Propriété intellectuelle

Art. 18 CO ; 18, 19 LPM

En vertu de l’art. 19 LPM, la marque peut faire l’objet d’un usufruit qui n’est opposable aux tiers de bonne foi qu’après son enregistrement au registre des marques. Pour répondre à la question de savoir si un usufruit sur une marque est institué en faveur d’une des parties à un contrat, il convient d’interpréter ce dernier selon le principe de la confiance lorsque la réelle et commune intention des parties ne peut pas être établie. La volonté probable des parties doit ainsi être déterminée de la manière dont leurs déclarations de volonté auraient pu et dû être comprises par leurs destinataires respectifs en fonction de l’ensemble des circonstances selon le principe de la bonne foi. Lorsque le contrat mentionne l’octroi d’une licence exclusive et gratuite, et ne fait à aucun moment usage du terme « usufruit », il n’y a pas lieu de retenir qu’il instituerait un usufruit plutôt qu’une licence ; ceci même si une interprétation selon le principe de la confiance permet parfois, au vu des circonstances, de donner une signification différente à un terme juridique utilisé par les parties (consid. 2.4). Selon l’art. 18 LPM, le titulaire de la marque peut autoriser des tiers à l’utiliser sur l’ensemble ou sur une partie du territoire suisse pour tout ou partie des produits ou des services enregistrés (al. 1). A la demande d’une partie, la licence est inscrite au registre. Elle devient ainsi opposable à tout droit à la marque acquis postérieurement (al. 2). Dans le cas d’espèce, la licence n’avait pas été inscrite au registre, mais son bénéficiaire (le recourant) prétendait pouvoir l’opposer à un tiers qui avait acquis la marque dans le cadre de la faillite du donneur de licence, parce que ce tiers connaissait l’existence de la licence au moment de l’acquisition de la marque. La licence crée un droit relatif de nature contractuelle imposant au titulaire de la marque d’en tolérer l’usage par un tiers, le droit à la marque continuant d’appartenir à son titulaire. Pour la doctrine majoritaire, le contrat de licence ne crée pas un droit à la marque elle-même, mais seulement une prétention de nature contractuelle à l’égard du titulaire de la marque, à ce qu’il en tolère l’usage par le bénéficiaire du droit relatif correspondant. Il n’est pas contesté qu’un contrat de licence non inscrit au registre ne déploie un effet relatif que vis-à-vis du donneur de licence. Seuls les contrats de licence qui sont inscrits au registre des marques bénéficient d’un effet absolu et réel et ne se terminent pas automatiquement au moment de la faillite du donneur de licence. L’inscription au registre a un effet constitutif en ce qu’elle rend le contrat de licence opposable également au titulaire ultérieur du droit à la marque. Comme un contrat de licence non-inscrit n’a qu’un effet relatif vis-à-vis du donneur de licence, seul ce dernier est obligé par le contrat. Par conséquent, une licence non-inscrite ne saurait être opposée à un acquéreur ultérieur de la marque, indépendamment de sa connaissance de l’existence du contrat de licence (consid. 2.5). Le recours est rejeté.

Art. 2 lit. a LPM

Une marque de position se caractérise par un élément distinctif qui demeure toujours le même et est invariablement apposé exactement au même endroit sur le produit. C’est la manière particulière d’apposer ou de disposer un élément distinctif en deux ou en trois dimensions sur le produit qui rend les marques de position protégeables. En plus de la force distinctive du signe de base, il convient de tenir compte de la force de sa position. En effet, dans la mesure où elle est perçue par le cercle des destinataires pertinents comme un élément suffisamment caractéristique, et est donc suffisamment forte, la position peut contribuer à mettre le signe dans un autre contexte. Il faut qu’elle soit réellement perçue comme une indication de provenance. S’il existe dans le segment des produits concernés une habitude quant à la manière d’en désigner la provenance, les positions qui correspondent à cette habitude doivent être plus facilement admises comme constituant une indication de provenance. La qualification de la marque de position (comme marque figurative, de forme ou d’un autre type) n’est pas déterminante dans l’examen de sa force distinctive. Il n’existe pas de règle particulière pour l’examen de l’aptitude absolue à être protégée pour une marque de position (consid. 4.2). Dans le cas particulier, les signes de base de la marque de position revendiquée sont des petits trous d’alésage qui constituent une forme tridimensionnelle banale. La répartition régulière des huit petits trous d’alésage sur la tête d’une lampe de poche détermine l’apparence du produit lui-même. Ces trous le long du bord supérieur de la lampe de poche seront perçus par les destinataires du produit comme une partie intégrante de celui-ci. La marque de position en cause contribue ainsi à déterminer l’apparence de la lampe de poche elle-même. Il est conforme au droit fédéral d’admettre que les critères posés en lien avec la protection des marques de forme peuvent être appliqués par analogie aux marques de position et en particulier que les signes qui déterminent l’apparence du produit lui-même ne sont en général pas perçus comme en indiquant la provenance industrielle (consid. 4.3). Dans le cas particulier, la configuration de la tête de la lampe avec la disposition régulière de huit petits trous d’alésage n’est pas perçue comme une indication de provenance. Ces petits trous d’alésage disposés de façon régulière ne se différencient pas de manière suffisamment significative d’autres formes de traitement de surface comme les rainures des poignées, les boutons, les manchettes ou autres motifs qu’on rencontre usuellement ; et la position des trous sur la tête de la lampe ne confère pas à l’ensemble un caractère inhabituel ou inattendu. La configuration de la tête de la lampe, y compris sa marque de position, n’est pas perçue dans l’impression d’ensemble que dégage le produit comme un signe qui ferait référence à sa provenance industrielle. Le fait que des marques soient fréquemment apposées sur les têtes des lampes de poche ne change rien à ce que, dans le cas particulier la disposition des trous d’alésage revendiquée comme marque n’est pas perçue comme un signe distinctif par les destinataires des produits, soit les consommateurs finaux privés (consid. 4.4). Le recours est rejeté.

Art. 4 LPM

Lorsqu’une personne morale détient une participation minoritaire au capital social d’une autre personne morale avec laquelle elle est en relation commerciale, cette participation minoritaire ne suffit pas à constituer une relation de groupe (« Konzern ») entre ces deux personnes morales. Ce genre de participation ne permet pas de déduire un quelconque devoir de fidélité entre les personnes morales ainsi liées, au sens de l’article 4 LPM. Un « mémorandum d’accord » entre deux personnes morales ne constitue pas un contrat allant au-delà d’une simple relation de fournisseur et justifiant l’observation d’un devoir de fidélité, au sens de l’article 4 LPM. Le fait que les deux entreprises utilisent et revendiquent les mêmes signes est l’objet de la présente procédure et ne peut donc pas justifier, par là même, que l’on s’écarte du principe de priorité découlant du dépôt (consid. 2.3). Les faits retenus par l’instance précédente ne sont pas suffisants pour parvenir à la conclusion que la marque était utilisée par la partie plaignante pour le compte de l’intimée n°1, ce qui engendrerait l’application d’un devoir de fidélité de la partie plaignante en faveur de l’intimée n°1. Cette exception ne pouvant être retenue sur la base des faits insuffisamment constatés, l’intimée n°1 ne peut plus prétendre bénéficier d’un droit préférable en Suisse sur les signes « REICO », ni en interdire l’usage à la partie plaignante sur la base de son droit au nom ou sur la base du droit de la concurrence déloyale. Le recours est donc fondé. Compte tenu du fait que les intimés avancent, dans leur réponse, que les sociétés concernées étaient liées par davantage qu’une simple relation de fournisseurs, il convient de renvoyer l’affaire à l’instance précédente, afin d’établir concrètement le contenu de cette relation contractuelle entre les parties, au moment du dépôt des marques suisses par la partie plaignante. L’instance précédente devra donc déterminer s’il existait une collaboration dans laquelle la partie plaignante était habilitée à utiliser les marques de l’intimée n° 1 et ainsi, si elle a violé son obligation de fidélité, au sens de l’article 4 LPM, en déposant les signes contestés en Suisse (consid. 2.4). Etant donné le renvoi de la décision à l’instance précédente, les frais de justice et les dépens doivent être supportés par les intimés (consid. 3).

Art. 2 lit. a, 28 al. 2 lit. c LPM

un signe est exclu de la protection du droit des marques dès lors qu’il est inacceptable même pour une partie seulement des produits ou des services rentrant sous l’indication générale (« Oberbegriff ») de la classe concernée. Cela est généralement admis par la doctrine et n’a pas été remis en cause par le TF. Selon l’art. 28 al. 2 lit. c LPM, il convient pour déposer une marque d’indiquer en particulier à l’IPI, la liste des produits ou des services pour lesquels la marque est revendiquée. Si cette liste est formulée par une indication générale, l’examen du signe intervient en fonction de tous les produits ou services imaginables qui peuvent être compris dans l’indication générale. Il suffit que le signe ne soit pas acceptable en relation avec l’un ou l’autre de ces produits ou services couverts par l’indication générale pour qu’il doive être refusé pour l’ensemble de cette indication générale, même s’il pourrait être admis pour certains des autres produits ou services entrant dans cette indication générale. Autrement, il serait possible de contourner un motif d’empêchement absolu pour un produit ou service déterminé par le fait que la protection serait demandée pour une indication générale largement définie (consid. 4.3). En vertu du principe de la spécialité, le caractère digne de protection d’un signe doit être examiné en fonction des produits ou services pour lesquels la demande d’enregistrement est déposée. L’examen doit donc intervenir pour chacune des classes revendiquées, indépendamment l’une de l’autre (consid. 5.1.2).

Art. 2 lit. a LPM

l’examen de la force distinctive d’un signe par rapport aux formes ou aux réalisations préexistantes intervient au moment de la décision sur son inscription au registre des marques (consid. 2). Les marques de position ne constituent pas une catégorie de marques particulières au sein de la LPM. Elles se caractérisent par la présence d’un élément distinctif qui demeure toujours le même et est invariablement apposé exactement au même endroit sur le produit. C’est la manière particulière d’apposer ou de disposer un élément distinctif en deux ou en trois dimensions sur le produit qui rend les marques protégeables. Ce n’est pas la position seule ou le signe isolé lui-même qui constitue l’objet d’une marque de position, mais la combinaison d’un élément distinctif avec une certaine position. La protection se limite ainsi à la combinaison entre les éléments distinctifs graphiques ou combinés et leur position sur le produit. Outre la force distinctive des signes de base, il convient de tenir compte de la force de leur position. Dans la mesure où elle est perçue par le cercle des destinataires pertinents comme un élément suffisamment caractéristique, et est donc suffisamment forte, la position peut en effet contribuer à mettre le signe dans un autre contexte. De même que n’importe quelle coloration monochrome ou configuration graphique d’un signe non protégeable ne suffit pas à le modifier suffisamment pour le doter de force distinctive, n’importe quelle position n’y suffit pas non plus. Il faut que la position soit effectivement perçue comme indicatrice de la provenance du produit. A la différence d’un élément non positionné, il faut que la position du signe constitue une énigme qui ne puisse être résolue autrement que comme un renvoi à la provenance industrielle du produit. S’il existe pour le segment des produits considérés une habitude dans la façon d’en désigner la provenance, les positions qui correspondent à cette habitude doivent être plus facilement admises comme constituant des indications de provenance. Plus la position est frappante et figure au premier plan sur le produit, plus elle doit être qualifiée de forte. C’est à l’occasion de l’examen de la force distinctive, dans chaque cas particulier, qu’il convient de déterminer si les cercles de destinataires pertinents voient un signe distinctif dans un élément figurant dans une certaine position sur un produit plutôt qu’un élément conditionné par la technique ou un simple ornement. La qualification de la marque de position (comme marque figurative, de forme ou d’un autre type) n’est pas déterminante dans l’examen de sa force distinctive. Il n’existe pas de règle particulière ou spécifique à l’examen des motifs absolus d’exclusion de la protection pour les marques de position. La perception que le cercle des destinataires pertinents a d’un signe peut cependant être influencée par le type de signes concernés. Ainsi, les signes qui consistent dans l’apparence même du produit ne sont habituellement pas perçus comme indicateurs de sa provenance industrielle (consid. 3.3.3). Le signe de base, lorsqu’il est examiné indépendamment de sa position qui détermine simultanément le contour de la couleur revendiquée en ce qu’elle correspond à l’entier de la semelle (externe) du soulier, consiste en une couleur déterminée qui est dépourvue de force distinctive originaire en lien avec des chaussures pour dames à talons hauts. Il s’agit d’un élément particulièrement faible du moment que, comme signe de base, il ne présente aucune configuration particulière concrète qui pourrait être, de manière originaire, perçue comme une indication de provenance. S’il ne s’agit certes pas d’une revendication de couleur sans délimitation. Les contours d’une semelle de soulier sont des signes banals et descriptifs pour des chaussures dans la mesure où ils sont perçus comme constituant une partie du produit lui-même. Aucun élément verbal ou graphique ne figure sur la semelle, alors que cela correspond à une certaine habitude dans le marché de la chaussure et que cela devrait y avoir habitué le consommateur. Qui plus est, le signe consiste en une coloration uniforme de la partie inférieure d’une chaussure pour dames à hauts talons qui peut se confondre avec l’apparence même du produit. Les signes qui constituent l’apparence même du produit ne sont généralement pas perçus comme indicateurs de sa provenance industrielle, mais seulement comme en déterminant la configuration particulière. Par analogie avec la marque de forme, il ne suffit pas, du point de vue de la force distinctive originaire, qu’un tel signe se démarque par sa configuration agréable ; il faut bien plutôt qu’il se distingue de manière frappante des configurations usuelles, dans le segment des produits revendiqués, au moment de la décision sur son enregistrement comme marque. Il est procédé à une comparaison avec les configurations effectivement présentes dans le secteur des produits concernés et non pas avec les demandes d’enregistrements comme marques intervenues pour des signes comparables. La particularité du signe à examiner ne consiste ni en une forme caractéristique ni en une configuration particulièrement frappante en elle-même, mais se limite au choix d’une couleur particulière pour une partie importante de la marchandise revendiquée, mais indissociablement liée à sa fonctionnalité et à sa superficie. Le fait que la couleur n’est, à la différence des semelles extérieures noires, brunes ou beiges, pas usuelle pour des chaussures pour dames à hauts talons, ne suffit pas à conférer une force distinctive au signe dans son ensemble. La couleur rouge, même dans un ton relativement criard comme celui qui est revendiqué en l’espèce, est souvent utilisée comme élément décoratif, en particulier pour les produits de la mode. Il existe aussi des chaussures pour dames à hauts talons dont la semelle extérieure est traitée en vert, jaune, bleu, violet ou rose. Le fait qu’une telle chaussure pour dames présente une semelle extérieure de couleur ne peut ainsi pas être considéré comme à ce point extraordinaire que cette caractéristique se distinguerait des configurations usuelles de façon si frappante qu’elle serait perçue à titre originaire comme une indication de provenance. La branche de la mode se caractérise aussi pour ce qui est des chaussures pour dames à hauts talons revendiquées, par une grande variété de formes et les créations y sont attendues, de sorte que le simple fait de colorer une partie de la surface d’un produit comme la semelle extérieure d’un soulier est attribué par le consommateur déterminant au produit lui-même et n’est pas perçu comme une indication de sa provenance. La coloration en rouge de la partie inférieure de la semelle constitue un élément de style esthétique qui ne se distingue pas suffisamment de la configuration à la mode des souliers pour dames à hauts talons, également lorsqu’on se place du point de vue des dames âgées de 20 à 65 ans qui sont sensibles à la mode et disposent d’une bonne surface financière, pour être perçue à titre originaire comme un élément additionnel faisant référence à la provenance du produit (consid. 3.3.4). Le recours est rejeté.

Commentaire
(publication ATF prévue)

Art. 105 al. 2 LTF ; 42 al. 2 CO ; 91 al. 1, 91 al. 2, 93 al. 1, 96 CPC

La réplique ne peut être utilisée que pour donner des explications motivées par une prise de position d’une des parties à la procédure (consid. 1.4). Selon l’art. 91 al. 1 CPC, ce sont les conclusions qui déterminent la valeur du litige. Lorsque l’action ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée, le tribunal arrête la valeur litigieuse si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur ce point ou si la valeur qu’elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC). L’estimation à laquelle le tribunal procède sur la base de critères objectifs dans le cadre de la détermination des frais de procédure (qui comprennent les frais judiciaires et les dépens selon l’art. 95 al. 1 CPC et pour lesquels des tarifs sont fixés par les cantons selon l’art. 96 CPC), est comparable, du point de vue du pouvoir de cognition qu’en a le TF, avec la détermination équitable du dommage selon l’art. 42 al. 2 CO. Elle se base sur une appréciation des circonstances et relève de l’établissement des faits. Ce n’est que s’il est manifestement inexact et par conséquent arbitraire au sens de l’art. 105 al. 2 LTF que le jugement qui statue sur le montant des frais de procédure peut être porté, sur ce point, devant le TF (consid. 2.2). Tel n’est pas le cas d’un jugement de l’instance cantonale unique qui, compte tenu de la difficulté à établir la valeur litigieuse, la détermine en procédant à une estimation globale du litige en matière de propriété intellectuelle qui tienne compte tant des actions en violation (et en interdiction) qu’en constatation de la nullité (action d’état) de la marque suisse concernée. En procédant de la sorte, l’instance précédente n’a pas méconnu que plusieurs actions différentes étaient intentées et que les prétentions élevées dans le cadre de celles-ci devaient être additionnées dans la mesure où elles ne s’excluaient pas l’une l’autre au sens de l’art. 93 al. 1 CPC (consid. 2.3.1). Comme dans les causes portant sur l’existence ou la violation de droits de propriété intellectuelle, la valeur litigieuse n’est pas facile à déterminer, l’autorité précédente n’a pas fait preuve d’arbitraire en se basant sur une valeur de référence retenue par la pratique de CHF 50’000.- à CHF 100’000.- pour une marque plutôt insignifiante ; sur une valeur de CHF 500’000.- à CHF 1’000’000.- pour autant que des montants importants le justifient (en termes de chiffres d’affaire, de publicité, etc.) et en arrêtant cette valeur à plus de CHF 1’000’000.- en présence de marques très connues, si ce n’est célèbres uniquement (consid. 2.3.2).