Pour apprécier l’activité inventive, les avantages (d’une solution) ne doivent être pris en compte dans la formulation du problème à résoudre que si l’homme du métier peut déduire l’effet prétendu revendiqué des documents déposés initialement en tenant compte de l’état de la technique le plus proche ou si cet effet est indiqué dans les documents déposés initialement. La proposition d’une alternative évidente à une solution technique existante ne suffit pas, il faut qu’elle représente une amélioration de la solution existante (consid. 5.2.3).
Vincent Salvadé, Steve Reusser, Yves Bauer, Nathalie Tissot, Daniel Kraus, Christophe Schaub
Pour que la condition de l’activité inventive soit remplie, la combinaison par l’homme de métier de différentes publications ne doit pas être évidente. Le fait que deux publications, d’auteurs différents, figurent dans un même ouvrage, n’implique pas nécessairement que leur combinaison serait à tel point évidente que la condition de l’activité inventive ne serait pas remplie (consid. 2.3.4).
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La requérante reproche à l’instance inférieure d’avoir violé l’art. 26 al. 1 let. c LBI et l’art. 123 al. 2 CBE en considérant que le brevet en cause avait été étendu de manière inadmissible par rapport à la première demande, ce qui a conduit à la nullité du brevet en cause (consid. 7). Selon l’art. 26 al. 1 let. c LBI, le tribunal doit constater sur demande la nullité d’un brevet si l’objet du brevet va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version pertinente pour la date de dépôt. Le motif de nullité de l’art. 138 al. 1 let. c CBE a donc été transféré au droit national (ATF 146 III 177, consid. 2.1.1). Ces deux dispositions sont liées à l’art. 123 al. 2 CBE, qui restreint l’admissibilité des modifications dans la procédure de dépôt. Par conséquent, la demande de brevet européen et le brevet européen ne peuvent pas être modifiés de manière à ce que leur objet s’étende au-delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée (cf. également l’art. 58 al. 2 LBI). Cette disposition vise à empêcher le titulaire du brevet d’améliorer sa position en revendiquant la protection d’un objet qui n’a pas été divulgué dans la demande initiale. Il faut empêcher le demandeur d’introduire des modifications ou des développements ultérieurs dans la procédure de demande et d’obtenir ainsi un droit de protection qui est évalué par rapport à l’état de la technique au moment du dépôt. L’interdiction de telles modifications vise à assurer la sécurité juridique : le public ne doit pas être surpris par des revendications de brevet qui n’étaient pas prévisibles sur la base de la version initialement déposée (ATF 146 III 177, consid. 2.1.1 et 2.1.2). Dans ce contexte, l’objet du brevet ne doit pas être confondu avec l’étendue de la protection au sens de l’art. 69 CBE telle que déterminée par les revendications du brevet. L’objet du brevet au sens de l’art. 123 al. 2 CBE inclut tout ce qui a été divulgué dans la description et les dessins. Selon la jurisprudence des chambres de recours de l’Office européen des brevets (OEB), cette disposition n’autorise une modification postérieure au dépôt que dans le cadre de ce que l’homme du métier peut déduire directement et sans ambiguïté de l’ensemble des documents de la demande tels qu’ils ont été initialement déposés, en utilisant les connaissances techniques générales – objectivement en se référant à la date de dépôt. Cette norme de référence est appelée « gold standard » (ATF 146 III 177, consid. 2.1.3 avec références) (consid. 7.1.1). Une modification inadmissible peut consister tant en l’ajout qu’en l’omission d’informations (ATF 146 III 177, consid. 2.1.3). Selon la jurisprudence constante des chambres de recours de l’OEB, il n’est généralement pas permis, lors de la modification d’une revendication, d’extraire une caractéristique isolée d’une série de caractéristiques qui, à l’origine, n’étaient divulguées qu’en combinaison les unes avec les autres (par exemple, dans la description d’un mode de réalisation particulier). Une telle modification constitue une généralisation intermédiaire en ce que, bien qu’elle limite davantage l’objet revendiqué en soi, elle concerne néanmoins une combinaison non divulguée de caractéristiques qui est plus large que le contexte initialement divulgué (décision de la chambre de recours technique T 219/09 du 27 septembre 2010 consid. 3.1 ; selon cette jurisprudence, une telle généralisation intermédiaire ne peut être justifiée que s’il n’existe aucun lien fonctionnel ou structurel clairement perceptible entre les caractéristiques de la combinaison spécifique ou si la caractéristique isolée n’est pas inextricablement liée à ces caractéristiques (à cet égard, les décisions des chambres de recours techniques T 2489/13 du 18 avril 2018 consid. 2.3 ; T 1944/10 du 14 mars 2014 E. 3.2 ; T 219/09 du 27 septembre 2010, consid. 3.1). Elle n’est donc admissible que si l’homme de métier peut indubitablement constater, à partir de la demande telle qu’elle a été initialement déposée, que la caractéristique singularisée n’a pas de lien étroit avec les autres caractéristiques de l’exemple de réalisation, mais se rapporte directement et sans ambiguïté au contexte plus général (décisions T 2489/13 du 18 avril 2018 E. 2.3 ; T 2185/10 du 21 octobre 2014 E. 4.3 ; T 962/98 du 15 janvier 2004 E (consid. 7.1.2). En vertu de l’art. 68 al. 2 LTF, la partie qui succombe est généralement tenue de rembourser à la partie gagnante tous les frais nécessaires occasionnés par le litige, conformément au tarif du TF. L’art. 1 du Règlement du 31 mars 2006 concernant l’indemnisation des parties et la rémunération de la représentation officielle dans les procédures devant le TF (RS 173.110.210.3) prévoit que l’indemnité à laquelle la partie gagnante a droit en vertu de l’art. 68 LTF comprend les honoraires d’avocat (let. a) ainsi que les autres frais nécessaires engendrés par le litige (let. b). Compte tenu du pouvoir d’examen limité du TF (cf. art. 95 ss et art. 105 LTF), les coûts liés à l’intervention éventuelle d’un conseil en brevets dans la procédure de recours au TF doivent être considérés comme compensés par le tarif réglementaire. Il faut tenir compte du fait que les conseils en brevets – contrairement aux procédures devant le TF des brevets (art. 29 LFTB [RS 173.41]) – ne sont pas admis à représenter les parties dans les procédures de recours devant le TF (art. 40 al. 1 LTF) (consid. 8).
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Un conseil en brevets qui agit en tant que juge peut être considéré comme partial indépendamment du fait que le mandat ait ou non un lien factuel avec l’objet du litige. Le juge est également considéré comme partial si, en tant qu’avocat, il représente ou a représenté l’une des parties au litige dans une autre procédure ou si un tel rapport existe ou existait avec la partie adverse dans la procédure en cours (consid. 4.2.2). La partialité peut également apparaître lorsqu’un autre avocat dans le même cabinet a déjà été mandaté plusieurs fois par l’une des parties, a fortiori dans le cas d’une relation permanente. En effet, le client s’attend non seulement à ce que son avocat respecte ses obligations envers lui, mais que, dans une certaine mesure, il en soit de même pour les autres avocats au sein du cabinet (consid. 4.2.3). Toutefois, certaines situations ne peuvent remettre en cause l’impartialité du juge. Tel est le cas d’activités purement administratives, à condition que l’intensité de la relation ne puisse susciter de crainte de partialité. Cette intensité est appréciée sur la base des circonstances objectives du cas d’espèce (consid. 5.2). Dans le cas d’un brevet européen, l’activité du représentant de la partie suisse du brevet qui se limite à fournir un domicile de notification pour la correspondance de l’OEB ou d l’IPI, est purement administrative. Dans pareille situation, le conseil en brevets joue un rôle d’intermédiaire passif et non de représentation active ou de conseil. Dès lors, l’examen de l’impartialité ne se fait pas de manière aussi sévère que dans le cas d’une activité de conseil (consid. 6.2). En outre, même s’il existe des directives internes en la matière comme celles du TFB, elles n’ont pas de valeur normative, mais sont utiles au juge afin qu’il évalue sa partialité. Dès lors, un motif de récusation s’apprécie uniquement à la lumière de l’art. 47 CPC en tenant compte des principes découlant de l’art. 30 al. 1 Cst. (consid. 6.3).
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Le recours en matière civile est en principe recevable contre les jugements du TF des brevets, sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. e LTF et art. 75 al. 1 LTF) (consid. 1). Toutefois, dans les cas d’erreurs d’écriture ou de calcul que vise l’art. 334 CPC, la voie du recours en matière civile n’est disponible qu’après l’échec d’une demande de rectification. En l’espèce cependant, l’objet du recours en matière civile (annulation du jugement du TFB et nullité complète du brevet concerné) ne recoupait pas une hypothétique demande en rectification (reproduction dans le dispositif du jugement du TFB de l’ensemble des nouvelles revendications du brevet limité par la défenderesse et intimée), de sorte que le recours en matière civile est recevable (consid. 2). La renonciation partielle à un brevet est prévue par les art. 24 et 25 LBI. Elle permet au titulaire de conserver certains éléments du brevet menacé de nullité, lorsque les revendications se révèlent formulées de manière trop large, en méconnaissance de l’état de la technique. Elle suppose une modification des revendications dans le cadre des modalités prévues par l’art. 24 LBI. Elle s’accomplit en principe par une requête adressée à l’IPI, mais peut intervenir aussi devant le tribunal saisi d’une action en nullité. Ce tribunal doit alors vérifier si les revendications nouvellement énoncées réduisent valablement la portée du brevet litigieux. Parce que cette vérification nécessite de constater et d’apprécier aussi des faits, la renonciation partielle au brevet litigieux est assimilée à l’introduction de faits ou de moyens de preuves nouveaux dans le procès civil. La renonciation partielle doit donc intervenir avant la clôture de la phase de l’allégation ; elle ne peut intervenir plus tard qu’aux conditions de l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. En l’espèce, la phase de l’allégation s’est terminée avec la réplique pour la demanderesse et avec la duplique pour la défenderesse (2e échange d’écritures selon les art. 225 et 229 al. 2 CPC). La renonciation partielle déclarée au stade de la duplique était inconditionnellement recevable. Si la demanderesse voulait contester la validité de cette renonciation, notamment au regard de l’art. 24 LBI, ou contester la validité de la partie restante du brevet consistant dans les revendications nouvellement énoncées par la défenderesse, sur la base de faits non encore allégués mais dont l’allégation se justifiait objectivement aux fins de ces constatations, ladite allégation lui était encore permise par l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. La renonciation partielle au brevet litigieux équivaut à un acquiescement partiel à la demande en justice. C’est pourquoi le TFB, alors même qu’il rejetait l’action en nullité et aussi l’action en cession du brevet, a réparti les frais judiciaires entre les parties et compensé les dépens (consid. 3). Les moyens développés à l’appui du recours en matière civile ne sont pas mentionnés dans le jugement attaqué et encore moins discutés dans ce jugement. Les précédents juges n’y discutent que les moyens soulevés à l’encontre du brevet dans son état antérieur à la renonciation partielle. Celle-ci a de toute évidence introduit une modification très importante de l’objet du litige. Ni le Code de procédure civile, ni la LTFB ne prévoient explicitement une procédure appropriée à cette situation. D’ordinaire, toutefois, une renonciation partielle est apte à permettre une simplification du procès. A première vue, il eût été opportun de rendre une décision incidente selon l’art. 237 CPC sur les conclusions en renonciation partielle articulées par la défenderesse, puis d’inviter la demanderesse à recentrer son argumentation. Une pareille solution pouvait s’inscrire dans le cadre de l’art. 125 CPC car cette disposition n’énumère pas limitativement les mesures de simplification du procès. Selon la jurisprudence relative à l’art. 75 al. 1 LTF, les moyens soumis au TF doivent avoir été autant que possible déjà soulevés devant l’autorité précédente ; à défaut, ils sont irrecevables. Cette exigence n’est en l’occurrence pas satisfaite. L’argumentation développée dans le cadre du recours est nouvelle et elle ne s’impose pas en raison des motifs du jugement attaqué. La demanderesse ne paraît pas avoir été empêchée de la soulever déjà devant le TFB, notamment au stade des débats principaux. Elle a simplement omis de le faire. Le recours en matière civile se révèle par conséquent irrecevable dans la mesure où il tend à la nullité du brevet litigieux (consid. 4). La valeur litigieuse est un des critères de fixation de l’émolument judiciaire à percevoir par le TFB selon l’art. 31 al. 1 à 3 LTFB. Cette valeur est aussi l’un des critères de fixation des dépens qu’une partie doit à une autre partie, le cas échéant, selon les art. 4 et 5 du tarif prévu par l’art. 33 LTFB. La valeur litigieuse doit être elle-même estimée conformément à l’art. 91 al. 2 CPC lorsque, comme en l’espèce, l’action intentée devant le tribunal ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée. L’issue du litige ne saurait influencer l’estimation litigieuse et il importe donc peu qu’en définitive le brevet soit éventuellement jugé nul. Pour le surplus, la valeur économique du droit d’exclusivité qui est l’enjeu du brevet et de la contestation est sans aucun doute un critère d’estimation pertinent à propos duquel le TFB dispose d’un pouvoir d’appréciation (consid. 5).
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