droit que le Tribunal a conclu que la référence à l’« International Chamber of Commerce of Geneva » devait être comprise comme la soumission à un tribunal CCI ayant son siège à Genève, compte tenu en particulier du choix (clair) des parties d’avoir un arbitrage régi par le Règlement CCI, et sachant qu’il ne va pas de soi qu’une institution tierce (en l’espèce, selon l’argumentation de la recourante, la Swiss Chambers’ Arbitration Institution), accepte d’administrer une procédure conduite sous un règlement autre que le sien, ce qui aurait de toute évidence créé des difficultés. Rappel du principe voulant que l’interprétation selon le principe de la confiance doive viser un résultat rationnel ; il n’y a pas lieu de présumer que les parties auraient opté pour une solution inadéquate (consid. 3.3). Recours rejeté.

(Fédération X. c. Z. Sàrl), destiné à la publication aux ATF. Recours contre la sentence incidente sur compétence rendue le 18 janvier 2013 par un Tribunal arbitral constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie.

Actionnée dans l’arbitrage, la Fédération X. a soulevé cinq exceptions d’incompétence distinctes. Le Tribunal arbitral a décidé de scinder la procédure et de n’examiner, dans la première phase, que les motifs afférents à trois de ces cinq exceptions, les deux exceptions résiduelles devant être traitées en même temps que le fond du litige. Sentence écartant les trois exceptions examinées dans cette première phase. La sentence attaquée est donc une sentence incidente sur compétence au sens des arts 186 al. 3 et 190 al. 3 LDIP, qui a la particularité d’être ‘partielle’ du fait qu’elle ne se prononce que sur une partie des exceptions d’incompétence soulevées par la recourante. La recevabilité d’un recours qui ne tranche que partiellement la question de la compétence du tribunal arbitral n’a pas, à ce jour, été examinée par le Tribunal fédéral et la doctrine spécialisée. Cette question met en exergue la tension existante entre le principe de l’économie de procédure, voulant qu’un recours contre une décision sur compétence soit intenté immédiatement, sous peine de forclusion, et le principe selon lequel le Tribunal fédéral, autorité judiciaire suprême du pays dont la mission principale est d’assurer l’application uniforme du droit fédéral et garantir le respect des droits fondamentaux, ne devrait pas avoir à connaître à plusieurs reprises d’une même affaire, qui plus est en matière d’arbitrage, une méthode privée de règlement des conflits n’intéressant qu’un nombre limité d’initiés en Suisse, et pour des raisons tactiques ou résultant de la manière dont les arbitres choisissent de conduire la procédure. Pour répondre à la question, il convient de se référer à la disposition topique, soit l’art. 190 al. 2 let. b LDIP, lequel requiert, pour que le grief correspondant puisse être invoqué, que le tribunal arbitral ait rendu une décision au sujet de sa compétence, en d’autres termes qu’il ait tranché de manière définitive cette question. Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque le Tribunal arbitral pourrait encore se déclarer incompétent une fois qu’il aura examiné les deux exceptions réservées pour la phase au fond du litige (consid. 3.2.1-3.2.2). Le recours est donc irrecevable. Cela étant, lorsque le Tribunal aura statué définitivement sur sa compétence, il va de soi que sa décision pourra être attaquée par la recourante, y compris pour les trois motifs ayant été écartés dans la sentence incidente ici examinée, sans que celle-ci puisse voir s’imputer un comportement contraire aux règles de la bonne foi (consid. 3.3).

(X. SA [société suisse] c. Y. Inc., Z. [société de droit canadien]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 novembre 2015 par un Arbitre unique CCI.

Rappel de la règle jurisprudentielle qui veut que des fautes de procédure ou une décision matériellement erronée ne suffisent pas à fonder l’apparence de prévention de l’arbitre, sauf erreurs particulièrement graves ou répétées qui constitueraient une violation manifeste de ses obligations. Cette règle, qui ne sanctionne que des fautes tout à fait exceptionnelles, ne saurait être détournée pour permettre à une partie ne pouvant pas invoquer avec succès l’un ou l’autre des motifs prévus aux lettres b à e de l’art. 190 al. 2 LDIP d’obtenir l’annulation de la sentence par le biais d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a LDIP et consistant en une critique en règle des constatations de fait et considérations juridiques de l’arbitre – ce qui reviendrait à faire du TF une simple juridiction d’appel (consid. 3.1). Ni le déroulement de la procédure – au demeurant marquée par le vif antagonisme et comportement procédural inadéquat des parties – ni le contenu de la sentence ne révèlent d’élément qui puisse faire douter de l’impartialité de l’arbitre (consid. 3.3.1). Recours rejeté.

(X1 Ltd, X2 SA [collectivement, X.] c. Z. Ltd).

Recours contre la sentence finale rendue le 13 décembre 2016 par un Tribunal arbitral CCI. Consultancy agreements régis par le droit suisse, par lesquels Z. s’engageait à assister X. dans la préparation et soumission d’offres en vue de l’obtention de marchés relatifs à des projets ferroviaires. Litige né du fait que X. n’avait pas payé une partie des commissions réclamées par Z. Sentence donnant partiellement raison à Z. Reproche fait au Tribunal d’avoir décidé ultra petita dans la mesure où il avait constaté et déclaré (y compris dans le dispositif de la sentence), en sus des condamnations pécuniaires demandées par Z., que X. (tout comme Z. au demeurant) avait violé les contrats sous-jacents. Selon les recourantes, dès lors que l’intimée avait uniquement invoqué son droit au paiement des commissions litigieuses, il n’y avait aucune nécessité à assortir la décision d’une « déclaration aussi superflue qu’inadéquate » et sans portée propre. Conclure à l’annulation – même partielle – d’une sentence pour l’unique raison que son dispositif contient des considérations superflues et sans portée propre ne répond à aucun intérêt digne de protection au sens de l’art. 76 al. 1 let. b LTF. A le supposer recevable, le grief ne pourrait qu’être rejeté, car les constatations litigieuses ne portent pas spécifiquement préjudice aux recourantes, la distinction faite par elles entre l’inexécution et la violation d’un contrat étant dénuée de conséquences dans ce contexte, tant il est vrai que l’on ne voit pas ce qu’il y aurait d’erroné à qualifier de violation du contrat le refus injustifié de payer les montants dus en vertu du contrat (consid. 3.3). Recours rejeté.

(A.X. SA , B.X. Ltd c. Z. Ltd). Recours contre la sentence finale rendue le 29 janvier 2016 par un Tribunal arbitral CCI.

En soumettant leurs contrats au droit suisse, les parties ont accepté qu’ils puissent faire l’objet d’une interprétation subjective au sens de l’art. 18 al. 1 CO. Sachant que l’un des principaux éléments du litige consistait à déterminer la portée de certaines clauses contractuelles, leur choix de ne pas se faire assister par des avocats suisses dans l’arbitrage ne peut assurément leur servir d’excuse pour plaider l’effet de surprise quant à la méthode d’interprétation – au demeurant classique – appliquée par le Tribunal arbitral (consid. 5.2). Recours rejeté (voir également les consid. 4.1 et 4.2.1-4.2.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP).

(A. Sp.A. [société italienne] c. B. AG [société suisse]).

Recours contre la sentence finale rendue le 31 mars 2015 par un Tribunal arbitral ad hoc. Tribunal ayant jugé irrecevables les observations critiques formulées par la défenderesse (recourante) dans son dernier mémoire au sujet de la méthodologie utilisée dans les rapports de l’expert nommé par le Tribunal, sans que cette partie conteste le contenu même ou la valeur probante des rapports. En refusant d’admettre de telles observations, le Tribunal n’a pas violé le droit d’être entendue de la défenderesse, car ses critiques portaient uniquement sur la substance des rapports, que le Tribunal était libre d’évaluer dans le cadre de son pouvoir d’appréciation des preuves. Le texte de la sentence confirme ce point, puisque le Tribunal y indique qu’il serait parvenu à des conclusions différentes si les rapports d’expert avaient été défectueux au point d’être inutilisables comme preuves. Une telle approche est d’ailleurs en ligne avec la jurisprudence fédérale selon laquelle le juge ne peut s’écarter des conclusions des experts qu’en présence de motifs valables pour ce faire (consid. 3.2).

(A. Corporation, B. Company [sociétés détenues directement ou indirectement par l’Etat d’Egypte, actives dans le commerce du pétrole et du gaz naturel], désignées collectivement sous l’acronyme B., c. X. [société de droit égyptien], Y. Corporation Ltd [société de droit israélien, détenue par l’Etat d’Israël, active dans la production et commercialisation d’électricité]).

Recours contre la sentence rendue le 4 décembre 2015 par un Tribunal arbitral CCI. Arguments des recourantes selon lesquels le Tribunal aurait violé les deux éléments constitutifs de la garantie du droit d’être entendu, d’une part en manquant à son devoir minimum d’examiner et traiter certains arguments pertinents pour la résolution du litige, et d’autre part en rendant une sentence fondée sur une argumentation juridique imprévisible. Les recourantes ne peuvent reprocher au Tribunal d’avoir omis de prendre en considération les thèses qu’elles présentent (ou du moins reformulent) pour la première fois devant le TF. Pour le surplus, elles ne font que remettre en cause les constatations factuelles du Tribunal, son appréciation des preuves, la manière dont il a reparti le fardeau de la preuve et son interprétation des clauses contractuelles topiques, tout comme les conséquences qu’il en a tirées aux fins de sa décision – tous des éléments qui échappent au contrôle du TF dans le cadre d’un recours contre une sentence arbitrale internationale (consid. 4.2-4.5). Recours rejeté.

(A. c. Association B.). Recours contre la sentence rendue le 8 juin 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.

Grief fait à l’Arbitre d’avoir unilatéralement prolongé (d’un jour) le délai pour le dépôt du mémoire de demande après avoir constaté que l’intimée (demanderesse à l’arbitrage) n’avait pas respecté le délai original. Le recourant, qui se plaint à ce titre d’une violation du principe de l’égalité de traitement des parties, ne soutient pas que l’Arbitre lui aurait refusé une prolongation de délai équivalente. Dès lors, le grief est sans fondement. Argument selon lequel l’Arbitre, en octroyant un délai supplémentaire pour le dépôt de la demande, aurait violé le règlement applicable (Swiss Rules), aux termes duquel il aurait fallu mettre fin à l’arbitrage (du moins en relation avec les prétentions de la demanderesse) en raison du dépôt tardif de ce mémoire. Une disposition contenue dans un règlement d’arbitrage ne devient pas un principe impératif de procédure au sens de l’art. 182 al. 3 LDIP, dont la violation par l’arbitre justifierait l’annulation de la sentence, du seul fait d’avoir été voulue par les parties. De même, une application incorrecte ou même arbitraire du règlement d’arbitrage ne justifie pas, en soi, l’annulation de la sentence pour violation de l’ordre public procédural. Cela étant, l’Arbitre relève à raison que selon la doctrine pertinente la soumission de la demande avec un léger délai ne requiert pas nécessairement que le tribunal mette fin à l’arbitrage (consid. 3.3). Recours rejeté.

 

(A. AG [société de droit liechtensteinois] c. State of Palestine [ou Palestinian Authority], B. Company).

Recours contre la sentence rendue le 2 août 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI. Projet portant sur la construction d’un hôtel et d’un casino en Cisjordanie, dans le cadre des efforts de l’Autorité palestinienne pour promouvoir le développement économique et les investissements dans ce territoire. Conclusion, en 1996-1997, de plusieurs accords entre les parties et avec des tiers pour la réalisation de ce projet. Cadre légal peu clair du fait que, depuis les accords d’Oslo de 1993-1995, le territoire concerné est sujet à un ordre juridique autonome et « en voie de développement ». Adoption par l’Autorité palestinienne, en 2002, du Code pénal jordanien, interdisant les jeux de hasard et les rendant passibles de peines d’emprisonnement et amendes. Accès au casino (qui fonctionnait avec succès depuis 1998) bloqué par les autorités israéliennes suite au déclenchement de la seconde intifada à l’automne 2000. Conclusion, peu après, de deux nouveaux accords entre les parties, visant à garantir le développement futur du projet, notamment en prévoyant la prolongation de la période d’octroi des licences pour l’administration du casino et de l’hôtel jusqu’en 2028. Levée progressive des restrictions résultant des émeutes de 2000 à partir de l’année 2008. Dès 2012, requêtes réitérées de A. à l’Autorité palestinienne afin que celle-ci lui octroie les nouvelles licences en conformité avec les accords conclus fin 2000. Fin de non-recevoir de l’Autorité, suivie du dépôt d’une demande d’arbitrage par A. en 2013. Demande intégralement rejetée par le Tribunal arbitral. Violation du droit d’être entendu : en rejetant en bloc les conclusions de A. relatives à l’octroi des licences (pour non-conformité avec le droit impératif palestinien), le Tribunal arbitral a manqué à son devoir minimum d’examiner la prétention relative à la licence d’opérateur pour l’hôtel, dont la recourante avait pourtant argué qu’elle devait être reconnue indépendamment de sa demande portant sur la licence pour le casino, au motif que la loi interdisant les jeux de hasard n’affectait pas le fonctionnement de l’hôtel (consid. 4.3). Recours admis ; renvoi de la cause au Tribunal arbitral pour qu’il statue à nouveau sur la conclusion topique de la recourante. Voir également le consid. 3.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(AMA c. X. [gymnaste américaine], USADA), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS, clôturant la procédure suite au paiement tardif de l’avance de frais par l’AMA, en application de l’art. R64.2 Code TAS.

Reproche fait à la Présidente de la Chambre d’appel d’avoir violé le droit d’être entendue de l’AMA en n’examinant pas son argument selon lequel une application stricte de l’art. R64.2 ne se justifiait pas dans les circonstances du cas concret – en d’autres termes, que l’application de l’art. R64.2 en l’espèce relevait du formalisme excessif. Le droit d’être entendu garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP n’exige pas qu’une sentence arbitrale internationale soit motivée. Ce principe s’applique également, et peut-être même a fortiori, à une ordonnance de procédure ayant pour simple but de constater que la cause pendante a pris fin ipso jure et qu’il y a lieu de la rayer du rôle. Sans doute, pour cette décision de procédure comme pour une sentence au fond, faut-il que celui qui la rend ait traité tous les arguments pertinents avancés par les parties. Toutefois, il n’est pas nécessaire qu’il le fasse de manière expresse ou par de longs développements, en particulier lorsque, comme en l’espèce, la sanction attachée au non-respect d’une règle de procédure ne laisse guère de marge d’appréciation à celui qui doit la prononcer. En réalité, les motifs qui étayent le Termination Order « laissent apparaître en filigrane » que la Présidente a écarté le moyen pris du formalisme excessif parce que la recourante avait été dûment avertie du risque qu’elle prenait si elle ne versait pas l’entièreté de l’avance des frais dans le délai imparti, et qu’elle ne pouvait pas invoquer sa propre erreur pour échapper à la sanction expressément prévue par l’art. R64.2 al. 2 du Code. Le moyen pris de la violation du droit d’être entendu doit donc être écarté (consid. 5). Recours rejeté.

(A.X. SA, B.X. Ltd c. Z. Ltd). Recours contre la sentence finale rendue le 29 janvier 2016 par un Tribunal arbitral CCI.

Les promesses de versement de pots-de-vin contreviennent à l’ordre public. Toutefois, pour que le grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP puisse être admis, il faut que la corruption soit établie et que les arbitres aient refusé d’en tenir compte dans la sentence. En l’espèce, le Tribunal a conclu que l’allégation de corruption n’avait pas été prouvée et cette appréciation des faits échappe au contrôle du TF. Dès lors, il ne peut être reproché aux arbitres d’avoir méconnu l’ordre public en rendant une sentence fondée sur les contrats litigieux après avoir écarté la thèse de leur nullité pour cause de corruption (consid. 4.1 et 4.2.1). Les règles édictées par des sujets de droit privé, telles les stipulations d’une charte éthique d’entreprise, ne peuvent pas – même si elles ont pour but de prévenir des comportements contraires aux mœurs – définir le contenu de la notion d’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 4.2.2) (cf. également l’arrêt rendu dans la cause TF 4A_50/2017 du 11 juillet 2017 (résumé ci-dessus en lien avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP), impliquant les mêmes recourantes, dont le consid. 4.3 (non résumé dans cette chronique), reprend intégralement le considérant ici résumé). Recours rejeté.

(X. [ressortissant algérien] c. les héritiers de feu Z. [tous domiciliés en Suisse]). Recours contre la sentence finale rendue le 29 juillet 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.

Sentence concluant que la destruction par une partie de pièces essentielles à la constatation des faits n’était pas déterminante pour la répartition du fardeau de la preuve. Argument du recourant selon lequel une telle décision contreviendrait gravement au principe de la bonne foi et par là à l’ordre public matériel. L’application des règles sur le fardeau de la preuve est soustraite à l’examen du TF dans le cadre d’un recours visant une sentence arbitrale internationale, car ces règles ne font pas partie de l’ordre public matériel au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 3.2.1). Il en va de même du moyen pris de l’incohérence intrinsèque des considérants de la sentence (consid. 3.2.2). Recours rejeté.

(A. AG [société de droit liechtensteinois] c. State of Palestine [ou Palestinian Authority], B. Company). Recours contre la sentence rendue le 2 août 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI.

Voire le résumé des faits de cette affaire présenté en lien avec le grief de l’art.190 al. 2 let. d LDIP ci-dessus. Reproche fait au Tribunal d’avoir rendu une sentence incompatible avec l’ordre public matériel pour violation du principe de la fidélité contractuelle (pacta sunt servanda), du fait qu’après avoir reconnu la validité des accords de 2000, soumis au droit suisse, il avait nié, en application du droit impératif palestinien, le droit de la recourante à obtenir les licences que ces accords lui garantissaient. Grief rejeté : la décision du Tribunal ne contredit pas l’adage pacta sunt servanda. Les arbitres ont interprété les obligations souscrites par les parties en ce sens qu’elles ne garantissaient pas le droit de A. à réclamer en toutes circonstances l’exécution en nature de son droit à l’octroi des licences. Sur le vu de la situation juridique au moment déterminant, le Tribunal a conclu que A. était en droit d’obtenir un dédommagement pécuniaire pour le non-octroi de ces licences (consid. 3.2).

(A. [club de football professionnel] c. B. [Club de football professionnel]). Recours contre les sentences rendues par le TAS le 13 juillet 2016.

Contrat de transfert de joueur prévoyant le versement d’une indemnité en six tranches, payables par acomptes annuels entre 2012 et 2015. Défaut de paiement de A. à partir du deuxième acompte. Litige résultant en plusieurs décisions de la Commission du Statut du Joueur de la FIFA (CSJ), dont trois confirmées sur appel par le TAS, les sentences dont il est question dans l’arrêt ici résumé étant les deux plus récentes. Recourant condamné à payer les acomptes en souffrance, majorés d’intérêts moratoires au taux de 12% stipulé dans le contrat et d’une peine conventionnelle correspondant à 10% du montant dû, intérêts au taux légal de 5% en sus. Reproche fait au TAS d’avoir rendu des sentences contrevenant à l’ordre public, dans la mesure où elles appliquent de manière combinée le taux d’intérêt conventionnel, la peine conventionnelle et l’intérêt moratoire légal, aboutissant à un résultat qui est sans commune mesure avec le dommage véritablement subi par l’intimé, s’apparentant à l’allocation de dommages-intérêts punitifs (punitive damages) et revêtant un caractère spoliateur (consid. 4.1). Le recourant s’est soumis librement au contrat litigieux, sans formuler de réserve quant au caractère prétendument excessif de la peine conventionnelle et du taux d’intérêt qui y sont stipulés. En droit suisse, une peine conventionnelle atteignant le 10% du prix de vente convenu n’est pas considérée excessive, un intérêt moratoire de 12% l’an n’est pas contraire à l’art. 104 al. 2 CO, et l’application de l’intérêt moratoire de 5% en cas de défaut de paiement est une conséquence prévue par la loi (art. 104 al. 1 CO). La combinaison de ces trois obligations n’aboutit pas non plus à une restriction excessive de la liberté du recourant au regard de l’art. 27 al. 2 CC. Quant à la référence faite par le recourant à l’art. 163 al. 3 CO, en vertu duquel « le juge doit réduire les peines qu’il estime excessives », le fait qu’il s’agit d’une norme d’ordre public suisse ne veut pas dire encore que sa violation contreviendrait à l’ordre public au sens de l’article 190 al. 2 let. e LDIP. Quand bien même il n’est pas nécessaire d’approfondir la question de la compatibilité des dommages-intérêts punitifs avec l’ordre public, les pénalités et intérêts dont il est question en l’espèce étant des sanctions de nature différente, il sied d’observer qu’en réalité la doctrine majoritaire tend à nier qu’une sentence serait contraire à l’ordre public du seul fait qu’elle condamnerait une partie au paiement de punitive damages (consid. 4.3.2). Recours rejeté.

(X. SA [société de droit français] c. La République socialiste du Vietnam), Recours contre la sentence finale rendue le 28 septembre 2015 par un Tribunal arbitral CNUDCI.

L’application des règles sur le fardeau de la preuve est soustraite à l’examen du TF dans le cadre d’un recours en matière civile contre une sentence arbitrale internationale, car ces règles ne font pas partie de l’ordre public matériel au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 4.3.1). Recours rejeté.

 

(X. [footballeur professionnel] c. A., B., C [clubs de football professionnels], FIFA). Recours contre la sentence rendue le 4 octobre 2016 par le TAS, déclarant l’appel du recourant irrecevable pour cause de dépôt d’une déclaration d’appel non conforme aux réquisits formels du Code TAS (art. R31 al. 3 Code TAS).

žReproche fait au TAS d’avoir violé l’interdiction du formalisme excessif, et, par là, d’avoir rendu une sentence incompatible avec l’ordre public. Les formes procédurales sont nécessaires à la mise en œuvre des voies de droit pour assurer le déroulement de la procédure conformément au principe de l’égalité de traitement. Un strict respect des dispositions topiques s’impose donc au regard de ce principe, ainsi que sous l’angle de la sécurité du droit, sans qu’il y ait une contradiction entre cette exigence et l’interdiction du formalisme excessif (consid. 4.2). Recours rejeté. Au sujet de la question de savoir si la prohibition du formalisme excessif fait partie de l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. 2, voir TF 4A_692/2016 du 20 avril 2017 (consid. 6.1, résumé ci-dessous).

(AMA c. X. [gymnaste américaine], USADA), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS.

Argument de l’AMA selon lequel le TAS aurait fait preuve de formalisme excessif en appliquant l’art. R64.2 Code TAS au cas d’espèce, violant ainsi l’ordre public procédural garanti par l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. Question de savoir si l’interdiction du formalisme excessif fait partie de l’ordre public au sens de cette disposition. Si l’on se souvient qu’une garantie aussi importante que l’interdiction de l’arbitraire dans l’application des règles de la procédure arbitrale ne peut pas être invoquée à l’appui d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, il ne va pas de soi que la méconnaissance de l’interdiction du formalisme excessif puisse être assimilée à une violation de l’ordre public dans cette même acception (consid. 6.1). Question laissée ouverte, car, en l’espèce, le TAS n’a pas fait preuve de formalisme excessif (consid. 6.3). Recours rejeté.

(A. & B. c. Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme [IAAF] & Comité Olympique Russe [ROC] & Comité International Olympique [CIO]) ; recours contre les sentences rendues le 4 octobre 2016 par le TAS.

Dispositifs (sans les motifs) des sentences, notifiés par courrier électronique du Greffe du TAS aux parties. Recours (sans motivations) déposés par celles-ci conjointement contre les sentences non encore motivées, jugés admissibles mais prématurés, puis rayés du rôle faute d’avoir été complétés par des mémoires motivés en temps utile après la notification des sentences avec les motifs. Confirmation de la jurisprudence selon laquelle, lorsque seul le dispositif de la sentence est notifié aux parties dans un premier temps, le délai pour recourir ne court qu’à partir de la notification de l’expédition complète de la sentence, cas échéant selon les modalités prévues par le règlement applicable.

(Michel Platini c. FIFA). Recours contre la sentence rendue par le TAS le 16 septembre 2016.

Exception d’irrecevabilité soulevée par la FIFA : la sentence attaquée a été rendue dans un arbitrage international au sens de l’art. 176 al. 1 LDIP, de sorte que le grief d’arbitraire, (seul) invoqué par le recourant, qui ne figure pas dans la liste exhaustive des motifs de recours de l’art. 190 al. 2 LDIP, est irrecevable. Selon l’art. 176 al. 1 LDIP, un arbitrage sis en Suisse doit être qualifié d’international si « au moins l’une des parties n’avait, au moment de la conclusion de la convention d’arbitrage [son domicile] en Suisse ». En l’espèce, le recourant était domicilié en France au moment où la FIFA a introduit une clause compromissoire en faveur du TAS dans ses statuts, auxquels le recourant avait préalablement adhéré en sa qualité de membre du Comité exécutif de l’association. Dans le cas particulier des associations sportives, l’adhésion aux statuts emporte acceptation de la clause compromissoire qu’ils contiennent (ou qui y est successivement intégrée) – tel est donc le ‘moment de la conclusion de la convention de l’arbitrage’ au sens de l’art. 176 al. 1 LDIP précité. Dès lors, c’est à tort que le TAS a considéré que l’arbitrage entre le recourant et la FIFA n’était pas soumis au régime du Chapitre 12 LDIP. Cette erreur de qualification est lourde de conséquences, car elle a donné aux parties une indication incorrecte quant aux moyens à développer dans un recours contre la sentence. Le principe de la bonne foi procédurale, qui s’applique également à l’arbitrage, commande que l’intimée se voie opposer le fait qu’elle n’avait soulevé aucune objection au moment où la Formation du TAS a indiqué aux parties que selon sa compréhension l’arbitrage était interne et donc soumis au régime du CPC. Partant, l’exception d’irrecevabilité doit être écartée et le grief d’arbitraire (au sens de l’art. 393 let. e CPC) formulé dans le recours est en principe recevable (consid. 1.1).

(Agence Mondiale Antidopage [AMA] c. X. & United States Anti-Doping Agency [USADA]), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS.

Le dépôt d’une écriture par télécopie ne permet pas de respecter le délai. La réponse de l’intimée n°2, envoyée par fax le jour de l’échéance du délai, mais – même si elle a été remise le même jour à une entreprise privée spécialisée dans le transport du courrier – arrivée en Suisse seulement après, ne peut pas être prise en considération (consid. 4).

(AMA c. X. [gymnaste américaine], USADA), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS.

Retard de paiement d’une partie de l’avance des frais par l’AMA. Termination Order mettant fin à la procédure en application de l’art. R64.2 Code TAS. Recours de l’AMA demandant l’annulation de cette décision. Le recours en matière civile n’est recevable qu’à l’encontre d’une sentence. Une simple ordonnance de procédure pouvant être rapportée en cours d’instance n’est pas une décision susceptible de recours. Cela étant, l’acte attaquable ne doit pas nécessairement émaner de la formation désignée pour statuer sur le litige. En somme, pour juger de la recevabilité du recours, c’est le contenu du prononcé entrepris, plutôt que sa dénomination ou l’autorité dont il émane qui est déterminant. La décision attaquée en l’espèce n’est clairement pas une simple ordonnance de procédure pouvant être modifiée ou rapportée à un stade ultérieur de l’arbitrage. Elle s’apparente bien plutôt à une décision d’irrecevabilité clôturant l’affaire pour un motif tiré des règles de procédure. Le fait qu’il émane de la Présidente de la Chambre d’appel, sachant qu’une formation arbitrale n’avait pas encore été constituée dans ce cas, n’empêche pas qu’il s’agit d’une décision susceptible de recours au TF (consid. 2.3). Recours recevable. Voir également le consid. 4 de cet arrêt, résumé ci-dessus en relation avec l’art. 48 LTF, et ses consid. 5 et 6.3, résumés ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d et let. e LDIP.

ATF 143 III 55 (f)

2016-2017

(X. Inc. [société domiciliée au Bélize] c. Z. Corporation [entité de droit jordanien]). Recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 20 août 2015 par un Arbitre unique LCIA.

Clause compromissoire contenant une renonciation à recourir conforme aux réquisits de l’art. 192 al. 1 LDIP, insérée dans un contrat que l’arbitre a jugé nul pour cause de falsification de la signature du représentant de l’une des parties contractantes. Selon la recourante, étant donné que l’intimée avait soulevé d’emblée une exception d’incompétence, arguant que le contrat contenant la clause compromissoire était nul, et que la compétence de l’arbitre pour se prononcer sur le litige a résulté uniquement de l’acceptation tacite de l’intimée suite à son entrée en matière à stade ultérieur (Einlassung), et non pas de la clause compromissoire, la renonciation au recours formulée dans cette clause ne s’applique pas en l’espèce (consid. 3.3.1). La recourante, qui tout au long de l’arbitrage avait soutenu que le contrat avait été valablement conclu par les représentants autorisés des parties pour en déduire des prétentions pécuniaires et en faire le fondement de sa requête d’arbitrage, adopte un comportement contradictoire incompatible avec les règles de la bonne foi en saisissant le TF au mépris de la renonciation à recourir contenue dans ce même contrat (consid. 3.4). Recours irrecevable.

X. S.p.A. [société de droit italien] c. Y. B.V. [société de droit néerlandais]).

Demande de révision de la sentence finale rendue le 23 avril 2015 par un Arbitre unique CCI, suite à la découverte, après l’échéance du délai de recours, d’un motif qui, de l’avis de la recourante, eût exigé la récusation de l’arbitre. La LDIP ne contient pas de disposition relative à la révision des sentences arbitrales. Le TF a comblé cette lacune par la voie prétorienne, décidant que les motifs de révision applicables aux sentences étaient ceux que prévoyait l’art. 137 OJ, maintenant visés à l’art. 123 LTF. Toutefois, la demande de révision soumise au TF ici ne s’inscrit pas tout à fait dans le cadre tout juste évoqué, de sorte que son admissibilité est sujette à caution (consid. 2.1-2.2). Sous l’empire de l’OJ, le TF avait jugé que la découverte, à posteriori, d’une violation des prescriptions concernant la composition du tribunal arbitral, telle la participation à la procédure d’un arbitre qui aurait dû se récuser, ne constituait pas un motif de révision d’une sentence arbitrale internationale, sous réserve de la mise au jour d’un cas de corruption impliquant l’arbitre en question. Cette jurisprudence s’applique-t-elle également après l’entrée en vigueur de la LTF (consid. 2.3.1) ? La doctrine est divisée sur cette question (consid. 2.3.2). Les dispositions du CPC régissant l’arbitrage interne ne la règlent pas explicitement, tandis que celles relatives à la procédure étatique prévoient que les dispositions sur la révision s’appliquent dans un tel cas (art. 51 al. 3 CPC). Le silence du législateur pour ce qui est de l’arbitrage interne semble en réalité être le fruit d’un oubli. La similitude entre les décisions étatiques et les sentences arbitrales sous l’angle des motifs de révision constitue à priori une raison valable justifiant l’extension du domaine d’application de la règle de l’art. 51 al. 3 CPC à l’arbitrage interne. Par ailleurs, et même s’il est vrai que les solutions adoptées pour l’arbitrage interne ne valent pas nécessairement pour l’arbitrage international, il n’est guère envisageable d’adopter une solution différente entre ces deux régimes s’agissant d’une garantie aussi essentielle que l’indépendance et l’impartialité des membres du tribunal arbitral (consid. 2.3.4). Cela étant, au vu du sort à réserver à la demande soumise au TF en l’espèce, il ne paraît pas opportun de trancher cette question dans un jugement. Il est préférable de laisser au législateur le soin de la régler (avec, plus généralement, l’ensemble des motifs de révision d’une sentence arbitrale internationale) dans le cadre des travaux de toilettage du Chapitre 12 LDIP actuellement en cours (consid. 2.3.5). Quant au fond de la demande, référence peut être faite entre autres à l’instrument de travail utile que sont les IBA Guidelines on Conflicts of Interest. Le fait que le cabinet de l’arbitre fait partie d’un réseau international d’études indépendantes dont était également membre un autre cabinet ayant conseillé une société appartenant au même groupe que l’une des parties à l’arbitrage, dans une affaire non liée à cette procédure, n’aurait pas pu justifier, en l’espèce, la récusation de l’arbitre pendente lite, ni, à un stade ultérieur, l’admission d’un recours en matière civile fondé sur l’article 190 al. 2 let. a LDIP. Partant, la demande en révision fondée sur ce même motif doit être rejetée (consid. 3.3).

(A. SE [société allemande] c. B Inc. [société panaméenne]). Demande de révision de la sentence rendue le 15 février 2011 par un Tribunal arbitral CCI.

Contrat d’intermédiaire pour l’obtention de mandats de fourniture de moteurs diesel et autres installations pour centrales électriques à l’opérateur en charge dans le pays V., prévoyant qu’en cas de violation des lois applicables en matière de corruption, les commissions stipulées ne seraient pas payables. Litige survenu entre les parties ; A. refusant de payer des commissions réclamées par B. au motif que celle-ci n’était en réalité qu’une société-écran servant à la distribution de pots-de-vin aux fonctionnaires en charge d’approuver les commandes de V. Sentence arbitrale déboutant A. du fait qu’elle n’avait pas été en mesure de prouver son allégation de corruption. Découverte par A., à l’occasion d’une procédure pénale se déroulant 5 ans plus tard en Allemagne, de l’identité du bénéficiaire du compte en banque de B., démontrant qu’il s’agissait d’une personne étroitement liée au régime en place dans V., ne présentant donc pas les garanties d’indépendance requises par rapport aux transactions litigieuses. Demande de révision fondée sur l’art. 123 ch. 2 al. 1 LTF (découverte après coup de faits pertinents ou de moyens de preuve concluants). Selon la jurisprudence, les faits nouveaux invoqués doivent être pertinents, à savoir de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt attaqué et à aboutir à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte. Pour pouvoir présenter des moyens de preuve nouveaux destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit démontrer qu’il n’était pas à même de les offrir dans la procédure précédente. Ces moyens doivent être concluants, en ce sens qu’ils auraient conduit le juge à statuer autrement s’il en avait eu connaissance dans la procédure antérieure. Ce qui est décisif, c’est que les moyens en question ne servent pas à l’appréciation, mais bien plutôt à l’établissement des faits litigieux (consid. 2.2). A., qui n’avait pas pu prouver la corruption du fait que B. avait refusé de produire les documents requis à cet effet, malgré une ordonnance dans ce sens du Tribunal, parvient cette fois à démontrer que l’entité B. était en réalité en charge de distribuer des pots-de-vin (consid. 3.2) ; requête admise. Cause renvoyée au Tribunal arbitral pour qu’il statue à nouveau sur l’allégation de corruption avancée par la défenderesse à l’arbitrage et sur le litige qui lui a été soumis (consid. 4).

(A. Limited c. B. AG). Recours contre l’arrêt rendu le 30 juin 2015 par le Tribunal cantonal de Zug.

Question de la qualification d’un jugement rendu par la Cour du Dubai International Financial Centre (DIFC) – en tant que décision judiciaire ou sentence arbitrale – laissée ouverte par la Tribunal cantonal au motif que le jugement ne pouvait de toute manière être reconnu, faute pour l’intimée d’avoir été citée régulièrement dans la procédure dubaïote (art. 27 al. 2 LDIP). La juridiction cantonale se devait de procéder à la qualification du jugement de la Cour DIFC, car de cette détermination dépend également la réponse à la question de savoir si sa reconnaissance et son exécution sont sujettes aux règles de la LDIP ou de la CNY (consid. 4.1-4.2). Recours admis ; renvoi de la cause à la cour inférieure pour qu’elle procède à la qualification et tranche le litige en conséquence (consid. 4.3). Note : nouvel arrêt du Tribunal cantonal, qualifiant le jugement de la Cour DIFC de décision judiciaire, rendu le 20 octobre 2016. Qualification non remise en cause par le Tribunal fédéral lors du recours (admis à nouveau) contre ce dernier arrêt (ATF 143 III 225).

(Michel Platini c. FIFA). Recours contre la sentence rendue par le TAS le 16 septembre 2016.

Sentence déclarant M. Platini coupable de la violation des art. 19 et 20 du Code Ethique de la FIFA, lui interdisant de prendre part à toute activité liée au football au niveau national et international pendant 4 ans et lui infligeant une amende. Recours reprochant au TAS d’avoir rendu une sentence « arbitraire tant au niveau des faits que du droit, voire de l’équité » (consid. 3). Argument de l’intimée selon lequel seule l’application arbitraire du droit matériel, c’est-à-dire du droit étatique, peut être sanctionnée au titre de la violation manifeste du droit visée par l’art. 393 let. e CPC, de sorte que la prétendue application arbitraire des règlements internes de la FIFA dont se plaint le recourant ne peut faire l’objet d’un recours au TF. Thèse rejetée, d’une part parce que les dispositions du Code Ethique dont l’application est contestée ne sont pas de simples règles procédurales, mais ressortissent au droit matériel touchant les sanctions disciplinaires privées, et d’autre part parce que le sens donné par l’intimée à la notion de règle de droit est tiré d’une jurisprudence dans laquelle le TF s’était posé la question dans un contexte différent, aux fins spécifiques de l’application de l’art. 116 LDIP (ATF 132 III 285), relatif à l’élection de droit. Par ailleurs, la personne qui s’estime lésée par la peine disciplinaire que l’association lui a infligée, doit pouvoir dénoncer cette violation au travers de l’art. 75 CC, et si elle le fait à l’encontre d’une violation sanctionnée par une sentence arbitrale interne, elle doit pouvoir contester l’application arbitraire, au sens de l’art. 393 let. e CPC, des règles en vertu desquelles la peine disciplinaire lui a été infligée (consid. 3.2.2). Admettre la thèse inverse reviendrait à faire du recours en droit civil contre les sentences internes un moyen de droit plus limité que le recours en matière d’arbitrage international car l’incompatibilité de la sentence avec l’ordre public (art. 190 al. 2 let e LDIP) ne compte pas au nombre des motifs de recours énumérés à l’art 393 CPC (consid. 3.2.2). Cela étant, un examen approfondi de l’application et interprétation des règlements en question par le TAS montre que le grief d’arbitraire n’est pas fondé (consid. 3.3-3.6). Recours rejeté.

(A. AG c. B. AG). Recours contre la sentence partielle rendue le 29 juin 2016 par un Tribunal arbitral de l’Association suisse des professionnels de l’immobilier (SVIT).

Création entre la recourante et la première défenderesse à l’arbitrage d’une société simple sous forme de consortium de construction ayant pour but d’exploiter des parcelles de terrain et de vendre les immeubles qui y seraient construits. Contrat contenant une clause compromissoire soumettant tout éventuel litige entre les actionnaires (tant au sujet du consortium que des autres accords conclus avec ses futurs partenaires) à un tribunal arbitral constitué conformément au règlement SVIT, et prévoyant la conclusion d’un contrat d’entreprise distinct confiant la direction des travaux de construction à une société tierce. Suite à un différend, bifurcation de la procédure devant le Tribunal arbitral. Recours contre la sentence partielle issue de la première phase au motif que le Tribunal se serait à tort déclaré incompétent à l’égard de la 2e défenderesse. Rappel de la règle selon laquelle le TF ne revoit pas l’état de fait à la base de la sentence attaquée, même s’il s’agit de la question de la compétence, sauf si l’un des griefs mentionnés à l’art. 393 CPC est soulevé à l’encontre dudit état de fait ou que des faits ou preuves nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le recours. La partie qui entend faire valoir une exception à cette règle est tenue de démontrer qu’elle avait dûment allégué les faits pertinents dans l’arbitrage (consid. 2.1). Lorsqu’il examine s’il est compétent pour trancher le litige qui lui est soumis, le tribunal arbitral doit résoudre, entre autres questions, celle de la portée subjective de la convention d’arbitrage, cas échéant pour déterminer si un ou des tiers qui ne l’ont pas signée ou qui n’y sont pas mentionnés entrent néanmoins dans son champ d’application. Parmi les hypothèses acceptées dans la jurisprudence au titre d’exceptions au principe de la relativité des obligations contractuelles (s’appliquant également aux conventions d’arbitrage), on compte la responsabilité fondée sur les apparences et la théorie dite de l’immixtion. Au terme de son analyse des faits, le Tribunal SVIT a rejeté ces deux hypothèses comme n’étant pas réalisées dans le cas d’espèce. La recourante ne parvient pas à fonder ses arguments – que ce soit au sujet de la position de la 2e défenderesse vis-à-vis du consortium ou du rôle joué par cette partie-là dans l’exécution du contrat – sur l’état de fait contenu dans la sentence, ni à réfuter les considérations décisives des arbitres sur la base des faits tels qu’elle les a allégués dans l’arbitrage (consid. 2.4). Recours rejeté.

(X. c. Z. SA [société de courtage]). Recours contre la sentence finale rendue le 19 juillet 2016 par un Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.

Contrat de courtage contenant une clause compromissoire, signé par le recourant et une partie tierce. Reproche fait à l’arbitre d’avoir incorrectement nié l’existence d’une procuration apparente octroyée par la défenderesse à ce tiers, et, partant, d’avoir refusé à tort sa compétence à l’égard de la défenderesse. Question de savoir si la procuration du représentant pour conclure une convention d’arbitrage doit être passée par écrit : laissée ouverte (consid. 3.1.1). Conditions à remplir pour qu’un contrat conclu par un représentant lie le représenté conformément à l’art. 32 al. 1 CO ; possibilité que l’absence de pouvoirs de représentation soit palliée par l’existence d’une procuration externe apparente au sens de l’art. 33 al. 3 CO, voire que le représenté soit réputé avoir valablement ratifié subséquemment un accord passé par le représentant agissant au-delà de ses pouvoirs, en vertu de l’art. 38 CO (consid. 3.1.2). Hypothèses toutes (valablement, malgré quelques confusions dans le raisonnement) niées par l’Arbitre (consid. 3.2), au même titre que celle d’une éventuelle extension de la convention d’arbitrage à la défenderesse sur la base de la théorie dite de l’immixtion (consid. 4.2). Recours rejeté.

(A. AG c. B. AG). Recours contre les courriers de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI) du 6 et du 16 septembre 2016 et de l’Arbitre unique du 19 septembre 2016.

Contrat contenant une clause compromissoire stipulant que «[t]he parties shall endeavour in good faith to resolve any dispute arising from, and/or in connection with, this Agreement by way of good faith discussion and negotiation. If the parties do not resolve any such dispute within thirty (30) days from the date on which negotiations initiated, the dispute shall […] be exclusively referred to, and finally resolved by an arbitral tribunal in accordance with the Swiss Rules of Arbitration […] » (clause de résolution des litiges multi-tier ou par étapes). Dépôt d’une demande d’arbitrage ; exception d’incompétence de la défenderesse au motif que la demanderesse n’avait pas préalablement tenté une résolution amicale du litige. Courriers du secrétariat SCAI informant les parties de ce que la Cour d’arbitrage avait procédé à la désignation d’un arbitre unique faute d’accord entre elles, puis confirmant la nomination de l’arbitre ainsi désigné. Courrier de l’arbitre proposant des dates pour la tenue d’une Case Management Conference, communiquant aux parties un projet de règlement de procédure pour observations, et invitant la défenderesse à verser sa part de l’avance de frais. Recours demandant au TF d’annuler les décisions contenues dans lesdits courriers, de constater le défaut de compétence de la SCAI et de l’Arbitre unique et de renvoyer l’affaire à l’institution pour la constitution d’un nouveau tribunal, ou pour qu’elle ordonne la suspension de la procédure jusqu’à l’expiration du terme prévu pour la poursuite d’une résolution à l’amiable. De jurisprudence constante, seules peuvent faire l’objet d’un recours au sens des arts 77 LTF et 389 ss CPC les sentences arbitrales à proprement parler. Les décisions concernant l’organisation de la procédure, y compris son éventuelle suspension, voire la nomination ou la récusation d’arbitres, ainsi que celles fixant les avances de frais, ne sont pas des sentences susceptibles de recours, à moins qu’en les rendant, le tribunal n’ait statué implicitement sur sa compétence ou la régularité de sa constitution (consid. 1.2). Les courriers attaqués en l’espèce ne peuvent pas être qualifiés de sentences. En effet, les deux lettres issues de la SCAI n’émanent pas d’un tribunal arbitral, mais d’une institution privée chargée d’administrer les procédures soumises à son règlement d’arbitrage (consid. 1.3). Quant au courrier envoyé par l’arbitre, il ne s’agissait que d’une simple ordonnance organisant la suite de la procédure et sollicitant le paiement de l’avance de frais en conformité avec ledit règlement, ordonnance dans laquelle on ne ravise aucune décision au sujet de la compétence ou nomination de l’arbitre (consid. 1.4). Recours irrecevable.

(A. AG c. B. AG). Recours contre la décision rendue le 30 août 2016 par le Tribunal arbitral des baux et loyers.

Retrait de la demande d’arbitrage suite au non-paiement de l’avance de frais par la défenderesse. Requête de la demanderesse, formulée dans deux courriers adressés aux seuls arbitres, sollicitant une décision du Tribunal portant clôture de la procédure, lui restituant la part de l’avance déjà versée par elle et mettant les frais de la procédure et une indemnité pour ses dépens à la charge de la défenderesse. Décision du Tribunal mettant les frais de la procédure à la charge des deux parties, à raison d’une moitié chacune. Recours de la défenderesse au motif, entre autres, qu’en omettant de lui transmettre les courriers de la demanderesse et de l’inviter à se prononcer à leur sujet avant de rendre sa décision, le Tribunal avait violé son droit d’être entendue. Le respect du droit d’être entendu consacré à l’art. 29 al. 2 Cst. présuppose que les actes déposés par un participant à la procédure soient communiqués aux autres. Avant de rendre une décision pouvant affecter la situation juridique d’une partie, le tribunal doit lui permettre de s’exprimer au sujet des arguments et allégations en présence (consid. 2.1-2.3). Recours admis ; cause renvoyée au Tribunal arbitral pour qu’il décide sur la répartition des frais après avoir donné l’opportunité à la recourante de prendre position sur les écritures déposées par l’intimée à ce sujet (consid. 2.5).

(A. c. Ente Ospedaliero Cantonale (EOC)).

Recours contre la sentence finale rendue le 22 septembre 2015 par la Commission de recours pour les litiges issus de l’application du Règlement du personnel près l’hôpital cantonal du Tessin. Refus de la Commission d’annuler le licenciement d’un employé de l’EOC pour cause de conduite inappropriée et nuisible à l’environnement de travail. Grief du recourant selon lequel les membres de la Commission auraient violé son droit d’être entendu en rejetant sa demande d’audition des témoins de la partie adverse, au mépris de la garantie du contradictoire consacrée à l’art. 373 al. 4 CPC et de la disposition du Règlement topique selon laquelle les arbitres doivent constater les faits d’office. La Commission a refusé d’ordonner l’audition après avoir procédé à une appréciation anticipée de l’apport probatoire des témoins en question, eu égard à l’ensemble du dossier déjà établi dans la procédure de première instance. Elle en a conclu que l’audition et contre-interrogation de ces témoins n’était pas susceptible de modifier sa conviction quant à l’issue du litige. L’appréciation des preuves, fût-elle anticipée, échappe à l’examen du TF lorsqu’il est saisi d’un recours contre une sentence arbitrale. Le droit d’être entendu au sens de l’art. 393 let. d CPC n’entraine pas non plus l’obligation pour l’arbitre de constater les faits d’office (consid. 5). Recours rejeté.

(X. [propriétaire d’une parcelle] c. Z. SA [bureau d’Ingénieurs Conseils]). Recours contre la sentence finale rendue le 19 avril 2016 par un Arbitre unique ad hoc.

Parties s’étant entendues pour soumettre leur litige, issu d’un contrat de construction, à un arbitre unique. Arbitre nommé par le juge d’appui, faute d’accord entre les parties. Argument de la recourante selon lequel la désignation de l’Arbitre serait irrégulière, au motif qu’il aurait fallu nommer un ingénieur civil ou un géotechnicien pour résoudre le litige en question, et non un avocat, fût-il spécialiste FSA, à l’instar de l’arbitre nommé en l’espèce. La procédure de désignation de l’arbitre et son indépendance ne sont pas mises en cause, seules ses qualifications sont contestées. La recourante ne soutient pas que les parties se seraient accordées pour exiger des qualifications particulières que l’Arbitre sélectionné ne remplirait pas. De telles exigences ne découlent pas non plus des dispositions légales applicables. Dès lors, le grief est infondé (consid. 2.2). Recours rejeté.

(X. c. Z. [avocats associés]). Recours contre l’ordonnance de procédure rendue le 26 août 2016 par un Arbitre unique ad hoc.

Différend entre deux avocats anciennement associés ayant mis un terme à leur collaboration, soumis au Bâtonnier de l’Ordre des avocats genevois (OdA) en tant qu’arbitre unique en vertu de la clause compromissoire insérée dans la convention d’association – clause prévoyant également une médiation préalable obligatoire. Suite à la destitution du premier arbitre par le Tribunal de première instance du Canton de Genève, son successeur à la fonction de Bâtonnier de l’OdA a donné suite à une nouvelle requête d’arbitrage déposée par Z., reprenant l’instruction de la cause déjà entamée par son prédécesseur. Par courrier du 23 août 2016, X., se référant à l’arrêt ATF 142 III 296, a invité l’arbitre à déclarer irrecevable la requête d’arbitrage de Z. ou, subsidiairement, à suspendre la procédure et fixer aux parties un délai pour procéder à la médiation prévue dans la convention d’association. Lettre de l’arbitre indiquant qu’à son sens la conséquence de la violation de l’obligation de médiation préalable, telle qu’elle ressort de l’ATF 142 III 296, n’entraîne pas l’irrecevabilité de la demande, mais la suspension de la procédure arbitrale et la fixation d’un délai aux parties pour entreprendre la médiation, invitant les parties à lui faire part de leurs souhaits respectifs quant à l’initiation d’une tentative de médiation à ce stade (qui serait alors assortie d’une suspension de l’arbitrage), et à discuter d’autres points de procédure, lors d’une conférence téléphonique à fixer (consid. 1.2). Recours de X. contre la lettre de l’arbitre, qu’il qualifie de sentence incidente, fondé sur les motifs tirés des art. 393 let. a et b CPC. Démission de l’arbitre, avec l’accord des parties, pendant la procédure fédérale, rendant sans objet la partie du recours visant à faire constater l’irrégularité de sa désignation (art. 393 let. a CPC) (consid. 1.3-2). Pour le surplus, recours irrecevable, car la lettre de l’arbitre ne constitue pas une sentence incidente au sens de l’art. 190 al. 3 LDIP, mais un document contenant de simples directives de procédure, non susceptibles d’être attaquées devant le TF (consid. 3.2). Voir également l’arrêt TF 4A_546/2016 du 27 janvier 2017, résumé ci-dessous en relation avec le grief de l’art. 393 let. b CPC.

(A. AG [Banque] c. SIX Swiss Exchange). Recours contre la sentence rendue le 22 mars 2016 par le Tribunal arbitral de la Bourse suisse.

Banque cotée en bourse condamnée à payer une amende pour infractions au Règlement de cotation et à la Directive concernant la publicité événementielle. Avant l’échéance du délai de recours au TF, l’avocat de la banque écrit à l’avocat de la Bourse, indiquant que, suite à leur entretien téléphonique, la banque a décidé de ne pas recourir contre la sentence compte tenu du fait que la Bourse n’entend pas déposer un recours. Réponse de l’avocat de la Bourse du même jour, confirmant avoir pris note de la renonciation à recourir de la banque. Ce nonobstant, quelque temps après, la banque recourt contre la sentence. Question de l’existence d’une renonciation à recourir valable. En droit de l’arbitrage interne, la renonciation à recourir peut être seulement postérieure à la sentence. Une telle renonciation, dans la mesure où elle est exprimée librement et en connaissance de la sentence, est en principe valable. La déclaration de renonciation s’interprète selon les règles usuelles d’interprétation, à savoir en recherchant la volonté réelle des parties, ou, lorsqu’une telle volonté ne peut être mise au jour, à la lumière du principe de confiance (consid. 1.2.2). En l’espèce, même si l’avocat de la banque n’avait pas utilisé le mot ‘renonciation’ dans sa communication écrite, cette communication indiquait clairement que la banque n’allait pas recourir (consid. 1.2.4). Ainsi, et compte tenu de l’ensemble des circonstances, elle pouvait parfaitement et de bonne foi être comprise par son adverse partie comme une renonciation formelle à recourir (consid. 1.2.6). La renonciation au recours est donc valable et irrévocable (consid. 1.2.7). Recours irrecevable.

TF 5A_441/2015

2015-2016

( SA c. B. Ltd)

Recours contre l’arrêt rendu le 5 mars 2015 par la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois. Cas où le contrat, contenant une clause d’arbitrage GAFTA, n’a pas été signé par les parties mais par un courtier, selon l’usage de la branche, et l’accord des parties au sujet de ladite clause ne résulte pas non plus de la correspondance échangée entre elles ou avec le courtier. Convention d’arbitrage ne respectant ni la forme prescrite par l’art. II al. 2 CNY, ni les conditions de forme de l’art. 178 al. 1 LDIP, appliqué à titre de droit national plus favorable en vertu de l’art. VII al. 1 CNY (consid. 3.3). Selon le droit anglais régissant la validité matérielle de la convention d’arbitrage, les parties sont censées conclure une convention d’arbitrage en la forme écrite si, dans les écritures échangées en cours de litige, l’une d’entre elles allègue l’existence d’une telle convention et l’autre ne la conteste pas. La recourante, qui n’a pas contesté et a même allégué l’existence de la clause d’arbitrage dans ses écritures devant le tribunal arbitral et les cours anglaises, commet un abus de droit en se prévalant des exigences formelles de l’art. II al. 2 CNY au stade de l’exequatur (consid. 3-4). Recours rejeté.

ATF 141 III 495

2015-2016

(République A. [Hongrie] c. B. International [société holding de droit français])

Recours contre la sentence finale rendue le 3 décembre 2014 par un tribunal constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) et au Règlement d’arbitrage CNUDCI. Notions de contract claims, treaty claims et umbrella clause (clause parapluie) au sens des arts 10(1) et 26 TCE. Principes régissant l’interprétation des traités internationaux et des réserves y afférentes : comme tout traité, le TCE doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (art. 31 al. 1 CVDT).

Les mêmes principes valent pour l’interprétation de la réserve formulée par la recourante à l’art. 10 al. 1 TCE, dernière phrase (exclusion des litiges relatifs à d’éventuelles violations de la clause parapluie de la portée ratione materiae de la convention d’arbitrage contenue dans le TCE), car une réserve doit être considérée comme faisant partie intégrante du traité auquel elle se rapporte. En vertu d’un principe général de procédure, le contenu et le fondement juridique des prétentions élevées par le demandeur constituent le point de départ pour l’analyse de la compétence du tribunal. D’autre part, ce dernier n’est pas lié par l’argumentation du demandeur dans son appréciation juridique des faits allégués à l’appui de la demande. A la lumière de ces principes, c’est à raison que le tribunal arbitral s’est déclaré compétent pour connaître du litige porté devant lui sur le fondement de l’art. 10 al. 1 TCE, première partie (consid. 3.5). Recours rejeté (voir également les consid. 4.3 et 5.3 de cet arrêt, résumés ci-dessous en relation avec les art. 190 al. 2 let. d et e respectivement).

ATF 142 III 239

2015-2016

( Co. [société iranienne] c. Z. Limited [société chypriote])

Recours contre la sentence rendue le 2 janvier 2015 par l’arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage (consid. 3.2.1). Situation exceptionnelle dans laquelle une clause compromissoire revêtue de la forme requise (consid. 3) et correspondant à la volonté réelle et commune des parties (consid. 4 et 5) doit être jugée valable, indépendamment de la question de savoir si le contrat dans lequel elle figurait est ou non venu à chef (consid. 6). Volonté réelle des parties ressortant, in casu, de l’échange de plusieurs projets d’un contrat-cadre dans lesquels, après avoir été modifiée par chaque partie, la clause compromissoire est restée inchangée, alors que les pourparlers se poursuivaient sur d’autres points (consid. 5).

Possibilité pour les parties de convenir de soumettre la clause compromissoire à des exigences de forme plus strictes que celle de l’art. 178 al. 1 LDIP (par exemple, signature au sens de l’art. 13 CO) : question laissée ouverte (consid. 3.3.1). Application de la théorie du groupe de contrats : lorsque plusieurs contrats se trouvent dans une relation de connexité matérielle, tels le contrat-cadre et les différents contrats qui s’y rattachent, mais qu’un seul d’entre eux contient une clause d’arbitrage, il y a lieu de présumer, à défaut d’une règle explicite stipulant le contraire, que les parties ont entendu soumettre également les autres contrats du même groupe à cette clause d’arbitrage (consid. 5). Recours rejeté.

ATF 142 III 296

2015-2016

( Ltd [société active dans l’exploration et la production d’hydrocarbures] c. Y. S.p.A. [société active dans l’exploration, la production, le transport par canalisations, la transformation et la commercialisation d’hydrocarbures et de leurs dérivés])

Recours contre la sentence sur compétence rendue le 13 octobre 2015 par un Tribunal CNUDCI. Clause compromissoire prévoyant que tout différend survenant au sujet du contrat sous-jacent devra faire l’objet d’une tentative préalable de conciliation selon le Règlement ADR CCI, l’arbitrage selon le règlement CNUDCI étant prévu pour les différends non résolus par voie de conciliation. Comme le tribunal arbitral l’a déjà correctement constaté, le préalable de conciliation convenu entre les parties est obligatoire. Or, contrairement à l’avis du tribunal, la tentative de conciliation prévue dans la clause litigieuse n’a pas eu lieu, car la procédure initiée à cette fin a été interrompue prématurément (consid. 2.4.2).

Par ailleurs, l’invocation par la recourante du non-respect de l’obligation de conciliation préalable ne relève pas de la mauvaise foi (consid. 2.4.3). Dès lors, se pose la question de la sanction appropriée pour la violation d’une telle obligation. Le fait que le TF envisage le grief tiré de la violation d’un mécanisme contractuel constituant un préalable obligatoire à l’arbitrage sous l’angle de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP ne dicte pas nécessairement la solution à retenir à cet égard. Sanctionner un tel manquement par des dommages-intérêts n’est généralement pas une solution satisfaisante. Déclarer la demande irrecevable et clore la procédure comporte de nombreux inconvénients, notamment la nécessité – au cas où la tentative de conciliation s’achèverait par un échec – de reconstituer le tribunal, et le risque qu’un délai de prescription échoue avant que le demandeur ne puisse réintroduire l’arbitrage. La solution préférable est donc la suspension de l’arbitrage, couplée avec la fixation d’un délai permettant aux parties d’achever la procédure de conciliation (consid. 2.4.4). Recours admis. La sentence sur compétence est annulée et la procédure d’arbitrage pendante est suspendue, selon des modalités à fixer par le tribunal, jusqu’à l’achèvement de la procédure conciliation.

TF 4A_136/2015

2015-2016

(Laboratoire A. [société de droit français] c. B. Ltd. [société de droit anglais] et C. [société de droit russe])

Recours contre la sentence incidente sur compétence rendue le 3 février 2015 par l’arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Interprétation de la convention d’arbitrage selon le droit suisse. Contrat de distribution contenant une clause pathologique intitulée « Arbitration » et prévoyant qu’en cas de litige « the parties shall submit their dispute to the empowered jurisdiction of Geneva, Switzerland ». L’interprétation subjective de l’arbitre, qui est parvenu à établir la volonté réelle et commune des parties d’arbitrer sur la base du texte de la clause litigieuse et de leur comportement subséquent, est une constatation de fait qui lie le TF. Au demeurant, même une interprétation objective, visant à établir le sens que les parties pouvaient et devaient – de bonne foi – donner à la clause en question en fonction de l’ensemble des circonstances – y compris le fait que l’arbitrage tend à devenir la justice de droit commun du commerce international – démontrerait qu’il s’agit bel et bien d’une convention d’arbitrage (consid. 2.2.3). Recours rejeté.

TF 4A_172/2015

2015-2016

(A. [avocat], B. AG [société de négoce de titres] c. C. [investisseur privé])

Recours contre la sentence rendue le 10 février 2015 par l’arbitre unique CCI. L’exception d’incompétence doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond (art. 186 al. 2 LDIP). Les recourantes ne sauraient invoquer le fait que, sur la base d’une interprétation différente de celle défendue par elles, l’arbitre se serait fondé sur un accord autre que le contrat principal, ne contenant pas – contrairement à ce dernier – de clause compromissoire, pour donner raison au demandeur à l’arbitrage, dès lors que cette interprétation était loin d’être surprenante. Faute d’avoir excipé de l’incompétence de l’arbitre à l’égard de cet accord distinct en temps voulu, les recourantes sont forcloses à le faire au stade du recours (consid. 3.2).

TF 4A_562/2015

2015-2016

(A. et B. S.r.l. c. C.A., D.A. et E.A.)

Recours contre la sentence sur compétence rendue le 28 août 2015 par un arbitre unique ad hoc. La question de la légitimation active et passive relève du fond de la controverse et non pas de la détermination de la compétence arbitrale (consid. 4). Recours rejeté.

TF 4A_82/2016

2015-2016

( AG c. B. AG)

Recours contre la sentence sur compétence rendue le 18 décembre 2015 par un tribunal ad hoc siégeant à Bâle. Extension de la convention d’arbitrage à un tiers non-signataire. Contrat-cadre contenant une stipulation par laquelle les parties se garantissaient mutuellement que leurs filiales respectives observeraient toutes les obligations découlant du contrat. Le tribunal a retenu – à raison – que la recourante, ayant succédé à l’une des parties au contrat-cadre suite à une restructuration, est liée par la clause compromissoire qu’il contient en vertu de cette garantie mutuelle, qui constitue une obligation transférable dont la convention d’arbitrage partage le sort en tant qu’accessoire (consid. 3). Recours rejeté.

TF 4A_218/2015

2015-2016

(, B., C., D. c. X. [tous héritiers de feu Y.])

Recours contre la sentence finale rendue le 19 mars 2015 par un tribunal CCIG. Rappel de jurisprudence : lorsque la sentence rejette toutes autres ou plus amples conclusions, le grief selon lequel le tribunal aurait statué infra petita est exclu (consid. 2). De même, dans la mesure où il ne statue pas au-delà de l’objet et du montant des demandes, tels qu’ils ont été délimités, qualifiés et quantifiés dans les conclusions des parties, le tribunal ne viole pas non plus le principe ne eat iudex ultra petita partium (consid. 3). Recours rejeté. Dans le même sens, voir également TF 4A_173/2016 du 20 juin 2016 (arrêt non résumé dans ce chapitre), consid. 3.2.

ATF 141 III 495

2015-2016

(République A. [Hongrie] c. B. International [société holding de droit français])

Recours contre la sentence finale rendue le 3 décembre 2014 par un tribunal constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) et au Règlement d’arbitrage CNUDCI. En attribuant une force probante réduite à un rapport d’expert fondé sur un modèle et des données qui n’étaient pas accessibles aux parties, le tribunal a bel et bien tenu compte des arguments avancés par la recourante au sujet de la fiabilité de ces données. Cette démarche relève de l’appréciation des preuves, qui, tout comme l’application des règles sur le fardeau de la preuve, est soustraite à l’examen du TF dans le cadre du recours contre une sentence arbitrale (consid. 4.3). Recours rejeté.

TF 4A_342/2015*

2015-2016

(X1, X2, X3, X4 [membres d’un groupe de sociétés turc] c. Z. GmbH [société de droit allemand])

Recours contre la sentence partielle rendue le 27 mai 2015 par un tribunal arbitral CCI. La constatation du tribunal arbitral quant à l’existence d’un accord entre les parties de limiter la procédure à un seul échange d’écritures – un fait procédural que le tribunal a déduit directement de déclarations faites par les parties dans l’arbitrage – lie le TF. La garantie du droit d’être entendu en matière d’arbitrage n’implique pas un droit absolu à un double échange d’écritures et n’exige pas non plus la reprise des principes régissant le droit de réplique tels que développés par le TF à la lumière de la jurisprudence de la CEDH, pour autant que le droit du demandeur de se déterminer sur les moyens articulés par le défendeur en dernier lieu (par ex. dans une demande reconventionnelle) soit préservé. Selon les circonstances, il y a donc lieu de reconnaître que les parties sont libres de convenir, à l’avance et en connaissance de cause, qu’il n’y aura pas de droit de réplique dans l’arbitrage (consid. 4). Recours rejeté.

TF 4A_42/2016

2015-2016

( [société de droit suisse] c. Y., Z.)

Recours contre la sentence partielle rendue le 21 décembre 2015 par l’arbitre unique statuant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Rappel de jurisprudence : tout comme l’état de fait retenu dans la sentence, les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient le TF, qu’elles aient trait aux conclusions des parties, à leurs allégations de fait ou arguments juridiques, au contenu des déclarations faites en cours de procès ou aux éléments de preuve versés au dossier, voire plus généralement aux différentes démarches relatives à l’instruction de la cause (consid. 3 ; voir également l’arrêt TF 4A_342/2015, résumé ci-dessus). Recours rejeté.

TF 4A_520/2015

2015-2016

( Bank c. B. SA)

Recours contre la sentence finale rendue le 31 août 2015 par un tribunal CCI. Le système des voies de droit dans le domaine de l’arbitrage international reflète la volonté du législateur de restreindre sensiblement l’intervention de la juridiction étatique de recours. La recourante erre lorsqu’elle attribue au TF la volonté d’assouplir sa jurisprudence relative au contrôle des sentences fondé sur le déni de justice formel en lien avec l’omission de traiter un argument. Un tel assouplissement n’est pas d’actualité – bien au contraire, alors que les recours invoquant ce moyen ne cessent d’augmenter, la jurisprudence topique n’a pas bougé d’iota depuis l’arrêt Cañas (ATF 133 III 235). Quoi qu’il en soit, in casu, c’est à tort que la recourante reproche au tribunal d’avoir omis de traiter un argument pertinent (consid. 3.3). Recours rejeté.

TF 4A_54/2015

2015-2016

( AS c B. SAL)

Recours contre la sentence rendue le 18 décembre 2014 par un tribunal arbitral CCI. Argument de la recourante selon lequel l’arbitre aurait violé son droit d’être entendue et l’égalité de traitement en permettant à sa partie adverse de présenter de nouveaux arguments et éléments de preuve lors de l’audience d’instruction. En dépit de la nature formelle de la garantie du droit d’être entendu selon l’art. 190 al. 2 let d LDIP, la recourante n’est pas recevable à se plaindre de sa violation en l’espèce : en effet, l’arbitre a rejeté les arguments et preuves incriminés dans sa sentence finale, de sorte que la recourante ne peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection à l’annulation de la décision sur ce point (consid. 4.2.2).

ATF 141 III 495

2015-2016

(République A. [Hongrie] c. B. International [société holding de droit français])

Recours contre la sentence finale rendue le 3 décembre 2014 par un tribunal constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) et au Règlement d’arbitrage CNUDCI. Argument de la recourante selon lequel le tribunal arbitral, en la condamnant à payer des dommages-intérêts à l’intimée sans tenir compte des contraintes découlant du droit européen en la matière, l’aurait forcée à violer ses obligations internationales et donc le principe pacta sunt servanda dans son acception de droit international public, rendant ainsi une sentence contraire à l’ordre public matériel. Incompatibilité d’une sentence contredisant une norme de droit supranational avec la définition restrictive de l’ordre public retenue dans la jurisprudence du TF : question laissée ouverte. In casu, la recourante n’a pas démontré que les motifs retenus par les arbitres pour justifier l’indemnisation de l’intimée rendraient la sentence incompatible avec l’ordre public matériel (consid. 5.3). Recours rejeté.

TF 4A_319/2015

2015-2016

( SA [société d’Etat en charge des autoroutes et routes nationales de X] c. B. SA [société de droit X spécialisée dans les travaux routiers])

Recours contre la sentence finale rendue le 11 mai 2015 par un tribunal CCI. Le motif de recours prévu à l’art. 190 al. 2 let. e LDIP ne vise pas à sanctionner le défaut d’application ou la mauvaise application du droit étranger applicable au fond, fût-il impératif (consid. 4.2.2). Recours rejeté.

TF 4A_392/2015

2015-2016

( [homme d’affaires domicilié en Suisse] c. B. [homme d’affaires domicilié en Israël)

Recours contre la sentence finale rendue le 10 juin 2015 par un arbitre unique ad hoc. Reproche fait à l’arbitre d’avoir édicté des règles de procédure inusuelles en arbitrage international et, qui plus est, de s’en être écarté. Seule la violation d’une règle essentielle pour assurer la loyauté de la procédure peut donner lieu à une sentence contraire à l’ordre public procédural. Par ailleurs, la partie qui s’estime victime d’une telle violation doit l’invoquer d’emblée au cours de l’arbitrage, sous peine de forclusion (consid. 4.2). Recours rejeté.

TF 4A_322/2015

2015-2016

( SA [société de droit panaméen] c. Y. [société de droit liechtensteinois], Z. Company [société de droit iranien])

Rappel de jurisprudence : une opinion dissidente ne fait pas partie de la sentence arbitrale, même lorsque cette dernière fait état de l’avis de l’arbitre minoritaire (voir également TF 4A_319/2015 du 5 janvier 2016, non résumé dans ce chapitre, consid. 4.2.2). Dépourvue de portée juridique propre, une telle opinion ne peut être prise en considération par l’autorité de recours (consid. 2.2.1). Cas du président du tribunal arbitral qui dépose des observations sur le recours en précisant qu’elles reflètent son avis ès qualités, mais ne constituent pas une prise de position du tribunal. Le point de vue du seul président n’est pas déterminant (et ne peut donc être pris en considération) car sa paternité ne peut pas être attribuée au tribunal (in casu, la majorité des arbitres) ayant rendu la sentence querellée (consid. 2.2.2). Recours rejeté.

TF 4A_572/2015

2015-2016

( [fonds commun de placement français] c. B. SA [société de droit espagnol])

Recours contre la sentence rendue le 11 septembre 2015 par un tribunal CCI. La partie qui entend obtenir des sûretés en garantie de ses dépens (art. 62 al. 2 LTF) doit les requérir avant de procéder devant le TF. L’intimée ne peut plus réclamer de telles sûretés alors qu’elle a déjà déposé sa réponse au recours, même s’il n’est pas contesté que c’est seulement après le dépôt de cette écriture qu’elle a appris que la recourante était entretemps devenue insolvable. Il incombe à l’intimée de se soucier de la situation financière de son adverse partie tout au long de la procédure. Faute d’information ou en cas de doute à cet égard, elle peut et doit demander des sûretés, à titre de précaution, avant de déposer sa réponse (consid. 5).

TF 4A_214/2016

2015-2016

(SA [société de droit suisse] c. Z. [ressortissante chinoise résidant en Grande-Bretagne])

Recours contre la sentence finale rendue le 8 février 2016 par l’arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Dépôt de l’acte de recours par télécopie. Lettre de la Présidente de la Ire Cour de droit civil du TF informant la recourante qu’un recours formé par fax est irrecevable et que si, comme il apparaît sur la base des renseignements fournis dans cette écriture, le délai de recours est venu à échéance le jour du dépôt par fax, il ne sera plus possible pour la recourante de remédier à ce vice. Dépôt d’un nouveau recours à l’encontre de la lettre présidentielle. Une décision prise par le ou la président(e) d’une cour du Tribunal fédéral dans la conduite du procès n’est pas sujette à recours (consid. 2.1). Recours irrecevable.

TF 4A_222/2015

2015-2016

(X. [Johan Bruyneel, ressortissant belge domicilié en Espagne, ancien directeur sportif de plusieurs équipes cyclistes professionnelles, notamment américaines.] c. USADA et AMA)

Recours contre la décision prise le 11 mars 2015 par le TAS (arrêt non résumé dans le chapitre « Droit du sport »). Lettre signée par un conseiller juridique du TAS (ce dernier statuant dans ce cas en tant que tribunal arbitral de deuxième instance), communiquant aux parties que la formation « a décidé que l’USADA [l’agence antidopage ayant initié la procédure disciplinaire à l’encontre de X.] avait compétence pour gérer les résultats et que le Tribunal arbitral AAA [ayant statué en tant que tribunal arbitral de première instance dans le cadre de ladite procédure] avait le pouvoir disciplinaire sur [X.] », tout en précisant que « [l]a présente décision est une décision partielle sur une question de fond et non pas une décision préliminaire sur la compétence du TAS au sens de l’art. 190 LDIP » et que « les motifs de la décision de la formation seront inclus dans sa Sentence Finale, ainsi que ses conclusions sur les autres questions de fond ». La décision du TAS relatée par ladite lettre ne semble pas être une sentence attaquable au sens de l’art. 190 al. 2 LDIP et de la jurisprudence y relative, du moins en l’état (consid. 3). Cette jurisprudence reconnaît bien que le prononcé entrepris devant le TF ne doit pas nécessairement émaner de la formation désignée pour statuer sur le litige (il peut par exemple être le fait d’une des Chambres arbitrales du TAS ou de son Secrétaire Général). Il est vrai aussi que c’est le contenu, plutôt que la dénomination de l’acte entrepris qui est déterminant aux fins de la décision sur la recevabilité du recours (consid. 3.1.1).

D’autre part, l’art. 186 al. 3 LDIP, disposant qu’en règle générale le tribunal statue sur sa compétence par une décision incidente, n’est pas impératif, de sorte que le tribunal est libre d’y déroger dans les cas où il l’estime opportun (consid. 3.1.2). En tout état de cause, la décision entreprise revêt plusieurs aspects singuliers, tels son format, la manière dont elle a été communiquée aux parties et son contenu. En particulier, compte tenu du fait qu’elle n’est pas motivée, il est difficile pour le TF d’ignorer la qualification expressément retenue par la formation, qui est la mieux placée pour préciser la portée de la décision qu’elle a rendue. Les circonstances exceptionnelles propres à la cause en litige doivent également être prises en considération – notamment le fait que l’acte querellé est issu d’une procédure d’appel de deuxième instance et que la compétence des instances inférieures (USADA et AAA) était l’objet principal de l’appel interjeté par X. devant cette deuxième instance (TAS) (consid. 3.2). En saisissant le TAS d’un appel sur la question de la compétence des instances inférieures, le recourant semblait implicitement admettre la compétence de jugement de la formation TAS. Ce n’est que devant le TF qu’il a soutenu que cette formation était aussi saisie de la question de sa propre compétence à statuer sur le fond. Il n’est donc pas surprenant que, dans les circonstances telles qu’elles se présentaient devant elle, la formation ait choisi de rendre une décision incidente sur une question préalable de fond sans se prononcer définitivement sur sa propre compétence (consid. 3.3.3). Force est de conclure qu’il convient d’attendre la notification de la sentence finale du TAS pour examiner les moyens que le recourant pourrait soulever dans un éventuel recours, y compris, le cas échéant, le grief d’incompétence (consid. 3.3.4). Recours irrecevable.

TF 4A_328/2015*

2015-2016

( c. Bank B. AG.)

Notion de cause de nature patrimoniale, au sens, entre autres, de l’art. 177 LDIP. En droit suisse, la nature patrimoniale de la cause entraîne généralement l’application de règles procédurales moins protectrices pour les parties. Il irait à l’encontre de ce principe et des intérêts de la protection des parties faibles que de laisser la détermination de la nature patrimoniale ou non de la cause à la discrétion des parties. C’est donc au juge ou à l’arbitre saisi du litige qu’il revient de décider de la nature de la cause qui lui est soumise (consid. 5).

TF 4A_392/2015

2015-2016

([homme d’affaires domicilié en Suisse] c. B. [homme d’affaires domicilié en Israël])

Recours contre la sentence finale rendue le 10 juin 2015 par un arbitre unique ad hoc. Délai de recours : confirmation de la jurisprudence relative au système dit de la notification fictive. Si le destinataire du pli contenant l’expédition complète de la sentence ne peut pas être atteint et qu’une invitation à retirer l’envoi est déposée dans sa boîte aux lettres ou case postale, faute d’avoir été retiré dans le délai de garde de sept jours, le pli est réputé lui avoir été communiqué le dernier jour de ce délai (consid. 2.2). Recours recevable.

TF 4A_596/2015

2015-2016

( c. B.). Recours contre la sentence rendue le 15 septembre 2015 par une formation du Tribunal arbitral du sport (TAS) (arrêt non résumé dans le chapitre « Droit du sport »). Acte de recours déposé en une langue autre qu’une langue officielle du TF (art. 42 al. 1, 54 al. 1 LTF). Fixation d’un délai approprié pour remédier à cette irrégularité (art. 42 al. 5 LTF). Traduction allemande du mémoire déposée par email le jour de l’échéance du délai (prolongé) de recours, sans signature électronique reconnue (art. 42 al. 4 et 48 al. 2 LTF). Recours irrecevable.

TF 4A_426/2015

2015-2016

( AG. [entreprise suisse spécialisée en matière première] c. A. AG. [société anonyme suisse])

Recours contre la sentence rendue le 30 juin 2015 par un tribunal arbitral siégeant sous l’égide de la Chambre de commerce de Zurich. Première sentence finale, rendue par le tribunal arbitral le 19 février 2014, annulée par le TF pour violation de l’interdiction de l’arbitraire (arrêt TF 4A_190/2014, résumé dans l’édition 2014-2015 de ce recueil). Renvoi de la cause au tribunal afin qu’il statue à nouveau dans le sens des considérants de l’arrêt du TF (art. 395 al. 2 CPC). Deuxième sentence finale, dans laquelle le tribunal arbitral a rendu exactement la même décision que dans la première sentence, à quelques ajustements (formels) près, sans se conformer aux considérants de l’arrêt de renvoi. Sentence constituant une violation manifeste du droit (consid. 3). Recours admis, sentence annulée et renvoi de la cause au tribunal arbitral afin qu’il statue une troisième fois, en se conformant aux considérants tant du premier que du deuxième arrêt de renvoi (consid. 4).

ATF 142 III 220

2015-2016

(A c. B. AG)

Recours contre la sentence rendue le 15 juillet 2015 par un tribunal arbitral ad hoc.

Depuis l’entrée en vigueur du CPC, la validité formelle des clauses arbitrales statutaires est uniquement sujette aux prescriptions de l’art. 358 CPC (identique à l’art. 178 al. 1 LDIP pour l’arbitrage international), l’exigence d’une déclaration écrite d’adhésion se référant expressément à la clause compromissoire (art. 6 al. 2 de l’ancien Concordat) étant ainsi dépassée (consid. 3.4.1-3.4.2). Quant à leur étendue ratione personae, la majorité de la doctrine considère que les clauses arbitrales statutaires lient les membres fondateurs, mais également et eo ipso les nouveaux membres qui acquièrent une part préexistante, même si l’acte d’acquisition ne se réfère ni aux statuts ni à la convention d’arbitrage qu’ils contiennent. En revanche, la doctrine est plus réservée pour les cas où la qualité de membre n’implique pas la succession dans des droits antérieurs, par exemple en cas d’adhésion à une association ou société coopérative. La majorité des auteurs considèrent que dans ces cas une référence globale aux statuts contenant la clause compromissoire est nécessaire pour que celle-ci lie les nouveaux membres. La tendance qui se dessine au niveau législatif, notamment dans l’avant-projet du Conseil fédéral relatif à la révision du droit de la société anonyme, semble aller dans le sens d’une libéralisation accrue, comme l’atteste le passage du rapport explicatif accompagnant ledit avant-projet, précisant, au sujet du nouvel art. 679l CO, que « les nouveaux actionnaires sont ipso jure assujettis à la clause d’arbitrage, sans qu’aucune autre approbation ou forme soit nécessaire » (consid. 3.4.3). Recours rejeté.

( AG c. B. et C.)

Recours contre la « décision préliminaire » et l’« arrêt » rendus les 5 et 14 octobre 2015 respectivement par un « tribunal arbitral » siégeant à Wolfhalden. Pour être valable, une convention d’arbitrage doit être passée en la forme écrite au sens de l’art. 358 CPC. De toute évidence, une prétendue acceptation tacite ne remplit pas cette exigence de forme. Par ailleurs, et contrairement à ce qu’a pu soutenir l’arbitre, la recourante a soulevé une exception d’incompétence en bonne et due forme et en temps voulu. Même à vouloir supposer que les décisions rendues par le prétendu « arbitre » soient des sentences, elles sont entachées de tels vices qu’elles doivent être déclarées nulles (consid. 4.3-4.4). Recours admis.

ATF 142 III 284

2015-2016

( AG et B. AG c. X. SA et Y. SA)

Recours contre la sentence rendue le 23 juin 2015 par le Tribunal arbitral ad hoc. Tout comme le juge étatique, lorsqu’il statue sur les frais et dépens d’une procédure classée, l’arbitre doit entendre les parties avant de rendre sa décision, faute de quoi cette dernière, étant une sentence attaquable au sens de l’art. 392 CPC (voir le consid. 1.2 de cet arrêt, résumé sous la rubrique Recevabilité du recours), doit être annulée pour violation du droit d’être entendu des parties (consid. 4.2). Recours admis.

ATF 141 III 444

2015-2016

( SA c. A.B. et B.B. et al.)

Recours contre la décision rendue le 22 décembre 2014 par la juge suppléante du Tribunal du district de Monthey, déclarant irrecevable une requête en désignation d’arbitre. Interprétation de l’art. 356 al. 2 let. a CPC (prévoyant qu’un tribunal autre que le tribunal cantonal supérieur statue, en instance unique, sur les requêtes en nomination d’arbitre) en lien avec l’art. 75 al. 2 LTF (aux termes duquel l’autorité précédant le TF est en principe un tribunal supérieur). Lorsqu’il interprète une règle de droit, le TF privilégie une approche pragmatique, appliquant une pluralité de méthodes – littérale, historique, systématique et téléologique – sans hiérarchie particulière. Interprétés au pied de la lettre, les art. 356 al. 2 let. a et 75 al. 2 LTF semblent exclure un recours direct au TF contre un refus du juge d’appui de nommer un arbitre. L’examen des travaux préparatoires ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire, ni dans un sens ni dans l’autre.

Par ailleurs, la méthode d’interprétation systématique met en lumière la singularité de l’institution de l’arbitrage dans le domaine de la procédure civile, y compris pour ce qui est des voies de recours. L’interprétation téléologique, quant à elle, met l’accent sur le fait que le refus de nommer un arbitre peut empêcher irrémédiablement la mise en œuvre de l’arbitrage convenu entre les parties, portant par là sérieusement atteinte à l’autonomie des parties et au principe de la fidélité contractuelle (pacta sunt servanda). Il y a donc lieu d’admettre que, dans le cadre de l’arbitrage interne, la décision par laquelle le juge d’appui refuse de nommer un arbitre ou déclare irrecevable la requête ad hoc peut être soumise directement au TF par la voie du recours en matière civile, quand bien même elle n’émane pas d’un tribunal supérieur au sens de l’art. 75 al. 2 LTF. Recours recevable (consid. 2). Selon l’art. 362 al. 3 CPC, l’autorité judiciaire appelée à nommer un arbitre procède à la nomination sauf si un examen sommaire démontre qu’il n’existe aucune convention d’arbitrage entre les parties. Toute question relative à l’interprétation de la convention d’arbitrage et notamment à son champ d’application est exorbitante du pouvoir d’examen du juge d’appui statuant sur une requête en désignation d’arbitre. Dès lors que l’existence d’une convention d’arbitrage applicable au litige divisant les parties ne peut être exclue avec certitude, le juge doit se laisser guider par le principe in dubio pro arbitro, le tribunal arbitral à constituer étant seul compétent pour se prononcer sur sa propre compétence (consid. 3). Recours admis ; cause renvoyée à la juge intimée afin qu’elle procède à la nomination.

ATF 142 III 230

2015-2016

(A c. B. AG)

Recours contre la décision du Tribunal de district de Höfe du 1er décembre 2014. Contrairement au refus de nommer un arbitre (voir l’ATF 141 III 444, résumé ci-dessus), et en ligne avec la solution adoptée pour l’arbitrage international sous la LDIP, la décision du juge d’appui de nommer un arbitre en application de l’art. 362 CPC ne peut faire l’objet d’un recours devant le TF, sauf peut-être si, en même temps qu’il a désigné l’arbitre, le juge a également statué sur une demande de récusation (question laissée ouverte). A cette éventuelle exception près, la décision de nomination par le juge d’appui est donc finale. Seule la question de l’existence d’une convention d’arbitrage, que le juge appelé à nommer l’arbitre doit déterminer sur la base d’un examen sommaire, pourra être revue ultérieurement et indirectement, à la faveur d’un recours contre la première sentence attaquable rendue par le tribunal arbitral (consid. 1). Recours irrecevable.

ATF 142 III 284

2015-2016

( AG et B. AG c. X. SA et Y. SA)

Recours contre la sentence rendue le 23 juin 2015 par le Tribunal arbitral ad hoc. La nature de la décision par laquelle le tribunal arbitral classe l’affaire et statue sur les dépens suite à la renonciation de la demanderesse à l’arbitrage (art. 378 al. CPC) est débattue en doctrine. C’est à juste titre que certains auteurs la qualifient de « décision de radiation » (Abschreibungsbeschluss), par opposition à une décision d’irrecevabilité (Nichteintretensentscheid, qualification retenue par d’autres commentateurs). Cette décision se limite à entériner la démarche d’une partie consistant à mettre un terme à la procédure pendante sans pour autant renoncer à en ouvrir une autre – arbitrale ou judiciaire – ultérieurement. Le prononcé relatif aux frais et dépens qui est incorporé dans la décision de radiation constitue quant à lui une sentence (in casu, finale) attaquable, au sens de l’art. 392 CPC. Valeur litigieuse seuil pour l’admissibilité du recours en matière civile contre une sentence arbitrale (art. 74 al. 1 let. b LTF) : selon la jurisprudence, la valeur litigieuse déterminante est celle des conclusions sur le fond qui étaient en litige devant l’instance précédente, même si seule la partie du dispositif concernant les frais et dépens est par la suite contestée devant le TF (consid. 1.2). Recours recevable.

TF 4A_143/2015

2015-2016

(A. c. B. SA)

Recours contre la sentence arbitrale rendue le 21 janvier 2015 par un tribunal arbitral ad hoc. Selon la jurisprudence (critiquée) du TF, la question du domicile suisse ou étranger des parties à la convention d’arbitrage, qui détermine le caractère interne ou international de l’arbitrage et, par là, les motifs de recours contre la sentence qui en est issue, doit s’examiner uniquement à l’égard des parties à la procédure arbitrale. Le cas d’espèce se distingue de cette jurisprudence dans la mesure où le demandeur à l’arbitrage n’est pas partie au contrat contenant la clause compromissoire, mais se prévaut de la position juridique d’un des deux cocontractants, qui aurait agi comme prête-nom dans une opération de simulation. Dans une telle situation, il paraît prima facie indiqué de qualifier l’arbitrage d’interne ou international en tenant compte uniquement du domicile des parties telles que désignées dans la clause compromissoire (question laissée ouverte) (consid. 1.1). Recours rejeté.

TF 4A_206/2016

2015-2016

( c. B. SA [société suisse])

Recours contre la sentence finale rendue par un arbitre unique le 25 février 2016. Vérification ex officio de la recevabilité du recours : le recourant n’indique pas où il était domicilié au moment de la conclusion du contrat contenant la clause compromissoire, et la sentence attaquée ne contient pas de constatation à cet égard. Toutefois, les informations disponibles (en particulier, le fait que le recourant est et était domicilié à l’étranger au moment où la sentence a été rendue, et l’inclusion dans le contrat litigieux d’une stipulation excluant l’application du droit international privé suisse) portent à conclure qu’il s’agit d’un arbitrage international et non interne. Fondé sur l’art. 393 let. e CPC, le recours est donc irrecevable.

(A., B. c. C. AG)

Demandes de révision de l’arrêt TF 4A_618_634/2015 du 9 mars 2016, déclarant nulles deux sentences sur compétence (résumé ci-dessus, en lien avec l’art. 393 let. b CPC), accompagnées d’une demande de récusation des trois juges fédéraux et du greffier ayant rendu l’arrêt attaqué (art. 121 lit. a LTF). Demandes jugées irrecevables, le TF se réservant le droit de classer sans formalité particulière toute autre requête de ce genre déposée dans cette affaire.

TF 5A_165/2015

2014-2015

( SA c. Y. GmbH)

Recours contre l’arrêt rendu le 23 janvier 2014 par la Cour d’appel du canton de Zurich.

En principe, une sentence obtenue par des manœuvres frauduleuses est contraire à l’ordre public procédural. Toutefois, l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre de témoins impliqués dans l’arbitrage dont il est allégué qu’ils auraient commis une fraude procédurale (faux témoignage) ne justifie pas à elle seule que le juge requis refuse d’exécuter la sentence en application de l’art. V ch. 2 let. b CNY. Encore faut-il établir que la prétendue conduite frauduleuse ait influencé la sentence, ce que la recourante n’a pas fait. L’art. 328 al. 1 CPC, auquel elle se réfère en soutenant qu’il devrait être appliqué par analogie à l’interprétation du motif de refus de l’art. V ch. 2 let. b CNY, va d’ailleurs dans le même sens (consid. 6.2). L’art. VI CNY permet au juge requis de surseoir à statuer sur l’exécution de la sentence en cas de demande d’annulation auprès de l’autorité compétente. Cette disposition laisse au juge une large marge d’appréciation quant à l’opportunité d’une telle décision. Un sursis ne se justifie en tout cas pas pour la seule raison qu’un recours en annulation a été déposé. C’est au vu des circonstances concrètes du cas d’espèce, y compris les chances de succès du recours, que le juge de l’exécution décidera s’il y a lieu d’appliquer l’art. VI CNY (consid. 7.1). En l’occurrence, les chances de succès de la recourante devant l’instance d’annulation sont manifestement faibles. De plus, le principe de la célérité s’oppose à ce que l’exécution de la sentence soit suspendue en attendant l’issue d’une procédure de recours tout juste entamée et dont la durée ne peut être déterminée d’avance (consid. 7.2). Recours rejeté.

TF 5A_409/2014

2014-2015

(A. c. B.)

Recours contre l’arrêt rendu le 11 avril 2014 par la Cour de justice de Genève.

Question du droit que le juge de l’exequatur doit appliquer en statuant, selon l’art. V ch. 1 let. b CNY (violation du droit d’être entendu), sur la validité de la notification des actes relatifs à une procédure arbitrale. Savoir si cette disposition instaure un standard international ou renvoie au droit de l’Etat d’exécution est un point débattu. La pratique tend à partir de la conception du droit d’être entendu de l’Etat requis tout en tenant compte des spécificités de l’arbitrage et des critères internationaux. De ce point de vue, il est admis que la notification effectuée conformément au droit de l’Etat du domicile du destinataire est dans tous les cas suffisante pour assurer le respect du droit d’être entendu au sens de l’art. V ch. 1 let. b CNY.

Quant à l’adresse de notification, la jurisprudence considère que la communication des actes à la dernière adresse connue du destinataire, en conformité avec le règlement d’arbitrage adopté par les parties, doit également suffire, en particulier lorsque le destinataire doit raisonnablement s’attendre à une communication (consid. 5.2.2.2).

Grief tiré de l’art. V ch. 2 let. b CNY (violation de l’ordre public) en relation avec un pactum de quota litis fixant la rémunération de l’intimé en tant qu’avocat du recourant. Une méthode de fixation des honoraires d’avocat ne contrevient pas à l’ordre public du seul fait qu’elle est inconnue en droit suisse. La question déterminante est bien plutôt celle de savoir si l’écart entre les honoraires fixés de cette manière et le résultat auquel on arriverait en appliquant une méthode acceptée en droit suisse apparaît manifestement incompatible avec le sentiment de justice interne (consid. 7.2.2.2).

En l’espèce, l’autorité cantonale a considéré, à raison, que le rapport entre les honoraires litigieux et le gain de la cause ne justifiait pas le refus de l’exécution de la sentence (consid. 7.3). Recours rejeté.

TF 4A_199/2014

2014-2015

( Inc. c. B. SA)

Recours contre la sentence rendue le 19 février 2014 par un tribunal arbitral CCI. Précision et double rappel quant à la manière de motiver le mémoire de recours et le moment pour ce faire : il est d’usage et souhaitable, sans que cela soit une obligation (art. 42 al. 2 LTF a contrario), d’inclure dans cette écriture un résumé des circonstances de fait retenues dans la sentence attaquée, en particulier lorsque celle-ci n’a pas été rédigée dans une langue officielle du TF. En outre, la motivation doit être contenue dans l’acte de recours lui-même : le procédé consistant à inviter le TF à se référer aux écritures versées au dossier de l’arbitrage n’est pas toléré. Enfin, le recourant ne peut se servir de la réplique pour compléter ou modifier, après l’expiration du délai de recours (délai non prolongeable selon l’art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l’art. 47 al. 1 LTF), la motivation présentée dans le mémoire de recours (consid. 3.1).

ATF 140 III 477

2014-2015

(A. SA [société luxembourgeoise] c. B. [société turque])

Recours contre la sentence incidente rendue le 17 décembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Bâle. Clause stipulant que « [f]or all disputes arising out of this contract, the Arbitration Committee, to be established in Basel (Switzerland), is authorized and the law to be applied is Swiss law […] ». Les conventions d’arbitrage incomplètes, peu claires ou comportant des éléments contradictoires sont dites « pathologiques ». Pour autant que les défauts les affectant ne touchent pas aux éléments devant impérativement figurer dans une convention d'arbitrage, de telles clauses ne sont pas nécessairement nulles. Selon la jurisprudence, il faut, bien plutôt, en élucider le sens en recherchant par la voie de l’interprétation une solution qui respecte la volonté fondamentale des parties de se soumettre à une juridiction arbitrale. En droit suisse, l’interprétation d’une convention d'arbitrage se fait selon les règles générales d'interprétation des contrats. Si le juge (ou l’arbitre) ne parvient pas à déterminer la commune et réelle volonté des parties, il doit alors rechercher, en appliquant le principe de la confiance, le sens qu’elles pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l'ensemble des circonstances. En conformité avec ces règles, l’arbitre unique a interprété la clause litigieuse selon le principe de la confiance. Il est ainsi parvenu, suivant une démarche qui ne prête pas le flanc à la critique, à la conclusion qu’il s’agissait d’une convention visant l’arbitrage selon les Swiss Rules of International Arbitration, administré par la Chambre de commerce des deux Bâle, et non un arbitrage ad hoc avec siège à Bâle, comme soutenu par la recourante (consid. 5.2). Recours rejeté.

TF 4A_676/2014

2014-2015

(A. [Fondation de droit néerlandais] c. B. [société de droit américain] et C. [CEO de B.]

Recours contre la sentence rendue par un tribunal siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Pour être valable, une convention d’arbitrage doit prévoir l’obligation pour les parties de déférer leur litige à un tribunal arbitral privé, appelé à rendre une décision à caractère contraignant en lieu et place de la juridiction étatique normalement compétente. Clause dans un accord transactionnel stipulant que ledit accord sera « interpreted in accordance with and governed in all respects by the provisions and statutes of the International Chamber of Commerce in Zürich, Switzerland and subsidiary by the laws of Germany ». En l’absence de toute référence, non seulement à l’arbitrage, mais aussi et de manière plus significative, à la résolution d’éventuels différends ou litiges, une telle clause ne constitue pas une convention d’arbitrage valable selon le droit suisse (fût-elle « pathologique », au sens de la jurisprudence résumée en marge de l’ATF 140 III 477 ci-dessus), en tant qu’elle ne permet pas d’établir la volonté des parties de faire trancher leurs litiges par la voie arbitrale. Il pourrait s’agir, tout au plus, d’une clause d’élection de droit, au demeurant imprécise et au sens relativement obscur (consid. 3.2.3.2). C’est donc à raison que le tribunal arbitral s’est déclaré incompétent à statuer sur le litige qui lui a été soumis sur la base de cette clause. Recours rejeté.

TF 4A_606/2013

2014-2015

(Sàrl X. [société de droit algérien] c. Y. AG [société de droit allemand])

Recours contre la sentence finale rendue par un tribunal arbitral CARICI. De jurisprudence constante, des fautes de procédure ou une décision matérielle erronée ne suffisent pas à fonder l’apparence de prévention d’un tribunal, sauf erreurs particulièrement graves ou répétées qui constitueraient une violation manifeste des ses obligations. Par ailleurs, la réserve relative aux fautes graves ou répétées, ouvrant par hypothèse la porte d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a LDIP, ne saurait être détournée pour servir de base à une critique appellatoire des constatations de fait ou considérations juridiques sur lesquelles repose la sentence, ni pour permettre à une partie ne pouvant pas invoquer avec succès les motifs prévus aux lettres b à e de l’art. 190 al. 2 LDIP d’en obtenir néanmoins l’annulation (consid. 5.3).

TF 4A_709/2014

2014-2015

(A. SA [société de droit suisse] c. B. Sàrl [société de droit luxembourgeois]) 

Recours contre la sentence rendue le 14 novembre 2014 par l’arbitre unique ad hoc. Architecte désigné nommément comme arbitre dans la convention d’arbitrage, ayant décidé de se faire épauler à ses propres frais par deux avocats agissant respectivement en qualité de conseil et secrétaire du tribunal. La mission juridictionnelle de l’arbitre est éminemment personnelle, le contrat d’arbitre étant conclu intuitu personae. Cela implique que l’arbitre ne peut déléguer l’accomplissement de sa mission à autrui, mais n’exclut pas nécessairement qu’il puisse faire appel à l’assistance de tiers dans la conduite de l’arbitrage. Il est généralement admis que la possibilité de nommer un secrétaire du tribunal, prévue en arbitrage interne par l’art. 365 al. 1 CPC, vaut aussi en matière d’arbitrage international. Les tâches du secrétaire sont comparables à celles d’un greffier judiciaire : elles n’excluent pas, en particulier, une certaine assistance dans la rédaction de la sentence, sous le contrôle et selon les directives du tribunal, étant entendu que, sauf convention contraire des parties, les fonctions de nature judiciaire demeurent l’apanage exclusif des arbitres. Sous cette même réserve et dans l’exercice de ses prérogatives en matière procédurale, il est également admis que l’arbitre puisse faire appel à des consultants externes (consid. 3.2.2). En l’occurrence, il ne ressort pas du dossier de l’arbitrage que le rôle joué par les avocats ayant assisté l’arbitre ait été au-delà d’un soutien administratif et juridique dans le traitement de questions de procédure. La sentence indique expressément que les individus en question n’ont pas participé à la prise de décision ni influencé l’issue du litige. Dès lors, le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal tombe à faux (consid. 3.3-3.4). Recours rejeté.

TF 4A_253/2014

2014-2015

( c. B., C., D., E. et F.)

Recours contre la sentence rendue le 25 mars 2014 par un arbitre unique. Les chefs de la demande dont il est question à l’art. 190 al. 2 let. c LDIP sont les conclusions des parties, soit leurs demandes sur le fond. Par conséquent, l’arbitre ne rend pas une sentence infra petita s’il omet de statuer sur des requêtes d’ordre procédural (consid. 4.3).

TF 4A_486/2014

2014-2015

(A. [société anonyme de droit xxx] c. X.B. [société de droit yyy]

Recours contre la sentence rendue le 30 juin 2014 par un tribunal arbitral CCI. Argument selon lequel, en omettant d’appliquer les principes d’interprétation établis par le droit suisse (régissant le contrat litigieux) à l’art. 18 al. 1 CO, pourtant dûment invoqués par la recourante, le tribunal aurait commis un déni de justice formel (consid. 4.2-4.3.1). S’il est vrai que la sentence ne cite pas expressément cette disposition, l’examen de son contenu montre que le tribunal a bel et bien procédé à l’interprétation du contrat conformément aux principes déduits de l’art. 18 al. 1 CO. Plus spécifiquement, le tribunal a retenu, à la majorité de ses membres, que son analyse du contrat lui avait permis de déterminer la réelle et commune intention des parties (interprétation dite ‘subjective’) quant au sens à donner aux clauses pertinentes pour la résolution du litige (consid. 4.3.2). Recours rejeté.

TF 4A_554/2014

2014-2015

(A. [société de droit français] c. B. [société soumise au droit de l’Etat du Delaware]) 

Recours contre la sentence rendue le 30 juillet 2014 par un Arbitre unique CCI siégeant à Genève. En Suisse, le droit des parties d’être interpellées sur des questions juridiques n’est reconnu que de manière restreinte. En vertu de l’adage jura novit curia, les tribunaux étatiques et arbitraux peuvent statuer sur la base de règles de droit autres que celles invoquées devant eux. Pour autant que la convention d’arbitrage ne restreigne pas la mission du tribunal aux seuls moyens juridiques soulevés par les parties, celles-ci n’ont pas à être entendues sur la portée à reconnaître aux règles de droit, à moins que le tribunal n’envisage de fonder sa décision sur une norme ou considération juridique qui n’a pas été invoquée dans l’arbitrage et dont les parties ne pouvaient pas supputer la pertinence pour la résolution du litige (consid. 2.1).

Par ailleurs, si les parties étaient convenues de déroger à la règle jura novit curia en limitant la mission de l’arbitre aux seuls moyens juridiques qu’elles invoqueraient (par exemple en incluant une clause à cet effet dans l’acte de mission), le non-respect de cette limitation ouvrirait un recours au TF au titre de l’incompétence de l’arbitre (art. 190 al. 2 let. b LDIP) ou de la violation de la règle ne eat judex ultra petita partium (art. 190 al. 2 let. c LDIP), et non du chef de la violation du droit d’être entendu sanctionnée par l’art. 190 al. 2 let d LDIP (consid. 2.2).

Cela étant, la recourante plaide en vain l’effet de surprise : s’il est vrai que l’expression « reconduction tacite » n’avait pas été utilisée dans les écritures des parties, l’application par l’arbitre de cette figure juridique connue du droit français, régissant le contrat litigieux, était loin d’être imprévisible. Au vu de la question à résoudre, l’hypothèse de la reconduction tacite ne pouvait en tout cas pas être écartée d’emblée par un plaideur prudent et a fortiori par la recourante, une entreprise française rompue à la négociation de contrats internationaux, dotée d’un service juridique interne et assistée dans l’arbitrage par deux conseils inscrits au barreau de Paris (consid. 2.3.2). Recours rejeté.

TF 4A_636/2014

2014-2015

(A. Corporation [Société russe] c. B. SA [Société luxembourgeoise, partie du groupe C.]) 

Recours contre la sentence rendue le 15 septembre 2014 par un tribunal CCI siégeant à Genève. En fondant sa décision quant au dommage subi par la demanderesse sur une déclaration de témoin soumise par cette même partie, le tribunal n’a pas violé le droit d’être entendue de l’autre partie, laquelle s’était limitée à affirmer que ce témoignage n’était pas apte à prouver le montant du dommage, sans produire de contre-témoignage ou d’expertise, et sans contre-interroger le témoin de la demanderesse sur ce point (consid. 3.3). En droit suisse de l’arbitrage international, la violation ou l’application arbitraire d’une règle de procédure par le tribunal n’est pas en tant que telle un motif d’annulation de la sentence. En particulier, l’admission d’une écriture déposée par une partie après le délai fixé à cette fin n’autorise pas l’autre partie à se plaindre d’une violation du principe de l’égalité de traitement. Une telle violation ne survient, dans ce cas de figure, que si les deux parties ont soumis leurs écritures tardivement et que seule l’une d’entre elles est sanctionnée pour ce retard (consid. 4.2).

TF 4A_709/2014

2014-2015

(A. SA [société de droit suisse] c. B. Sàrl [société de droit luxembourgeois]).

L’art. 182 al. 3 LDIP, tel qu’interprété par la jurisprudence, ne confère pas aux parties le droit de faire entendre oralement ceux de leurs témoins qui ont déposé des déclarations écrites. Par ailleurs, il n’y a pas de violation du principe de l’égalité de traitement lorsque l’arbitre, conformément à la procédure usuelle en arbitrage international, accorde à une partie le droit d’interroger ses propres témoins (re-direct examination) suite à leur audition en cross examination à la demande de son adverse partie, tout en refusant à cette dernière le droit d’appeler ses témoins pour un interrogatoire direct alors que l’autre partie n’en a pas requis l’audition en cross examination (consid. 5.2.4). Recours rejeté. (En rapport avec ce thème : au sujet de l’admissibilité des règles de procédure limitant le droit des parties de faire entendre leurs propres témoins aux cas où le contre-interrogatoire a été requis par la partie adverse, voir le consid. 6.2.3 de l’arrêt 4A_199/2014 du 8 octobre 2014).

TF 4A_231/2014

2014-2015

( SA c. B.)

Recours en matière civile et demande de révision connexes visant la même sentence arbitrale, rendue le 3 mars 2014 par un tribunal arbitral CCI. Recours en matière civile traité en priorité (consid. 2 ; pour la décision sur la demande de révision, voir l’arrêt 4A_247/2014 du même jour, résumé sous la note marginale « Révision (art. 123 LTF) » ci-dessous). Selon la conception juridique suisse, les promesses de versement de pots-de-vin sont contraires aux mœurs et partant nulles. La jurisprudence a également retenu que de telles promesses contreviennent à l’ordre public. Toutefois, pour que le grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP soit admis, il faut que la corruption soit établie et que le tribunal arbitral ait refusé d’en tenir compte dans sa sentence. En l’espèce, le tribunal a considéré que l’allégation de corruption n’avait pas été prouvée par la recourante (consid. 5.1). Argument de cette dernière selon lequel le tribunal aurait méconnu l’ordre public transnational en lui ordonnant le paiement de commissions qui l’exposeraient au risque d’être sanctionnée sur la base de dispositions du droit pénal édictées par les Etats-Unis et l’Angleterre (UK Bribery Act 2010 et Foreign Corrupt Practices Act). Motivation manifestement insuffisante du recours sur ce point (consid. 5.2). (Au sujet du contenu de la notion d’ordre public matériel au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, voir également l’arrêt 4A_634/2014 (consid. 5.2.2), résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage).

(Y. SA et Z. SA c. B. B.V. et V. Ltd et W. SA c. B B.V.) 

Recours contre les sentences rendues le 17 juillet 2014 par un tribunal arbitral CCI ; causes jointes.

En l’espèce, le tribunal arbitral a retenu, sur la base d’une appréciation des preuves qui échappe à l’examen du TF, que l’allégation de corruption visant l’intimée n’avait pas été prouvée. Dès lors, le reproche fait aux arbitres d’avoir violé l’ordre public en ordonnant le paiement de commissions relatives à des contrats qui seraient frappés de nullité pour cause de corruption tombe à faux (consid. 5.1). Faute pour les recourantes d’avoir établi l’existence de paiements illégitimes attribuables à l’intimée et compte tenu du fait que l’adage « le pénal tient le civil en l’état » ne relève pas, selon la jurisprudence, de l’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, le tribunal a également conclu, par un raisonnement que les arguments avancés par les recourantes ne parviennent pas à infirmer, qu’il ne se justifiait pas de surseoir au prononcé des sentences jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale pendante en Angleterre, issue d’enquêtes portant sur des soupçons de corruption en lien avec des projets auxquels avaient participé des sociétés du même groupe que les recourantes (consid. 5.2). Recours rejeté.

TF 4A_606/2013

2014-2015

(Sàrl X. [société de droit algérien] c. Y. AG [société de droit allemand])

Recours contre la sentence rendue le 25 octobre 2013 par un tribunal arbitral CARICI.

Selon la jurisprudence, un tribunal arbitral viole l’ordre public procédural non seulement s’il statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure, mais aussi s’il s’écarte, dans sa sentence finale, de l’opinion qu’il a précédemment émise dans une sentence préjudicielle tranchant une question préalable de fond. A la lumière de cette règle bien établie, le tribunal ne pouvait pas revenir sur la question de la portée de l’accord litigieux entre les parties, qu’il avait réglée à titre préalable dans une sentence antérieure. Il n’a donc pas violé le droit d’être entendue de la recourante en refusant de tenir compte de ses arguments à ce sujet dans les phases ultérieures de l’arbitrage (consid. 3 et 4.2.3.1). L’autorité de la chose jugée vaut également sur le plan international et gouverne, entre autres, les rapports entre un tribunal arbitral siégeant en Suisse et une juridiction étatique étrangère. Cela étant, les décisions rendues dans le cadre de procédures étatiques statuant sur le blocage du paiement d’une garantie par voie de mesures provisionnelles ou au moyen d’un séquestre ne bénéficient pas de l’autorité de la chose jugée (consid. 6.3.2). Par ailleurs, le grief visant le refus du tribunal de récuser un expert pour violation du devoir d’indépendance et d’impartialité doit lui aussi être examiné sous l’angle de la garantie subsidiaire de l’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, et non de l’exigence de la composition régulière du tribunal arbitral selon l’art. 190 al. 2 let. a LDIP, l’expert n’étant pas un membre du tribunal. En revanche, la règle jurisprudentielle à caractère général selon laquelle la partie qui entend récuser un arbitre doit invoquer le motif de récusation aussitôt qu’elle en a connaissance, sous peine de forclusion, s’applique également à la récusation d’un expert nommé par le tribunal. Demande de récusation déposée tardivement (consid. 6.2). Recours rejeté.

TF 4A_633/2014 *

2014-2015

(A. LLP [Etude d’avocats ayant son siège aux USA] c. B. [avocat domicilié en Allemagne])

Recours contre la sentence rendue le 29 septembre 2014 par un Tribunal arbitral CCI siégeant à Zurich. Viole l’ordre public procédural le tribunal arbitral qui statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure. Sur le plan international, l’autorité de la chose jugée gouverne, entre autres, les rapports entre tribunaux arbitraux ayant leur siège dans des Etats différents. Si donc une partie saisit un tribunal arbitral siégeant en Suisse d’une demande identique à celle qui a fait l’objet d’une sentence arbitrale exécutoire, rendue entre les mêmes parties, par un tribunal arbitral siégeant dans un autre Etat (in casu, l’Allemagne), le tribunal arbitral suisse, sous peine de s’exposer au grief de la violation de l’ordre public procédural, devra déclarer cette demande irrecevable, pour autant que la sentence étrangère soit susceptible d’être reconnue en Suisse en vertu de l’art. 194 LDIP.

Sous réserve des dispositions spéciales contenues dans des traités internationaux, la question de savoir si les demandes sont identiques doit se résoudre en application de la lex fori, soit, pour un tribunal arbitral siégeant à Zurich, les principes pertinents du droit suisse. Selon ces mêmes principes, les effets attachés à l’autorité de la chose jugée d’une sentence étrangère dépendent du droit de son Etat d’origine. Toutefois, une sentence reconnue n’a en Suisse que l’autorité de la chose jugée qui serait la sienne si elle émanait d’un tribunal arbitral suisse. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la recourante, l’autorité de la force jugée d’une sentence étrangère en Suisse ne s’attache qu’au seul dispositif, à l’exclusion des motifs, même si (par hypothèse) selon le droit de l’Etat d’origine ces derniers bénéficient eux aussi de l’autorité de la chose jugée. En l’espèce, c’est à raison que le tribunal arbitral suisse a déterminé que la demande dont il était saisi n’était pas identique à celle qui avait été soumise au tribunal allemand. Même à supposer que ces demandes eussent été identiques, en vertu de la conception suisse de l’autorité de la chose jugée, le tribunal siégeant à Zurich n’était pas lié par les considérants de la sentence du tribunal allemand au sujet de l’interprétation du contrat dont étaient issues les demandes des parties dans les deux arbitrages (consid. 3.2). Recours rejeté. (Au sujet de l’autorité de la chose jugée en tant que composante de l’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, voir également l’arrêt 4A_374/2014 (consid. 4.3.1 et 4.3.2.3), résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage).

ATF 140 III 477

2014-2015

( SA [société luxembourgeoise] c. B. [société turque])

Recours contre la sentence incidente rendue le 17 décembre 2013 par un tribunal arbitral siégeant à Bâle. Aux termes de l’art. 190 al. 3 LDIP, une décision incidente ne peut être attaquée que pour les motifs énoncés à l’art. 190 al. 2 let. a et b LDIP (composition irrégulière du tribunal; décision incorrecte quant à sa compétence). Jurisprudence se ralliant à l’avis de la doctrine majoritaire, selon laquelle les griefs tirés des art. 190 al. 2 let. c à e LDIP (décision statuant infra ou extra petita; violation du droit d’être entendu ou du principe de l’égalité de traitement ; décision contraire à l’ordre public) doivent pouvoir être invoqués également à l’encontre des décisions incidentes au sens de l’art. 190 al. 3 dans le cadre d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a ou b LDIP, avec la précision que cela ne sera admis que dans la mesure où les moyens fondés sur les lettres c à e se limiteront strictement aux points concernant directement la composition ou la compétence du tribunal arbitral (consid. 3.1). Recours recevable. (Voir également le consid. 2.2.3 de l’ATF 140 III 520, résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage, et le consid.  2.4.2 de l’arrêt 4A_633/2014 du 29 mai 2015, destiné à la publication aux ATF, confirmant cette nouvelle règle jurisprudentielle).

TF 4A_446/2014

2014-2015

(A. SA [société de droit suisse] B. [société à responsabilité limitée de droit new-yorkais], C. Limited [société de droit chypriote] et D.)

Recours contre l’ordonnance de procédure No. 4 (OP 4) rendue le 18 juin 2014 par un arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Les décisions du tribunal arbitral relatives à la suspension provisoire de la procédure constituent, en règle générale, de simples ordonnances non sujettes à recours. Elles peuvent néanmoins être déférées au TF si, en les prononçant, le tribunal a statué de manière implicite sur sa compétence ou la régularité de sa composition, en d’autres termes s’il a rendu une décision incidente au sens de l’art. 190 al. 3 LDIP (consid. 3.1). Dans l’OP 4, l’arbitre unique a rejeté la demande de sursis formulée par A. SA, selon laquelle la procédure devait être suspendue jusqu’à droit connu sur la question des pouvoirs de représentation des gérants de B. (partie ayant initié l’arbitrage), question qui devait être réglée par un autre tribunal arbitral. S’il est vrai que ce point relève de la compétence ratione personae du tribunal, au sens large que donne la jurisprudence à cette notion (en l’espèce, dans la mesure où la question de savoir si la requête d’arbitrage avait été introduite valablement en dépendait), l’examen du texte de l’OP 4 et des circonstances dans lesquelles elle a été rendue démontre qu’en prenant cette décision l’arbitre unique n’a pas entendu se prononcer définitivement sur sa compétence, mais uniquement sur l’opportunité, en l’état, de suspendre la procédure arbitrale jusqu’à droit connu sur ce point spécifique (consid. 3.3). Recours irrecevable.

TF 4A_609/2014

2014-2015

(A. SpA [Société italienne] c. B. [Société espagnole administratrice de l’équipe cycliste C.] 

Recours contre la sentence rendue le 23 septembre 2014 par un tribunal arbitral ad hoc. Selon l’art. 100 al. 1 LTF, le recours contre une sentence doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. Envoi de la sentence aux parties à la fois par courrier électronique et sous pli postal recommandé du même jour, portant la mention « anticipé par e-mail ». Les modalités de notification de la sentence peuvent être librement déterminées par les parties, par exemple dans la convention d’arbitrage ou par référence à un règlement. En l’espèce, la convention d’arbitrage renvoie aux règlements de l’UCI, lesquels disposent que les parties reçoivent une copie de la sentence, dont l’original signé doit être déposé auprès du Secrétariat de l’UCI. Etant donné que, d’une part, le règlement pertinent n’exige pas l’envoi d’un exemplaire original signé de la sentence, et d’autre part, de nombreuses communications officielles entre le tribunal et les parties se sont faites par courrier électronique tout au long de l’arbitrage, la notification de l’expédition complète de la sentence par e-mail doit être réputée suffisante pour faire courir le délai de recours (consid. 2.3). Recours irrecevable car déposé 31 jours après l’envoi de la sentence par e-mail. (Au sujet de l’observation des délais lors du dépôt de mémoires devant le TF, voir aussi l’arrêt 4A_374/2014, résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage).

TF 4A_623/2014

2014-2015

(A. AG [société domiciliée à St. Petersburg c. B.) 

Recours contre la sentence rendue le 1eroctobre 2014 par une arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. En vertu de l’art. 105 al. 1 LTF, applicable aux recours en matière civile contre les sentences arbitrales (art. 77 al. 2 LTF a contrario), le TF statue sur la base des faits établis par l’autorité précédente. Cette disposition vise non seulement les faits de la cause, mais également les faits relatifs au déroulement de la procédure. Ainsi, l’autorité de recours est en principe liée par les constatations du tribunal arbitral au sujet, entre autres, des allégués, arguments, preuves et offres de preuves des parties, sauf si le recourant invoque à leur encontre un grief prévu par l’art. 190 al. 2 LDIP (et pour autant que celui-ci soit motivé avec la précision requise), voire dans les cas exceptionnels où le TF peut prendre en considération des faits nouveaux admissibles selon l’art. 99 al. 1 LTF (consid. 2.3.1). Recours rejeté.

TF 4A_247/2014

2014-2015

( SA c. B.)

Demande de révision de la sentence finale rendue le 3 mars 2014 par un Tribunal arbitral CCI. La mise en accusation formelle, aux Etats-Unis, d’un dénommé F. soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin par le truchement de consultants telle l’intimée est bien un faux novum susceptible de fonder une demande de révision sur la base de l’art. 123 al. 2 let. a LTF, car il s’agit d’un fait qui s’est produit avant la reddition de la sentence finale et dont il est établi que la recourante n’avait pu l’introduire qu’au moment où ladite sentence avait déjà été signée (consid. 3.3.1 ; voir également le consid. 4 dans l’arrêt 4A_231/2014 du même jour). Demande rejetée faute pour la recourante d’avoir démontré l’incidence de ce fait sur l’issue du litige (consid. 3.3.2).

TF 4A_645/2014

2014-2015

(A. SpA [société italienne] c. B. [société espagnole])

Demande de révision de la sentence finale rendue le 25 juillet 2011 par un Tribunal arbitral ad hoc. Contrat de sponsoring d’une équipe cycliste ; tentative de résiliation par le sponsor ; sentence ordonnant à ce dernier d’effectuer une série de paiements en vertu du contrat.

Selon l’art. 123 al. 2 let. a LTF, la révision peut être demandée si le requérant découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu’il n’avait pas pu invoquer dans la procédure précédente, à l’exclusion des faits ou moyens de preuve postérieurs à la décision. En l’espèce, le fait invoqué pour justifier la résiliation ou l’annulation du contrat ex post, soit la publication d’une décision portant la disqualification et l’annulation rétroactive des résultats sportifs du capitaine de l’équipe de l’époque pour dopage, n’est pas pertinent au sens de l’art. 123 al. 2 let. a LTF, c’est-à-dire susceptible de modifier l’état de fait à la base de la sentence entreprise et de conduire à une solution différente en fonction d’une appréciation juridique correcte (consid. 3.1). En effet, d’une part, selon le droit italien qui régit le contrat litigieux, l’erreur essentielle invoquée par le sponsor n’est pas suffisante pour conduire à l’annulation de cet accord ipso jure (consid. 3.2.1), et d’autre part, en l’absence d’une stipulation prévoyant une obligation de résultat quant à la gestion de l’équipe, la sanction infligée au coureur incriminé ne saurait constituer une violation des obligations contractuelles de l’équipe susceptible de justifier la résiliation du contrat (consid. 3.2.2). Demande rejetée.

TF 4A_117/2014

2014-2015

( c. B.)

Recours contre la sentence rendue le 16 janvier 2014 par un arbitre unique siégeant à Baden, condamnant A. à payer à B. un certain montant « pour solde de tout compte », intérêts moratoires au taux légal de 5% en sus. Selon l’art. 393 let. e CPC, une sentence est susceptible d’annulation lorsqu’elle est arbitraire dans son résultat par ce qu’elle repose sur des constatations manifestement contraires aux faits résultants du dossier, ou parce qu’elle constitue une violation manifeste du droit ou de l’équité. En l’espèce, l’arbitre a calculé et alloué les intérêts sur la base d’un montant total excédant celui qu’il avait admis dans la sentence au titre des dommages payables à A. Par ailleurs, la créance majorée d’intérêts n’était en grande partie pas encore due à la date fixée par l’arbitre comme point de départ pour le calcul des intérêts. La sentence incriminée est donc arbitraire dans son résultat du fait qu’elle alloue des intérêts sur un montant sans relation avec le quantum du dommage déterminé par l’arbitre, mais aussi en tant qu’elle viole manifestement le droit, et plus spécifiquement la règle posée à l’art. 102 al. 1 en liaison avec l’art. 104 al. 1 CO (dispositions auxquelles l’arbitre s’était pourtant référé), qui veut que seules les créances exigibles sont sujettes aux intérêts moratoires (consid. 3.3). Recours admis.

(AG [société anonyme de droit suisse] c. B. AG [société anonyme de droit suisse] (4A_190/2014) et B. AG c. A. AG (4A_192/2014))

Recours contre la sentence rendue le 19 février 2014 par un Tribunal arbitral siégeant sous l’égide de la Chambre de commerce suisse à Zurich. D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsque son résultat est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. En retenant qu’une partie a agi de manière abusive sans aucune indication des dispositions de droit pertinentes, ni mention de la jurisprudence et/ou doctrine topiques, mais par une simple référence générale, isolée et absolument étique, au principe de la bonne foi, la sentence entreprise ne contient pas de raisonnement juridique à proprement parler et par là viole l’interdiction de l’arbitraire dans l’application du droit (consid. 4.6.2).

TF 4A_378/2014

2014-2015

( Sàrl c. B International SA)

Recours contre la sentence rendue le 9 mai 2014 par un tribunal arbitral ad hoc.

L’objet du grief d’arbitraire en matière de faits est restreint : il ne porte pas sur l’appréciation des preuves et les conclusions qui en sont tirées, mais uniquement sur les constatations de fait manifestement réfutées par des pièces du dossier. L’erreur sanctionnée par l’art. 393 let. e CPC s’apparente donc davantage à la notion d’inadvertance manifeste qu’utilisait l’art. 63 al. 2 de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 qu’à celle de l’établissement des faits de façon manifestement inexacte selon l’art. 105 al. 2 LTF. Est également arbitraire la sentence qui constitue une violation manifeste du droit. Seul le droit matériel est visé par ce cas de figure, à l’exclusion du droit de procédure, sous réserve des fautes portant atteinte l’ordre public procédural (en application par analogie de la jurisprudence relative à l’art. 190 al. 2 let. e LDIP). Enfin, pour être sanctionnée au titre de l’art. 393 let. e CPC, l’inadvertance manifeste ou la violation du droit avérée doit rendre la sentence arbitraire dans son résultat (consid. 2.1). Recours rejeté.

TF 4A_536/2014

2014-2015

(A. AG c. B.) 

Recours contre la sentence rendue le 8 août 2014 par un Tribunal arbitral CCI siégeant à Zurich.

Rappel de la portée du grief d’arbitraire telle que résumée ci-dessus en marge de l’arrêt 4A_378/2014 du 24 novembre 2014. L’allocation des frais de l’arbitrage est une question de nature procédurale, de sorte que seul le grief de la contrariété avec l’ordre public procédural, et non l’arbitraire, peut être invoqué à l’égard de la décision du tribunal sur ce point (consid. 2.1-2.3). Recours irrecevable.

TF 4A_598/2014

2014-2015

( c. B.)

Recours contre la sentence rendue le 11 septembre 2014 par l’arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (ci-après, SCAI). Emanant d’un organisme privé, la décision par laquelle la Cour d’arbitrage de la SCAI a rejeté la demande de récusation de l’arbitre déposée par le recourant au début de l’arbitrage ne pouvait pas faire l’objet d’un recours direct au TF et ne lie pas ce dernier. Le TF peut donc revoir librement, dans le cadre du recours contre la sentence, si le grief de la désignation irrégulière de l’arbitre est fondé (consid. 2.1). Dans ce contexte, la jurisprudence a retenu qu’il y avait des circonstances objectives propres à créer une apparence de prévention non seulement lorsque, dans une procédure autre (contemporaine à la procédure arbitrale ou récente), l’arbitre avait représenté, en qualité de conseil, l’une des parties à la procédure dans laquelle il siège, mais également lorsqu’il avait représenté la partie adverse de cette partie (consid. 2.2.1). En l’espèce, un laps de temps considérable (quelques 12 ans) s’est écoulé entre la procédure judiciaire dans laquelle l’arbitre incriminé était impliqué, comme conseil de la partie adverse d’une société dont le recourant était administrateur, et l’arbitrage ayant donné lieu au recours. De plus, contrairement à ses dires, le recourant n’était pas partie à cette procédure judiciaire antérieure, qui opposait deux sociétés anonymes. Enfin, le caractère prétendument houleux de ladite procédure, voire les échanges de propos vifs auxquels elle aurait donné lieu et qui seraient par hypothèse à l’origine de la prévention de l’arbitre à l’égard du recourant, ne ressortent nullement des procès-verbaux d’audience produits dans le cadre de la procédure de récusation (consid. 2.2.2). Recours rejeté.

TF 4A_378/2014

2014-2015

( Sàrl c. B International SA)

Recours contre la sentence rendue le 9 mai 2014 par un tribunal arbitral ad hoc.

Une sentence peut être attaquée lorsque le tribunal a omis de statuer sur l’une des conclusions qui lui ont été soumises par les parties, commettant par là un déni de justice formel. Toutefois, la jurisprudence admet que ce grief est exclu lorsque la sentence rejette toutes autres ou plus amples conclusions, considérant qu’une telle formule comporte le rejet implicite des conclusions qui ne sont pas expressément mentionnées dans le dispositif (consid. 3.1). Il est vrai que la loi régissant l’arbitrage domestique prescrit la motivation de la sentence (art. 384 al. 1 let. e CPC, sous réserve d’une renonciation expresse des parties). Toutefois, la recourante ne se prévaut pas du défaut de motivation sur ce point, ce qu’elle ne pourrait faire, au demeurant, qu’au titre de l’art. 393 let. d (et non let. c) CPC (consid. 3.2). Recours rejeté.

TF 4A_335/2014

2014-2015

( SA [société de droit suisse] c. B. SA [société de droit suisse])

Recours contre la sentence rendue le 28 avril 2014 par un arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Les conditions de recevabilité du recours sont fixées par les art. 389 à 395 CPC, par renvoi de l’art. 77 al. 1 let. b LTF. L’art. 392 CPC énumère les sentences attaquables (finales, partielles, incidentes ou préjudicielles). Selon cette disposition, les sentences incidentes ou préjudicielles – c’est-à-dire les sentences qui règlent une ou plusieurs questions préalables de fond ou de procédure – ne peuvent être attaquées que pour les motifs énoncés à l’art. 393 let. a (désignation ou composition irrégulière du tribunal) ou b (décision erronée sur la compétence ou incompétence arbitrale). A la fois partielle et incidente suivant les différents chefs de son dispositif, la sentence en cause revêt un caractère hybride. Recours irrecevable dans la mesure où la recourante invoque l’arbitraire (grief de l’art. 393 let. e CPC) à l’encontre de la composante préjudicielle de la sentence, à savoir la décision de l’arbitre réglant la question préalable de la validité de principe des prétentions de la défenderesse reconventionnelle.

TF 4A_390/2014

2014-2015

(A. AG c. B. AG) 

Recours contre la sentence préliminaire rendue le 23 mai 2014 par un tribunal CCI siégeant à Zurich. Sentence déclarant l’incompétence du tribunal pour statuer sur les litiges issus d’un « Debt transfer contract » conclu le même jour que le contrat principal (le « A. Contract », sur le fondement duquel les arbitres s’étaient déclarés compétents). En dépit des liens existant entre les deux contrats, les clauses d’arbitrage qu’ils contiennent sont indéniablement différentes. C’est sur la base d’une interprétation dite subjective, fondée sur la constatation de la volonté commune et réelle des parties, que le tribunal est parvenu à sa décision d’incompétence. Une telle interprétation constitue un fait établi par l’autorité précédente, qui échappe à l’examen du TF en vertu de l’art. 105 al. 1 LTF (consid. 3.6). Recours irrecevable.

TF 4A_250/2013

2013-2014

( Ltd. [société de droit suisse] c. Société Z. [société de droit iranien])

Recours contre l’arrêt de la Cour de justice de Genève du 22 mars 2013 confirmant l’exequatur d’une sentence arbitrale étrangère et la mainlevée définitive de l’opposition à un commandement de payer. Sentence condamnant solidairement X. et trois sociétés israéliennes attraites à ses côtés à payer à Z. 96’993’890 USD pour cinq cargaisons de pétrole livrées en 1978. Griefs de la débitrice suisse fondés à divers titres sur l’embargo institué par la communauté internationale et les mesures prises par l’Etat d’Israël à l’encontre de la République islamique d’Iran (art. 5 al. 4 Cst. et art. 30 aLP, incompatibilité avec l’ordre public suisse (consid. 3) ; art. 29 al. 2 Cst., 81 al. 1 LP (consid. 4)). Recours rejeté. Communication d’une copie de l’arrêt du TF au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) à titre d’information, en conformité avec l’ordonnance du Conseil fédéral du 19 janvier 2011 instituant des mesures à l’encontre de l’Iran (RS 946.231.143.6), la créance pour laquelle Z. a obtenu la mainlevée définitive de l’opposition pouvant tomber sous le coup de ladite ordonnance (consid. 6).

TF 4A_302/2013

2013-2014

(A. SA c. B. SA)

Recours (rejeté) contre la sentence préliminaire sur compétence rendue par une arbitre unique le 6 mai 2013. Tous les avocats pratiquant en Suisse étant tenus de connaître les langues nationales, les frais encourus par le conseil de l’intimée pour traduire l’acte de recours de l’italien à l’allemand ne font pas partie des « frais nécessaires causés par le litige » que la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie ayant obtenu gain de cause selon l’art. 68 al. 2 LTF (consid. 6).

ATF 140 III 134

2013-2014

( c. A.Y. AG et B.Y. Inc.)

Recours contre la sentence préliminaire rendue par un tribunal CCI le 30 juillet 2013. Droit suisse applicable à la détermination de la portée objective de la clause d’arbitrage (art. 178 al. 2 LDIP) : volonté hypothétique des parties établie selon le principe de la confiance. L’existence et la validité de la clause d’arbitrage n’étant pas contestées, il convient de présumer que les parties ont voulu conférer une compétence étendue au tribunal arbitral (consid. 3.3.2). En l’espèce, la clause litigieuse est formulée de manière large : « any dispute or disagreement […] relating to or arising out of any provision of this Agreement».

Dès lors, la compétence des arbitres s’étend en principe aux litiges relatifs non seulement à la formation et à la validité du contrat principal, mais également à sa résolution. En vertu du principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage, la résiliation ou l’expiration du contrat principal n’est pas présumée emporter celle de la clause d’arbitrage.

Un accord des parties à cet effet ne peut être admis à la légère et doit être stipulé de façon claire et non équivoque. Interprétées selon le principe de la confiance, les dispositions contractuelles (autres que la convention d’arbitrage) auxquelles se réfère la recourante ne laissent pas apparaître la volonté présumée des parties de voir la résiliation ou l’expiration du contrat principal mettre fin à la compétence du tribunal arbitral (consid. 3.3.3). Des considérations d’utilité et d’efficacité, mais aussi d’ordre pratique, conduisent à la même conclusion (consid. 3.3.3-3.3.5). Recours rejeté.

ATF 140 III 75

2013-2014

(X. AG [société de droit suisse] c. Z. [société de droit français])

Recours contre la sentence rendue le 3 septembre 2013 par un arbitre unique ad hoc. Le contrat d’arbitre (receptum arbitri) est généralement qualifié de mandat sui generis. Cependant, le statut particulier de l’arbitre entraîne l’exclusion d’une bonne partie des règles régissant le mandat, y compris les conditions dans lesquelles celui-ci prend fin. Le contrat d’arbitre s’éteint normalement en même temps que l’instance, à savoir au moment où la sentence finale est rendue. Il peut toutefois se terminer de manière anticipée dans certaines situations, notamment en cas de récusation, révocation, destitution ou démission de l’arbitre (consid. 3.2.1).

Dans le cas d’espèce, il y a lieu de retenir que les parties ont conclu entre elles d’une part, et conjointement avec l’arbitre d’autre part, un accord tripartite en cours d’instance, prévoyant l’extinction prématurée du contrat d’arbitre au cas où la sentence ne serait pas rendue dans un délai précis (consid. 3.2.2). Une sentence rendue après l’expiration de la mission de l’arbitre n’est pas nulle mais annulable. A la lumière de la jurisprudence fédérale récente, ce vice de procédure doit être traité comme un motif de recours au sens de l’art. 190 al. 2 let b LDIP (et non de l’art. 190 al. 2 let a LDIP) (consid. 4.1). Recours admis.

TF 4A_118/2014

2013-2014

( Ltd. [société de droit chypriote] c. Y. Ltd. [société de droit chypriote])

Recours contre la sentence partielle rendue le 14 janvier 2014 par un arbitre unique CCI siégeant à Genève. L’arbitrabilité subjective, qui, au sens large, comprend le pouvoir de représentation des parties, relève du grief de l’art. 190 al. 2 let. b (consid. 3.1). Procédure d’arbitrage initiée par la titulaire d’une procuration émise par l’administrateur (Official Receiver) ad interim de Y. Ltd. (en liquidation). Anti-suit injunctions prononcées à l’encontre de la procédure d’arbitrage par la District Court de Limassol (consid. B.a.). « Sentence partielle » de l’arbitre admettant sa compétence, la capacité à être partie et à agir dans l’arbitrage de Y. Ltd. et la validité de la procuration en faveur de son conseil, à la lumière, pour ce dernier aspect, d’une décision rendue par la District Court de Limassol le 19 juillet 2013, reconnaissant qu’une autorisation judiciaire (ou des représentants des créditeurs) n’est pas requise pour l’érogation d’une procuration au procès par l’Official Receiver (consid. 3.2). Suspension de la procédure de recours par le TF, en attendant l’issue de l’appel déposé devant la Cour Suprême de Chypre à l’encontre de cette dernière décision de la District Court, la compétence de l’arbitre dépendant de la question préliminaire de la validité de la procuration du conseil de Y. Ltd. selon le droit chypriote (consid. 3.5).

TF 4A_124/2014

2013-2014

( SA [société d’Etat en charge des autoroutes et routes nationales] c. B. SA [société de droit français spécialisée dans les travaux routiers])

Recours contre la sentence partielle rendue le 21 janvier 2014 par un tribunal arbitral CCI. Reproche fait au tribunal de s’être reconnu compétent en violation du mécanisme préalable et obligatoire de recours à un Dispute Adjudication Board (DAB) ad hoc selon la clause 20.8 des Conditions Générales FIDIC applicables aux contrats de construction (1ère éd. 1999).

La règle in favorem validitatis de l’art. 178 al. 2 LDIP s’étend au choix du droit applicable à la validité d’une clause prévoyant un mécanisme de règlement des litiges préalable à l’arbitrage (consid. 3.3). Contrairement à l’avis des arbitres majoritaires, ladite clause institue une procédure impérative, en ce sens qu’elle doit être terminée pour que l’arbitrage puisse commencer.

Cela étant, le principe de la bonne foi commande que l’on tienne également compte des circonstances du cas d’espèce, y compris les spécificités de la clause litigieuse et le comportement de la recourante dans la phase préalable à l’arbitrage, pour déterminer si le tribunal a valablement été saisi alors que le DAB ad hoc n’avait pas pu être mis sur pied (consid. 3.4–3.5). Recours rejeté.

TF 4A_178/2014

2013-2014

( [cycliste professionnel] c. Nationale Anti-Doping Agentur Deutschland)

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 21 février 2014. Assistance judiciaire et accès à la justice : question de savoir si le recourant était en droit de résilier la convention d’arbitrage au motif que l’assistance judiciaire nécessaire à sa défense lui a été refusée par le TAS ; laissée ouverte (consid. 3-4 ; cf. le résumé de cet arrêt dans le chapitre Droit du sport du présent ouvrage).

TF 4A_232/2013

2013-2014

( SA [société de droit grec] c. Z Ltd. [société de droit anglais]) 

Recours contre la sentence rendue le 25 février 2013 par un tribunal arbitral CCI. Compétence du tribunal pour se prononcer sur la prétendue violation de la clause arbitrale résultant de la mise en œuvre par la recourante des tribunaux étatiques grecs, et pour connaître de la demande de l’intimée visant à obtenir des dommages-intérêts à titre d’indemnisation du préjudice qu’elle pourrait subir à la suite de ces actions : admise à la lumière du libellé de la clause arbitrale en cause et du droit anglais applicable au fond, permettant de qualifier une telle demande de prétention contractuelle relevant du champ d’application de la convention d’arbitrage (consid. 3.4.1). Recours rejeté.

TF 4A_305/2013

2013-2014

( AG [société de droit allemand] et X. Technologies S.A.E [société de droit égyptien] c. Y. [société de droit égyptien]) 

Recours contre la sentence rendue par un tribunal arbitral CCI le 6 mai 2013. Les parties peuvent convenir en tout temps de l’extinction de la convention d’arbitrage. Un tel accord n’est soumis à aucune forme particulière (consid. 3.2.1). Recours irrecevable du fait qu’en déclinant sa compétence le tribunal a constaté, en procédant à une interprétation subjective, la concordance des volontés réelles des parties de mettre un terme à la convention d’arbitrage, question de fait qui échappe à l’examen du TF dans le cadre d’un recours en annulation (art. 105 al. 1 LTF) (consid. 3.4). Pas d’entrée en matière.

TF 4A_450/2013

2013-2014

(X. c. Y. Engineering S.p.A. et Y. S.p.A.)

Recours contre la sentence finale rendue le 31 juillet 2013 par un tribunal arbitral CCI, niant sa compétence à l’égard de l’une des sociétés parties au litige (Y. S.p.A.) et rejetant les demandes reconventionnelles de la recourante dans la mesure où elles visaient cette société. En vertu du principe de la relativité des contrats, la clause d’arbitrage ne lie que les cocontractants. La jurisprudence admet toutefois que certaines situations peuvent faire exception à cette règle, notamment en cas de cession de créance, reprise de dette ou transfert de la relation contractuelle, voire dans les cas où un tiers s’étant immiscé dans l’exécution du contrat est reputé avoir adhéré à la convention d’arbitrage par actes concluants, ou encore les circonstances où une société mère agissant dans la confusion des sphères avec la société fille peut se voir imputer des obligations contractuelles souscrites par cette dernière (consid. 3.2). Thèse principale de la recourante faisant valoir que la société Y. Group, détentrice de Y. Engineering, avait adhéré par le biais d’une convention tripartite aux contrats contenant les clauses arbitrales litigieuses, en qualité de codébitrice de Y. Engineering à l’égard de X. (condition nécessaire pour que Y. S.p.A., constituée à une époque ultérieure, puisse être reconnue, elle aussi, comme partie contractante du fait qu’elle avait acquis une division (Y.D.) de Y. Group) : argumentation rejetée par le tribunal, précisant dans la sentence que la question subsidiaire de savoir si l’acquisition de ladite division avait entraîné le transfert des clauses d’arbitrage de Y. Group à Y. S.p.A. devenait sans objet du fait que la recourante n’avait pas établi qu’Y. Group avait adhéré aux contrats (consid. 3.5.1). Arguments supplémentaires dévoloppés par la recourante pour fonder la compétence du tribunal à l’égard d’Y. S.p.A., tous reposant sur les règles de la bonne foi, également rejetés (consid. 3.3.3). Or, sur le vu des faits retenus dans la sentence, interprétés selon le principe de la confiance (et indépendamment de la construction juridique à retenir pour fonder la conclusion correcte), c’est à tort que le tribunal a exclu sa compétence à l’égard de Y. S.p.A au motif que Y. Group n’était pas liée par les contrats litigieux. Y. Group doit donc se laisser opposer ces contrats et les conventions d’arbitrage qu’ils contiennent. Toutefois, savoir si X. peut opposer ces mêmes contrats à Y. S.p.A. dépend de la réponse qui sera donnée à la question subsidiaire des conséquences de l’acquisition de Y.D. par Y. S.p.A., laissée en suspens dans la sentence. Recours partiellement admis : annulation par le TF du ch. 1 du dispositif, sans constatation quant à la compétence (ou non) du tribunal à l’égard de Y. Sp.A., et renvoi de la cause aux arbitres pour qu’ils se déterminent sur cette question et les conséquences à en tirer, en effectuant les modifications ultérieures du dispositif, qui se rendraient nécessaires sur cette base (consid. 3.6).

TF 4A_597/2013

2013-2014

( Kft. c. B. GmbH)

Recours contre la sentence rendue le 1er novembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Zurich. La partie qui veut récuser un arbitre (art. 180 al. 2 LDIP), exciper de l’incompétence du tribunal arbitral (art. 186(2) al. 2 LDIP), ou qui se considère désavantagée par d’autres manquements du tribunal dans la conduite de la procédure, doit agir immédiatement, pendant l’arbitrage, donnant ainsi au tribunal l’opportunité de rémédier à d’éventuelles irrégularités en temps utile. A défaut, elle est forclose à se prévaloir des griefs correspondants dans le cadre d’un recours en annulation contre la sentence. En l’espèce, l’exception d’incompétence de la recourante, qui n’a pas été soulevée devant l’arbitre, est périmée (consid. 2.2) (voir également le résumé de cet arrêt sous art. 190 al. 2 let. d LDIP ci-dessous). Recours rejeté.

ATF 139 III 511

2013-2014

(Club X. SA c. Z. [société de droit espagnol]) (Ne reproduisant pas le consid. 5 résumé ci-après ; cf. TF 4A_282/2013 du 13 novembre 2013)

Recours contre la sentence rendue le 12 avril 2013 par le TAS. Confirmation de la jurisprudence fédérale selon laquelle le grief tiré de la composition irrégulière du tribunal arbitral ne couvre pas seulement le non-respect des règles assurant l’indépendance et l’impartialité des arbitres (art. 180 LDIP), mais également l’hypothèse où le tribunal a été constitué en violation de la convention des parties (art. 179 LDIP). Le nombre d’arbitres est un élément important de ladite convention, tant et si bien que l’art. 360 CPC y consacre une disposition spécifique, applicable par analogie à l’arbitrage international en vertu du renvoi de l’art. 179 al. 2 LDIP (consid. 4).

Cela étant, dans la mesure où elle tranche définitivement une contestation au sujet de la composition de la formation arbitrale, une décision incidente méconnaissant l’accord des parties au sujet du nombre d’arbitres, qu’elle émane du tribunal lui-même ou d’un organe de l’institution, peut et doit être attaquée directement devant le TF (art. 190 al. 3 LDIP), sous peine de forclusion. Question, laissée ouverte, de l’incohérence introduite dans la jurisprudence fédérale du fait que les décisions institutionnelles sur les demandes de récusation ne peuvent pas, quant à elles, faire l’objet d’un recours immédiat (cf. TF 4A_644/2009 du 13 avril 2010, résumé dans l’édition 2009/2010 du présent ouvrage) (consid. 5.3.2). Recours rejeté.

 

TF 4A_460/2013

2013-2014

( Oy [société de droit finlandais] c. Y. EAD [société de droit bulgare])

Recours contre la sentence rendue par un tribunal arbitral CCI le 2 août 2013. Il y a violation du droit d’être entendu, équivalant à un déni de justice formel, là où la sentence se limite à mentionner des arguments juridiques pertinents pour l’issue du litige dans la section présentant les positions des parties, sans aucunement les traiter – ne serait-ce qu’implicitement – dans l’analyse en droit servant d’assise à la décision du tribunal. A défaut d’observations soumises par les arbitres, l’on ne saurait exiger du recourant une « probatio diabolica» allant jusqu’à établir les raisons du mutisme de la sentence sur ces arguments (consid. 3). En l’absence d’explications justifiant l’omission, recours admis.

TF 4A_597/2013

2013-2014

(A. Kft. c. B. GmbH)

Recours contre la sentence rendue le 1er novembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Zurich. Argument de la recourante selon lequel l’arbitre aurait violé son droit d’être entendue à plusieurs égards, en particulier en ne tenant pas compte des difficultés linguistiques rencontrées par son conseil, qui ne maîtrisait pas la langue de l’arbitrage, et en ne lui donnant pas l’opportunité de combler les lacunes dans son argumentation et offres de preuves. Le procès arbitral étant soumis à la maxime des débats, le tribunal n’a pas l’obligation d’interpeller les parties ex officio pour leur permettre de remédier à de telles lacunes (consid. 3.2.2) (voir également le résumé de cet arrêt sous art. 190 al. 2 let. b LDIP ci-dessus). Recours rejeté.

TF 4A_304/2013

2013-2014

( [club de football professionnel français] c. Z. [club de football professionnel des Emirats Arabes Unis] et Fédération Internationale de Football Association [FIFA] et X. [joueur de football professionnel])

Recours contre la sentence rendue le 3 juin 2013 par le TAS. Les règles sur le fardeau de la preuve, y compris l’art. 8 CC, ne relèvent pas de l’ordre public matériel. Par ailleurs, lorsque l’appréciation des preuves conduit le juge à conclure qu’un fait est établi, la question du fardeau de la preuve devient sans objet (consid. 5.2.3 ; voir également le résumé de cet arrêt dans le chapitre Droit du sport du présent ouvrage).

TF 4A_362/2013

2013-2014

( [directeur sportif du FC Metalist] c. The Football Federation of Ukraine [FFU])

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 2 août 2013. L’admission de moyens de preuve obtenus illégalement ne heurte pas l’ordre public lorsque la pesée des intérêts en présence montre qu’elle est nécessaire pour permettre de démasquer des actes illicites ou infractions graves (in casu, manipulation d’une compétition sportive) (consid. 3.2 ; cf. le résumé de cet arrêt dans le chapitre Droit du sport du présent ouvrage).

TF 4A_446/2013

2013-2014

( SA [société de droit turc] c. Z. SA [société de droit belge])

Recours contre la sentence finale rendue par un arbitre unique CCI le 16 juillet 2013. Question - débattue en doctrine - de savoir si l’adage jura novit curia fait partie de l’ordre public procédural, laissée ouverte. D’une part, la doctrine admet qu’une violation de l’ordre public est exclue là où l’arbitre n’examine pas une règle du droit étranger applicable que les parties elles-mêmes n’ont pas invoquée, comme cela a été le cas en l’espèce, et d’autre part il est constant que selon l’acte de mission dans cet arbitrage il incombait aux parties de prouver le contenu du droit applicable (consid. 6.2.2.3). Recours rejeté.

TF 4A_508/2013

2013-2014

( [société ferroviaire d’Etat] c. B. [société anonyme de droit X.])

Destiné à la publication aux ATF. Recours contre la sentence rendue le 6 septembre 2013 par un tribunal CCI. Un tribunal arbitral siégeant en Suisse viole l’ordre public procédural s’il statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée s’attachant à une décision (arbitrale ou étatique) antérieure, que celle-ci ait été rendue sur territoire helvétique ou à l’étranger. Plus particulièrement, un tribunal saisi d’une prétention identique à celle qui a fait l’objet d’un jugement entré en force, rendu entre les mêmes parties par une juridiction étatique étrangère, devra déclarer la demande irrecevable si ledit jugement est susceptible d’être reconnu en Suisse en vertu de l’art. 25 LDIP. Question laissée ouverte : l’examen de la compétence indirecte du tribunal étatique étranger au regard de l’art. 25 let. a LDIP doit-il s’effectuer par référence à l’art. II al. 3 CNY, conformément à la jurisprudence fédérale actuelle, ou plutôt à la lumière de l’art. 7 LDIP, comme le soutient la doctrine qui a critiqué cette jurisprudence ? (consid. 3.1).

La condition relative à l’identité de l’objet du litige entre les deux procès est satisfaite lorsque les mêmes parties (ou leurs successeurs en droit) ont soumis la même prétention (ou son contraire), sur la base des mêmes faits. Les faits postérieurs à la date jusqu’à laquelle l’objet du litige était modifiable, soit le dernier moment où les parties pouvaient compléter leurs allégations et offres de preuves, ne sont pas couverts par l’autorité de la chose jugée (consid. 3.3).

En vertu de la parenté existante entre la question de la compétence et celle de l’autorité de la chose jugée, le TF examine librement les questions (y compris préalables) de droit permettant d’établir si les arbitres ont méconnu l’autorité de la chose jugée en statuant sur le litige qui leur était soumis (consid. 3.4).

Question laissée ouverte : une approche non formaliste de la notion de l’identité des parties – tenant compte du rôle singulier joué par une partie ayant participé à la procédure étatique mais absente dans la procédure arbitrale – peut-elle se justifier dans des cas spécifiques afin de faire barrage à d’éventuelles manœuvres visant à torpiller l’arbitrage (consid. 4.2.1) ?

In casu, la condition de l’identité de l’objet du litige n’était pas remplie car l’état de fait sous-jacent à la sentence arbitrale différait de celui qui avait pu être pris en considération dans le jugement étatique. Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal arbitral a écarté l’exception de la chose jugée (consid. 4.2.2-4.3). Recours rejeté.

TF 4A_509/2013

2013-2014

( SA [société de droit marocain] c. Z. [société de droit espagnol])

Recours (rejeté) contre la sentence rendue le 12 septembre 2013 par un tribunal arbitral CCI.

Question laissée ouverte : la jurisprudence relative à la révision des sentences arbitrales pour le motif prévu à l’art. 123 al. 1 LTF peut-elle être appliquée par analogie pour ériger l’escroquerie au procès en élément constitutif de l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 3.1) ?

TF 4A_530/2013

2013-2014

(A et B. c. C. SA)

Recours contre la sentence rendue le 23 septembre 2013 par un tribunal CC-Ti siégeant à Lugano. Le principe « negativa non sunt probanda » n’étant pas reconnu en ces termes absolus dans la jurisprudence (laquelle prévoit tout au plus un devoir de collaboration à charge de la partie pouvant fournir la preuve positive du fait contraire), il ne peut être pris en considération sous l’angle de l’ordre public (consid. 6.1). Recours rejeté.

TF 4A_254/2013

2013-2014

( c. B.)

Recours contre l’ordonnance de clôture rendue le 4 avril 2013 par un arbitre unique ad hoc, fixant les frais de l’arbitrage et les mettant à charge de la recourante. Selon la jurisprudence fédérale, l’opting out du régime du Chapitre 12 LDIP pour un arbitrage international au sens de l’art. 176 al. 1 LDIP est soumis à des conditions strictes et doit remplir l’ensemble des critères énoncés à l’art. 176 al. 2 LDIP. En l’espèce, l’accord des parties ne satisfait pas à ces conditions dans la mesure où il n’exclut pas expressément l’application du Chapitre 12 LDIP.

La référence faite par les parties au Concordat doit plutôt s’entendre comme un choix des règles régissant la procédure arbitrale au sens de l’art. 182 al. 1 LDIP (consid. 1.2).

La qualification de l’arbitrage d’international entraîne l’applicabilité des motifs de recours prévus à l’art. 190 al. 2 LDIP. Contrairement à l’art. 393 CPC, cette disposition ne prévoit pas la possibilité d’attaquer la sentence au motif que les honoraires des arbitres sont excessifs.

Selon la jurisprudence fédérale, la fixation des honoraires des arbitres dans la sentence ne constitue pas une décision attaquable au sens de l’art. 77 LTF en relation avec l’art. 190 LDIP, mais une simple « facture » émise par le tribunal à l’intention des parties (ATF 136 III 597) (consid. 2.2-2.3). Pas d’entrée en matière.

TF 4A_476/2013

2013-2014

(X. [joueur de football professionnel] c. Z. [club de football professionnel] et Fédération Internationale de Football Association [FIFA])

Recours contre la sentence rendue le 3 juin 2013 par le TAS. Concept de « notification fictive » : présomption jurisprudentielle selon laquelle, en cas de demande de garde du courrier, un pli recommandé est réputé communiqué le dernier jour d’un délai de sept jours dès réception par l’office postal du domicile de son destinataire, pour autant que ce dernier ait dû s’attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir ladite communication, condition en principe réalisée pendant toute la durée d’un procès (consid. 2.1). Recours déposé hors délai (consid. 2.2) et, partant, irrecevable.

(K. LDA [société de droit portugais] et la masse en faillite de B.K. SA [société de droit suisse] et C.K. SA et D. SA et E Ltd. et X [administrateur de A.K. LDA] et Y et Z c. V. et W. Company)

Jonction des causes relatives à deux demandes de révision visant la même sentence arbitrale, rendue le 17 décembre 2010 par un tribunal arbitral ad hoc. Même si la LTF ne le prévoit pas expressément, la révision ne peut être demandée que par les parties à la procédure ayant conduit à la sentence en question. En l’espèce, les deux demandes sont d’emblée irrecevables en tant qu’elles ont été introduites par des personnes morales ou physiques étrangères à cette procédure. Il en va de même à l’égard d’une partie à la procédure qui n’existe plus, ayant été déclarée en faillite, liquidée et radiée depuis lors (consid. 3).

Pour le surplus, demandes rejetées sur le fond, pour le premier des deux motifs invoqués, en raison de sa tardiveté, car les requérants auraient pu et dû le découvrir à l’époque de la procédure arbitrale (consid. 5.3), et pour le second, parce qu’il repose en réalité sur un vrai novum, à savoir une circonstance survenue après le prononcé de la sentence entreprise, qu’il est donc exclu de prendre en considération (art. 123 al. 2 let. a LTF) (consid. 6.2).

TF 4F_8/2013

2013-2014

(Y. Ltd. [société de droit suisse] c. X. Ltd [société de droit anglais])

Demande de révision de l’arrêt 4A_669/2012 du 17 avril 2013 (admettant partiellement le recours de X. Ltd et annulant, pour le motif prévu à l’art. 190 al. 2 let. d LDIP, la sentence finale et la sentence rectificative rendues par un arbitre unique ; cf. le résumé de cet arrêt dans l’édition 2012/2013 du présent ouvrage). Sous le couvert d’une prétendue inadvertance du TF, la recourante cherche en réalité à remettre en cause la solution juridique retenue dans cet arrêt (consid. 2.2.1). Par ailleurs, étant donnée la nature formelle du droit d’être entendu, il n’est pas exclu que, lorsqu’il statuera à nouveau, l’arbitre unique puisse aboutir au même résultat que celui qu’il avait énoncé dans la sentence annulée (consid. 2.2.2). Demande rejetée.

TF 4A_577/2013

2013-2014

( GmbH c. Y. Ltd.)

Recours contre la sentence rendue le 10 octobre 2013 par un tribunal arbitral CCI. Une stipulation prévoyant que « neither party shall seek recourse to a law court nor other authorities to appeal for revision of this decision», constitue, malgré l’emploi non-technique des termes disparates de « recourse », « appeal » et « revision », une clause de renonciation au recours claire et univoque, donc valable au sens de l’art. 192 al. 1 LDIP (consid. 3.3-3.4). Pas d’entrée en matière.

TF 4A_214/2013

2013-2014

( SA [société de droit suisse] c. Y. SA [société de droit suisse]) 

Recours contre la sentence rendue le 27 février 2013 par un tribunal arbitral SRIA. S’il est vrai qu’une jurisprudence est susceptible d’évoluer lorsque des circonstances objectives exigent une modification du statu quo par la voie prétorienne, l’argumentation de la recourante ne porte pas à conclure qu’il se justifie d’étendre la portée de la jurisprudence relative au devoir d’interpellation des parties, visant uniquement l’interprétation et l’application des règles de droit (par exception au principe jura novit curia), à l’établissement des faits par les arbitres (consid. 4.3.1). Par ailleurs, il y a lieu d’admettre que le syllogisme judiciaire effectué par les arbitres souffre d’une contradiction irréductible entre l’énoncé de la règle de droit et son application concrète aux faits constatés, tant et si bien que la sentence entreprise verse dans l’arbitraire et doit être annulée (consid. 5.2). Recours admis.

TF 4A_511/2013

2013-2014

( AG c. Y.)

Recours contre la sentence rendue par un arbitre ad hoc le 12 septembre 2013. Le grief selon lequel la sentence constitue une violation manifeste du droit ne vise que le droit matériel. Sous réserve d’une application par analogie de la jurisprudence relative à l’ordre public procédural en vertu de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, ce grief ne se rapporte pas aux règles de procédure (consid. 2.3.2). La décision au sujet de la répartition des frais de l’arbitrage, tranchant une question de procédure, et dont la recourante ne soutient pas qu’elle viole l’ordre public procédural, ne peut donc pas être entreprise sur la base de l’art. 393 let. e CPC (consid. 2.3.3). Recours rejeté.

TF 4A_35/2014

2013-2014

( SA c. B. Sàrl) 

Destiné à la publication aux ATF

Recours contre l’arrêt rendu le 14 novembre 2013 par le Tribunal cantonal du Canton de Vaud, déclarant irrecevable le recours interjeté contre une sentence arbitrale rendue en septembre 2013, au terme d’un arbitrage interne mis en œuvre en 2006. Selon l’art. 407 al. 3 CPC, le droit en vigueur au moment de la communication de la sentence, in casu le CPC, s’applique aux voies de recours (consid. 1.1).

L’art. 390 al. 1 CPC prévoit la possibilité pour les parties de s’entendre pour instituer le tribunal cantonal compétent en vertu de l’art. 356 al. 1 let a CPC comme autorité de recours en lieu et place du TF. En présence d’un tel accord, qualifié par la doctrine de convention de délégation, la décision de l’autorité cantonale statuant sur le recours est définitive et ne peut être déférée au TF (art. 390 al. 2 CPC, donnant effet à la règle dite du degré unique de recours ; consid. 1.2.1).

Question jusqu’à présent laissée ouverte : quid en cas de conflit de compétence entre autorités de recours surgissant d’une convention de délégation contestée ? Interdire à une partie de saisir le TF pour qu’il vérifie si la décision d’irrecevabilité du recours émise par l’autorité cantonale repose sur une application correcte de l’art. 390 al. 1 CPC reviendrait à priver cette partie de toute voie de recours contre la sentence. Dans ces conditions, il se justifie d’ouvrir une voie de droit à l’encontre de la décision cantonale concernant la recevabilité du recours, permettant au TF de vérifier la réalisation des conditions d’application de l’art. 390 al. 1 CPC (consid. 1.2.2–1.2.3). En l’occurrence, les parties n’ont pas conclu une convention de délégation. Partant, le Tribunal cantonal n’a pas violé le droit fédéral en déclarant le recours contre la sentence irrecevable (consid. 2.2-2.3).

Par ailleurs, l’art. 48 al. 3 LTF, prévoyant la transmission d’office au TF du recours adressé en temps utile à une autorité cantonale incompétente ne s’applique pas en matière d’arbitrage (art. 77 al. 2 LTF) (consid. 3.2). Enfin, l’erreur manifeste commise dans l’indication des voies de droit dans la sentence ne justifie pas non plus, sous l’angle de la bonne foi, que le TF se saisisse du recours à titre exceptionnel (consid. 3.3). Recours rejeté.

TF 4A_468/2013

2013-2014

( [athlète] c. X. et Y. et Z.) 

Recours contre la sentence rendue le 19 juillet 2013 par le TAS. Le recourant domicilié à l’étranger doit s’assurer que le pli contenant son mémoire de recours parvienne au greffe du Tribunal fédéral au plus tard le dernier jour du délai de 30 jours qui suit la notification complète de la décision entreprise, ou que la Poste suisse (voire une représentation diplomatique ou consulaire suisse) en ait pris possession avant l’expiration dudit délai (consid. 3.1-3.2). Par ailleurs, le recourant n’est pas recevable à réserver la production d’écritures ultérieures, répondant aux exigences de motivation de l’art. 42 al. 2 LTF, après l’expiration du délai – quand bien même le mémoire principal aurait été
déposé à temps (consid. 4). Pas d’entrée en matière (procédure simplifiée).

TF 4A_560/2013

2013-2014

(A. [entrepreneur] c. B. SA et C. [Bureau d’ingénieurs] et D. SA [société anonyme de droit suisse] et E. SA [société anonyme de droit suisse])

Destiné à la publication aux ATF (cf. également TF 4A_562/2013 du 30 juin 2014 (d), (A. [entrepreneur] c. B. et C. [Bureau d’ingénieurs] et D. SA [société anonyme de droit suisse] et E. SA [société anonyme de droit suisse]).

Recours contre l’arrêt de l’Obergericht du Canton de Zurich du 9 octobre 2013. Contrat de consortium prévoyant, à côté d’une clause d’élection de for en faveur des tribunaux de Meilen, que : « Streitigkeiten unter den Gesellschaftern über den vorliegenden Vertrag wie auch über Werkverträge, die das Konsortium mit den Gesellschaftern abschliesst, werden nach Möglichkeit unter Ausschluss der ordentlichen Gerichte durch ein Schiedsgericht erledigt. Die Parteien, unter denen Meinungsverschiedenheit besteht, sollen sich in der Monatsfrist auf einen Einzelschiedsrichter oder ein Schiedsgericht einigen. Erst wenn eine solche Einigung nicht möglich oder der Entscheid des Schiedsgerichts nicht akzeptiert wird, kann das zuständige Gericht angerufen werden ».

L’examen de la compétence des tribunaux étatiques confrontés à une exception d’arbitrage s’articule en deux étapes : le juge vérifiera d’abord, avec plein pouvoir de cognition, l’existence d’une convention d’arbitrage (à savoir un accord manifestant la volonté claire et non équivoque des parties de faire trancher leurs litiges par la voie arbitrale en lieu et place des tribunaux ordinaires) portant sur un litige arbitrable ; en cas de conclusion affirmative, il vérifiera ensuite que la convention d’arbitrage n’est pas, prima facie, caduque, inopérante ou autrement non valable (consid. 2.2.3). Interprétant la clause en question selon le principe de la confiance, les instances inférieures ont retenu à tort qu’elle contenait une convention d’arbitrage, ce qui les a amenées à décliner leur compétence. Le texte même de la clause litigieuse montre que les parties n’ont convenu de la possibilité de recourir à l’arbitrage qu’à titre éventuel, sans pour autant avoir (encore) conclu une convention d’arbitrage à proprement parler, ce qu’elles se réservaient de faire, si possible, en cas de litige (consid. 3.3.2-3.3.3). Recours admis.

TF 4A_112/2014

2013-2014

(A Sàrl c. B. et C.)

Recours (rejeté) contre la sentence rendue le 16 janvier 2014 par un arbitre unique ad hoc. Calcul de la valeur litigieuse aux fins de l’art. 74 LTF : en cas de recours contre une décision finale, la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l’autorité précédente (art. 51 al. 1 let a LTF). Si la contestation soumise à l’arbitrage portait sur une somme d’argent déterminée (art. 74 al. 1 LTF), la valeur litigieuse devant le TF correspond au montant réclamé dans les dernières conclusions pécuniaires prises par les parties devant l’arbitre, et non pas à la différence entre ce dernier montant et celui effectivement alloué par l’arbitre dans la sentence (consid. 1.1).

TF 4A_682/2012

2012-2013

(Egyptian Football Association c. Al-Masry Sporting Club)

Recours contre la sentence rendue le 2 octobre 2012 par le TAS. L’art R47 al. 1 du Code TAS, qui impose l’obligation d’épuiser les instances préalables, « ne vise que l’instance interne dont la fédération sportive concernée prescrit la mise en œuvre avant toute saisine du TAS, à l’exclusion de celle à qui la partie recourante a le choix de déférer ou non la décision qui ne la satisfait pas » (consid. 4.4.3.2). En conséquence de quoi, cette obligation ne s’étend pas à la révision/reconsidération en tant que moyen de droit extraordinaire prévu par la réglementation sportive. Recours rejeté.

ATF 139 III 135

2012-2013

(A. c. B. et C.)

Art. IV CNY

Recours contre l’arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois du 12 avril 2012, considérant qu’un séquestre pouvait être ordonné sur présentation d’une sentence arbitrale étrangère en l’absence d’une décision d’exequatur préalable. Saisi d’un recours contre un arrêt sur opposition à séquestre, le TF ne revoit l’application du droit fédéral que sous l’angle restreint de l’arbitraire, s’agissant d’une procédure sur mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF. A la lumière du texte de la LP, tout comme de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires relatifs à la modification de cette loi suite à l’entrée en vigueur de la CL révisée de 2007, il n’est pas arbitraire d’admettre que la notion de titre de mainlevée définitive au sens de l’art. 271 al. 1 ch. 6 LP comprend tous les jugements suisses et étrangers, même « non Lugano », y compris les sentences arbitrales étrangères (consid. 4.5.1). Il doit également être admis que de telles décisions sont susceptibles de fonder un séquestre sur la base de l’art. 271 al. 1 ch. 6 LP sans avoir fait l’objet d’une procédure d’exequatur préalable. Ainsi, le juge du séquestre doit statuer à titre incident, à la suite d’un examen sommaire du droit et des faits rendus simplement vraisemblables, sur le caractère exécutoire d’une décision étrangère « non Lugano » (consid. 4.5.2). Recours rejeté.

(X. SA c. Y. [société anonyme de droit mauricien] et Z.)

Art. V CNY

Recours contre les décisions du Tribunal cantonal du canton du Valais du 5 décembre 2012. Sentence arbitrale CCI du 5 décembre 2011 invoquée comme titre de créance dans le cadre de deux requêtes de mainlevée définitive par les poursuivants, Y. et Z., à l’encontre de X. Jugement en première instance déclarant la sentence exécutoire et ordonnant la mainlevée définitive des oppositions aux commandements de payer interjetées par X. Recours contre ce jugement rejeté par le Tribunal cantonal. Caractère subsidiaire de la réserve de l’ordre public au sens de l’art. V ch. 2 let. b CNY en ce qui concerne la régularité de la procédure arbitrale, qui doit être examinée en premier lieu sous l’angle de l’art. V ch. 1 let. b CNY (consid. 4.2.1). Décision incidente, dans la procédure arbitrale, refusant la récusation d’un arbitre, rendue sans les motifs conformément au règlement applicable. L’exequatur de la sentence rendue au terme de cette procédure peut-il être refusé, sur requête de la partie contre laquelle la sentence est invoquée, au motif que son droit d’être entendue aurait été violé, faute pour elle d’avoir obtenu une décision motivée sur le rejet de sa requête de récusation? L’absence de motivation dans la sentence rend plus difficile la tâche du juge de l’exequatur, appelé à la contrôler, mais un tel risque doit être supporté par la partie qui a librement accepté de se soumettre à une juridiction arbitrale, dont les règles de procédure ne sont pas sujettes au mêmes contraintes formelles que celles d’une juridiction étatique (consid. 4.2.2). Recours rejeté.

TF 4A_660/2012

2012-2013

(Y. GmbH [société allemande] c. X. SpA [société italienne])

Recours contre la décision de l’Obergericht ZH, Cour administrative, du 24 octobre 2012, refusant la délivrance d’un certificat de force exécutoire (art. 193 al. 2 LDIP) pour la sentence rendue le 20 juillet 2012 par un arbitre unique statuant sous l’égide de la Chambre de commerce de Zurich. Décision annulée au motif que la cour inférieure avait omis de transmettre à Y., avant de se déterminer sur sa requête, les observations déposées par la partie adverse, violant ainsi le droit d’être entendue de la recourante et son droit à la réplique (consid. 2.2). Recours admis.

ATF 138 III 714

2012-2013

(X. Lda [société de droit portugais] c. Y. Ltd [société de droit chinois])

Recours contre la sentence sur compétence rendue le 23 novembre 2011 par un Tribunal arbitral CCI. L’arbitrabilité subjective (ou ratione personae), qui comprend la capacité de compromettre et celle d’être partie à l’arbitrage, doit être examinée, en tant que condition de validité de la convention d’arbitrage, sous l’angle de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP (consid. 3.2). A l’exception de l’art. 177 al. 2 pour les entreprises d’Etat, le chapitre 12 LDIP ne contient pas de disposition spéciale régissant cette question. Selon la jurisprudence du TF, celle-ci relève du principe général de procédure qui veut que la capacité d’être partie (Parteifähigkeit) dépend de la question préalable de la capacité de jouissance, soit la capacité d’être titulaire de droits et obligations, ou capacité juridique (Rechtsfähigkeit) (consid. 3.3.1 et 3.3.4). Dans un arbitrage international ayant son siège en Suisse, la capacité juridique relèvera du droit désigné par les art. 33 ss LDIP pour les personnes physiques ou 154 et 155 let. c LDIP pour les personnes morales (consid. 3.3.2). Une entité étrangère jouissant de la capacité juridique selon son droit d’incorporation sera réputée avoir cette même capacité, et par là, la capacité d’ester en justice ou d’être partie à une procédure d’arbitrage en Suisse. La recourante est une société à responsabilité limitée de droit portugais. Selon ce droit, une telle société maintient sa capacité juridique même si elle est mise en faillite. Il s’ensuit qu’elle a la capacité d’être partie à un arbitrage international en Suisse. Toute restriction imposée en relation avec l’arbitrage par le droit étranger régissant une personne morale est sans effet du point de vue de la lex arbitri suisse, tant qu’elle n’affecte pas la capacité juridique de cette personne (consid. 3.3.4). Effet d’une loi d’application immédiate étrangère (Eingriffsnorm) sur la validité d’une convention d’arbitrage sous l’angle de la LDIP : question laissée ouverte (consid. 4). Recours rejeté.

TF 4A_244/2012

2012-2013

(FC X. [club de football] c. Y. [entraîneur professionnel de football])

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 19 mars 2012. Employment Agreement conclu en 2009 entre le club et l’entraîneur, suivi d’un Second Agreement concernant le même rapport de travail, et, en 2010, d’un Settlement Agreement mettant un terme à la relation et prévoyant le paiement d’une indemnité à l’entraîneur. Contrats contenant à la fois une clause d’arbitrage prévoyant la compétence « exclusive » du TAS et des clauses d’élection de for « non exclusives » en faveur des tribunaux suisses (Faits, A.b-A.d). Arbitrage TAS initié par l’entraîneur faute de paiement de l’indemnité par le club. Sentence accueillant partiellement la demande de l’entraîneur, rendue au terme d’une procédure menée par défaut suite à l’objection d’incompétence soulevée par le club. Lorsqu’une clause compromissoire ne permet pas d’établir la volonté concordante des parties de se soumettre à l’arbitrage, elle doit être interprétée conformément au principe de la confiance (interprétation objective). En l’espèce, une interprétation objective des clauses contenues dans les différents contrats ne permet pas de conclure à l’existence d’une volonté concordante des parties de renoncer à la juridiction étatique. Le TAS a, en particulier, méconnu la jurisprudence du TF selon laquelle une clause d’élection de for contenue dans un accord transactionnel subséquent prime sur la clause d’arbitrage contenue dans le contrat originaire (consid. 4.4 – 4.6). Conditions de validité d’un accord prévoyant des compétences juridictionnelles alternatives, selon le choix du demandeur : question laissée ouverte (consid. 4.4) (voir également TF 4A_515/2012, consid. 5.2, dans le cadre d’un arbitrage interne). Recours admis.

TF 4A_388/2012

2012-2013

(A. [citoyen bulgare ; entraîneur de l’équipe nationale bulgare de football] c. Bulgarische Fussballunion)

Recours contre une sentence rendue par le TAS le 24 mai 2012, déniant sa compétence. Saisi du grief de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP, le TF en examine librement tous les aspects juridiques (jura novit curia), ce qui peut le conduire à rejeter le grief sur la base d’un autre motif que celui qui est indiqué dans la sentence entreprise (consid. 3.1). Selon la règle matérielle de l’art. 177 al. 1 LDIP, un litige surgissant d’un contrat de travail est arbitrable dans la mesure où il porte sur une prétention de nature patrimoniale, sous réserve de dispositions de droit étranger exigeant impérativement la juridiction des tribunaux étatiques et relevant de l’ordre public, ce qui n’est pas le cas de la disposition du Code de procédure civile bulgare invoquée en l’espèce. Ainsi, c’est à tort que le TAS a conclu à l’inarbitrabilité du litige. De même, il n’y avait pas lieu pour le TAS de prendre en considération le risque éventuel que la sentence ne soit pas exécutée en Bulgarie, un tel risque étant sans pertinence aux fins de sa décision sur compétence (consid. 3.2-3.3). Cela étant, la clause compromissoire en question n’est pas valable au sens de l’art. 178 al. 2 LDIP : la sentence du TAS était donc correcte dans son résultat (consid. 3.4). Recours rejeté.

TF 4A_414/2012

2012-2013

(X. c. Z.)

Recours contre la sentence rendue le 6 juin 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Cas dans lequel le TA a rendu une première « sentence partielle », en juin 2011, se déclarant compétent pour connaître du litige. Savoir si l’intimée disposait de la capacité d’être partie au moment où cette première sentence a été rendue est une question qui relève de l’arbitrabilité subjective, en d’autres termes de la compétence ratione personae. Cette question doit donc être examinée sous l’angle de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP (consid. 1.2) (voir aussi ATF 138 III 714, consid. 3.2 et 3.3). La recourante ne conteste pas l’interprétation du droit étranger faite par le TA dans la sentence entreprise, rendue après la première sentence sur compétence, et concluant à l’effet rétroactif de la réinscription de Z., en août 2011, au registre des sociétés dont elle relevait. Dès lors, on doit tenir pour acquis que l’intimée n’a pas cessé d’exister (et avait ainsi la capacité d’être partie) durant la période de quelques mois où elle ne figurait plus dans ce registre, quand la première sentence a été rendue. Par ailleurs, selon la jurisprudence du TF, la capacité d’être partie doit être réalisée, comme les autres conditions de recevabilité, au moment où le jugement au fond est rendu. En l’espèce, les deux sentences rendues par le TA n’ont qu’un caractère incident (consid. 2.3.1.1). Recours rejeté (voir également le consid. 3.2 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).

TF 4A_538/2012

2012-2013

(X. [société française] c. Y. [société irakienne] Ltd.)

Recours contre la sentence rendue le 9 juillet 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Le grief selon lequel le TA se serait déclaré à tort compétent pour connaître d’une demande d’arbitrage introduite par un représentant sans pouvoir relève de la compétence ratione personae au sens large, donc de l’art. 190 al. 2 let b LDIP, et non pas de la régularité de la constitution du tribunal au sens de l’art. 190 al. 2 let. a LDIP. Cette dernière disposition a trait uniquement aux griefs tirés de la manière dont les arbitres ont été nommés ou remplacés (art. 179 LDIP) ou aux questions relatives à leur indépendance et impartialité (art. 180 LDIP) (consid. 4.3). Recours rejeté (voir également le consid. 5.1 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).

TF 4A_596/2012

2012-2013

(X. (International) AG c. A. [résidant en Allemagne])

Recours contre le Procedural Order Nr. 7 du 11 septembre 2012 (PO 7) et le Procedural Order Nr. 8 du 3 octobre 2012 (PO 8), rendus par un Tribunal arbitral (arbitre unique) CCI avec siège à Saint-Gall. Sentence « partielle » rendue par l’arbitre en février 2012, statuant sur sa compétence et ordonnant à la recourante de produire les documents requis dans la demande d’arbitrage, à laquelle la recourante n’a pas donné suite. PO 7 et PO 8 ordonnant à la recourante de produire de nouveaux documents. Recours au TF au motif qu’en prononçant de telles ordonnances l’arbitre aurait statué implicitement sur sa compétence à ordonner la production de documents non couverts par sa sentence partielle. Selon la doctrine, les ordonnances sur production de documents sont des décisions de nature procédurale (consid. 3.3). En l’espèce, l’arbitre a expressément indiqué dans ses POs 7 et 8 que « the list ordered for production is not based on a substantive claim of Claimant against Respondent, but rather on procedural rules » et que, par ailleurs, l’ordre de produire ne devait pas être confondu avec une ordonnance d’exécution de la sentence partielle (consid. 3.4). Ainsi, les ordonnances en question sont de simples décisions portant sur la conduite de la procédure, pouvant être révoquées à un stade ultérieur de l’arbitrage. De jurisprudence constante, de telles décisions ne sont pas susceptibles de recours (consid. 3.7). Recours irrecevable.

TF 4A_110/2012

2012-2013

(X. [Roel Paulissen] c. UCI et Fédération Z. [RLVB])

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 23 décembre 2011. La règle jurisprudentielle selon laquelle la partie qui entend récuser un arbitre doit invoquer le motif de récusation dès qu’elle en a connaissance vise aussi bien les motifs de récusation connus de cette partie que ceux qu’elle aurait pu connaître en faisant preuve de l’attention voulue (consid. 2.1.2). Argument du recourant selon lequel, d’une part, l’arbitre nommé par l’UCI aurait manqué à son devoir de révéler une circonstance figurant dans la liste orange des IBA Guidelines on Conflicts of Interest in International Arbitration (art. 3.1.3), à savoir le fait d’avoir été nommé à plus que deux reprises par cette même partie au cours des trois dernières années (en l’espèce, en tout cas cinq fois, dont quatre avant sa nomination dans l’affaire concernant le recourant, le tout en moins d’une année), et, d’autre part, du fait même de ce manquement et parce que toutes les affaires concernées portaient sur la même question juridique, cet arbitre ne présentait pas des garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité (consid. 2.2.1). Les connaissances du conseil ayant représenté le recourant devant le TAS (un « spécialiste de l’arbitrage sportif et, singulièrement, de la jurisprudence du TAS ainsi que des arcanes de cette institution ») sont attribuables au recourant. Il n’est pas contesté qu’à la date de l’audience ce dernier connaissait au moins trois des sentences rendues dans les cinq affaires susmentionnées. Une ancienne publication du conseil du recourant montre, par ailleurs, qu’il avait une plus ample connaissance de la propension de l’intimée à désigner régulièrement l’arbitre en question. Partant, pour remplir son devoir de curiosité, le recourant aurait dû, au plus tard à l’audience, demander formellement à cet arbitre combien de fois il avait été nommé par l’UCI pour siéger dans une formation du TAS, et de révéler les parties concernées et les questions soumises aux formations dans ces affaires. En l’occurrence, le fait d’avoir demandé à l’arbitre « s’il y a[vait] quelque chose de nouveau » suite aux sentences dont le recourant avait déjà connaissance à cette époque n’était pas suffisant. Le devoir de révélation de l’arbitre n’existe qu’à l’égard de faits dont l’arbitre a des raisons de penser qu’ils ne sont pas connus de la partie qui pourrait s’en prévaloir. Or, pour les raisons déjà évoquées, tenant à la personne du conseil du recourant, l’arbitre questionné « pouvait admettre de bonne foi que cette exception trouvait à s’appliquer en l’espèce ». Recourant forclos à remettre en cause la régularité de la composition de la formation par le biais d’un recours contre la sentence (consid. 2.2.2). Question de l’applicabilité de la note explicative n° 6 relative à l’art. 3.1.3 des IBA Guidelines à l’arbitrage du TAS laissée ouverte (cf. consid. 2.2.1 in fine résumant la position – favorable – du TAS à cet égard) (voir également le résumé dans le chapitre Droit du sport au sujet de cet arrêt). Recours rejeté.

TF 4A_146/2012

2012-2013

(Etat X. [Israël] c. Société Z. [NIOC])

Recours contre la sentence rendue le 10 février 2012 par un Tribunal arbitral ad hoc. Cas particulier dans lequel l’arbitre du recourant a été désigné par une décision d’un tribunal français, avant que le siège de l’arbitrage ait été fixé en Suisse (à Genève) par le tribunal arbitral, une fois constitué. S’il est vrai qu’en Suisse, selon la jurisprudence du TF, la décision du juge d’appui de désigner un arbitre ne jouit pas de la force de la chose jugée, tel ne peut être le cas en l’espèce, eu égard à la configuration juridique très particulière de cette affaire, de la décision finale rendue par la plus haute juridiction civile de France (la Cour de cassation), confirmant la désignation en pleine connaissance de tous les éléments pertinents et après un ample débat contradictoire au sujet de la compétence internationale des tribunaux français pour désigner un arbitre à la partie récalcitrante (consid. 3.3.2). Recours rejeté.

TF 4A_635/2012

2012-2013

(A. SpA [Club de football] c. B. [Club de football])

Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 21 août 2012. Le grief selon lequel le tribunal aurait statué infra petita est exclu d’emblée quand le dispositif de la sentence déclare expressément que toute autre conclusion des parties est rejetée (« all other claims are dismissed »), sachant que, selon la jurisprudence en matière d’arbitrage international, les arbitres ne sont pas tenus de motiver leur sentence (consid. 4.2).

TF 4A_274/2012

2012-2013

(Fédération X. c. European Chess Union)

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 22 mars 2012. Le pouvoir discrétionnaire reconnu aux arbitres en ce qui concerne la nomination d’un expert du tribunal n’est pas sans limite, quand bien même il serait exprimé en termes absolus dans le règlement d’arbitrage : si le tribunal pouvait écarter « ad libitum » toute requête, présentée en bonne et due forme, tendant à l’administration d’une expertise propre à prouver un fait pertinent et contesté, le droit d’être entendu de la partie requérante s’en trouverait violé (consid. 3.2.1). Par ailleurs, l’assimilation effectuée par le TAS entre une expertise judiciaire ordonnée par la formation arbitrale en application de l’art. R44.3 et une expertise privée au sens de l’art. R44.2 du Code TAS, est contestable. Les règles régissant ces deux types d’expertise sont très différentes et leurs forces probantes respectives pas comparables (ibid.). Recours rejeté faute pour la recourante d’avoir invoqué la violation alléguée de son droit d’être entendue en temps voulu.

TF 4A_407/2012

2012-2013

(X. SE [société européenne ayant son siège à Vienne] et Y. GmbH [société de droit autrichien] c. Z. BV [société de droit néerlandais])

Recours contre la sentence rendue le 29 mai 2012 par un Tribunal arbitral CCI. La partie qui s’estime victime d’une inégalité de traitement ou d’une violation de son droit d’être entendue doit s’en plaindre immédiatement et déployer tous les efforts que l’on peut raisonnablement exiger d’elle pour faire en sorte que le tribunal puisse remédier, tant que l’arbitrage est en cours, au vice de procédure allégué (consid. 3.1). En particulier, le fait que les recourantes se soient plaintes auprès du tribunal, pendant l’audience, que leur adverse partie avait bénéficié de plus de temps pour interroger les témoins, même avec l’indication expresse qu’elles souhaitaient soulever une objection à cet égard car leur « right to be heard and to be treated equally is really at stake here », ne constitue pas une protestation suffisamment claire. Ayant par la suite omis de requérir du tribunal qu’il ordonne la répétition ou une plus ample audition des témoins avant la clôture de la procédure arbitrale, le droit des recourantes de se plaindre d’une prétendue inégalité de traitement au stade du recours contre la sentence est forclos (consid. 3.4). Recours rejeté.

TF 4A_414/2012

2012-2013

(X. c. Z.)

Recours contre la sentence rendue le 6 juin 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Grief selon lequel le TA aurait violé le droit d’être entendue de la recourante en ignorant ses allégués et preuves tendant à démontrer que l’intimée aurait commis un abus de droit qui l’empêcherait de se prévaloir de l’effet guérisseur de sa réinscription au registre des sociétés, tel qu’avalisé par le TA dans sa sentence. Selon l’art. 190 al. 3 LDIP, une sentence incidente ne peut être attaquée que pour les motifs énoncés à l’art. 190 al. 2 let. a et b LDIP. Le grief formulé par la recourante, basé sur l’art. 190 al. 2 let. d LDIP, est donc en principe irrecevable. Il est vrai que selon une partie de la doctrine les griefs tirés de l’art. 190 al. 2 let. c à e LDIP peuvent être invoqués à l’encontre des décisions incidentes dans le cadre d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a ou b LDIP, à condition que ce recours ne soit pas manifestement irrecevable ou infondé. En l’espèce, la question peut être laissée ouverte, d’une part parce que, dans le cadre d’un tel recours, le TF aurait la possibilité de compléter l’état de fait à la base de la sentence attaquée, et d’autre part parce que, en l’espèce, la motivation du recours est à l’évidence insuffisante sur ce point (consid. 3.2). Recours rejeté (voir également les consid. 1.2 et 2.3.1.1 du même arrêt, résumés en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP).

TF 4A_538/2012

2012-2013

(X. [société française] c. Y. [société irakienne] Ltd.)

Recours contre la sentence rendue le 9 juillet 2012 par un Tribunal arbitral CCI. Utilisation « contre toute attente » par le tribunal arbitral, afin d’étayer une conclusion juridique, d’un moyen de preuve administré en relation avec une problématique entièrement différente. La jurisprudence selon laquelle les arbitres peuvent avoir exceptionnellement l’obligation d’interpeller les parties lorsqu’ils envisagent de se fonder sur une norme ou une considération juridique qui n’a pas été évoquée au cours de la procédure, et dont les parties ne pouvaient pas anticiper la pertinence, s’applique de manière restrictive et ne concerne pas l’établissement des faits. En particulier, le droit d’être entendu n’exige pas des arbitres qu’ils sollicitent une prise de position des parties sur la portée de toute pièce produite. Si chaque partie pouvait déterminer par avance les conséquences probatoires que le tribunal sera autorisé à tirer des pièces au dossier, le principe essentiel de la libre appréciation des preuves, qui est un pilier de l’arbitrage international, serait vidé de sa substance (consid. 5.1). Recours rejeté (voir également le consid. 4.3 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP).

TF 4A_669/2012

2012-2013

(X. Limited [Société de droit anglais] c. Y. Limited [Société de droit suisse])

Recours contre la sentence rendue le 6 octobre 2012 par un arbitre unique statuant sous les auspices de la Chambre de commerce de Zurich. Mention expresse, dans la sentence, du rapport soumis par l’expert de la recourante, exposant les déductions à effectuer pour tenir compte de frais d’acquisition de produits destinés à la vente dans le calcul des dommages-intérêts pour gains manqués alloués à l’intimée. Calcul desdits dommages par l’arbitre faisant totalement abstraction de ces mêmes déductions, sans que soit fournie une explication au sujet de cette omission. Violation du droit d’être entendu de X. (consid. 3.2.1) : recours admis partiellement. Puisque le litige portait uniquement sur la prétention relative aux gains manqués de Y., la sentence doit être annulée dans son entier. Cela étant, dans la nouvelle sentence à rendre, seule devra être réexaminée la question à l’égard de laquelle la recourante a obtenu gain de cause devant le TF (consid. 3.3). Même si la sentence rectificative rendue par l’arbitre au sujet des frais et dépens des parties devient ipso facto caduque en raison de l’annulation de la sentence originaire, il se justifie de l’annuler également pour éviter d’éventuels problèmes, notamment au stade de l’exécution (consid. 4). Frais et dépens en instance fédérale calculés en fonction de ce que la recourante pourra obtenir, dans le meilleur des cas, après renvoi (consid. 5).

TF 4A_730/2012

2012-2013

(X. [athlète] c. The International Association of Athletics Federations et Z.)

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 18 octobre 2012. Argumentation subsidiaire du recourant passée complètement sous silence dans la sentence. La « formule stéréotypée » par laquelle la formation a indiqué qu’elle avait pris en compte tous les faits, arguments juridiques et moyens de preuve soumis par les parties dans le cadre de la procédure arbitrale, mais qu’elle ne ferait référence, dans la sentence, qu’aux éléments nécessaires pour expliquer son raisonnement est une simple clause de style que l’on retrouve dans la plupart des sentences du TAS. Le seul fait d’en user ne suffit pas à exclure la violation du droit d’être entendu qu’un tribunal arbitral commet s’il ne prend pas en considération des allégués, arguments, ou preuves présentés par une partie et importants pour la sentence à rendre. En l’espèce, l’intimée a démontré dans sa réponse au recours que l’argumentation subsidiaire du recourant n’était pas pertinente pour résoudre le litige (consid. 3.3.2). Recours rejeté.

TF 4A_95/2013

2012-2013

(X. Incorporation c. Y. AG)

Recours contre la sentence rendue le 15 janvier par un Tribunal arbitral CCI (arbitre unique). Sentence ne faisant pas état, entre autres, de la déclaration écrite et du témoignage rendu en audience par un témoin important de la recourante, et d’un e-mail dont il n’est pas contesté qu’il était pertinent pour l’issue du litige. Compte tenu du fait que le témoin a été entendu en audience, où il a pu confirmer sa déclaration au sujet de la question litigieuse, et que l’arbitre a expressément indiqué dans la sentence que sa conclusion sur ce point était basée sur son appréciation de l’ensemble des preuves offertes par les parties, « in particular the witness statements », le droit d’être entendue de la recourante n’a pas été violé (consid. 3.2). S’agissant de l’e-mail, la transcription de l’audience montre qu’il avait été discuté par la recourante dans le cadre du contre-interrogatoire d’un témoin. L’arbitre avait ainsi été rendu attentif à son existence et à son contenu. Le droit d’être entendu au sens de l’art. 190 al. 2 let. d LDIP ne comprenant pas le droit d’exiger une sentence motivée, l’on ne peut conclure que l’arbitre ait tout simplement ignoré cet e-mail dans son appréciation des preuves, même s’il ne l’a pas mentionné dans la sentence (consid. 3.3). Recours rejeté.

TF 4A_730/2012

2012-2013

(X. [athlète] c. The International Association of Athletics Federations et Z.)

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 18 octobre 2012. Modification intervenue dans le dispositif de la sentence entre la première version, telle que communiquée aux parties ‑ sans les motifs ‑ le jour après l’audience d’instruction, et celle se trouvant à la dernière page de la version motivée qui leur a été notifiée quelques mois plus tard. La rectification opérée par la formation étant en faveur du recourant, celui-ci n’a pas d’intérêt digne de protection à la remettre en question par le biais d’un recours (art. 76 al. 1 let. b LTF) (consid. 4). Recours rejeté par ailleurs (voir également consid. 3.3.2 du même arrêt résumé en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).

TF 4A_314/2012

2012-2013

(Fédération X. c. Club A., Club B. et Confédération C.)

Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 27 avril 2012. Une sentence sur les frais de l’arbitrage, soit un « Award on costs » par lequel la formation TAS a clos la procédure en raison du retrait du recours, fixé les frais de l’arbitrage et statué sur les dépens, constitue une sentence finale susceptible d’un recours en matière civile au sens de l’art. 77 al. 1 let. a LTF, pour tous les motifs énoncés à l’art. 190 al. 2 LDIP (consid. 2).

TF 4A_198/2012

2012-2013

(A. [joueuse de basketball professionnelle] c. X. [agent])

Recours contre la sentence rendue le 12 mars 2012 par le Tribunal arbitral du basketball (Basketball Arbitral Tribunal, BAT). Question « délicate » de la recevabilité d’un recours contre une sentence non motivée, examinée d’office par le TF. Contrairement à la solution généralement applicable selon le Code de procédure civile suisse (art. 239 al. 2 CPC), en matière d’arbitrage (interne et international) la renonciation aux motifs n’implique nullement une renonciation au droit de recourir contre la sentence, même si elle réduit sensiblement les chances de succès de la partie qui entend attaquer la sentence non motivée (consid. 2.2).

TF 4A_666/2012

2012-2013

(X. [société de droit français] c. Y. SNC [société de droit français])

Demande de révision de la sentence finale rendue par un Tribunal arbitral CCI le 25 avril 2012, modifiée par un « addendum » (corrigeant le calcul du montant alloué à la demanderesse) du 28 juin 2012. Requérante invoquant la découverte de faits pertinents et moyens de preuve concluants (art. 123 al. 2 let. a LTF) que l’intimée lui aurait délibérément cachés pendant l’arbitrage, ce qui constituerait également une escroquerie au procès au sens de l’art. 123 al. 1 LTF. Il appartient à la requérante d’établir les circonstances déterminantes pour la vérification du respect du délai de révision fixé à l’art. 124 al. 1 let. d LTF (consid. 5.1). De son propre aveu, la requérante était en possession d’un moyen de preuve concluant (une expertise judiciaire), concernant le fait nouveau invoqué par elle, le 28 juin 2012. Dès lors, la demande de révision, déposée le 8 novembre 2012, est irrecevable (consid. 5.2.1). Il est vrai que dans ce cas le TA a rectifié sa sentence finale par un « addendum ».

A supposer que l’on puisse fixer le point de départ du délai de révision au moment de la notification de cet addendum – ce qui en l’occurrence devrait être exclu, en appliquant par analogie la jurisprudence voulant que la procédure de rectification n’interfère pas avec le recours contre la sentence originaire, l’objet de la rectification n’ayant ici rien à voir avec les motifs de révision invoqués à l’encontre de la sentence – la requérante n’établit pas à quel moment cette notification aurait eu lieu (consid. 5.2.2). S’agissant du motif de révision fondé sur la prétendue escroquerie au procès, la demande est prématurée, car la procédure pénale y relative est encore pendante. La requérante pourra renouveler sa demande le moment venu, pour autant qu’elle ait encore un intérêt à obtenir la révision de la sentence. Par souci de simplification, il convient de déclarer les deux pans de la demande de révision irrecevables (ibid.).

TF 4A_649/2012

2012-2013

(A.x. c. A.)

Recours contre la sentence rendue le 2 juillet 2012 par un tribunal arbitral avec siège à Balsthal. Litige portant sur les prétentions des héritiers de feu A.a., dont A.x. (représentant de la communauté successorale), en relation avec la quote-part du de cujus dans les biens de la société en nom collectif A. Sentence violant manifestement le droit dans la mesure où les arbitres ont méconnu les conditions de forme régissant la conclusion d’une convention de partage au sens de l’art. 634 al. 1 CC (en l’occurrence, un partage manuel partiel, exigeant une cession écrite des créances signée de tous les héritiers selon l’art. 165 al. 1 CO) (consid. 3.3). Recours admis.

TF 4A_515/2012

2012-2013

(Fondation pour l’animation socioculturelle lausannoise (FASL) c. X.)

Recours contre la « sentence partielle » rendue le 17 août 2012 par le président de la Commission paritaire professionnelle (CPP) de la FASL, affirmant sa compétence pour statuer sur le licenciement d’un employé de cette institution en vertu d’une disposition contenue dans la convention collective de travail (CCT) conclue avec le Syndicat suisse des services publics. Arbitrabilité du litige selon le critère de la libre disposition au sens de l’art. 354 CPC : la nature des signataires de la CCT et le contenu de cette convention en font un accord hybride aux frontières entre le droit privé et le droit public, engendrant une situation juridique complexe. L’incertitude résultant de cette situation n’est pas imputable à l’intimé. Dans ces circonstances, il se justifie de faire abstraction des règles relatives au caractère impératif de l’art. 336a CO et de considérer la prétention en cause comme une faculté sui generis que la CCT octroie au collaborateur sous le coup d’un licenciement disciplinaire (consid. 4.3). Clause compromissoire valable en la forme (consid. 5.1) et réunissant tous les éléments constitutifs requis (consid. 5.2).

Au regard du principe de la liberté contractuelle, rien ne s’oppose à ce que la convention d’arbitrage prévoie que le recours à l’arbitrage est facultatif, en ce sens que les deux parties ou l’une d’elles se voient accorder le choix entre l’arbitrage et la juridiction ordinaire (ibid.). Champ d’application de la clause : la compétence du président de la CPP pour statuer en tant qu’arbitre n’est donnée que si le licenciement incriminé constitue une mesure disciplinaire. Cette compétence étant contestée, le président de la CPP aurait dû avant tout parvenir à une conclusion définitive, au terme d’une instruction complète en fait et en droit, quant à la nature du licenciement en cause. Or, il a conclu au caractère disciplinaire de cette mesure en raisonnant seulement sous l’angle de la vraisemblance, au vu des éléments à sa disposition « en l’état de l’instruction » et sans exclure qu’une instruction complémentaire puisse infirmer cette conclusion (consid. 5.3.2.2). Partant, la sentence doit être annulée, sans que la conclusion de la recourante visant à faire constater le défaut de compétence du président de la CPP pour trancher le litige ne puisse être accueillie, car le sort de cette demande dépendra de l’issue définitive de l’instruction à parfaire (consid. 5.4). Recours admis.

(Y. SA c. X. SA)

Rrecours (rejeté) contre la sentence rendue le 20 juin 2012 par un tribunal arbitral ad hoc. Rappel : le motif de recours de l’art. 393 let. d CPC ayant été repris des règles régissant l’arbitrage international, la jurisprudence relative à l’art. 190 al. 2 let. d LDIP est en principe applicable également dans le domaine de l’arbitrage interne (consid. 5.1).

TF 4A_214/2012

2012-2013

(Ufficio federale delle strade (USTRA) c. A. et B.)

Recours contre la décision rendue le 2 mars 2012 par un juge unique du Tribunale d’appello TI, statuant en qualité de juge d’appui sur la base de l’art. 375 al. 2 CPC, et ordonnant à l’USTRA de produire des documents relatifs à une procédure d’appel d’offres dans le cadre d’un arbitrage entre B. et A. Une telle décision ne peut faire l’objet d’un recours, le juge d’appui statuant « en instance unique » (art. 356 al. 2 CPC), c’est-à-dire de manière définitive. Par ailleurs, l’USTRA, en tant qu’office de l’administration fédérale, n’est pas recevable à l’attaquer (art. 76 al. 2 LTF et art. 72 al. 2 let b LTF). Recours irrecevable.

(Y. SA c. X. SA)

Recours contre la sentence rendue le 20 juin 2012 par un tribunal arbitral ad hoc. Le simple fait que la clause compromissoire contenue dans un contrat conclu en 2005 déclare applicable le Concordat ne saurait être regardé comme une déclaration de la volonté commune des parties de choisir le tribunal cantonal compétent comme autorité de recours en lieu et place du TF au sens de l’art. 390 al. 1 CPC. D’une part, à l’époque où elles ont conclu la convention d’arbitrage, les parties ne pouvaient pas prévoir qu’elles disposeraient de la faculté d’opérer ce choix, maintenant prévu dans le CPC, et d’autre part, le renvoi au Concordat n’impliquait nullement une exclusion de la juridiction du TF, les décisions cantonales sur recours contre les sentences arbitrales étant elles-mêmes susceptibles de recours au TF (art. 36 CA) (consid. 2). Recours rejetés (voir également consid. 5.1 du même arrêt, résumé en relation avec l’art. 393 let. d CPC).

TF 5A_427/2011

2011-2012

(A. [société slovaque] c. B. [société syrienne])

Recours contre l’arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 20 mai 2011.

L’art. IV(1) let. b de la CNY prévoit que la partie qui se prévaut d’une sentence arbitrale étrangère doit produire, pour en obtenir la reconnaissance et l’exécution, l’original de la convention d’arbitrage « ou une copie réunissant les conditions requises pour son authenticité ». La jurisprudence commande que l’on évite de faire une application excessivement formaliste de cette disposition. En particulier, le grief d’absence d’authentification de la clause compromissoire ne doit pas être retenu lorsque la partie qui l’invoque ne conteste pas l’authenticité de la clause elle-même (consid. 5).

TF 5A_754/2011

2011-2012

(X. [société avec siège en Suisse] SA c. Z. [société avec siège aux Etats-Unis] LLC)

Recours contre la décision de la Cour cantonale de Schwyz du 10 octobre 2011.

Question controversée de la nature impérative ou non de l’exigence, selon l’art. IV(2) CNY, du dépôt d’une traduction certifiée d’une sentence arbitrale rédigée en une langue autre que la ou les langues officielles du pays où la reconnaissance en est demandée. Eu égard à l’objet et au but de la CNY, qui est de faciliter la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, l’art. IV(2) CNY doit être interprété de manière souple, pragmatique et non-formaliste (consid. 5.4).

En l’espèce, la Cour cantonale schwyzoise aurait fait preuve d’un formalisme contraire à l’esprit et au but de la CNY si elle avait refusé de reconnaitre la sentence (en langue anglaise, dont la Cour cantonale avait déclaré posséder une connaissance suffisante pour examiner la sentence à la lumière des dispositions pertinentes de la CNY) au motif que ladite sentence n’était pas accompagnée d’une traduction intégrale, alors que le requérant avait déposé une traduction du dispositif et de la section de la sentence contenant la décision de l’arbitre sur les frais de l’arbitrage, à savoir précisément la section faisant l’objet des griefs de la partie s’opposant à la reconnaissance et exécution de la sentence (consid. 5.5).

ATF 138 III 29

2011-2012

(X.__ c. Y.__ Sàrl)

Recours contre la sentence rendue le 17 mars 2011 par le TAS.

Clause arbitrale dans un contrat de transfert de footballeurs entre un club et une agence de joueurs prévoyant que « [t]he competent instance in case of a dispute concerning this Agreement is the FIFA Commission or the UEFA Commission which will have to decide the dispute that could arise between the club and the agent ». Une clause compromissoire incomplète, peu claire ou contradictoire, est une clause arbitrale dite pathologique. S’il n’est pas possible de constituer le tribunal arbitral en appliquant les dispositions prévues par les parties dans la clause compromissoire, cela n’entraîne pas sans autre la nullité de la clause, pour autant que celle-ci fasse clairement ressortir la volonté des parties de soumettre leurs différends à une juridiction arbitrale à l’exclusion des juridictions étatiques. Il s’agira alors d’interpréter, voire au besoin compléter la clause selon les principes du droit des contrats, afin de dégager une solution qui respecte la volonté des parties de soumettre leurs litiges à une juridiction arbitrale.

Ainsi, l’arbitre (ou le juge) interprétera la clause comme toute déclaration de volonté privée : là où la volonté réelle des parties ne peut pas être établie quant à la procédure d’arbitrage spécifique que les parties envisageaient, il convient d’appliquer la théorie de la confiance ainsi que le principe dit de l’effet utile (consid. 2.2.2).

La nullité partielle peut également être prononcée si une partie de la clause a un objet impossible. Il y a lieu de se demander ce que les parties auraient convenu si elles s’étaient rendu compte du vice partiel au moment où elles ont adopté la clause, et de se fonder sur cette volonté hypothétique pour compléter leur accord dans le sens voulu.

En l’espèce le TAS a retenu, conformément à ces principes, que la clause litigieuse manifestait la volonté des parties de soumettre leur litige à un tribunal arbitral siégeant en Suisse et disposant de connaissances en matière de droit du sport - même si la clause ne contenait pas les mots « arbitrage », « arbitre » ou « tribunal arbitral ». La référence faite à la FIFA et à l’UEFA montre que les parties souhaitaient confier la résolution du litige à une organisation disposant de l’expertise nécessaire en matière de transferts.

Enfin, il sied d’observer que le TAS serait de toute manière compétent pour statuer sur appel contre les décisions rendues dans ce domaine par la Commission décidant des transferts au sein de la FIFA. Compte tenu de ces circonstances, force est de conclure que, si les parties avaient réalisé que les organisations désignées dans la clause compromissoire n’avaient pas compétence pour statuer sur les litiges relatifs à leur accord, elles auraient soumis ces litiges directement au TAS, une institution (d’arbitrage en matière sportive) qui décide régulièrement des affaires de transferts de joueurs (consid. 2.3.2).

Ainsi, c’est à bon droit que le TAS s’est jugé compétent pour statuer sur le litige en question. Recours rejeté.

TF 4A_103/2011

2011-2012

(Association X. [association sportive] c. Y. [société privée qui produit et commercialise du matériel de sport] Limited)

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 5 janvier 2011.

Contrat de licence conférant à Y. le droit de produire des équipements de boxe approuvés par X. moyennant le paiement d’une redevance annuelle, contenant une clause compromissoire visant la résolution de tout « disagreement over the interpretation of any terms of this Agreement ».

Contrats non écrits portant sur la vente des mêmes équipements conclus subséquemment entre les parties. La jurisprudence du TF préconise une approche restrictive dans la détermination de la volonté de principe des parties de recourir à l’arbitrage lorsque ce point est contesté (consid. 3.2.1).

En revanche, une fois que l’existence d’une convention d’arbitrage est indubitablement établie, cette même jurisprudence fait preuve de souplesse quant à l’interprétation de sa portée, y compris l’étendue du litige qui en est couvert, en vertu des principes d’utilité et d’économie de la procédure (sans pour autant aller jusqu’à établir une présomption en faveur de la compétence des arbitres).

Le TAS a admis sa compétence pour statuer au sujet de la prétention litigieuse (relative aux contrats de vente d’équipement) en interprétant la clause compromissoire en question en ce sens qu’elle visait tout litige en rapport avec le contrat de licence. Il s’agit là d’une interprétation subjective relevant du fait, qui échappe à l’examen du TF, même dans le cadre du grief tiré du défaut de compétence du tribunal arbitral. Il est généralement admis qu’une clause de ce genre s’étend également aux contrats accessoires ou annexes au contrat dans lequel elle figure, à moins que ceux-ci ne comportent une clause de résolution des litiges de contenu différent.

S’il est vrai que le texte même de la clause en question semble vouloir restreindre son champ d’application aux prétentions fondées directement sur le contrat de licence, sa portée doit être déterminée à la lumière de la jurisprudence pertinente et des circonstances du cas concret. En l’espèce, l’ensemble des circonstances, telles l’étendue et la spécificité des relations contractuelles entre les parties, l’identité des biens faisant l’objet des différents accords, ainsi que l’absence de clauses de résolution de litiges spécifiques dans les contrats de vente conclus de manière informelle à la suite du contrat de licence, conduisent à admettre que la prétention en cause tombait sous le coup de la clause compromissoire insérée dans ce premier contrat (consid. 3.2.2).

Dès lors, c’est à bon droit que le TAS s’est déclaré compétent pour connaître du litige porté devant lui. Recours rejeté.

TF 4A_14/2012

2011-2012

(X.__ GmbH (précédemment V. GmbH) c. Y. __ Sàrl)

Recours contre la sentence rendue par le tribunal ad hoc le 20 novembre 2011.

Une sentence arbitrale est définitive dès sa communication (art. 190 al. 1 LDIP). L’arbitre est, sous réserve de quelques exceptions, functus officio à partir du moment où il a rendu sa sentence. Toutefois, si cette dernière est annulée, une nouvelle situation juridique vient à s’établir, équivalente à celle qui existait avant la communication de la sentence aux parties : celles-ci sont derechef dans l’attente d’une décision finale tranchant leur litige et mettant fin à la procédure arbitrale pendante, et la mission du tribunal est (à nouveau) inachevée. Il n’y a aucune objection de principe à ce que les mêmes arbitres statuent à nouveau lorsque leur sentence finale a été annulée, sauf si la cause de l’annulation était la composition irrégulière ou le défaut de compétence du tribunal. Une base légale expresse à cet effet n’est pas requise (base légale qui, au demeurant, existe en droit de l’arbitrage interne en Suisse, cf. art. 395 al. 2 CPC, dont le TF a déjà indiqué qu’il incarne un principe s’appliquant également en arbitrage international), pour autant que la loi du siège ou l’accord des parties n’excluent pas pareille compétence (consid. 3.1.1).

Cette solution se justifie d’autant plus qu’elle satisfait aux exigences de l’économie de la procédure (consid. 3.1.4).

Partant, c’est à bon droit que le tribunal arbitral s’est estimé compétent pour se prononcer sur la question qu’il avait omis de trancher dans sa première sentence finale, omission ayant conduit à l’annulation de celle-ci. L’usurpation du pouvoir de statuer en équité est une irrégularité qui n’affecte pas la compétence du tribunal. Par conséquent, le grief correspondant n’est pas celui de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. La question de savoir s’il relève de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (violation de l’ordre public), déjà abordée dans la jurisprudence du TF, demeure ouverte (consid. 3.2).

TF 4A_428/2011

2011-2012

(A. [joueur de tennis professionnel affilié à la VTV], B. [joueuse de tennis professionnel affiliée à la VTV] c. Agence Mondiale Antidopage [AMA], Fédération flamande de tennis [VTV])

Recours contre les « sentences partielles » rendues le 10 juin 2011 par le TAS.

De jurisprudence constante, le TF examine avec « bienveillance » le caractère consensuel de l’arbitrage dans les litiges sportifs. On considère désormais la clause d’arbitrage du TAS comme branchentypisch en matière sportive : en effet, il n’y a guère de sport d’élite sans consentement à l’arbitrage du sport (consid. 3.2.3).

Problématique de la concurrence entre le droit national et la réglementation sportive internationale. Au vu de ce qui précède, les recourants, deux joueurs de tennis professionnels, ne peuvent invoquer l’invalidité d’une clause arbitrale TAS (qu’elle soit imposée par la loi ou par les règlements d’une fédération ou autre organisme sportif compétent) « faute d’autonomie » dans sa conclusion. Compétence du TAS fondée sur la réglementation antidopage de la VTV et sur la jurisprudence du TF relative à la clause arbitrale par référence (consid. 3.2.3).

Compétence du TAS pour se saisir des appels de l’AMA : question de l’intérêt à recourir de cette fondation. Dans l’arbitrage atypique, tel l’arbitrage sportif, et plus particulièrement dans les affaires disciplinaires, où la compétence du tribunal arbitral résulte d’un renvoi aux statuts d’une fédération sportive prévoyant l’arbitrage pour résoudre les litiges relatifs à l’application des règles et dispositions légales pertinentes, la question de savoir si une partie est recevable à attaquer la décision d’un organe de la fédération ne concerne pas la compétence (ratione personae) du tribunal arbitral saisi de la cause mais la question de la qualité pour agir, qui elle, est à résoudre en application des règles procédurales pertinentes, application que le TF ne peut pas revoir (consid. 4.1.1).

Procédures parallèles introduites par les recourants devant les juridictions étatiques belges et la Commission européenne. Requête de suspension des procédures initiées par l’AMA devant le TAS (rejetée).

Possibilité de recourir contre une décision de suspendre (ou non) l’arbitrage prise en application de l’art. 186 al. 1 bis LDIP lorsque, en prononçant une telle décision, le tribunal arbitral statue de manière implicite sur sa compétence (ou sur la régularité de sa composition là où celle-ci était contestée). En son état actuel, la jurisprudence admet ce type de recours, mais une partie de la doctrine conteste le bien-fondé de cette approche (consid. 5.1.1).

La question peut être laissée ouverte car, en l’espèce, le grief tiré d’une violation de l’art. 190 al. 1 let. b LDIP est irrecevable pour une autre raison : lorsqu’une décision repose sur plusieurs motivations indépendantes, le recourant doit indiquer en quoi chacune de ces motivations viole le droit. Le TAS a retenu que l’exception de litispendance selon l’art. 186 al. 1 bis LDIP implique le respect de trois conditions cumulatives, qu’il a analysées dans les sentences attaquées avant de conclure qu’elles n’étaient pas réunies en l’espèce.

Pour leur part, les recourants s’en prennent uniquement aux motifs concernant la troisième de ces conditions.

S’agissant de conditions cumulatives, la lacune est rédhibitoire (consid. 5.2.2-5.2.3). Recours rejeté.

TF 4A_488/2011

2011-2012

([Pellizotti] c. UCI, CONI et FCI)

Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 8 mars 2011.

Le non-respect du délai d’appel prévu par le Code TAS (ou des dispositions statutaires ou réglementaires équivalentes) met-il en cause la compétence du TAS ou entraîne-t-il l’irrecevabilité d’un appel déposé tardivement, voire le rejet des prétentions du recourant sur le fond ? Question « délicate », laissée ouverte en l’espèce.

Force est d’observer cependant que le principe selon lequel la validité temporelle de la convention d’arbitrage a trait aux conditions d’exercice de la compétence des arbitres, qui s’applique en matière d’arbitrage de source contractuelle, ne semble pas avoir sa place dans l’arbitrage atypique, tel l’arbitrage sportif, et plus spécifiquement dans les litiges de nature disciplinaire, où la compétence du tribunal arbitral résulte du renvoi aux statuts d’une fédération sportive.

L’opinion doctrinale selon laquelle le délai d’appel devant le TAS doit être considéré comme un délai de péremption (dont le non-respect entraîne, non pas l’incompétence du tribunal arbitral, mais la perte du droit d’entreprendre la décision querellée devant toute instance juridictionnelle, et donc le déboutement de l’appelant) apparaît convaincante prima facie (consid. 4.3.1).

Cf. aussi consid. 6.2 (résumé ci-dessous), sur la notion d’ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP).

TF 4A_654/2011

2011-2012

(Association serbe de football c. M. [entraîneur de football professionnel])

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 23 septembre 2011.

Saisi du grief d’incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables telle l’arbitrabilité du litige, qui déterminent la compétence ou l’incompétence du tribunal arbitral. Comme l’exception d’incompétence, l’exception d’inarbitrabilité doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond (consid. 3.2).

Le législateur suisse a délibérément exclu l’adoption d’une règle conflictuelle pour la détermination de l’arbitrabilité des litiges dans le domaine de l’arbitrage international. L’arbitrabilité au sens de l’art. 177 al. 1 LDIP est exclusivement soumise à une règle matérielle, fondée sur le critère de la « patrimonialité » de la cause. Dans sa jurisprudence, le TF a, il est vrai, envisagé la possibilité de nier l’arbitrabilité de prétentions dont le traitement aurait été réservé exclusivement à une juridiction étatique par des normes étrangères qu’il s’imposerait de prendre en considération sous l’angle de l’ordre public. Toutefois, le recourant ne démontre pas que la disposition du droit international privé serbe à laquelle il se réfère relève de l’ordre public au sens de la jurisprudence du TF et prévoit la compétence exclusive des tribunaux étatiques pour connaître du litige en question (consid. 3.4).

Cf. aussi consid. 5.2 (résumé ci-dessous), sur le grief de décision extra petita (art. 190 al. 2 let. c LDIP). Recours rejeté.

TF 4A_54/2012

2011-2012

(X. [société turque] c. Y. [société américaine] Inc.)

Recours contre la sentence rendue le 8 décembre 2011 par le Tribunal arbitral CCI.

La décision de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI rejetant la demande de récusation visant les trois membres du tribunal après l’annulation de leur première sentence, émanant d’un organisme privé, ne pouvait faire l’objet d’un recours direct au TF. Elle ne lie pas la Haute cour, qui peut revoir librement si les circonstances invoquées à l’appui de la demande de récusation sont de nature à fonder le grief de composition irrégulière du tribunal (consid. 2.1).

--> (sur ce point, et sur la différence de traitement entre les décisions sur récusation émises par les instances compétentes des institutions arbitrales et celles rendues par le juge d’appui, cf. 4A_14/2012 du 2 mai 2012, consid. 2.2.1-2.2.3).

Le même tribunal est en principe compétent pour statuer derechef en cas d’annulation d’une sentence par le TF. Argument de la recourante selon lequel, au vu des circonstances particulières résultant du déroulement de la procédure arbitrale et de l’annulation de leur première sentence, les membres du tribunal n’avaient plus l’indépendance d’esprit nécessaire pour reprendre le dossier sereinement afin de rendre une nouvelle décision. Les arbitres ne pouvant réexaminer que les questions laissées ouvertes dans la décision du TF leur renvoyant la cause suite à l’annulation de leur première sentence (en l’occurrence, un seul point spécifique), étant au surplus liés par cette sentence, le reproche d’un défaut d’impartialité par rapport à l’objet du litige est sans fondement. Par ailleurs, selon la jurisprudence du TF, seules des fautes de procédure particulièrement graves ou répétées, constituant une violation manifeste des obligations du tribunal, sont propres à fonder l’apparence de prévention (consid. 2.2.3).

Recours rejeté.

TF 4A_654/2011

2011-2012

(Association serbe de football c. M. [entraîneur de football professionnel])

Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 23 septembre 2011.

Le TA n’a pas statué extra petita en allouant une prétention en euros alors que la demande pertinente visait à obtenir un montant exprimé, dans le contrat, en euros convertis en dinars serbes (« in Dinar counter value ») car, ce faisant, il n’a en définitive pas alloué plus ou autre chose que ce qui a été demandé (consid. 5.2).

TF 4A_214/2011

2011-2012

(B.__ Ltd., D.__ Trust, C.__ Ltd., B.__ c. A.__)

Recours contre la sentence finale rendue le 22 février 2011 par l’arbitre unique CCI.

En droit suisse de l’arbitrage, l’arbitre n’est en principe pas lié par les moyens de droit développés par les parties (iura novit curia) (consid. 5.1).

Il n’a pas non plus à les aviser du caractère décisif d’un élément de fait sur lequel il s’apprête à fonder sa décision, pour autant que celui-ci ait été allégué et prouvé selon les règles, et encore moins à les informer, avant de rendre sa sentence, que les éléments de preuve versés au dossier ne suffisent pas à établir un fait décisif (consid. 5.1-5.2).

Recours rejeté.

(U.__, V.__, W.__, X.__ SA c. Y.__, Z.__)

Recours contre les sentences rendues le 30 juin 2011 par l’arbitre unique de la Chambre de commerce de Zurich (arbitrage régi par les Swiss Rules). Le TF ne revoit pas l’appréciation anticipée des preuves par les arbitres, sauf sous l’angle très restreint de l’ordre public (consid. 2.1).

Refus d’accepter un témoignage écrit dont l’arbitre unique a jugé qu’il avait été soumis tardivement et qu’il constituait une mesure probatoire inapte à fonder sa conviction quant à l’allégation factuelle en question, allégation déjà fondée sur des documents versés au dossier de l’arbitrage. Pas de violation du droit d’être entendus des recourants (consid. 2.2).

Recours rejeté.

Cf. aussi TF 4A_682/2011 du 31 mai 2012 (consid. 4.1-4.2).

ATF 138 III 322

2011-2012

(Francelino da Silva Matuzalem c. Fédération Internationale de Football Association [FIFA])

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 29 juin 2011, entérinant une sanction prononcée à l’encontre du joueur par la Commission de discipline de la FIFA, en application de l’art. 64 de son Code disciplinaire.

Non-exécution de l’obligation découlant d’une précédente sentence du TAS, condamnant solidairement le recourant et son nouveau club à payer près d’EUR 12 millions à l’ancien club du joueur. Nouveau club en faillite. Condamnation du joueur à une amende et fixation d’un dernier délai pour effectuer le paiement, assortie de la menace d’interdiction de toute activité professionnelle en relation avec le football, sur simple requête du club créancier. Premier arrêt du TF admettant une violation de l’ordre public matériel depuis l’entrée en vigueur de la LDIP. La liste d’exemples dressée par le TF dans sa jurisprudence pour décrire le contenu de l’ordre public matériel n’est pas exhaustive. Le principe consacré à l’art. 27 al. 2 CC, proscrivant les engagements excessifs au regard des droits de la personnalité, fait bien partie des valeurs essentielles et largement reconnues qui, « selon les conceptions prévalant en Suisse » (ATF 132 III 389, consid. 2.2.3), devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (consid. 4.1).

Une interdiction illimitée d’exercer sa profession constitue une atteinte manifeste et grave aux droits de la personnalité (consid. 4.3.5).

En vertu de la sentence litigieuse, le recourant serait livré à l’arbitraire de son ancien employeur, et sa liberté économique limitée dans une mesure telle que les bases mêmes de sa subsistance s’en trouveraient en péril, sans qu’un tel résultat puisse trouver une justification dans un intérêt prépondérant de la FIFA ou de ses membres (consid. 4.3.4). L’atteinte aux droits de la personnalité qu’elle consacre étant incompatible avec l’ordre public matériel, la sentence attaquée doit être annulée (consid. 4.3.5).

Recours admis.

TF 4A_488/2011

2011-2012

([Pellizotti] c. UCI, CONI et FCI)

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 8 mars 2011.

Les critiques formulées par le recourant à l’encontre de la sentence étant relatives à la charge de la preuve et à l’appréciation des preuves en droit privé, ne peuvent être rattachées à la notion (strictement limitée) d’ordre public telle qu’elle a été définie dans la jurisprudence du TF.

L’approche du recourant qui tend à proposer, comme le fait d’ailleurs une partie de la doctrine, d’interpréter cette notion d’ordre public avec moins de rigueur que dans l’arbitrage international « classique » lorsque le litige concerne des sanctions disciplinaires sportives, ne peut être suivie. Il est vrai que le TF a pris en compte les particularités de l’arbitrage sportif à plusieurs reprises dans sa jurisprudence, au sujet de certaines questions de procédure. Toutefois, en faire de même à l’égard du moyen de caractère général tiré de l’incompatibilité avec l’ordre public reviendrait créer une véritable lex sportiva par la voie prétorienne, ce qui ne manquerait pas de soulever des questions en relation avec la répartition des pouvoirs législatif et judiciaire au sein de la Confédération (consid. 6.2).

Recours rejeté.

TF 4A_530/2011

2011-2012

(X. [coureuse de demi-fond] c. Z.[entité publique spécialisée dans la lutte antidopage])

Recours contre la sentence rendue le 26 juillet 2011 par le TAS.

Grief d’incompatibilité de la sentence avec l’ordre public procédural, dont le droit à un tribunal indépendant et impartial au sens de l’art. 30 al. 1 Cst. ferait partie.

Argument selon lequel (i) la procédure de première instance au sein de Z. ainsi que la commission antidopage l’ayant conduite ne satisfont pas aux exigences jurisprudentielles relatives à la garantie d’indépendance et impartialité, et (ii) l’ « effet guérisseur » reconnu à la procédure en appel devant le TAS en vertu de l’art. R57 du Code TAS ne peut opérer de façon à remédier à un tel défaut de la procédure en première instance. Admettre cet effet guérisseur reviendrait, par ailleurs, à faire du TAS une instance unique dotée de pouvoirs illimités.

Recevabilité du grief : la règle voulant qu’un tribunal présente des garanties suffisantes d’indépendance ou impartialité relève de l’art. 190 al. 2 let. a LDIP (désignation irrégulière du tribunal). L’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP n’est qu’une garantie subsidiaire ne pouvant être invoquée que si aucun des moyens prévus à l’art. 190 al. 2 let. a-d n’entre en ligne de compte (consid. 3.2).

A le supposer recevable, le grief ne pourrait qu’être rejeté en application, mutatis mutandis, des remarques formulées par le TF dans son arrêt dans la cause 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 (consid. 6.2), à savoir qu’il n’y a pas de raison de refuser de reconnaître le pouvoir du TAS de revoir les faits et le droit avec pleine cognition, conformément à l’art. R57 al. 1 du Code, et que l’exigence d’une double instance ou d’un double degré de juridiction ne relève pas de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

Recours rejeté.

TF 4A_636/2011

2011-2012

(A. [conducteur de kart polonais] c. Fédération X.__)

Recours contre la sentence du TAS rendue le 15 septembre 2011. Exigence d’un intérêt juridiquement protégé, soit ‑ entre autres ‑ un intérêt pratique et actuel à obtenir l’annulation de la sentence attaquée (Beschewerdelegitimation). Le TF vérifie d’office si cette condition de recevabilité est satisfaite. Il peut renoncer exceptionnellement à cette exigence lorsque le recours soulève une question de principe susceptible de se reproduire dans les mêmes termes, sans qu’il ne soit jamais en mesure de statuer en temps utile, et qu’il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (consid. 2.3.1).

En l’espèce, en s’attaquant au passage de la sentence le condamnant à 18 mois de suspension pour dopage au motif que cette sanction l’empêcherait de pratiquer son sport, le recourant n’établit pas l’existence pour lui d’un intérêt pratique et actuel à l’annulation de la sentence, car la période de suspension était révolue (et donc la sanction contestée purgée) au moment où le recours a été porté devant le TF. Dans la mesure où il porte sur ce point, le recours, à le supposer recevable, est devenu sans objet (consid. 2.3.2). Recours rejeté.

TF 4A_652/2011

2011-2012

(Club X. c. Club Y. SA) Recours contre la sentence rendue par le TAS le 26 septembre 2011. Arbitrage international, régi par le chapitre 12 LDIP, car les parties avaient les deux leur domicile à l’étranger au moment déterminant et n’ont pas fait usage de la faculté d’en exclure l’application de cette loi au profit du CPC (art. 176 al. 2 LDIP). Le recourant a invoqué à l’encontre de la sentence trois motifs prévus non pas par l’art. 190 al. 2 LDIP, mais par l’art. 393 CPC, applicable en matière d’arbitrage interne. Sa tentative de réparer l’erreur dans la réplique doit être rejetée car les parties sont tenues de présenter tous leurs moyens en temps utile, soit avant l’expiration du délai de recours fixé par l’art. 100 LTF, qui n’est pas prolongeable (art. 47 al. 1 LTF). Recours irrecevable.

TF 4A_222/2011

2011-2012

(X. [anciennement W.] c. Club Y.__ )

Demande de révision de la sentence rendue par le TAS le 6 mai 2010.

Délai de déchéance pour le dépôt d’une demande de révision devant le TF : 90 jours suivant la découverte du motif de révision (art. 124 al. 1 let. d LTF).

En l’espèce, contrairement à ce que soutient le recourant, la demande se fonde sur un fait nouveau (car non allégué devant l’instance arbitrale) et non pas sur la découverte de nouveaux moyens de preuve (qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer dans la procédure d’arbitrage).

Le fait en question était à l’évidence connu du recourant plus que 90 jours avant le dépôt de la demande de révision. Celle-ci est donc irrecevable (consid. 2.2).

Cf. aussi TF 4A_570/2011 du 23 juillet 2012 (consid. 4).

TF 4A_232/2012

2011-2012

(Club de basketball X.__ c. Y. [joueuse de basketball professionnelle])

Recours contre la sentence rendue le 4 avril 2012 par le Tribunal arbitral de basketball (BAT).

Convention de renonciation au recours dans la clause arbitrale remplissant manifestement les conditions d’application de l’art. 192 LDIP et de la jurisprudence y relative (consid. 2.1).

Recours irrecevable.

TF 4A_238/2011

2011-2012

(X. [homme d’affaires tunisien] c. Z. [société de droit français] SA)

Recours contre la sentence finale rendue le 9 mars 2011 par le Tribunal arbitral CCI.

Interprétation de la convention de renonciation au recours : droit applicable (question laissée ouverte, consid. 2.2.4.2) ; sens à donner à l’utilisation du terme anglais « appeal » dans cette convention – acception générique (consid. 2.2.1-2.2.4, et décision précédente dans un recours impliquant les mêmes parties et une clause identique, cause 4A_486/2010).

Question, jusqu’à présent restée en suspens dans la jurisprudence du TF, de la conformité de l’exclusion anticipée du recours au sens de l’art. 192 al. 1 LDIP avec le droit à un procès équitable selon l’art. 6 par. 1 CEDH : tranchée par l’affirmative.

S’il est vrai que la renonciation anticipée au droit de recours implique l’impossibilité pour la partie qui a succombé de faire constater par le TF que la sentence querellée a été rendue en violation des garanties procédurales prévues par l’art. 6 par. 1 CEDH, ni la lettre ni l’esprit de cette disposition conventionnelle n’empêchent les parties de renoncer à ces garanties de leur plein gré, à condition qu’une telle renonciation ne soit pas équivoque et ne porte atteinte à aucun intérêt public important. L’art. 192 al. 1 LDIP impose la réalisation de ces conditions puisqu’il requiert que l’exclusion soit expresse et fasse l’objet d’un accord entre les parties.

L’arbitrage étant un mode conventionnel de règlement des litiges par des juges privés, l’on ne voit pas non plus quel intérêt public important pourrait être mis en cause par la renonciation anticipée au recours au sens de cette disposition (consid. 3.1.3-3.2).

TF 4A_360/2011

2011-2012

(X.__ c. Z. [société soumise au droit du Delaware] Inc.)

Recours contre la sentence finale rendue le 26 avril 2011 par l’arbitre unique CCI.

Egalité de traitement et droit d’être entendu.

Cas d’un arbitre unique qui a rendu une sentence sans prendre en considération, par inadvertance, le mémoire après enquêtes déposé par la partie défenderesse (consid. 3).

Le principe de l’égalité de traitement des parties requiert que la procédure soit réglée et conduite de façon à ce que chaque partie bénéficie des mêmes possibilités de faire valoir ses moyens. La procédure au sens de ce principe correspond à la phase de l’instruction de la cause, y compris les débats s’il y en a, à l’exclusion de la délibération des arbitres. Le fait pour les arbitres de ne pas tenir compte d’une règle pertinente ou d’un fait déterminant allégué par une partie ne relève pas de ce moyen car cela reviendrait à introduire par la voie prétorienne le grief d’arbitraire dans l’arbitrage international, où il n’a pas sa place selon la volonté claire du législateur. En l’espèce, l’arbitre unique a permis à chacune des deux parties de déposer un mémoire après enquêtes. Il les a donc traitées avec égalité sur le plan procédural, même s’il n’a pas tenu compte du mémoire après enquêtes de la recourante lors de la rédaction de la sentence. Le grief fondé sur une prétendue inégalité de traitement des parties est donc infondé (consid. 4).

En revanche, la recourante se plaint à juste titre d’une violation de son droit d’être entendue, se fondant sur les mêmes circonstances, car en ignorant totalement son mémoire après enquêtes, l’arbitre unique n’a pas examiné et traité des arguments pertinents pour le sort du litige, qu’elle a développés dans cette écriture (consid. 5.2).

Le droit d’être entendu au sens de l’art. 190 al. 2 let. d LDIP est une garantie formelle : en cas de violation, la sentence doit être annulée, sans égard aux chances de la partie recourante d’obtenir un résultat différent sur la base du ou des moyens qui a ou ont échappé aux arbitres (consid. 5.1 in fine).

Jurisprudence et doctrine admettent la possibilité de l’annulation partielle d’une sentence si l’objet attaqué est indépendant des autres (consid. 6.1).

In casu, la sentence doit être annulée dans sa totalité car le dispositif porte sur des montants globaux, sans distinction entre les différentes prétentions, résultant de calculs effectués en plusieurs devises et intégrant la compensation de certaines créances entre les parties. Cela étant, la nouvelle sentence ne devra (et ne pourra) examiner que les prétentions à l’égard desquelles le recours a été admis (consid. 6.2).

TF 4A_631/2011

2011-2012

(A. Xa.__ c. B.Y.__)

Recours contre la sentence rendue le 9 septembre 2011 par le tribunal siégeant à Zoug.

Convention d’arbitrage stipulant l’exclusion du recours dans un cas où une partie au contrat principal est décédée et son successeur légal, ne s’estimant pas lié par la convention d’arbitrage, conteste la compétence du tribunal arbitral. Articulation expresse d’un principe évoqué obiter dans l’ATF 134 III 260 (consid. 3.2.4) : question des parties liées par la clause de renonciation au recours. Cette renonciation (à la supposer valable) n’est opposable au successeur légal d’une partie que si celui-ci rentre dans le champ d’application ratione personae de la convention d’arbitrage à laquelle est associée la clause de renonciation.

La portée subjective de la convention d’arbitrage (et son éventuelle extension à une partie non signataire) doit donc être examinée d’office, préalablement à toute détermination sur la validité de l’exclusion du recours (consid. 3.1).

Successeur légal lié par la convention d’arbitrage, contenue dans un contrat valablement conclu par un représentant de la partie décédée (consid. 3.1.1-3.1.3).

Renonciation au recours remplissant les conditions de l’art. 192 al. 1 LDIP (consid. 3.2).

Recours irrecevable.

TF 4A_134/2012

2011-2012

(Olympique des Alpes SA c. UEFA, Atlético de Madrid SAD, Stade Rennais Football Club, Celtic PLC, Udinese Calcio SpA)

Recours contre la sentence rendue le 31 janvier 2012 par le TAS.

Requête d’annulation visant, entre autres, la décision du TAS confirmant que la recourante n’était pas en droit d’être réintégrée dans l’UEFA Europa League 2011/2012. Compétition achevée avant que le TF ne puisse rendre son arrêt. Défaut d’intérêt digne de protection à l’annulation de la décision attaquée : même à supposer qu’il soit dû, comme le soutient la recourante, aux lenteurs du TAS, il reste qu’il n’existe plus pour elle un intérêt actuel à obtenir la décision qu’elle demande au fond.

A cet égard, l’intention de la recourante de demander ultérieurement la réparation du dommage que lui aurait causé son exclusion prétendument illicite de la compétition en question ne suffit pas à fonder un intérêt digne de protection. Au vu des circonstances du cas d’espèce, une dérogation à l’exigence de l’intérêt actuel ne se justifie pas, le recours est donc sans objet sur la question principale (consid. 2.2-2.3).

Il est irrecevable pour ce qui est de la décision du TAS sur les frais et dépens car la recourante n’invoque pas, à l’égard de cette décision, des motifs autres que ceux qu’elle invoquait à l’encontre de la décision au fond (consid. 3).

TF 4A_627/2011

2011-2012

(International Ice Hockey Federation (IIHF) c. SCB Eishockey AG)

Recours contre la sentence rendue le 13 septembre 2011 par le TAS.

Exception à la nature purement cassatoire du recours contre les sentences arbitrales (art. 77 al. 2 LTF, excluant l’application de l’art. 107 al. 2 LTF) : le TF peut se prononcer lui-même sur la compétence ou incompétence du tribunal arbitral (consid. 2.3).

Afin de décider s’ils sont compétents pour connaître d’un litige, les arbitres doivent examiner, entre autres questions, celle de la portée subjective de la clause arbitrale. En vertu du principe de la relativité des contrats, la convention d’arbitrage incluse dans un contrat ne lie que les parties contractantes. La jurisprudence admet des exceptions à ce principe, par exemple si le contrat comportant la clause d’arbitrage contient une stipulation pour autrui parfaite au sens de l’art. 112 CO al. 2 : sauf convention contraire, le tiers non signataire bénéficiaire d’une telle stipulation acquiert contre le débiteur (ou promettant) une créance englobant tous les droits accessoires, y compris le droit d’invoquer la clause compromissoire contenue dans le contrat.

En interprétant l’accord litigieux (dit CHL Agreement), conclu entre la IIHF, la Fédération suisse de hockey sur glace et la Ligue nationale suisse de hockey sur glace, le TAS est parvenu à la conclusion qu’il contenait une stipulation pour autrui parfaite conférant aux clubs remplissant les conditions pour participer à la compétition dénommée Champions Hockey League des droits découlant directement de ce contrat, et donc aussi le droit de faire valoir leur prétentions par la voie arbitrale en invoquant la clause compromissoire. L’interprétation objective sur laquelle repose cette conclusion étant erronée, c’est à tort que le TAS s’est déclaré compétent pour connaître du litige (consid. 3.5.2-3.5.3).

Recours admis.

TF 4A_634/2011

2011-2012

(X.__ SA c. Commission paritaire professionnelle du second œuvre neuchâteloise)

Recours (soumis au régime antérieur au CPC en vertu de l’art. 407 al. 3 CPC) contre l’arrêt de la Chambre des affaires arbitrales du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 15 septembre 2011, statuant sur la sentence rendue par le Tribunal arbitral cantonal neuchâtelois du second œuvre (tribunal instauré par une convention collective de travail).

Refus d’audition d’un témoin : le grief selon lequel le tribunal arbitral aurait violé le droit d’être entendue de la recourante est manifestement mal fondé : c’est à bon droit que le tribunal a refusé d’entendre une personne dont le témoignage était clairement impropre à démontrer le fait que la recourante entendait prouver par ce moyen (consid. 2.1-2.2).

Recours rejeté.

TF 4A_105/2012

2011-2012

(X.__ c. Y.__)

Recours contre l’arrêt rendu le 28 décembre 2011 par la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Demande en révision se fondant sur une nouvelle expertise concluant que les rapports d’experts sur lesquels s’était appuyé l’arbitre en rendant sa sentence étaient erronés.

Distinction entre les noviter reperta (faits préexistants, découverts seulement après la sentence), pouvant constituer un motif de révision, et les novas proprement dits. Pour pouvoir fonder une demande en révision, un nouveau moyen de preuve, telle l’expertise invoquée par le recourant, ne doit pas seulement offrir une nouvelle appréciation de faits déjà allégués ou connus au moment où la sentence a été rendue, il doit révéler des éléments factuels nouveaux, susceptibles de remettre en cause la décision de l’arbitre.

En d’autres termes, il appartient au requérant de démontrer que l’appréciation par hypothèse inexacte des faits par l’arbitre est la conséquence de l’ignorance – ou de l’absence de preuve – de faits essentiels pour le jugement à l’époque où celui-ci a été rendu (consid. 2.2).

Pour le surplus, la révision ne doit pas servir à remédier aux omissions de la partie requérante dans la conduite du procès : le recourant ne démontre pas ce qui l’aurait empêché de produire, au cours de la procédure arbitrale, une expertise comme celle sur laquelle il se fonde à présent (consid. 2.3-2.4). Demande rejetée.

ATF 137 III 27

2010-2011

Action en constatation de droit. Un litige portant sur le respect des droits de participation des salariés en cas de licenciement collectif selon les art. 335d ss CO constitue une cause de nature pécuniaire (art. 74 LTF), même si la demande ne tend pas directement au paiement d’une somme d’argent, car la contestation concerne des droits qui peuvent être évalués en termes monétaires, le non-respect de la procédure de consultation permettant de qualifier d’abusifs les congés qui s’ensuivent et de les sanctionner par une indemnité (consid. 1.2, non publié, in : TF 4A_449/2010).

ATF 137 III 27

2010-2011

Licenciement collectif. Recours contre la décision de la Chambre des relations collectives de travail du Canton de Genève du 15 juin 2010, exception d’arbitrage. Convention collective de travail instituant un tribunal arbitral compétent pour statuer en fait et en droit sur l’interprétation et l’application de la Convention. L’action en constatation introduite par le syndicat intimé, basée sur la violation des droits de participation des travailleurs, relève-t-elle de la compétence du tribunal arbitral ou de la juridiction étatique ? L’action en question est fondée formellement et matériellement sur l’art. 335f CO, non sur les dispositions de la Convention en matière de licenciements économiques. Dès lors, un tel litige ne tombe pas sous le coup de la clause compromissoire contenue dans la Convention et c’est à juste titre que la cour cantonale a admis sa compétence (consid. 2.2-2.3).

 

ATF 137 III 37

2010-2011

Recours contre l’arrêt rendu par l’Obergericht du Canton de Zurich le 18 août 2010. Tribunal arbitral de la SIX Swiss Exchange SA (SIX), litige concernant la décotation d’une société. La Bourse suisse ne possédant pas de compétence législative dans ce domaine, l’art. 62 al. 2 de son Règlement de cotation, prévoyant la compétence du Tribunal arbitral de la SIX à statuer sur appel contre les décisions de l’instance de recours du SIX Regulatory Board, ne peut modifier la voie de droit prévue à l’art. 9 al. 3 LBVM, soit l’action devant le juge civil, et donc pas non plus remplacer la conclusion d’une convention d’arbitrage en bonne et due forme entre les parties concernées (consid. 2.2.2). L’introduction d’une procédure arbitrale par l’actionnaire d’une société décotée, qui n’est pas dans une relation d’affiliation avec la SIX, n’est pas comparable à une déclaration d’adhésion aux statuts d’une personne morale qui contiendraient une clause arbitrale, cas de figure particulier envisagé à l’art. 6 al. 2 CA (consid. 3.2.1). Dans les circonstances du cas d’espèce, on ne peut pas considérer que les parties ont conclu une convention d’arbitrage satisfaisant aux exigences de l’art. 6 al. 1 CA quant à la forme (consid. 3.2.2). Recours admis.

TF 4A_574/2010

2010-2011

(A.__ c. B.__ , C.__ et D. __)

Recours contre la décision de l’Obergericht du Canton de Zurich du 28 mai 2009. Il n’est pas possible pour les deux parties à un litige de renoncer à la clause arbitrale suite au non-paiement par elles de la provision demandée par le tribunal arbitral. Seule la partie qui s’est acquittée de sa part de la provision peut choisir de renoncer à l’arbitrage au profit des tribunaux étatiques, ou de payer l’ensemble de la provision afin que l’arbitrage puisse se poursuivre.

TF 4A_602/2010

2010-2011

(X.__ SA c. Z.__ Sàrl)

Recours contre l’arrêt rendu par la Chambre des recours du Tribunal cantonal du Canton de Vaud le 19 mai 2010. Tribunal composé de trois arbitres. Décès du président survenu après la tenue de la dernière audience, au terme de laquelle le Tribunal avait immédiatement délibéré à huis clos sur le sort de la cause. Convention des parties prévoyant que les deux arbitres survivants pouvaient terminer et signer la sentence se trouvant déjà en phase de rédaction lors du décès du président, sans le concours d’un troisième arbitre. S’il est loisible aux parties de passer une telle convention, l’art. 23 CA n’étant pas une règle impérative, en cas de contestation, la portée de la convention doit être déterminée selon la théorie de la confiance, à savoir d’après le sens qui peut lui être attribué de bonne foi en fonction des circonstances. En l’occurrence, les arbitres n’étaient pas habilités à statuer eux-mêmes sur le litige, mais seulement à rédiger la sentence sur la base du dispositif qui, selon leurs dires, avait été arrêté par le Tribunal in corporeà l’issue de la dernière audience. La sentence qui a finalement été rendue n’était pas celle prévue par la convention des parties, du fait notamment que, en cours de rédaction, les arbitres avaient encore dû élucider certaines questions juridiques restées ouvertes suite à la délibération et que le Tribunal n’avait en réalité pas arrêté, à cette occasion, de montants exacts, en particulier pour ce qui était des intérêts et des frais (consid. 3). Recours admis.

TF 4A_279/2010

2010-2011

(X.__ Holding AG, X.__ Management SA, A.__, B.__ c. Y. [société d’investissement établie aux Antilles] Investments N.V.)

Examen de la validité d’une convention d’arbitrage. Recours contre l’arrêt rendu par l’Obergericht de Zoug le 8 avril 2010. Lorsque le siège de l’arbitrage est à l’étranger, les instances judiciaires suisses procèdent à un examen complet, avec plein pouvoir de cognition en fait et en droit, de la validité d’une convention d’arbitrage selon les critères de la CNY (art. II(3)) (consid. 2). Si les termes de la clause arbitrale ne sont pas suffisamment précis pour établir avec certitude l’intention des parties de convenir de l’arbitrage comme mode exclusif de résolution des litiges, on est en présence d’une clause pathologique incurable (unheilbar pathologische Klausel) (consid. 3).

ATF 137 III 85

2010-2011

Le Tribunal arbitral ne statue pas au-delà ou en dehors des limites des demandes qui lui sont soumises si la formulation des conclusions topiques d’une partie, au besoin interprétées en fonction des motifs développés à leur appui dans ses écritures, manifestent, sinon expressément, à tout le moins d’une manière implicite aisément reconnaissable, que cette partie entendait bien requérir de l’arbitre les prétentions retenues par ce dernier (consid. 3).

TF 4A_428/2010

2010-2011

[(X. [société avec siège en Allemagne] GmbH c. Y. [société avec siège en Autriche] GmbH & Co. KG)]

Principe ne eat judex ultra petita partium. Selon la jurisprudence, le tribunal arbitral ne statue pas au-delà des demandes s’il n’alloue en définitive pas plus que le montant total réclamé par la partie demanderesse, mais apprécie ou qualifie juridiquement certains des éléments de la réclamation autrement que ne l’a fait cette partie (consid. 3.1).

ATF 136 III 597

2010-2011

De jurisprudence constante, les décisions relatives à la conduite de la procédure, qui ne lient pas le tribunal et sur lesquelles il peut revenir, ne sont pas susceptibles de recours. Tel est le cas (indépendamment de sa dénomination) d’une décision ordonnant aux parties de payer des avances sur les frais de l’arbitrage. Il en ira de même pour une ordonnance suspendant la procédure arbitrale, à moins qu’elle ne constitue une décision implicite des arbitres sur leur compétence (consid. 4.2).

Il n’y a aucune disposition dans le chapitre 12 de la LDIP qui autorise le tribunal arbitral à rendre une décision exécutoire ordonnant le paiement de ses propres frais et honoraires. Seule la question de la répartition des frais de l’arbitrage peut faire l’objet d’une telle décision. Un litige portant sur le montant et/ou l’obligation des parties de payer les frais et honoraires des arbitres, des questions régies par le receptum arbitri et non par la convention d’arbitrage, relèvera en principe du juge civil (consid. 5.2.1-5.2.2).

ATF 137 III 85

2010-2011

La recevabilité d’un recours contre la décision par laquelle un tribunal a refusé de donner suite à une demande de sentence additionnelle doit être admise en application, mutatis mutandis, des principes jurisprudentiels développés au sujet des sentences rectificatives (consid. 1.2).

TF 4A_514/2010

2010-2011

[(A.X. c. B.X. [frère aîné de A.X] et Y. [avocat bahamien])]. Une décision sur récusation rendue par l’arbitre unique lui-même constitue-t-elle une sentence susceptible de recours ? Question laissée ouverte du fait de l’existence d’une clause de renonciation au recours (art. 192 LDIP) jugée valable (consid. 3.3 et 4.1) à cf. infra., Renonciation au recours (art. 192 LDIP).

TF 4A_614/2010

2010-2011

[(X. [société de droit français] c. Y. [société domiciliée au Luxembourg] SA)]. Le recours en matière civile selon l’art. 77 LTF et 190 à 192 LDIP n’est recevable qu’à l’encontre des sentences arbitrales proprement dites - qu’elles soient finales, partielles, préjudicielles ou incidentes - à l’exclusion des ordonnances de procédure pouvant être modifiées ou rapportées en cours d’instance. Ainsi, une décision du tribunal relative à la suspension provisoire de la procédure arbitrale est en principe non sujette à recours. Une telle ordonnance peut néanmoins être déférée au TF si en la prononçant le tribunal arbitral a implicitement statué sur sa compétence. Afin d’établir si la décision entreprise constitue une sentence ou une simple ordonnance, il convient d’examiner, au-delà de sa dénomination, son contenu et par là son objet et sa portée réels (consid. 2.1-2.2). à Voir aussi supra ATF 136 III 597 (consid. 4.2).

TF 4A_392/2010

2010-2011

(FC Sion Association c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA) et Al-Ahly Sporting Club). La LTF et la LDIP ne réglant pas le mode de communication des sentences arbitrales, cette question dépend avant tout de la convention d’arbitrage ou du règlement que les parties ont choisi pour régir la procédure arbitrale. En accord avec le précédent établi dans l’arrêt TF 4A_582/2009 du 13 avril 2010 (concernant une sentence rendue sous le règlement d’arbitrage de l’OMPI) et au vu des prescriptions contenues dans les articles R31 al. 2 et R59 al. 1 du Code TAS (utilisation d’un moyen de notification permettant la preuve de la réception ; signature de la sentence), la notification par fax des sentences du TAS ne suffit pas à faire courir le délai de l’art. 100 al. 1 LTF (surtout dans les cas où comme en l’espèce le fax précise que « l’original sera notifié par courrier recommandé ultérieurement »). Le dies a quo est la date de réception de l’original de la sentence par voie postale.

TF 4A_10/2010

2010-2011

(Joueur de football c. club belge).

Prise en considération des observations de l’arbitre pour rejeter le grief de la violation du droit d’être entendu (en l’espèce pas d’effet de surprise ni violation du devoir minimum d’examiner et traiter les problèmes pertinents pour l’issue du litige) (consid. 2.2.2-2.3).

TF 4A_162/2011

2010-2011

[(X. [entraîneur de football] c. Jamaican Football Federation et FIFA)]

Le droit de faire administrer des preuves doit être exercé en temps utile et selon les règles de forme applicables. En l’occurrence, la demande de l’entraîneur tendant à obtenir l’audition par le TAS d’un nouveau témoin au cours d’une nouvelle audience a été formulée tardivement. La formation arbitrale était donc en droit de la rejeter en application des art. R55 et R56 du Code TAS. Ce faisant, les arbitres n’ont pas violé le droit d’être entendu du recourant (consid. 2.3.2). Le principe de l’égalité de traitement des parties ne comporte pas le droit de demander une deuxième audience afin de faire entendre un nouveau témoin (consid. 2.3.3).

TF 4A_46/2011

2010-2011

Art. 190 al. 2 let. d LDIP

(X.__ GmbH c. Y.__ Sàrl)

Le droit d’être entendu au sens de l’art. 190 al. 2 let. d LDIP impose au tribunal arbitral un devoir minimum d’examiner et traiter les problèmes pertinents pour l’issue du litige (consid. 4.3.1). Même s’il n’y a pas d’obligation pour les arbitres de discuter tous les arguments invoqués par les parties au cours de la procédure, y compris les moyens objectivement dénués de pertinence, quand il appert, à la lecture de la sentence, qu’un argument apparemment important pour la solution du litige n’a pas été traité par les arbitres, il appartient à ces derniers ou à la partie intimée de justifier cette omission en démontrant que l’argument en question n’était pas pertinent ou qu’il a été écarté implicitement par le tribunal arbitral. En l’espèce, rien dans la sentence ni dans les observations déposées par le tribunal devant le TF ne permet d’établir que les arguments (indéniablement pertinents) développés par la recourante sur la question de la prescription absolue ont été examinés et réfutés, même implicitement, par les arbitres. Au vu de la nature formelle du droit d’être entendu, la sentence qui viole ce droit doit être annulée indépendamment des chances du recourant d’obtenir un résultat différent sur le fond (consid. 4.3.2). Recours admis.

TF 4A_600/2010

2010-2011

[(Fédération X. [association de droit suisse avec siège à Lausanne] c. Fédération A., Fédération B., Fédération C., Fédération D., Fédération E. [fédérations française, allemande, suisse, ukrainienne et états-unienne] et F. [entité de droit américain] Inc.)].

Ayant demandé de sa propre initiative aux parties de se déterminer sur la répartition et le montant des dépens et après avoir reçu de leur part des requêtes motivées tendant à obtenir un délai supplémentaire pour ce faire, le TAS a violé le droit d’être entendu des parties en rendant une sentence finale qui tranchait également la question des dépens avant que celles-ci n’aient pu soumettre leurs observations à cet égard (consid. 4.2).

TF 4A_617/2010

2010-2011

[(X. [société turque avec siège à Ankara] (Turquie) c. Y GmbH (société polonaise avec siège à Sosnowiec (Pologne))].

Y a-t-il des circonstances dans lesquelles un tribunal arbitral serait dans l’obligation, afin de préserver le droit d’être entendu et l’égalité de traitement des parties, de nommer un expert indépendant - par exemple lorsque les connaissances techniques nécessaires à résoudre un litige complexe lui font défaut et que les parties sont assistées chacune par son expert ? Dans ce cas particulier, il n’est pas nécessaire d’approfondir la question, entre autre du fait que la recourante ne s’est pas plainte en temps voulu, soit pendant l’arbitrage, des vices de procédure dont elle affirme avoir été victime. Elle n’est plus, de ce fait, habilitée à les invoquer dans le recours contre la sentence (principe de la bonne foi) (consid. 3.2).