Arbitrage

(X. Ltd [société de droit turc] c. Z. Ltd [société ayant son siège à Kowloon (Hong-Kong)]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 février 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI, au terme d’une procédure accélérée au sens de l’art. 42 Swiss Rules.

Reproche fait à l’arbitre d’avoir rendu la sentence un jour après l’échéance du délai de six mois stipulé à l’art. 42(1)(d) dudit règlement, soit après que ses pouvoirs s’étaient éteints. En réalité l’arbitre a rendu la sentence le jour même de l’échéance du délai (soit six mois à compter du lendemain de la date à laquelle elle avait reçu le dossier de l’arbitrage, en accord avec l’art. 2(2) Swiss Rules), donc dans les temps (consid. 4.2.1-4.2.2). A supposer même que le délai ait été dépassé d’un jour, quod non, la situation où l’arbitre se serait par hypothèse trompé d’un jour en calculant le délai résultant du règlement d’arbitrage serait sans commune mesure avec celle sous-jacente à l’ATF 140 III 75, invoqué par la recourante, où l’arbitre n’avait pas respecté un accord passé avec les parties quant à la date de fin de sa mission, après que celles-ci lui avaient adressé de nombreuses mises en demeure - toutes restées sans effet (consid. 4.2.3). Recours rejeté.

(A. A.S. [société de droit turc] c. B. Co. Ltd. [société de droit irakien]). Recours contre la sentence partielle rendue le 11 avril 2016 par un Tribunal arbitral CCI.

Shareholders’ Agreement, contenant une convention d’arbitrage, conclu entre A. et D., actionnaires de B., amendé par des protocoles ultérieurs, dont un prenant acte du fait que E. avait succédé à D. suite au rachat des actions de cette dernière. Accords connexes contenant des clauses compromissoires divergentes. Dépôt d’une demande d’arbitrage par A. à l’encontre de E. et B. Sentence partielle portant déclaration d’incompétence du Tribunal à l’égard de B., ainsi que des prétentions de A. tirées des accords connexes. Question de la portée subjective de la convention d’arbitrage, examinée par le Tribunal arbitral au regard du droit suisse. La recourante tente en vain de remettre en question le processus d’interprétation par lequel le Tribunal est parvenu à mettre au jour la volonté réelle des parties, par une appréciation des preuves qui échappe au contrôle du TF dans le cadre d’un recours contre une sentence arbitrale internationale (consid. 3.2.1-3.2.2). Recours rejeté.

(A. Corporation, B. Company [sociétés détenues directement ou indirectement par l’Etat d’Egypte, actives dans le commerce du pétrole et du gaz naturel], désignées collectivement sous l’acronyme B., c. X. [société de droit égyptien], Y. Corporation Ltd [société de droit israélien, détenue par l’Etat d’Israël, active dans la production et commercialisation d’électricité]).

Recours contre la sentence rendue le 4 décembre 2015 par un Tribunal arbitral CCI. Complexe de contrats, tous soumis au droit anglais, conclus dans le cadre du Gas for Peace Deal passé entre l’Egypte et Israël en 2005, et relatifs à la fourniture et livraison de gaz à la société israélienne Y. par les deux sociétés égyptiennes B. et X. (cette dernière agissant en tant qu’intermédiaire entre B. et Y.). Plus spécifiquement, conclusion d’un contrat de fourniture entre B. et X., prévoyant l’arbitrage sous l’égide du Cairo Regional Center for International Commercial Arbitration (CRCICA) comme mode de résolution des différends, suivi d’un contrat de vente entre B. et X., prévoyant l’arbitrage CCI en cas de différend, et accompagné d’un accord tripartite (Tripartite Agreement) entre B., X. et Y., prévoyant lui aussi l’arbitrage CCI. Litige survenu suite à des retards de livraison, aggravés par les événements liés au mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Initiation de plusieurs procédures d’arbitrage, CCI et CRCICA. En l’espèce, reproche fait par B. au Tribunal CCI saisi par X. de s’être déclaré à tort compétent pour statuer sur le litige la divisant d’avec B. sur la base de la clause compromissoire contenue dans le Tripartite Agreement. L’existence d’une créance de X. envers B. au titre de cet accord (légitimation active de X.) constitue la condition sine qua non de la compétence du Tribunal CCI (consid. 3.4.1). Question à résoudre en interprétant l’art. 1 du Tripartite Agreement, clause substantielle non sujette au rattachement in favorem validitatis de l’art. 178 al. 2 LDIP, qui s’applique uniquement à la clause compromissoire, quand bien même l’art. 1 du Tripartite Agreement règle une question préliminaire pertinente pour déterminer la compétence du Tribunal (consid. 3.4.2). La méthode des recourantes, consistant à présenter six arguments distincts pour étayer leur grief fondé sur l’art. 190 al. 2 let. b LDIP est critiquable, car la question de la compétence suppose une appréciation globale de la situation juridique. Cela étant, les six arguments en question sont sans fondement (consid. 3.5.1). Recours rejeté (voir également les consid. 4.2-4.5 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).

(A., B. [sociétés de droit libyen] c. C. [société de droit libyen]). Recours contre la sentence incidente rendue le 15 mai 2016 par un Tribunal arbitral CCI.

Conclusion entre la première recourante (A.) et l’intimée (C., demanderesse à l’arbitrage) d’un contrat portant sur la construction d’un immeuble en Libye, soumis aux règles FIDIC et contenant une clause d’arbitrage CCI, suivi deux mois plus tard d’un Public Works Contract entre les mêmes parties, contenant une clause d’élection de for en faveur des tribunaux libyens. Dépôt d’une demande d’arbitrage par C. suite aux difficultés engendrées sur le terrain par le mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Exception d’incompétence soulevée par A. et B., qui avaient entretemps entamé une procédure judiciaire devant les cours libyennes, rejetée par le Tribunal arbitral dans un Interim award réglant également la question du droit applicable au fond. Recours au motif que le Tribunal aurait violé le droit d’être entendues de A. et B. dans l’instruction de la cause relative à la question de sa compétence (au sujet de l’admissibilité d’un tel recours, voir le résumé de l’ATF 140 III 477 dans l’édition 2014/2015 de cette chronique). La garantie du droit d’être entendu inclut certes la faculté pour chaque partie de présenter son argumentation juridique et moyens de preuve sur les questions à décider, à condition toutefois qu’une telle faculté soit exercée à temps et dans les formes requises (consid. 3.1.1). Or, les allégations et arguments que les recourantes reprochent au Tribunal d’avoir ignoré dans la sentence – outre le fait qu’en réalité le Tribunal ne les a pas ignorés, mais plutôt implicitement rejetés – ont été présentés de manière tardive dans l’arbitrage, en partie même après la clôture des débats (consid. 3.2.2-3.3.3). Par ailleurs, les recourantes sont forcloses d’invoquer le fait que B. n’aurait pas été partie au contrat FIDIC – de sorte que le Tribunal ne serait pas compétent à son égard –, car elles n’ont pas soulevé l’objection correspondante dans l’arbitrage (consid. 3.4). Recours rejeté.

(X. SA [société de droit français] c. La République socialiste du Vietnam]). Recours contre la sentence finale rendue le 28 septembre 2015 par un Tribunal arbitral CNUDCI.

Notion d’investissement au sens du Traité bilatéral d’investissement (TBI) conclu entre la France et le Vietnam en 1992. Il n’existe à ce jour aucune définition universellement acceptée de cette notion dans les traités de protection et promotion des investissements. C’est donc à raison que le Tribunal s’est focalisé, lors de l’examen de sa propre compétence, sur le texte du TBI topique. Compte tenu de l’expérience et renommée internationale des arbitres en question (reconnues par les deux parties), le TF ne s’écartera pas sans nécessité de leur opinion unanime sur ce point, bien qu’il jouisse d’une pleine cognition à cet égard (consid. 3.4.1). Le Tribunal arbitral a interprété l’art. 1(1) TBI (définissant les investissements protégés) en conformité avec les principes d’interprétation de l’art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. C’est donc à bon droit qu’il a décliné sa compétence pour connaître de la demande de la recourante, qui n’entrait pas dans les prévisions du TBI ainsi élucidées (consid. 3.4.4). Le moyen pris de la violation de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP tombe à faux. Recours rejeté (voir également le consid. 4.3.1 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP).

(A. GmbH [société allemande] c. B. Inc. [société grecque]). Recours contre la sentence finale rendue le 18 octobre 2016 par un Tribunal arbitral CCI, au motif que ce dernier se serait déclaré à tort compétent.

Contrat de vente stipulant que « [a]ll disputes arising out of or in connection with this agreement shall be finally settled […] by the International Chamber of Commerce of Geneva, under the Rules of Conciliation and Arbitration of the International Chamber of Commerce […] ». Clause arbitrale pathologique, désignant une institution qui n’existe pas. Interprétation selon le principe de la confiance, faute pour le Tribunal arbitral d’avoir pu établir la volonté réelle et commune des parties. C’est à bon droit que le Tribunal a conclu que la référence à l’« International Chamber of Commerce of Geneva » devait être comprise comme la soumission à un tribunal CCI ayant son siège à Genève, compte tenu en particulier du choix (clair) des parties d’avoir un arbitrage régi par le Règlement CCI, et sachant qu’il ne va pas de soi qu’une institution tierce (en l’espèce, selon l’argumentation de la recourante, la Swiss Chambers’ Arbitration Institution), accepte d’administrer une procédure conduite sous un règlement autre que le sien, ce qui aurait de toute évidence créé des difficultés. Rappel du principe voulant que l’interprétation selon le principe de la confiance doive viser un résultat rationnel ; il n’y a pas lieu de présumer que les parties auraient opté pour une solution inadéquate (consid. 3.3). Recours rejeté.

(Fédération X. c. Z. Sàrl), destiné à la publication aux ATF. Recours contre la sentence incidente sur compétence rendue le 18 janvier 2013 par un Tribunal arbitral constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie.

Actionnée dans l’arbitrage, la Fédération X. a soulevé cinq exceptions d’incompétence distinctes. Le Tribunal arbitral a décidé de scinder la procédure et de n’examiner, dans la première phase, que les motifs afférents à trois de ces cinq exceptions, les deux exceptions résiduelles devant être traitées en même temps que le fond du litige. Sentence écartant les trois exceptions examinées dans cette première phase. La sentence attaquée est donc une sentence incidente sur compétence au sens des arts 186 al. 3 et 190 al. 3 LDIP, qui a la particularité d’être ‘partielle’ du fait qu’elle ne se prononce que sur une partie des exceptions d’incompétence soulevées par la recourante. La recevabilité d’un recours qui ne tranche que partiellement la question de la compétence du tribunal arbitral n’a pas, à ce jour, été examinée par le Tribunal fédéral et la doctrine spécialisée. Cette question met en exergue la tension existante entre le principe de l’économie de procédure, voulant qu’un recours contre une décision sur compétence soit intenté immédiatement, sous peine de forclusion, et le principe selon lequel le Tribunal fédéral, autorité judiciaire suprême du pays dont la mission principale est d’assurer l’application uniforme du droit fédéral et garantir le respect des droits fondamentaux, ne devrait pas avoir à connaître à plusieurs reprises d’une même affaire, qui plus est en matière d’arbitrage, une méthode privée de règlement des conflits n’intéressant qu’un nombre limité d’initiés en Suisse, et pour des raisons tactiques ou résultant de la manière dont les arbitres choisissent de conduire la procédure. Pour répondre à la question, il convient de se référer à la disposition topique, soit l’art. 190 al. 2 let. b LDIP, lequel requiert, pour que le grief correspondant puisse être invoqué, que le tribunal arbitral ait rendu une décision au sujet de sa compétence, en d’autres termes qu’il ait tranché de manière définitive cette question. Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque le Tribunal arbitral pourrait encore se déclarer incompétent une fois qu’il aura examiné les deux exceptions réservées pour la phase au fond du litige (consid. 3.2.1-3.2.2). Le recours est donc irrecevable. Cela étant, lorsque le Tribunal aura statué définitivement sur sa compétence, il va de soi que sa décision pourra être attaquée par la recourante, y compris pour les trois motifs ayant été écartés dans la sentence incidente ici examinée, sans que celle-ci puisse voir s’imputer un comportement contraire aux règles de la bonne foi (consid. 3.3).