Arbitrage

ATF 141 III 444

2015-2016

( SA c. A.B. et B.B. et al.)

Recours contre la décision rendue le 22 décembre 2014 par la juge suppléante du Tribunal du district de Monthey, déclarant irrecevable une requête en désignation d’arbitre. Interprétation de l’art. 356 al. 2 let. a CPC (prévoyant qu’un tribunal autre que le tribunal cantonal supérieur statue, en instance unique, sur les requêtes en nomination d’arbitre) en lien avec l’art. 75 al. 2 LTF (aux termes duquel l’autorité précédant le TF est en principe un tribunal supérieur). Lorsqu’il interprète une règle de droit, le TF privilégie une approche pragmatique, appliquant une pluralité de méthodes – littérale, historique, systématique et téléologique – sans hiérarchie particulière. Interprétés au pied de la lettre, les art. 356 al. 2 let. a et 75 al. 2 LTF semblent exclure un recours direct au TF contre un refus du juge d’appui de nommer un arbitre. L’examen des travaux préparatoires ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire, ni dans un sens ni dans l’autre.

Par ailleurs, la méthode d’interprétation systématique met en lumière la singularité de l’institution de l’arbitrage dans le domaine de la procédure civile, y compris pour ce qui est des voies de recours. L’interprétation téléologique, quant à elle, met l’accent sur le fait que le refus de nommer un arbitre peut empêcher irrémédiablement la mise en œuvre de l’arbitrage convenu entre les parties, portant par là sérieusement atteinte à l’autonomie des parties et au principe de la fidélité contractuelle (pacta sunt servanda). Il y a donc lieu d’admettre que, dans le cadre de l’arbitrage interne, la décision par laquelle le juge d’appui refuse de nommer un arbitre ou déclare irrecevable la requête ad hoc peut être soumise directement au TF par la voie du recours en matière civile, quand bien même elle n’émane pas d’un tribunal supérieur au sens de l’art. 75 al. 2 LTF. Recours recevable (consid. 2). Selon l’art. 362 al. 3 CPC, l’autorité judiciaire appelée à nommer un arbitre procède à la nomination sauf si un examen sommaire démontre qu’il n’existe aucune convention d’arbitrage entre les parties. Toute question relative à l’interprétation de la convention d’arbitrage et notamment à son champ d’application est exorbitante du pouvoir d’examen du juge d’appui statuant sur une requête en désignation d’arbitre. Dès lors que l’existence d’une convention d’arbitrage applicable au litige divisant les parties ne peut être exclue avec certitude, le juge doit se laisser guider par le principe in dubio pro arbitro, le tribunal arbitral à constituer étant seul compétent pour se prononcer sur sa propre compétence (consid. 3). Recours admis ; cause renvoyée à la juge intimée afin qu’elle procède à la nomination.

ATF 142 III 230

2015-2016

(A c. B. AG)

Recours contre la décision du Tribunal de district de Höfe du 1er décembre 2014. Contrairement au refus de nommer un arbitre (voir l’ATF 141 III 444, résumé ci-dessus), et en ligne avec la solution adoptée pour l’arbitrage international sous la LDIP, la décision du juge d’appui de nommer un arbitre en application de l’art. 362 CPC ne peut faire l’objet d’un recours devant le TF, sauf peut-être si, en même temps qu’il a désigné l’arbitre, le juge a également statué sur une demande de récusation (question laissée ouverte). A cette éventuelle exception près, la décision de nomination par le juge d’appui est donc finale. Seule la question de l’existence d’une convention d’arbitrage, que le juge appelé à nommer l’arbitre doit déterminer sur la base d’un examen sommaire, pourra être revue ultérieurement et indirectement, à la faveur d’un recours contre la première sentence attaquable rendue par le tribunal arbitral (consid. 1). Recours irrecevable.

ATF 142 III 284

2015-2016

( AG et B. AG c. X. SA et Y. SA)

Recours contre la sentence rendue le 23 juin 2015 par le Tribunal arbitral ad hoc. La nature de la décision par laquelle le tribunal arbitral classe l’affaire et statue sur les dépens suite à la renonciation de la demanderesse à l’arbitrage (art. 378 al. CPC) est débattue en doctrine. C’est à juste titre que certains auteurs la qualifient de « décision de radiation » (Abschreibungsbeschluss), par opposition à une décision d’irrecevabilité (Nichteintretensentscheid, qualification retenue par d’autres commentateurs). Cette décision se limite à entériner la démarche d’une partie consistant à mettre un terme à la procédure pendante sans pour autant renoncer à en ouvrir une autre – arbitrale ou judiciaire – ultérieurement. Le prononcé relatif aux frais et dépens qui est incorporé dans la décision de radiation constitue quant à lui une sentence (in casu, finale) attaquable, au sens de l’art. 392 CPC. Valeur litigieuse seuil pour l’admissibilité du recours en matière civile contre une sentence arbitrale (art. 74 al. 1 let. b LTF) : selon la jurisprudence, la valeur litigieuse déterminante est celle des conclusions sur le fond qui étaient en litige devant l’instance précédente, même si seule la partie du dispositif concernant les frais et dépens est par la suite contestée devant le TF (consid. 1.2). Recours recevable.

TF 4A_143/2015

2015-2016

(A. c. B. SA)

Recours contre la sentence arbitrale rendue le 21 janvier 2015 par un tribunal arbitral ad hoc. Selon la jurisprudence (critiquée) du TF, la question du domicile suisse ou étranger des parties à la convention d’arbitrage, qui détermine le caractère interne ou international de l’arbitrage et, par là, les motifs de recours contre la sentence qui en est issue, doit s’examiner uniquement à l’égard des parties à la procédure arbitrale. Le cas d’espèce se distingue de cette jurisprudence dans la mesure où le demandeur à l’arbitrage n’est pas partie au contrat contenant la clause compromissoire, mais se prévaut de la position juridique d’un des deux cocontractants, qui aurait agi comme prête-nom dans une opération de simulation. Dans une telle situation, il paraît prima facie indiqué de qualifier l’arbitrage d’interne ou international en tenant compte uniquement du domicile des parties telles que désignées dans la clause compromissoire (question laissée ouverte) (consid. 1.1). Recours rejeté.

TF 4A_206/2016

2015-2016

( c. B. SA [société suisse])

Recours contre la sentence finale rendue par un arbitre unique le 25 février 2016. Vérification ex officio de la recevabilité du recours : le recourant n’indique pas où il était domicilié au moment de la conclusion du contrat contenant la clause compromissoire, et la sentence attaquée ne contient pas de constatation à cet égard. Toutefois, les informations disponibles (en particulier, le fait que le recourant est et était domicilié à l’étranger au moment où la sentence a été rendue, et l’inclusion dans le contrat litigieux d’une stipulation excluant l’application du droit international privé suisse) portent à conclure qu’il s’agit d’un arbitrage international et non interne. Fondé sur l’art. 393 let. e CPC, le recours est donc irrecevable.