Propriété intellectuelle

Art. 54 al. 1, 54 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 1, 7, 7 al. 2 LBI

Après avoir rappelé sa jurisprudence antérieure (ATF 117 II 480, consid. 1a) concernant les notions de nouveauté et de divulgation susceptibles de la ruiner (consid. 2), le TF examine la question de l’existence d’une éventuelle obligation tacite de confidentialité entre les parties (consid. 3.5). Il souligne préalablement, à propos de l’exigence de nouveauté, qu’il n’est pas nécessaire que la divulgation d’une invention intervienne à l’attention d’un cercle indéterminé de personnes pour qu’elle en ruine la nouveauté. Il suffit que la transmission de l’invention en dehors du cercle des personnes tenues au secret vis-à-vis de l’inventeur et par là même son accessibilité au public, ne puisse pas être exclue. Une seule vente ou une seule présentation de l’objet qui matérialise ou comporte l’information provoque sa divulgation. En cas d’annonce à un ou à quelque(s) destinataire(s) particulier(s) déterminé(s), il convient donc de se demander si, au vu des circonstances, il doit être compté avec le fait qu’une diffusion ultérieure suivra, ou si au contraire elle devrait être exclue en vertu par exemple d’une obligation tacite de confidentialité qui se déduirait des circonstances particulières du cas d’espèce (consid. 2). En présence d’une invention antérieure réalisée de manière indépendante, la question consiste à déterminer s’il n’existe aucune publication, respectivement aucune anticipation (« Vorwegnahme ») susceptible de ruiner la nouveauté parce que toutes les personnes qui avaient connaissance de l’enseignement technique souhaitaient le conserver secret ou étaient tenues de le faire et que par conséquent sa divulgation ultérieure apparaît comme exclue. Cela implique au minimum de prouver qu’un intérêt au maintien du secret existait effectivement et que la confidentialité était assurée de telle manière qu’en pratique une divulgation antérieure de l’enseignement technique apparaît comme exclue. Le fait que les personnes ayant eu connaissance de l’enseignement technique avant la date de priorité menaient ensemble des activités de développement ne permet pas à lui seul de conclure qu’une transmission, et par là même une publication de l’enseignement technique, était exclue. Même le fait établi d’une collaboration en matière de développement des personnes qui ont eu connaissance de l’enseignement technique avant la date de priorité ne permet pas de conclure que la connaissance antérieure de l’enseignement technique par des tiers non-parties à cette collaboration ne constituerait pas une divulgation ruinant la nouveauté (consid. 3.5). Dans le cas d’espèce, l’autorité précédente a considéré que la collaboration en matière de développement invoquée entre les parties n’était pas suffisante pour permettre de conclure que l’enseignement technique n’avait pas fait l’objet d’une divulgation détruisant la nouveauté dans le cadre de la correspondance antérieure de près de deux ans et demi à la date de priorité du brevet contesté (consid. 3.5).

Art. 56, 54 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 2, 7 al. 2 LBI

Selon l’article 56 CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Les mêmes principes s’appliquent en droit suisse (respectivement art. 1 al. 2 LBI et 7 al. 2 LBI). On ne peut exclure arbitrairement un document de l’état de la technique. Le terme de « naheliegend » utilisé en allemand peut prêter à confusion. En effet, il peut sans autre y avoir deux ou plusieurs documents qui se distinguent par des caractéristiques différentes de l’objet revendiqué, tout en s’écartant de la même façon de l’invention. Il convient toutefois de faire attention lorsque la fonction objective est formulée dans des documents dont la problématique et le but ne correspondent pas à ceux du brevet objet de la procédure. Dans de telles situations et afin d’éviter une approche rétrospective, la fonction de l’invention ne peut pas être reprise telle quelle ; il convient alors, le cas échéant, de reformuler la fonction formulée dans ces documents. Afin d’éviter une approche rétrospective et pour dénier l’existence d’une activité inventive, il ne suffit pas que l’homme de métier puisse (« could ») arriver à la solution proposée dans le brevet sur la base d’un document appartenant à l’état de la technique. Il faut bien plus démontrer qu’il serait effectivement arrivé à ladite solution (« would »). La question centrale dans ce contexte est de savoir quel critère appliquer pour évaluer le degré de succès nécessaire à admettre une activité inventive. Comme dans la jurisprudence de l’Office européen des brevets, la barre est placée haut ; il doit s’agir d’une possibilité raisonnable de succès (« reasonable or fair expectation of success »). Un simple espoir de réussite ne suffit pas. Une chance raisonnable de succès ne doit pas uniquement être admise lorsque l’homme de métier est quasi sûr que l’invention fonctionnera. Une certaine incertitude demeure et un risque d’échec ne peut totalement être écarté, même en cas de chance raisonnable de succès. L’évaluation de cette dernière dépendra toujours des circonstances du cas d’espèce.