Art. 4 LRECA/VD ; 35 al. 1 let. b LAT ; 29 al. 1 Cst.
Responsabilité de l’Etat en matière de planification du territoire ; examen limité à la question de l’illicéité. Selon l’art. 4 LRECA/VD, la collectivité publique répond du dommage que ses agents causent à des tiers de manière illicite. En présence d’un dommage purement économique, la violation d’une norme ayant pour finalité la protection du bien juridique lésé (illicéité de comportement) est requise pour admettre l’illicéité. En l’espèce, le comportement reproché à l’autorité constitue une omission, l’examen de son caractère illicite revient donc à examiner si la règle en question imposait à la commune de prendre, en faveur du lésé, la mesure omise. En l’occurrence, la norme vise à assurer que le territoire soit planifié conformément à la législation fédérale dans un laps de temps déterminé et non à protéger les propriétaires fonciers contre la survenance éventuelle d’un préjudice patrimonial en lien avec un retard de planification. En revanche, en relation avec l’art. 29 al. 1 Cst., la Haute Cour estime que si sa violation est constatée dans le cadre d’un recours pour déni de justice, l’existence d’un acte illicite susceptible d’engager la responsabilité de la collectivité peut être retenue sans arbitraire. En l’espèce, l’omission présente un caractère individualisé et concret la rapprochant davantage de la décision que d’un acte législatif. Ainsi, l’autorité inférieure est tombée dans l’arbitraire en niant le caractère illicite du déni de justice constaté. La violation de l’art. 29 al. 1 Cst. suffit à elle seule pour retenir que la condition d’illicéité est remplie.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 75b Cst. ; régime transitoire ; art. 26 Cst. ; indemnité pour expropriation
En premier lieu, le Tribunal fédéral tranche la question du destinataire de la demande d’indemnisation. A ce titre, il retient qu’il n’y a pas lieu de s’écarter du principe selon lequel la requête doit être adressée à la collectivité ayant ordonné la restriction, à savoir la commune et cela, indépendamment du fait que la demande d’indemnisation repose sur l’art. 75b Cst. Partant, la demande doit être adressée à la commune, cas échéant à la commission cantonale constituée ad hoc. Quant au fond, la question était de savoir si le refus de délivrer une autorisation de construire sur la base d’une restriction en matière de résidences secondaires représentait une atteinte grave au droit de propriété assimilable à une expropriation matérielle et pouvant ainsi faire l’objet d’une indemnisation. Le Tribunal fédéral rappelle que l’ensemble de l’ordre juridique tend à dresser les contours du droit de propriété et que nul n’est en droit de faire valoir un droit « au gel de l’ordre juridique ». Une nouvelle définition du droit de propriété peut dans certains cas entraîner des effets similaires à une restriction et exceptionnellement atteindre des propriétaires de la même façon qu’une expropriation de sorte qu’une indemnité devrait être accordée lorsque le passage au nouveau droit entraîne des inégalités crasses que le législateur n’avait pas envisagées et déploie des conséquences trop rigoureuses pour certains particuliers. En l’espèce, le recourant échoue à démontrer dans quelle mesure la modification de l’étendue du droit de propriété le touche de manière plus grave qu’un autre propriétaire, d’autant plus qu’il conserve la possibilité de construire en résidence principale.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 26, 36 Cst. ; 16, 22 LAT
Distance à la limite de la zone agricole. Dans le cadre d’un projet de construction d’une route en zone à bâtir, mais à la limite de la zone agricole, le Tribunal fédéral examine si une distance entre la construction et la zone agricole doit être respectée. A ce titre, il retient que l’emplacement seul du projet ne permet pas d’apprécier la conformité du projet à la zone, mais qu’il convient de tenir compte des impacts prévisibles (approche fondée sur l’impact). Dans une telle hypothèse, les dispositions spécifiques des deux zones doivent être respectées. La nuisance sur l’utilisation des terres agricoles cultivées, le type d’utilisation, les conditions topographiques, l’ampleur de la construction projetée notamment sont autant d’éléments à prendre en considération pour examiner si la construction projetée en zone à bâtir a des impacts sur la zone agricole. En l’absence d’éléments lui permettant d’apprécier l’utilisation de la zone agricole notamment, le Tribunal fédéral renvoie la cause devant le tribunal de première instance. Au demeurant, notons que les juges de Mon-Repos soulignent que des normes cantonales instaurant des limites minimales pour les frontières zonales seraient souhaitables afin d’assurer la sécurité juridique et l’égalité de traitement.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 50 al. 1, 29a Cst. ; 2 al. 3 LAT ; 238 PBG/ZH
Autonomie communale ; clause d’esthétique. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral précise le pouvoir d’examen de l’autorité de recours en matière d’appréciation de notions juridiques indéterminées en droit de la construction, en l’espèce portant sur la clause esthétique. En somme, l’autorité de recours peut s’écarter de la solution communale si cette dernière a outrepassé la liberté d’appréciation relevant de son autonomie. Il en va ainsi si la décision communale n’est objectivement pas justifiable, si l’autorité n’est pas partie du sens et du but de la disposition appliquée, s’il y a eu violation des principes d’égalité et de proportionnalité, et dans tous les cas si elle est arbitraire. En matière d’esthétique, les intérêts esthétiques locaux, les intérêts publics et privés à la réalisation du projet doivent être mis en balance afin de respecter le principe de la proportionnalité. En exigeant pour des raisons esthétiques une réduction de l’indice d’utilisation de masse, l’autorité doit se reposer sur des intérêts publics prépondérants, insuffisants en l’espèce, de sorte que le Tribunal fédéral rejette le recours communal sur ce point.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 2 al. 1 let. b, 6, 8 LPN ; 19 LEaux ; 14 LAT
Plan d’affectation spéciale ; normes environnementales. Dans cet arrêt, il est revenu au Tribunal fédéral de déterminer si les normes relatives à la protection de la nature et du paysage s’appliquent en amont d’un projet de construction concret, c’est-à-dire au stade du plan de quartier. Le Tribunal fédéral retient à cet égard qu’en raison du niveau de détail du plan, celui-ci correspond en partie à un permis de construire. Le plan, en précisant de manière contraignante les possibilités de construire, acquiert les mêmes effets qu’un permis de construire dont la légalité ne pourra plus être vérifiée ultérieurement de sorte qu’il convient d’appliquer les dispositions sur la protection de la nature et du paysage déjà à ce stade du projet.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 15, 38a LAT ; 30 al. 1bis, 52a OAT
Modification d’un plan d’aménagement communal ; création de nouvelles zones à bâtir ; dispositions transitoires. Sur recours de l’ARE, le Tribunal fédéral analyse la conformité d’un plan d’aménagement local prévoyant la mise en zone à bâtir avec une faible densité de six parcelles sises en périphérie de la zone construite. L’adoption du plan est intervenue entre l’entrée en vigueur de la révision de LAT et l’adoption du plan directeur cantonal de sorte que les règles ordinaires du droit de l’aménagement du territoire relatif au classement en zone à bâtir, en particulier l’art. 15 LAT, mais également les exigences plus restrictives du droit transitoire (38a LAT et 52a OAT) sont applicables. La condition d’équivalence entre les surfaces classées et déclassées est laissée indécise dans la mesure où dans un contexte de surdimensionnement notoire de la zone à bâtir, les règles ordinaires de l’aménagement du territoire ne sont déjà pas respectées. La localisation du projet en périphérie de la zone à bâtir, mais également l’indice d’utilisation réduit de la zone projetée vont à l’encontre du droit fédéral préconisant une densification. Soulevé par le Service cantonal du développement territorial l’argument de « l’identité jurassienne » accordant une place privilégiée à la villa individuelle ne permet pas de faire obstacle à l’exigence, aujourd’hui cardinale, de la densification vers l’intérieur du milieu bâti.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 16a al. 1, 16abis LAT ; 34 al. 3, 34b al. 5 OAT
Autorisation de construire en zone agricole ; détention et utilisation de chevaux ; logement destiné à la génération qui prend sa retraite. Le Tribunal fédéral a dans cet arrêt examiné la relation entre l’art. 34 al. 3 OAT, qui déclare conformes à la zone les constructions destinées au logement de la génération qui prend sa retraite, et l’art. 34b al. 5 OAT, qui prescrit que la construction de nouveaux bâtiments d’habitation en rapport avec la détention et l’utilisation de chevaux n’est pas admissible. Il a retenu que le développement de l’activité équestre d’une exploitation agricole ne permet pas de justifier, par la suite, le besoin de disposer d’un logement pour la génération qui prend sa retraite.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 22 LPE et 31, 39 OPB
Lorsque même en présence des mesures prévues à l’art. 31 al. 1 let. a et b OPB, les valeurs limites d’immission (VLI) ne sont pas respectées, le permis de construire ne sera délivré qu’après l’assentiment de l’autorité cantonale et pour autant que l’édification du bâtiment présente un intérêt prépondérant. Une telle autorisation dérogatoire nécessite une pesée d’intérêt pour laquelle le seul intérêt du propriétaire foncier d’assurer une meilleure utilisation de son bien-fonds ne suffit pas. L’utilisation projetée, l’ampleur des dépassements des VLI, la possibilité d’élever le degré de sensibilité de la zone, l’agencement des logements prévus, les impératifs liés à l’aménagement du territoire, tels que le comblement d’une brèche dans le milieu bâti, la densification des surfaces destinées à l’habitat, l’urbanisation vers l’intérieur du milieu bâti sont autant d’éléments à prendre en compte au moment de la pesée d’intérêts. En outre, a été déterminant en l’espèce le fait que le projet litigieux bénéficie d’un contexte particulier, à savoir de se trouver dans la zone urbaine d’une agglomération présentant un besoin accru en nouveaux logements. Dans ces circonstances, l’appréciation de l’autorité ayant délivré l’autorisation dérogatoire n’apparaît pas critiquable au sens de l’art. 31 al. 2 OPB.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 18, 24d, 25 LAT ; 33, 39, 43a OAT ; 9 al. 2 LRS
Construction hors zone à bâtir ; résidence secondaire ; zone de maintien de l’habitat rural. L’arrêt concerne la transformation d’une étable sise dans une zone de maintien de l’habitat rural selon la terminologie cantonale. Le Tribunal fédéral retient premièrement que l’étable se situe dans une zone non constructible et deuxièmement qu’en raison de l’espace trop important entre les constructions qui ne sont par ailleurs pas des habitations, les conditions de l’art. 33 OAT permettant de la qualifier de zone de maintien de l’habitat rural ne sont pas remplies. La réaffectation demeure toutefois possible, mais uniquement aux conditions strictes de l’art. 24d al. 2 LAT et 39 al. 2 OAT (cf. art. 43a let. c OAT). Toutefois, en l’espèce, l’écurie ne présente pas un intérêt digne de protection et ne peut par conséquent pas être protégée pour elle-même. Même s’il était retenu qu’elle serait un élément caractéristique du paysage, l’art. 43a let. c OAT ne permet qu’une légère extension de l’équipement existant ; or la zone concernée n’est pas équipée de sorte que cette exigence ne peut être remplie. En outre, la LRS, en particulier l’art. 9 al. 2, représente une limite supplémentaire aux possibilités de réaffectation de ce type de construction. Par cet arrêt, le Tribunal fédéral met fin à une pratique contraire au droit fédéral et pourtant tolérée pendant des années.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 75b Cst. ; 6, 7, 14 LRS
Résidence secondaire ; abus de droit. Lorsqu’il s’agit d’examiner l’utilisation future d’une construction projetée, en particulier si elle sera effectivement utilisée à titre de logement principal, les circonstances concrètes du cas sont déterminantes. L’emplacement, la zone, l’accessibilité durant l’année, la distance par rapport au lieu de travail, la conception structurelle du point de vue de son utilisation à l’année, le prix et les circonstances personnelles de celui qui entend y vivre sont autant d’éléments à prendre en compte. Lorsque les futurs locataires ne sont pas connus, il convient d’examiner la situation du marché immobilier et prioritairement la demande en logement principal répondant aux mêmes caractéristiques que le projet en cause. En présence d’une demande manifestement insuffisante, sous réserve de garanties sérieuses et concrètes d’acquisition par des résidents permanents, le permis de construire ne doit pas être délivré. Est sans pertinence le fait que l’initiateur du projet supporte le risque de ne pas trouver preneur. En l’espèce, à l’exception de la mention « use as first home », le projet conçu initialement comme des résidences secondaires n’a subi aucune modification, les infrastructures initialement planifiées sont restées identiques (espace bien-être, fitness, hammam et jacuzzi). Tout en reconnaissant que ces infrastructures n’excluent pas de facto une utilisation à titre de logement principal, le Tribunal fédéral se réfère à d’autres éléments pour retenir l’abus de droit, en particulier, le prix de vente en relation à la taille modeste (trois pièces), l’emplacement du projet, l’écart au centre-ville, le type de quartier (composé uniquement de résidences secondaires), le manque d’équipement de la zone en matière de transport en commun, mais encore l’offre existante (et prochaine) dans la commune pour ce type de biens, l’absence de croissance démographique prévisible et finalement l’absence de vente sur plan auprès des résidents locaux.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 18 ss LCdF
Compétence de l’OFT pour l’approbation des plans d’un aménagement routier ; existence d’un lien suffisant avec un projet ferroviaire. Selon l’art. 18 LCdF, les constructions ou installations servant exclusivement ou principalement à la construction ou à l’exploitation d’un chemin de fer (installations ferroviaires) relèvent de la compétence de l’OFT dont l’approbation couvre toutes les autorisations requises par le droit fédéral. En l’espèce, il revenait au Tribunal fédéral de déterminer si un aménagement routier pouvait être considéré comme une « construction ou installation servant exclusivement ou principalement à la construction ou à l’exploitation d’un chemin de fer ». Selon la concession octroyée à l’entreprise de transport, la réalisation de deux lignes de transports en sites propres impliquait la fermeture de la rue à la circulation automobile de sorte que l’aménagement routier litigieux était conçu comme une mesure d’accompagnement destinée à absorber le trafic dévié et permettant ainsi le bon fonctionnement de l’ensemble du réseau. Dès lors, l’existence d’un lien suffisant entre les deux aménagements doit être admise et justifie de soumettre l’ensemble du projet à la compétence de l’OFT par le biais d’une procédure d’approbation fédérale unique.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret
Art. 679a et 684 CC par analogie
Expropriation des droits de voisinage ; demande d’indemnisation ; immissions causées par des travaux sur un ouvrage d’intérêt public ; condition de la gravité de l’atteinte. Selon l’art. 679a CC, lors de travaux de construction, le voisin doit tolérer les nuisances inévitables et excessives entraînant un dommage, mais peut demander le versement de dommages-intérêts et même si le dommage est purement économique. Lorsque les nuisances inévitables émanent de travaux sur un ouvrage d’intérêt public, le droit privé s’efface au profit de l’expropriation des droits de voisinage. Le Tribunal fédéral rappelle sa jurisprudence en matière de travaux, le juge de l’expropriation applique par analogie les règles du droit privé sans que les conditions de l’imprévisibilité et de la spécialité ne soient examinées. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a l’occasion de se pencher sur la condition de la gravité du dommage et rappelle que l’ensemble des circonstances du cas concret doivent être examinées. En l’espèce, les travaux ont duré plus de deux ans, sans toutefois engendrer un bruit excessif, surtout qu’une autoroute est déjà exposée au bruit de base, et les travaux n’ont pas conduit à des dépenses supplémentaires ; l’accès à la station a néanmoins été fortement entravé pendant dix mois et même rendu impossible pendant deux mois. Le chiffre d’affaires de l’exploitant de l’aire d’autoroute a chuté pendant toute la durée des travaux et réaugmenté à la fin de ceux-ci. En l’occurrence, le Tribunal fédéral reconnaît l’existence de nuisances excessives qui dépasse les risques commerciaux normaux d’une aire d’autoroute, le lien de causalité étant facilement démontrable par l’évolution du chiffre d’affaires de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’il existe effectivement un cas d’expropriation des droits de voisinage.
Valérie Défago Gaudin, Séverine Beuret