Arbitrage

ATF 140 III 134

2013-2014

( c. A.Y. AG et B.Y. Inc.)

Recours contre la sentence préliminaire rendue par un tribunal CCI le 30 juillet 2013. Droit suisse applicable à la détermination de la portée objective de la clause d’arbitrage (art. 178 al. 2 LDIP) : volonté hypothétique des parties établie selon le principe de la confiance. L’existence et la validité de la clause d’arbitrage n’étant pas contestées, il convient de présumer que les parties ont voulu conférer une compétence étendue au tribunal arbitral (consid. 3.3.2). En l’espèce, la clause litigieuse est formulée de manière large : « any dispute or disagreement […] relating to or arising out of any provision of this Agreement».

Dès lors, la compétence des arbitres s’étend en principe aux litiges relatifs non seulement à la formation et à la validité du contrat principal, mais également à sa résolution. En vertu du principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage, la résiliation ou l’expiration du contrat principal n’est pas présumée emporter celle de la clause d’arbitrage.

Un accord des parties à cet effet ne peut être admis à la légère et doit être stipulé de façon claire et non équivoque. Interprétées selon le principe de la confiance, les dispositions contractuelles (autres que la convention d’arbitrage) auxquelles se réfère la recourante ne laissent pas apparaître la volonté présumée des parties de voir la résiliation ou l’expiration du contrat principal mettre fin à la compétence du tribunal arbitral (consid. 3.3.3). Des considérations d’utilité et d’efficacité, mais aussi d’ordre pratique, conduisent à la même conclusion (consid. 3.3.3-3.3.5). Recours rejeté.

ATF 140 III 75

2013-2014

(X. AG [société de droit suisse] c. Z. [société de droit français])

Recours contre la sentence rendue le 3 septembre 2013 par un arbitre unique ad hoc. Le contrat d’arbitre (receptum arbitri) est généralement qualifié de mandat sui generis. Cependant, le statut particulier de l’arbitre entraîne l’exclusion d’une bonne partie des règles régissant le mandat, y compris les conditions dans lesquelles celui-ci prend fin. Le contrat d’arbitre s’éteint normalement en même temps que l’instance, à savoir au moment où la sentence finale est rendue. Il peut toutefois se terminer de manière anticipée dans certaines situations, notamment en cas de récusation, révocation, destitution ou démission de l’arbitre (consid. 3.2.1).

Dans le cas d’espèce, il y a lieu de retenir que les parties ont conclu entre elles d’une part, et conjointement avec l’arbitre d’autre part, un accord tripartite en cours d’instance, prévoyant l’extinction prématurée du contrat d’arbitre au cas où la sentence ne serait pas rendue dans un délai précis (consid. 3.2.2). Une sentence rendue après l’expiration de la mission de l’arbitre n’est pas nulle mais annulable. A la lumière de la jurisprudence fédérale récente, ce vice de procédure doit être traité comme un motif de recours au sens de l’art. 190 al. 2 let b LDIP (et non de l’art. 190 al. 2 let a LDIP) (consid. 4.1). Recours admis.

TF 4A_118/2014

2013-2014

( Ltd. [société de droit chypriote] c. Y. Ltd. [société de droit chypriote])

Recours contre la sentence partielle rendue le 14 janvier 2014 par un arbitre unique CCI siégeant à Genève. L’arbitrabilité subjective, qui, au sens large, comprend le pouvoir de représentation des parties, relève du grief de l’art. 190 al. 2 let. b (consid. 3.1). Procédure d’arbitrage initiée par la titulaire d’une procuration émise par l’administrateur (Official Receiver) ad interim de Y. Ltd. (en liquidation). Anti-suit injunctions prononcées à l’encontre de la procédure d’arbitrage par la District Court de Limassol (consid. B.a.). « Sentence partielle » de l’arbitre admettant sa compétence, la capacité à être partie et à agir dans l’arbitrage de Y. Ltd. et la validité de la procuration en faveur de son conseil, à la lumière, pour ce dernier aspect, d’une décision rendue par la District Court de Limassol le 19 juillet 2013, reconnaissant qu’une autorisation judiciaire (ou des représentants des créditeurs) n’est pas requise pour l’érogation d’une procuration au procès par l’Official Receiver (consid. 3.2). Suspension de la procédure de recours par le TF, en attendant l’issue de l’appel déposé devant la Cour Suprême de Chypre à l’encontre de cette dernière décision de la District Court, la compétence de l’arbitre dépendant de la question préliminaire de la validité de la procuration du conseil de Y. Ltd. selon le droit chypriote (consid. 3.5).

TF 4A_124/2014

2013-2014

( SA [société d’Etat en charge des autoroutes et routes nationales] c. B. SA [société de droit français spécialisée dans les travaux routiers])

Recours contre la sentence partielle rendue le 21 janvier 2014 par un tribunal arbitral CCI. Reproche fait au tribunal de s’être reconnu compétent en violation du mécanisme préalable et obligatoire de recours à un Dispute Adjudication Board (DAB) ad hoc selon la clause 20.8 des Conditions Générales FIDIC applicables aux contrats de construction (1ère éd. 1999).

La règle in favorem validitatis de l’art. 178 al. 2 LDIP s’étend au choix du droit applicable à la validité d’une clause prévoyant un mécanisme de règlement des litiges préalable à l’arbitrage (consid. 3.3). Contrairement à l’avis des arbitres majoritaires, ladite clause institue une procédure impérative, en ce sens qu’elle doit être terminée pour que l’arbitrage puisse commencer.

Cela étant, le principe de la bonne foi commande que l’on tienne également compte des circonstances du cas d’espèce, y compris les spécificités de la clause litigieuse et le comportement de la recourante dans la phase préalable à l’arbitrage, pour déterminer si le tribunal a valablement été saisi alors que le DAB ad hoc n’avait pas pu être mis sur pied (consid. 3.4–3.5). Recours rejeté.

TF 4A_178/2014

2013-2014

( [cycliste professionnel] c. Nationale Anti-Doping Agentur Deutschland)

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 21 février 2014. Assistance judiciaire et accès à la justice : question de savoir si le recourant était en droit de résilier la convention d’arbitrage au motif que l’assistance judiciaire nécessaire à sa défense lui a été refusée par le TAS ; laissée ouverte (consid. 3-4 ; cf. le résumé de cet arrêt dans le chapitre Droit du sport du présent ouvrage).

TF 4A_232/2013

2013-2014

( SA [société de droit grec] c. Z Ltd. [société de droit anglais]) 

Recours contre la sentence rendue le 25 février 2013 par un tribunal arbitral CCI. Compétence du tribunal pour se prononcer sur la prétendue violation de la clause arbitrale résultant de la mise en œuvre par la recourante des tribunaux étatiques grecs, et pour connaître de la demande de l’intimée visant à obtenir des dommages-intérêts à titre d’indemnisation du préjudice qu’elle pourrait subir à la suite de ces actions : admise à la lumière du libellé de la clause arbitrale en cause et du droit anglais applicable au fond, permettant de qualifier une telle demande de prétention contractuelle relevant du champ d’application de la convention d’arbitrage (consid. 3.4.1). Recours rejeté.

TF 4A_305/2013

2013-2014

( AG [société de droit allemand] et X. Technologies S.A.E [société de droit égyptien] c. Y. [société de droit égyptien]) 

Recours contre la sentence rendue par un tribunal arbitral CCI le 6 mai 2013. Les parties peuvent convenir en tout temps de l’extinction de la convention d’arbitrage. Un tel accord n’est soumis à aucune forme particulière (consid. 3.2.1). Recours irrecevable du fait qu’en déclinant sa compétence le tribunal a constaté, en procédant à une interprétation subjective, la concordance des volontés réelles des parties de mettre un terme à la convention d’arbitrage, question de fait qui échappe à l’examen du TF dans le cadre d’un recours en annulation (art. 105 al. 1 LTF) (consid. 3.4). Pas d’entrée en matière.

TF 4A_450/2013

2013-2014

(X. c. Y. Engineering S.p.A. et Y. S.p.A.)

Recours contre la sentence finale rendue le 31 juillet 2013 par un tribunal arbitral CCI, niant sa compétence à l’égard de l’une des sociétés parties au litige (Y. S.p.A.) et rejetant les demandes reconventionnelles de la recourante dans la mesure où elles visaient cette société. En vertu du principe de la relativité des contrats, la clause d’arbitrage ne lie que les cocontractants. La jurisprudence admet toutefois que certaines situations peuvent faire exception à cette règle, notamment en cas de cession de créance, reprise de dette ou transfert de la relation contractuelle, voire dans les cas où un tiers s’étant immiscé dans l’exécution du contrat est reputé avoir adhéré à la convention d’arbitrage par actes concluants, ou encore les circonstances où une société mère agissant dans la confusion des sphères avec la société fille peut se voir imputer des obligations contractuelles souscrites par cette dernière (consid. 3.2). Thèse principale de la recourante faisant valoir que la société Y. Group, détentrice de Y. Engineering, avait adhéré par le biais d’une convention tripartite aux contrats contenant les clauses arbitrales litigieuses, en qualité de codébitrice de Y. Engineering à l’égard de X. (condition nécessaire pour que Y. S.p.A., constituée à une époque ultérieure, puisse être reconnue, elle aussi, comme partie contractante du fait qu’elle avait acquis une division (Y.D.) de Y. Group) : argumentation rejetée par le tribunal, précisant dans la sentence que la question subsidiaire de savoir si l’acquisition de ladite division avait entraîné le transfert des clauses d’arbitrage de Y. Group à Y. S.p.A. devenait sans objet du fait que la recourante n’avait pas établi qu’Y. Group avait adhéré aux contrats (consid. 3.5.1). Arguments supplémentaires dévoloppés par la recourante pour fonder la compétence du tribunal à l’égard d’Y. S.p.A., tous reposant sur les règles de la bonne foi, également rejetés (consid. 3.3.3). Or, sur le vu des faits retenus dans la sentence, interprétés selon le principe de la confiance (et indépendamment de la construction juridique à retenir pour fonder la conclusion correcte), c’est à tort que le tribunal a exclu sa compétence à l’égard de Y. S.p.A au motif que Y. Group n’était pas liée par les contrats litigieux. Y. Group doit donc se laisser opposer ces contrats et les conventions d’arbitrage qu’ils contiennent. Toutefois, savoir si X. peut opposer ces mêmes contrats à Y. S.p.A. dépend de la réponse qui sera donnée à la question subsidiaire des conséquences de l’acquisition de Y.D. par Y. S.p.A., laissée en suspens dans la sentence. Recours partiellement admis : annulation par le TF du ch. 1 du dispositif, sans constatation quant à la compétence (ou non) du tribunal à l’égard de Y. Sp.A., et renvoi de la cause aux arbitres pour qu’ils se déterminent sur cette question et les conséquences à en tirer, en effectuant les modifications ultérieures du dispositif, qui se rendraient nécessaires sur cette base (consid. 3.6).

TF 4A_597/2013

2013-2014

( Kft. c. B. GmbH)

Recours contre la sentence rendue le 1er novembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Zurich. La partie qui veut récuser un arbitre (art. 180 al. 2 LDIP), exciper de l’incompétence du tribunal arbitral (art. 186(2) al. 2 LDIP), ou qui se considère désavantagée par d’autres manquements du tribunal dans la conduite de la procédure, doit agir immédiatement, pendant l’arbitrage, donnant ainsi au tribunal l’opportunité de rémédier à d’éventuelles irrégularités en temps utile. A défaut, elle est forclose à se prévaloir des griefs correspondants dans le cadre d’un recours en annulation contre la sentence. En l’espèce, l’exception d’incompétence de la recourante, qui n’a pas été soulevée devant l’arbitre, est périmée (consid. 2.2) (voir également le résumé de cet arrêt sous art. 190 al. 2 let. d LDIP ci-dessous). Recours rejeté.