Art. 712a al. 2 CC
Cet arrêt porte sur la question de savoir s’il est possible ou non de mettre un appartement en location via Airbnb lorsque ce dernier fait partie d’une copropriété. Lorsque l’immeuble concerné est une habitation haut de gamme et dispose d’équipements collectifs privés tels qu’une piscine et un sauna, la communauté des copropriétaires peut valablement interdire la location. Les circonstances concrètes sont cependant déterminantes pour trancher chaque cas d’espèce. La Cour suprême admet qu’une interdiction générale de location obligerait le propriétaire à user de sa chose uniquement à ses fins et que ceci irait entre autres à l’encontre du principe de la garantie de la propriété. Par contre, une interdiction de location à la journée, à la semaine ou au mois est admissible puisque le propriétaire est uniquement restreint dans l’exploitation financière de sa chose et non pas dans la possibilité de commercialiser cette dernière en la transférant à des tiers.
Antoine Eigenmann
Art. 654a CC ; 36 LFDR
La suppression d’une copropriété portant sur des exploitations agricoles ou des terres est spécifiquement régie par la LFDR (art. 654a CC). L’art. 36 de cette même loi aménage un droit à l’attribution de l’immeuble lorsque la propriété collective vient à se terminer. Chaque copropriétaire peut exiger l’attribution à condition d’être propriétaire d’une entreprise agricole ou d’en disposer d’une sur le plan économique et que le bâtiment/terrain convoité se situe dans le rayon d’exploitation habituel de cette entreprise (art. 36 al. 2 LFDR). Il n’est pas nécessaire que le demandeur soit exploitant à titre personnel.
Antoine Eigenmann
Art. 712m al. 2 CC
Annulabilité d’une décision de l’assemblée des propriétaires d’étages prise en violation d’une règle impérative en matière de quorum, droit de participation à l’assemblée des propriétaires d’étages du propriétaire dont la part de propriété n’est pas encore construite ; la décision prise par l’assemblée des propriétaires d’étages à la majorité qualifiée de passer du vote par tête au vote par lot constitue une violation des règles légales impératives en matière de quorum, une telle décision requérant l’unanimité. Cette décision n’est pas nulle mais annulable. En effet, la sécurité du droit recommande l’annulabilité de la décision qui a été prise il y a plus de huit ans. De plus, le résultat de cette décision est admissible, le vote par lot étant parfaitement légal. Enfin, lors du vote, tous les propriétaires d’étages étaient présents ou représentés. Lors de l’acquisition d’une part de copropriété par étage, l’acquéreur devient automatiquement membre de la communauté et dispose du droit intangible et inaliénable de participer à l’assemblée des propriétaires d’étages, que le bâtiment soit construit ou non.
Maryse Pradervand-Kernen, Hugo Porchet
Art. 712a al. 2, 712g al. 3 CC
Utilisation de l’unité d’étage conformément au règlement ; l’art. 712a al. 2 CC octroie au propriétaire d’étage la liberté d’administrer, d’utiliser et d’aménager les parties sur lesquelles il a un droit exclusif. Cette liberté peut être restreinte par la loi ou conventionnellement avec des tiers ou entre copropriétaires d’étages ; une restriction entre copropriétaires d’étages peut être prévue dans l’acte constitutif de la propriété par étages, dans le règlement prévu à l’art. 712g al. 3 CC, dans le règlement de maison ou dans une décision ad hoc de la communauté. Le droit exclusif est notamment restreint par le but d’utilisation défini dans l’acte constitutif de la copropriété ou dans le règlement qui doit respecter les limites générales de l’ordre juridique (art. 2 et 27 CC et art. 19 s. CO), ainsi que celles qui découlent de l’institution même de la propriété par étages. Le règlement est interprété selon le principe de la confiance. En l’espèce, le Tribunal fédéral a dû qualifier de conforme ou non au but d’utilisation d’ « habitation » inscrit dans le règlement d’utilisation, l’exploitation d’une part d’étage en tant que home médicalisé par une entreprise commerciale locataire. Pour ce faire, il n’a pas jugé déterminant le fait que le locataire utilise lui-même les locaux ou que les résidents du home puissent ou non élire domicile en ce lieu. En revanche, il a considéré déterminants les droits d’utilisation sur les locaux que donne aux résidents du home le contrat qu’ils ont signé avec l’entreprise. Or, ce contrat ne leur octroie pas de droits équivalents à ceux d’un contrat de bail ; ils ne peuvent notamment pas sous-louer leur chambre. C’est pourquoi, le Tribunal fédéral a jugé que l’exploitation d’une part de copropriété par étage par une entreprise commerciale en tant que home médicalisé contrevient au but d’utilisation d’ « habitation » de l’immeuble inscrit au règlement.
Maryse Pradervand-Kernen, Hugo Porchet
Art. 2, 75 et 712m al. 2 CC
Annulation d’une décision de l’assemblée des copropriétaires ; la requête en annulation d’une décision de l’assemblée des copropriétaires est limitée par le principe de la bonne foi (art. 2 CC) lorsque le propriétaire qui requiert l’annulation de la décision fonde son droit sur un vice de procédure. Ce principe oblige le propriétaire contestataire à se plaindre du vice avant la prise de décision de l’assemblée sur la question affectée, ce afin de permettre la correction immédiate du défaut invoqué. Lorsque le délai pour convoquer une assemblée afin d’exclure de la copropriété le propriétaire requérant n’a pas été respecté, ce dernier doit en informer l’administrateur de la copropriété ou soulever ce point lors de l’assemblée. Ne l’ayant pas fait, il ne peut valablement requérir l’annulation de la décision pour le vice en question sous peine de se voir reprocher un comportement contraire à la bonne foi.
Maryse Pradervand-Kernen, Hugo Porchet
Art. 4 et 712g al. 3 CC
Attribution d’un droit d’usage particulier sur une partie commune, quorum ; selon l’art. 712g al. 3 CC, la création d’un droit d’usage particulier requiert la majorité des copropriétaires représentant plus de la moitié des parts. Ce n’est que si un droit d’usage particulier est modifié ou supprimé que l’accord du propriétaire d’étage concerné est en plus nécessaire (art. 712g al. 4 CC). Si un droit d’usage particulier est créé sur une partie qui était d’usage commun auparavant, notamment un jardin, le droit de veto de l’art. 712g al. 4 CC n’est pas applicable. De plus, la création de ce droit d’usage particulier sur un jardin ne peut être qualifiée de changement de destination de l’immeuble. Le changement de valeur de la part du copropriétaire qui ne peut plus utiliser le jardin ne doit pas être confondu avec un changement de quote-part ; le propriétaire d’étage ne peut invoquer le changement de valeur de sa part pour justifier son argument selon lequel la décision aurait dû être prise avec son accord.
Maryse Pradervand-Kernen, Hugo Porchet
Art. 712r CC
Révocation de l’administrateur de la copropriété ; l’art. 712r al. 2 CC a un double but de protection : premièrement, il protège la minorité de l’assemblée des copropriétaires en permettant à celle-ci de demander la révocation judiciaire de l’administrateur et, secondement, il protège la majorité de l’assemblée des copropriétaires en posant comme condition à la révocation l’existence de justes motifs. Constituent des justes motifs, les violations de ses devoirs par l’administrateur qui, de bonne foi, rendent la poursuite de l’administration intolérable parce que le rapport de confiance inhérent à cette relation de droit fait défaut ou a été rompu. Il n’est pas nécessaire que chaque violation soit pour elle-même suffisamment grave pour constituer un juste motif. Il suffit qu’ensemble, ces violations démontrent que l’administrateur ne remplit pas ses devoirs comme il le devrait, notamment avec la neutralité nécessaire à sa fonction. Dès lors, est justifiée la révocation de l’administrateur qui ne réagit pas à la modification d’une partie commune non autorisée par l’assemblée, ne délivre pas les clés nécessaires à l’accès d’une partie commune à certains copropriétaires et s’oppose à ce que ces mêmes copropriétaires consultent les comptes de l’administration.
Maryse Pradervand-Kernen, Hugo Porchet
Art. 649a CC.
Étendue de la succession légale au sens de l’art. 649a 1 CC en ce qui concerne les clauses d’arbitrage ; les règles adoptées dans le règlement d’administration et d’utilisation de la propriété par étages sont opposables à tout ayant cause d’un copropriétaire et à tout acquéreur d’un droit réel sur une part de copropriété (art. 649a CC), pour autant qu’il s’agisse de clauses qui sont en lien direct avec l’administration et l’utilisation commune de la propriété par étages. Cette clause peut être invoquée efficacement contre le copropriétaire qui y a souscrit à l’origine par le copropriétaire qui a postérieurement acquis son lot dans la communauté.
Maryse Pradervand-Kernen
Art. 647c à 647e et 712g al. 1 CC.
L’art. 712g al. 1 CC renvoie aux règles de la copropriété ordinaire pour les travaux de construction dans les parties communes. Ainsi, les travaux de construction sont subdivisés en dépenses nécessaires (art. 647c CC), utiles (art. 647d CC) et somptuaires (art. 647e CC). La loi tient compte des intérêts en présence en posant des exigences de majorité différenciées dans chaque cas particulier, celles-ci étant d’autant plus élevées que les travaux de construction profitent moins à la chose commune. Sont utiles les travaux de construction destinés à augmenter la valeur de la chose ou à améliorer son rendement ou son utilité. Des travaux améliorent l’utilité lorsqu’ils apportent une nouvelle facilité à l’utilisation de l’immeuble. Il ne s’agit pas de perfectionner un service commun existant mais d’en créer un nouveau. Lors d’une réfection, il faut apporter aux installations des améliorations techniques usuelles ou recourir à des matériaux nouveaux dus aux progrès techniques. Sont somptuaires les travaux qui sont exclusivement destinés à embellir la chose, à en améliorer l’aspect ou à en rendre l’usage plus aisé. Les travaux d’embellissement sont destinés à rendre l’immeuble plus beau, à servir à son ornement ou à en améliorer son aspect. Un embellissement pouvant entraîner une augmentation de la valeur marchande de la chose, il convient de garder à l’esprit que tout accroissement de valeur ou de rendement ne permet pas de qualifier un aménagement d’utile. Les travaux de commodité rendent l’usage des installations existantes plus aisé, apportant un perfectionnement raffiné, supérieur à ce qui se fait normalement, ou créant de nouvelles facilités grâce à des innovations sortant de l’ordinaire. La création, lors de travaux de réfection de l’ascenseur défectueux d’un immeuble, d’un niveau supplémentaire permettant de supprimer la montée de quatre marches d’escalier dont les coûts représentent 17% de l’enveloppe budgétaire, doit être qualifiée de travaux somptuaires et la décision doit être prise à l’unanimité. S’il est vrai que la loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (LHand) est applicable en l’espèce, l’élimination des inégalités est limitée par le principe de proportionnalité. L’inégalité n’a pas à être supprimée lorsqu’il y a disproportion entre l’avantage qui serait procuré aux personnes handicapées et, entre autres, la dépense qui en résulterait. En l’espèce, l’amélioration visée profite abstraitement à tous les propriétaires d’étages, mais il est évident que seules les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées et les familles avec poussettes y trouvent une utilité concrète. L’immeuble n’étant pas une résidence de luxe, il convient d’admettre que le coût des travaux est disproportionné par rapport à l’installation d’une rampe électrique.
Maryse Pradervand-Kernen
Art. 712q et 712r CC.
Droit de démission de l’administrateur nommé par le juge ; la communauté des propriétaires d’étages est liée à l’administrateur par une relation juridique comprenant deux éléments : un élément corporatif, c’est-à-dire la nomination de l’administrateur en tant qu’organe par l’assemblée des propriétaires d’étages ou par le juge et un élément contractuel, à savoir un contrat qui se conclut en sus, entre la communauté des propriétaires d’étages et l’administrateur (en principe, un contrat de mandat assujetti aux art. 394 ss CO). Le but de l’art. 712r al. 3 CC est d’empêcher que l’assemblée des propriétaires d’étages puisse réduire à néant le droit conféré à l’art. 712q al. 1 CC de demander au juge la nomination d’un administrateur en prenant une décision à la majorité en vertu de l’art. 712r al. 1 CC. L’art. 712r al. 3 CC limite uniquement l’élément corporatif en empêchant l’assemblée des propriétaires d’étages de révoquer l’administrateur lorsque ce dernier a été désigné par le juge. En revanche, l’art. 712r al. 3 CC ne concerne pas l’élément contractuel, les deux parties pouvant résilier le contrat en tout temps. Le juge ne peut pas imposer le mandat à l’administrateur ; sa décision ne remplace que la décision de nomination de l’assemblée des propriétaires d’étages. De la même manière, l’art. 712r al. 3 CC n’empêche pas la résiliation du contrat par la communauté des propriétaires d’étages ou par l’administrateur.
Maryse Pradervand-Kernen
Art. 647b al. 1, 648 al. 2 et 712g CC.
Si les propriétaires d’étages ont adopté des restrictions conventionnelles admissibles, en particulier s’ils ont convenu de soumettre l’immeuble à une certaine affectation, l’accord de tous est nécessaire pour un changement dans la destination de l’immeuble ou d’une part d’étage (art. 648 al. 2 CC). Il y a un changement de destination lorsque, soit par des mesures de fait, soit par des mesures juridiques, l’usage et l’affectation économique de l’immeuble en propriété par étages sont modifiés de façon profonde et significative. La destination actuelle de l’objet est ainsi reléguée au second plan. L’affectation de l’immeuble détenu en propriété par étages est à cet égard déterminante : tant que subsiste le caractère global de l’immeuble, la transformation d’une seule unité d’étage ne conduit pas à un changement d’affectation au sens de l’art. 648 al. 2 CC. Le changement dans la destination de la chose doit être distingué de son changement d’utilisation qui, selon l’art. 647b al. 1 CC, doit être décidé à la double majorité. Les art. 648 al. 2 et 647b al. 1 CC trouvent tous deux application dans le cadre de la propriété par étages en vertu du renvoi de l’art. 712g al. 1 CC, et ce également en relation avec les parties exclusives si un règlement d’administration et d’utilisation a été établi. En l’espèce, la modification réglementaire envisagée entraîne un changement de destination de l’immeuble. L’accord de tous les propriétaires d’étages est dès lors nécessaire. Outre les égards dus à la bonne tenue de l’immeuble, le règlement précédent faisait expressément référence à l’exigence de tranquillité et d’absence de gêne liée aux bruits et trépidations dans l’exercice éventuel d’une profession. Or, en se limitant à se référer au respect de la « bonne tenue » de l’immeuble dans l’activité professionnelle exercée, tout en supprimant les exigences liées à la tranquillité de l’environnement, l’assouplissement réglementaire litigieux crée, vu la petite structure du bâtiment (trois unités d’étages), une incompatibilité potentielle avec la destination initiale de l’immeuble, à savoir l’habitation dans un environnement paisible.
Maryse Pradervand-Kernen