Art. 754, 758 et 759 CO ; responsabilité du conseil d’administration, Business Judgment Rule, conflit d’intérêts, fardeau de la preuve, décharge, solidarité.
Le TF reconnaît que les tribunaux doivent user de prudence dans l’appréciation ultérieure des décisions commerciales qui résultent d’une prise de décision basée sur un niveau d’informations adéquat et sans conflit d’intérêts. En l’espèce, le tribunal présume que le processus de prise de décision est déficient du fait du manque de documents justificatifs ainsi que du manque de réunions du conseil d’administration. Le tribunal confirme qu’il y a bien une violation du devoir de diligence. Dans le cadre d’une action en responsabilité, le fardeau de la preuve relatif à la violation des devoirs des membres du conseil d’administration doit être supporté par le demandeur. Toutefois, ces devoirs sont présumés violés lorsqu’un conflit d’intérêts est avéré. Le TF rappelle que la décharge donnée par l’assemblée générale ne porte effet que sur les éléments divulgués lors de l’assemblée générale à condition que leur importance n’ait pas été minimisée et que les actionnaires n’aient pas été trompés. Le TF rappelle encore que l’étendue de la responsabilité solidaire dépend également des rapports externes qu’entretenait la personne concernée avec les tiers. Une restriction de la responsabilité à l’égard des tiers est toutefois consacrée, avec restriction, dans la jurisprudence. Le fait que le défendeur était membre du conseil d’administration mais n’exerçait aucune fonction, ni n’avait accès à aucune information ne plaide pas en faveur d’une réduction de sa responsabilité.
Olivier Hari, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Quentin Herold
Art. 754 CO ; responsabilité du conseil d’administration ; prise en compte des passifs.
Suite à la décision du tribunal cantonal, le recourant, ancien président du conseil d’administration de la société faillie, se conforme de manière adéquate à son fardeau de contestation en rejetant notamment le fait de ne pas avoir aliéné tous les actifs inscrits au bilan par le biais d’un contrat de vente, ainsi que le fait que la société faillie les ait soustraits avant ou lors de la vente à un tiers. Par conséquent, il incombe à la partie adverse de détailler ses revendications de façon à apporter la preuve de ce qu’elle allègue. La partie adverse n’ayant procédé de la sorte, il n’est pas établi que le recourant ait manqué à ses devoirs (consid. 3.3). Le dommage ne peut pas non plus être admis du fait que le recourant soulève qu’il est inadmissible que l’autorité précédente retienne uniquement les actifs sans tenir compte des passifs (consid. 4.2). Le recours est partiellement admis. Le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l’autorité précédente pour une nouvelle décision.
Olivier Hari, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Quentin Herold
Art. 827 et 754 CO ; responsabilité de l’administrateur ; conflits d’intérêts ; Business Judgment Rule.
A prête CHF 100’000.- à C Sàrl. C Sàrl prête ces CHF 100’000.- à D SA, sans lui transférer les fonds. A la place, C Sàrl utilise ces fonds pour payer diverses dettes de D SA, pour éviter la faillite de cette dernière : CHF 65’000.- à l’Office des poursuites de Disentis (GR), CHF 15’000.- à F SA et CHF 20’000.- à E SA. C Sàrl vire l’argent. D SA et E SA sont impliquées dans un projet immobilier. Il s’avère que l’administrateur de C Sàrl, B, est aussi administrateur unique de E SA. C Sàrl est ensuite transformée en SA. C SA tombe en faillite, laquelle est clôturée faute d’actifs. Les créances de C SA contre son administrateur B sont cédées à A (art. 131 al. 2 LP). Le TF commence par rappeler la Business Judgment Rule suisse : il n’examine les décisions des administrateurs qu’avec retenue, lorsqu’elles ont été prises au cours d’un processus décisionnel irréprochable, reposant sur une base d’informations adaptée et exempte de conflits d’intérêts. Si tel est le cas, le juge doit uniquement vérifier si la décision était défendable (« vertretbar »). Il s’agit en l’espèce de déterminer si B avait un conflit d’intérêts et si, partant, l’octroi d’un prêt non garanti à D SA était une décision fautive (« fehlerhafter Entscheid »). Le TF suit l’instance précédente, et constate que le prêt octroyé à D SA avait pour but de sauver D SA et donc le projet immobilier. Il s’agit là d’une décision commerciale, certes risquée, mais habituelle pour des sociétés actives dans l’immobilier. Le prêt est donc licite et la responsabilité de B niée.
Olivier Hari, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Quentin Herold