Propriété intellectuelle

Art. 66 LBI

Est l’auteur d’une imitation au sens de l’art. 66a 2e phrase LBI, la personne qui reprend le contenu essentiel de l’enseignement breveté sous une forme différente ou modifiée. Pour pouvoir conclure à l’existence d’une imitation basée sur une utilisation équivalente, trois conditions doivent être remplies, à savoir celles de l’effet identique, de l’accessibilité (ou « évidence ») et de l’équivalence. L’effet est considéré comme étant identique lorsque les caractéristiques substituées remplissent la même fonction objective que celles revendiquées dans le brevet. La condition de l’accessibilité est considérée comme étant remplie lorsque les caractéristiques sont rendues évidentes à l’homme de métier. L’équivalence quant à elle signifie que l’homme de métier (et non pas le public en général), en s’orientant selon la lettre de la revendication et à la lumière de la description, considère que les caractéristiques substituées présentent une solution équivalente (consid. 6.1 et 6.2).

Art. 13 LBI ; 136, 137, 140, 14 CPC

Une inscription comme domicile de notification pour des procédures administratives au sens de l’art. 13 LBI ne vaut pas comme élection de domicile au sens de la procédure civile. L’ancienne version de l’art 13 LBI n’est plus applicable, et donc le principe selon lequel, de par la loi, le représentant inscrit au registre des brevets représente également le titulaire du brevet ne l’est plus non plus. Le Tribunal fédéral des brevets doit donc faire parvenir ses ordonnances directement à une partie domiciliée à l’étranger par la voie de l’entraide judiciaire et peut exiger d’elle qu’elle élise un domicile de notification en Suisse au sens de l’art. 140 CPC.

Art. 69 al. 1 CBE 2000 ; 51 al. 2, 51 al. 3 LBI

selon l’art. 51 al. 2 LBI, respectivement l’art. 69 al. 1 1re phrase CBE 2000, les revendications de la demande de brevet déterminent la portée matérielle du brevet. La lettre même des revendications est ainsi le point de départ de toute interprétation. La description et les dessins sont néanmoins aussi à prendre en compte dans l’interprétation des revendications. Les connaissances professionnelles générales constituent, en tant qu’état de la technique disponible, également un moyen d’interprétation. Les indications techniques formulées dans les revendications doivent ainsi être interprétées de la façon dont l’homme du métier les comprend (consid. 5.3).

Art. 8 al. 1, 51 al. 1, 51 al. 2, 51 al. 3, 66 lit. c, 72, 73 LBI

Le brevet confère à son titulaire le droit d’interdire à des tiers d’utiliser l’invention à titre professionnel (art. 8 al. 1 LBI). Le titulaire peut notamment demander la cessation d’une utilisation illicite de l’invention et la réparation du dommage causé par un tel acte (art. 66 lit. a, art. 72 et 73 LBI). L’invention est définie par les revendications du brevet qui déterminent l’étendue de la protection conférée par le brevet (art. 51 al. 1 et al. 2 LBI), et partant les droits du titulaire du brevet au sens de l’art. 8 LBI. La description et les dessins servent à interpréter les revendications (art. 51 al. 3 LBI) qui doivent l’être selon le principe de la confiance. La lettre même des revendications constitue le point de départ de l’interprétation. Les directives techniques qu’elles contiennent doivent être interprétées telles que l’homme du métier les comprend. Si le sens d’une expression ne peut être établi avec une certitude suffisante en consultant la littérature spécialisée, le tribunal doit s’adjoindre les services d’un expert dans la mesure où il est lui-même dépourvu de connaissances spéciales. La description et les dessins servent à l’interprétation, mais ils ne sauraient conduire à compléter les revendications. Le titulaire du brevet doit donc décrire précisément l’objet de l’invention dans les revendications ; il supporte le risque d’une définition inexacte, incomplète ou contradictoire (consid. 3.2). Les conclusions ne sauraient aller au-delà de la protection conférée par le brevet, qui découle elle-même des revendications. Dans le cas d’espèce, le litige porte sur le point de savoir si le dispositif décrit dans la revendication a pour effet d’entraîner la rétention de toute capsule introduite dans la cage à capsule, pour autant que la capsule soit en matériau déformable au contact de l’eau chaude. Le problème d’interprétation ne porte pas directement sur une question technique, comme le montre l’argumentation de la recourante qui se concentre sur le sens de l’expression générique « toute capsule ». L’interprétation littérale qui se dégage objectivement de la revendication concernée du brevet est que l’expression « toute capsule » désigne n’importe quelle capsule « constituée d’un matériau déformable au contact de l’eau chaude », étant entendu que ladite capsule doit avoir une taille lui permettant d’être « disposée dans la cage » à capsule de la machine à café. L’agencement de la cage à capsule (en l’occurrence, « relief de type harpon ») est tel qu’il entraîne une déformation au moins partielle de n’importe quelle capsule de ce genre, une fois mise au contact de l’eau chaude ; cette déformation conduit elle-même à ce que la capsule soit retenue dans la cage. L’expression « soit retenue » implique un résultat, et non une possible survenance du phénomène décrit. En bonne logique, l’agencement de la cage doit entraîner une déformation certaine et non une éventuelle déformation (consid. 3.4). Le recours est rejeté.

Art. 69 CBE 2000 ; 2 CC ; 66 a LBI

Afin de déterminer si l’on se trouve en présence d’une imitation illicite d’une invention brevetée, il convient d’appliquer la doctrine des équivalents. Se posent alors trois questions : 1. Les caractéristiques substituées remplissent-elles la même fonction objective (même effet) ? On se fondera ici sur les principaux effets innovants découlant du brevet. 2. Les caractéristiques substituées et leur même fonction objective sont-elles rendues évidentes à l’homme du métier par l’enseignement du brevet (accessibilité) ? Ce n’est pas l’état de la technique, mais le brevet litigieux qui constitue le point de départ pour répondre à cette question. 3. Enfin, l’homme de métier, en s’orientant selon la lettre de la revendication et à la lumière de la description, aurait-il considéré que les caractéristiques substituées présentent une solution équivalente ? (consid. 4.5.2 et 4.6.1). Même si la Suisse, comme d’autres pays européens d’ailleurs, ne connaît pas la Prosecution History Estoppel, l’historique de la procédure du dépôt du brevet peut et doit même être prise en considération en particulier si une revendication a été limitée par le déposant afin d’obtenir le brevet. En application du principe de confiance énoncé à l’art. 2 CC, le titulaire du brevet est lié par les limitations qu’il a faites à son brevet dans le cadre de la procédure d’octroi. Il ne peut pas, par la suite, contourner ces limitations par la voie de la doctrine des équivalents (consid. 4.5.3).

Art. 54 al. 1, 54 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 1, 7, 7 al. 2 LBI

Après avoir rappelé sa jurisprudence antérieure (ATF 117 II 480, consid. 1a) concernant les notions de nouveauté et de divulgation susceptibles de la ruiner (consid. 2), le TF examine la question de l’existence d’une éventuelle obligation tacite de confidentialité entre les parties (consid. 3.5). Il souligne préalablement, à propos de l’exigence de nouveauté, qu’il n’est pas nécessaire que la divulgation d’une invention intervienne à l’attention d’un cercle indéterminé de personnes pour qu’elle en ruine la nouveauté. Il suffit que la transmission de l’invention en dehors du cercle des personnes tenues au secret vis-à-vis de l’inventeur et par là même son accessibilité au public, ne puisse pas être exclue. Une seule vente ou une seule présentation de l’objet qui matérialise ou comporte l’information provoque sa divulgation. En cas d’annonce à un ou à quelque(s) destinataire(s) particulier(s) déterminé(s), il convient donc de se demander si, au vu des circonstances, il doit être compté avec le fait qu’une diffusion ultérieure suivra, ou si au contraire elle devrait être exclue en vertu par exemple d’une obligation tacite de confidentialité qui se déduirait des circonstances particulières du cas d’espèce (consid. 2). En présence d’une invention antérieure réalisée de manière indépendante, la question consiste à déterminer s’il n’existe aucune publication, respectivement aucune anticipation (« Vorwegnahme ») susceptible de ruiner la nouveauté parce que toutes les personnes qui avaient connaissance de l’enseignement technique souhaitaient le conserver secret ou étaient tenues de le faire et que par conséquent sa divulgation ultérieure apparaît comme exclue. Cela implique au minimum de prouver qu’un intérêt au maintien du secret existait effectivement et que la confidentialité était assurée de telle manière qu’en pratique une divulgation antérieure de l’enseignement technique apparaît comme exclue. Le fait que les personnes ayant eu connaissance de l’enseignement technique avant la date de priorité menaient ensemble des activités de développement ne permet pas à lui seul de conclure qu’une transmission, et par là même une publication de l’enseignement technique, était exclue. Même le fait établi d’une collaboration en matière de développement des personnes qui ont eu connaissance de l’enseignement technique avant la date de priorité ne permet pas de conclure que la connaissance antérieure de l’enseignement technique par des tiers non-parties à cette collaboration ne constituerait pas une divulgation ruinant la nouveauté (consid. 3.5). Dans le cas d’espèce, l’autorité précédente a considéré que la collaboration en matière de développement invoquée entre les parties n’était pas suffisante pour permettre de conclure que l’enseignement technique n’avait pas fait l’objet d’une divulgation détruisant la nouveauté dans le cadre de la correspondance antérieure de près de deux ans et demi à la date de priorité du brevet contesté (consid. 3.5).

Art. 56, 54 al. 2 CBE 2000 ; 1 al. 2, 7 al. 2 LBI

Selon l’article 56 CBE, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Les mêmes principes s’appliquent en droit suisse (respectivement art. 1 al. 2 LBI et 7 al. 2 LBI). On ne peut exclure arbitrairement un document de l’état de la technique. Le terme de « naheliegend » utilisé en allemand peut prêter à confusion. En effet, il peut sans autre y avoir deux ou plusieurs documents qui se distinguent par des caractéristiques différentes de l’objet revendiqué, tout en s’écartant de la même façon de l’invention. Il convient toutefois de faire attention lorsque la fonction objective est formulée dans des documents dont la problématique et le but ne correspondent pas à ceux du brevet objet de la procédure. Dans de telles situations et afin d’éviter une approche rétrospective, la fonction de l’invention ne peut pas être reprise telle quelle ; il convient alors, le cas échéant, de reformuler la fonction formulée dans ces documents. Afin d’éviter une approche rétrospective et pour dénier l’existence d’une activité inventive, il ne suffit pas que l’homme de métier puisse (« could ») arriver à la solution proposée dans le brevet sur la base d’un document appartenant à l’état de la technique. Il faut bien plus démontrer qu’il serait effectivement arrivé à ladite solution (« would »). La question centrale dans ce contexte est de savoir quel critère appliquer pour évaluer le degré de succès nécessaire à admettre une activité inventive. Comme dans la jurisprudence de l’Office européen des brevets, la barre est placée haut ; il doit s’agir d’une possibilité raisonnable de succès (« reasonable or fair expectation of success »). Un simple espoir de réussite ne suffit pas. Une chance raisonnable de succès ne doit pas uniquement être admise lorsque l’homme de métier est quasi sûr que l’invention fonctionnera. Une certaine incertitude demeure et un risque d’échec ne peut totalement être écarté, même en cas de chance raisonnable de succès. L’évaluation de cette dernière dépendra toujours des circonstances du cas d’espèce.

Art. 99 al. 2 LTF

À teneur de l’art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable. Le justiciable ne peut pas modifier l’objet du litige devant le TF en demandant davantage ou autre chose que ce qu’il avait requis devant l’autorité précédente. Tel n’est pas le cas lorsque la modification apportée aux conclusions dans le cadre du recours ne fait qu’exprimer la manière dont doivent être interprétées les conclusions de la demande et la revendication principale du brevet. La recevabilité des conclusions est ainsi liée à l’objet même du litige, de sorte qu’il convient d’entrer en matière et de procéder à l’examen au fond (consid. 1.2).

Art. 49, 51 CPC

Selon l’article 49 CPC, une partie qui entend obtenir la récusation d’un magistrat ou d’un fonctionnaire judiciaire doit la demander au tribunal aussitôt qu’elle a eu connaissance du motif de récusation. Le terme « aussitôt » doit être interprété de façon stricte ; partant de l’art. 51 al. 1 CPC, le délai ne peut dépasser les 10 jours, sans quoi il est périmé. Le point de départ déterminant est le moment de prise de connaissance par la partie du motif de récusation ou le moment à partir duquel on peut considérer qu’il était reconnaissable à une personne faisant preuve d’un degré d’attention que l’on peut exiger de sa part. Alors que l’on ne peut exiger des recherches approfondies, on peut raisonnablement s’attendre à ce que des bases de données de brevets comme celle de l’Office européen des brevets ou celle de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (Swissreg) soient consultées à cet effet (consid. 5-6). L’évaluation de la nécessité de récuser un juge suppléant lorsque celui-ci, ou le cabinet dans lequel il travaille, est dans une relation de mandat avec le groupe de sociétés auquel l’une des parties appartient, doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce (consid. 7).

Art. 332 al. 2 CO ; 3, 77 LBI ; 261 al. 1 CPC

L’art. 332 CO ne concerne que les relations entre un travailleur et son employeur et ne saurait fonder une prétention d’un tiers au droit à la délivrance du brevet. La demanderesse qui prétend être investie d’un droit sur le brevet litigieux (ou d’une copropriété sur une part de celui-ci) ne le rend vraisemblable que si elle démontre : a) qu’elle (respectivement ses employés) a réalisé ou coréalisé l’invention (quoi exactement, où, comment), b) comment l’invention a été portée à la connaissance de celui qui l’a déposée sans droit (causalité), c) que l’objet de la demande tel qu’il est finalement défini correspond à l’invention réalisée par la demanderesse. Ce sont les trois éléments centraux qui permettent de fonder une demande (consid. 5).

Art. 23 al. 1 lit. b, 23 al. 3 LTFB ; 332 CO ; 3, 29 al. 1, 60 al. 2, 77 al. 1 lit. a LBI ; 105 al. 1 lit. d OBI ; 261 al. 1 lit. c, 261 al. 1 lit. b, 262 lit. c CPC

S’agissant de la prétention en cession d’une demande de brevet au sens de l’art. 29 al. 1 LBI, le demandeur, prétendu ayant droit, doit alléguer et, en cas de contestation, prouver : 1. Qui est l’inventeur de quel enseignement technique, 2. L’acquisition du droit à la délivrance du brevet pour cet enseignement technique par le prétendu ayant droit, 3. La communication au défendeur, soit le demandeur inscrit à l’Office, de la demande de brevet litigieuse, de l’enseignement technique de cet inventeur ; et 4. L’incorporation de l’enseignement technique dans la demande de brevet litigieuse du défendeur. Les allégations générales ne suffisent pas : il convient de présenter l’enseignement technique concret. Lorsqu’il s’agit de coinventeurs, il convient d’identifier la contribution concrète à l’invention du ou des coinventeurs considérés. A cette fin, un renvoi général au contenu de la demande de brevet litigieuse ne suffit pas. En effet, c’est précisément la tâche du Tribunal de déterminer d’une part la mesure dans laquelle l’enseignement technique de l’ayant droit et l’enseignement technique de la demande litigieuse correspondent. Lorsque la question est soulevée dans le cadre d’une requête de mesures provisionnelles, la vraisemblance de l’existence des faits correspondants suffit (consid. 5). Dans le cas d’espèce, le TFB considère que les éléments essentiels tendant à démontrer que la demande de brevet a été déposée sans droit par la défenderesse ont été invoqués de façon vraisemblable notamment parce qu’il a été exposé (1) quel inventeur a inventé quel enseignement technique, (2) comment le droit au brevet a été acquis par la demanderesse, (3) comment cet enseignement technique a été communiqué sous le sceau de la confidentialité à la défenderesse 1 et (4) comment cet enseignement technique a été décrit et revendiqué dans la demande de brevet litigieuse (consid. 8). L’aliénation « en l’occurrence en chaîne entre plusieurs défenderesses » d’une demande de brevet potentiellement usurpée est de nature à causer un dommage difficilement réparable à celui qui rend vraisemblable qu’il est le véritable titulaire du droit à la délivrance du brevet (consid. 9). La requête de mesures superprovisionnelles est admise.