Droit du développement territorial

ATF 146 I 70 (d)

2019-2020

Art. 26 Cst. al. 1, Art. 27 Cst. al. 1, Art. 36 Cst., Art. 49 Cst. al. 1, Art. 109 Cst. al. 1, Art. 122 Cst. al. 1

Constructions à loyer modéré ; primauté du droit fédéral ; contrôle abstrait. Dans le cadre de l’examen relatif à une réglementation communale sur les logements à loyer modéré, le TF commence par rappeler qu’un domaine peut être couvert en parallèle par le droit civil fédéral et par des réglementations cantonales lorsque le premier ne le règle pas de manière exhaustive et/ou lorsque le droit cantonal poursuit un intérêt public digne de protection. Une réglementation cantonale ou communale peut par ailleurs être justifiée lorsque celle-ci poursuit un autre objectif que celui prévu par le droit fédéral. Dans le domaine du logement, même si les cantons ne peuvent pas intervenir directement dans la relation entre le bailleur et le locataire, ils demeurent compétents pour prendre des mesures afin de lutter contre la pénurie de logements. La réglementation litigieuse en l’espèce vise à maintenir et augmenter l’offre de logements à loyer abordable. Le TF reconnaît que les mesures prises à cet effet poursuivent une orientation autre que celle des normes fédérales relatives à la lutte contre les loyers abusifs et reconnaît un intérêt digne de protection à la satisfaction des besoins de la population en termes d’offre suffisante de logements à loyer abordable. Le fait que les logements concernés ne bénéficient pas uniquement à des personnes à faibles revenus ne permet pas de nier l’intérêt digne de protection. Sur la base de ces considérations, le TF retient que la réglementation contestée n’est pas contraire au droit fédéral. En outre, à la lumière de la garantie de la propriété et de la liberté économique, au stade d’un recours abstrait, l’interprétation de la réglementation peut être opérée conformément à la Constitution.

Art. 16a LAT, Art. 24c LAT, Art. 24d LAT

Extension illicite d’un bâtiment situé en zone agricole ; proportionnalité de l’ordre de remise en état. Selon l’art. 16a LAT, pour être conformes à la zone agricole, les constructions et installations doivent être nécessaires à l’exploitation agricole. Au sens de cette disposition, l’évaluation de la nécessité de logements doit reposer sur des critères objectifs. En l’espèce, les recourants ne parviennent pas à démontrer une modification des conditions d’exploitation depuis la dernière transformation autorisée qui justifierait une transformation supplémentaire. Il y a lieu d’exclure l’application de l’art. 24c LAT dans le cas d’espèce dans la mesure où la transformation litigieuse est destinée à servir de logement non agricole aux enfants des exploitants. Le TF exclut par ailleurs l’application de l’art. 24d LAT puisque la transformation des combles sans isolation en pièce habitable excède la nécessité pour un bâtiment d’habitation qui répond aux exigences actuelles en matière de logement. Finalement, une régularisation a posteriori de la transformation réalisée n’est pas une alternative admissible à la lumière du principe de la proportionnalité. En effet, le TF estime que les mesures ordonnées en vue d’empêcher une utilisation résidentielle non autorisée des combles représentent un intérêt public qui prime les intérêts patrimoniaux des recourants qui savaient, ou à tout le moins, auraient dû savoir que la transformation nécessitait une autorisation de construire. Partant, l’ordre de remise en état se révèle proportionné.

Art. 18a LAT, Art. 33 LAT al. 3 let. b

Droit communal ; interprétation du droit communal à la lumière du droit fédéral. Selon l’art. 18a al. 4 LAT relatif aux installations solaires, l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire sur les constructions existantes ou nouvelles l’emporte en principe sur les aspects esthétiques. Dans cet arrêt, le TF rappelle que les autorités compétentes pour la délivrance d’une autorisation de construire et partant pour évaluer l’impact esthétique d’une construction ne peuvent ignorer le droit fédéral, en particulier l’art. 18a al. 4 LAT. La commune dispose d’une large liberté d’appréciation dans l’interprétation de son propre règlement notamment en ce qui concerne l’orientation dominante des faîtes et pentes de toitures anciennes et l’autorité de recours doit exercer un contrôle avec retenue. Toutefois lorsque l’appréciation de l’autorité cantonale fait fi du droit supérieur, l’autorité de recours ne peut pas l’ignorer. Cela contreviendrait en substance à l’art. 33 al. 3 let. b LAT qui garantit une possibilité de recours auprès d’une autorité qui dispose d’un plein pouvoir de cognition. Dans cette affaire, le TF a retenu que le tribunal cantonal a violé l’art. 33 al. 3 let. b LAT en se limitant à l’arbitraire sans examiner le règlement communal à la lumière du droit fédéral. Une simple interprétation littérale du règlement communal comme unique motif permettant de retenir qu’est seule admissible l’orientation majoritaire, à l’exclusion de toute autre, ne suffit pas. Le droit fédéral aurait dû être pris en compte, tant par l’autorité communale que par l’autorité cantonale. Cette prise en compte aurait dû conduire tant les autorités communales que cantonales à privilégier les intérêts à l’utilisation de l’énergie solaire au détriment des considérations esthétiques. Dans ce cas, l’orientation nord-sud ferait baisser la production d’énergie solaire de 30% ; le TF parvient à la conclusion que le règlement communal doit être compris comme enjoignant l’orientation nord-sud ou est-ouest des faîtes selon les cas. La cause est renvoyée devant l’autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Art. 18 LPN, Art. 17 LAT

Ordonnance sur les zones alluviales d’importance nationale. Sur recours de plusieurs organisations, le TF examine une nouvelle planification visant notamment la réalisation d’un sentier pédestre moyennant en particulier une modification de la localisation et du périmètre de la zone de protection naturelle existante. Le chemin pédestre litigieux s’inscrit d’une part dans une zone listée par l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP) et se trouve d’autre part dans une zone alluviale d’importance nationale. Le TF retient que la nouvelle planification ne permet pas de garantir la protection des zones alluviales et partant ne respecte pas les conditions imposées par le droit fédéral et doit par conséquent être annulée. En outre, la zone abrite le chevalier guignette, une espèce protégée et fortement menacée en Suisse, et espèce typique de la zone alluviale. Le sentier contesté en l’espèce ne présente pas, pour le TF, un intérêt public prépondérant justifiant l’octroi d’une dérogation au principe de la conservation. Sur le plan procédural, le droit cantonal prévoit un régime favorisant les organisations de protection de la nature dans l’exercice de leur droit de recours contre un plan d’affectation communal par rapport aux particuliers. Là où ces derniers doivent recourir auprès de l’exécutif cantonal, les organisations en sont dispensées et peuvent se contenter d’attendre que le dossier soit pendant devant l’exécutif cantonal pour approbation pour se manifester. Dans cet esprit favorisant, il n’est pas contraire au principe de l’égalité des armes (art. 29 al. 2 Cst.) que les organisations puissent ajouter des griefs et ainsi élargir l’objet de la contestation au stade d’un second échange d’écritures devant l’exécutif cantonal.

Art. 16 LAT al. 1, Art. 37a OAT, Art. 43 OAT al. 1, Art. 6 OBat, Art. 9 OBat, Art. 10 OBat, Art. 11 OBat

Protection des biotopes ; inventaire fédéral des sites de reproduction des batraciens d’importance nationale. Dans cette affaire, après avoir admis qu’une autorisation de construire est requise pour l’extension, la transformation et le changement d’affectation d’un bâtiment de collecte et de recyclage, le TF examine si celle-ci peut être délivrée en application des dispositions relatives aux constructions et installations à usage commercial en dehors de la zone à bâtir et non conformes à l’affectation de la zone, en particulier l’art. 43 al. 1 OAT, qui requiert une pesée des intérêts. En l’espèce, la zone touchée par l’autorisation litigieuse se trouve notamment être inscrite dans l’inventaire fédéral des sites de reproduction des batraciens d’importance nationale. En cela, et même si le canton n’a pas pris les mesures prescrites par la loi en termes de protection et d’entretien, il convient d’examiner l’admissibilité du projet à la lumière des objectifs de protection fixés à l’art. 6 OBat. Le TF retient que le projet n’est pas compatible avec la protection du biotope de reproduction des batraciens et qu’aucune autorisation dérogatoire ne peut être délivrée dans la mesure où les intérêts supérieurs de la conservation de la nature prévalent.

Art. 2 LAT al. 1, Art. 15 LAT, Art. 18 LAT, Art. 27 LAT

Selon l’art. 27 LAT, en l’absence d’un plan d’affectation ou si une adaptation d’un tel plan ne s’impose pas, l’autorité compétente a la possibilité de prévoir des zones réservées dans des territoires exactement délimités ; dès lors rien ne doit être entrepris à l’intérieur de ces zones qui puisse entraver une planification à venir. Dans cet arrêt, le TF retient que la création d’une zone réservée avait pour unique objectif de maintenir le surdimensionnement de la zone à bâtir et en aucun cas de garantir une future planification. En outre, à l’échéance du délai de cinq ans, prévu à l’art. 27 al. 2 LAT, les zones réservées sont à nouveau constructibles et cela sans prise en considération des besoins prévisibles pour les quinze années à venir conformément à l’art. 15 al. 1 LAT. Le plan contesté dans le cadre de ce recours est ainsi non seulement contraire à l’art. 27 LAT mais également à l’art. 15 LAT.