Droit du travail

Fonction publique ; droit public ou droit privé, statut, nature des rapports de travail ; la Cst. féd. ne règle pas la nature juridique des rapports de travail des employés des collectivités publiques. Les motifs qui plaident en faveur du rapport de droit public résident notamment dans la nature particulière de l’Etat et des tâches exercées par son personnel, les contraintes constitutionnelles qui pèsent sur l’Etat employeur, ainsi que l’absence de besoin d’un recours au droit privé. Aussi bien la doctrine majoritaire privilégie-t-elle le droit public pour régler les rapports de travail du personnel de l’Etat tout en admettant, avec plus ou moins de restrictions, la possibilité de recourir aux contrats de droit privé pour certains salariés. Il n’existe donc pas d’exclusion générale du recours au droit privé pour réglementer les rapports de travail du personnel étatique (rappel de jurisprudence, consid. 3.1). Pour sa part, le TF, sans se prononcer sur le point de savoir si les cantons peuvent de manière générale soumettre les rapports de travail qui les lient à des collaborateurs au droit privé, a précisé qu’un tel engagement de droit privé suppose en tous les cas qu’il trouve un fondement dans une réglementation cantonale (ou communale) claire et sans équivoque et qu’il ne soit pas exclu par le droit applicable. Pour déterminer si un rapport juridique relève du droit privé ou du droit public, on ne peut pas se fonder sur la qualification juridique utilisée par les parties ; ce qui est décisif, c’est le contenu réel du rapport de droit. Si une autorité est partie audit rapport de droit, le droit public est présumé applicable ; en outre, les conditions d’engagement dans le secteur public sont en principe fixées par des décisions soumises à acceptation (rappel de jurisprudence, consid. 3.2). Aux termes de l’art. 130 Cst./JU, l’Eglise réformée évangélique du Jura (EREJU) est reconnue collectivité de droit public. Conformément à l’art. 131 al. 2 Cst./JU, l’EREJU s’est donné une Constitution. En l’espèce, les parties ont conclu un contrat de travail qui était expressément stipulé conclu « selon les bases légales du Code des obligations ». L’art. 42 al. 3 de l’ordonnance concernant les ecclésiastiques de l’EREJU permet à une paroisse d’engager un collaborateur paroissial dont l’engagement se conclut selon le droit civil. Il s’agit là d’une base légale claire permettant l’engagement de certains collaborateurs selon le droit privé. Il n’y a rien d’insoutenable à compter les concierges/sacristains comme des collaborateurs pouvant être engagés selon le droit privé, à la différence des personnes assumant un ministère pastoral ou diaconal, dont le statut est exhaustivement réglé par l’ordonnance concernant les ecclésiastiques. A l’instar de celle d’un responsable de déchetterie, la tâche d’un concierge/sacristain n’a pas une nature telle qu’elle ne pourrait être confiée qu’à une personne soumise à un statut de droit public (consid. 5.2.1).

Congé immédiat ; justes motifs ; le jugement du TAF est annulé en tant qu’il confirme l’existence de justes motifs de résiliation immédiate des rapports de travail et la cause est renvoyée à l’autorité précédente pour nouvelle décision :

  • Dès lors que, sur le plan juridique, l’existence d’un harcèlement psychologique au travail est admise à des conditions précises qui n’incluent pas toutes les situations subjectivement stressantes, il apparaît légitime pour l’employée de solliciter l’avis professionnel d’un mandataire et une décision motivée de l’employeur. S’il est vrai que des allégations de harcèlement psychologique et la procédure qui s’ensuit ne sont pas neutres sur les relations de travail, elles ne constituent pas en l’espèce à elles seules un motif suffisant pour résilier le contrat avec effet immédiat (consid. 8.1).
  • Compte tenu des caractéristiques de la maladie dont la recourante souffre (sclérose en plaques) et de ses évaluations annuelles satisfaisantes depuis un certain temps, les retards dans la transmission des certificats médicaux revêtent une importance mineure et ne remplissent pas les conditions pour une résiliation immédiate des rapports de travail selon l’art. 10 al. 4 LPers (consid. 8.2).

Egalité hommes-femmes ; harcèlement sexuel ; selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l’art. 4 LEg ; la répétition d’actes ou l’accumulation d’incidents n’est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (consid. 3.1.1). La prétention à l’indemnité en cas de harcèlement sexuel, prévue par l’art. 5 al. 3 LEg, se dirige toujours vers l’employeur et ne dépend ni d’une faute de sa part, ni d’un dommage matériel ou d’un tort moral éprouvé par la victime du harcèlement. L’indemnité est fixée en fonction de toutes les circonstances, c’est-à-dire en équité selon l’art. 4 CC. Les circonstances à prendre en considération se rapportent en particulier à la gravité de la violation et à l’importance de l’atteinte à la personnalité causée par le harcèlement sexuel compte tenu de son intensité et de sa durée. Une faute de l’employeur peut également jouer un rôle lors de la fixation de l’indemnité, notamment si l’on peut admettre qu’il avait des raisons de craindre un comportement importun d’un de ses employés, par exemple en raison des antécédents de celui-ci, ou s’il a été dûment informé des faits. L’indemnité revêt en effet un caractère pénal ; son aspect punitif vise à rendre un manque de prévention du harcèlement sexuel économiquement inintéressant pour les entreprises ; n’ayant pas le caractère de dommages-intérêts, ni celui de réparation morale, l’indemnité introduite à l’art. 5 al. 3 LEg est un droit supplémentaire à distinguer d’une éventuelle indemnité pour tort moral au sens de l’art. 49 CO (consid. 3.3.1). Parmi les éléments à prendre en considération pour fixer l’indemnité au sens de l’art. 5 al. 3 LEg figurent avant tout la nature du harcèlement sexuel subi, son intensité et sa durée. Si une intention de nuire peut peser comme facteur de gravité du harcèlement sexuel, l’absence d’une telle intention ne saurait en atténuer le caractère inadmissible : sauf lorsqu’il s’agit d’établir l’existence d’un chantage sexuel, la motivation de l’auteur est sans pertinence pour la qualification du harcèlement sexuel (consid. 3.3.4). Casuistique des montants accordés par les juges (consid. 3.3.2). En l’espèce, les propos tenus à l’encontre de l’employée étaient par exemple : « Si elle a réussi, c’est parce qu’elle a couché ! » ; « Pour moi, les femmes sont biologiquement faites pour fonder un foyer, s’occuper de la cuisine, de l’aspirateur et des devoirs... » ; « Moi, ma femme, il est exclu qu’elle conduise ma voiture ! » ; ou encore « Elle ferait mieux de retourner aligner les catalogues dans une agence de voyages plutôt que de nous faire chier dans notre caserne ! ». Ces actes de harcèlement verbal et non physique (avec violence ou menace) sont une circonstance objective justifiant de considérer que ces actes n’atteignent pas un niveau de gravité comparable à celui des agressions sexuelles. Cela étant, le montant d’un mois de salaire octroyé par le TAF est insuffisant et la cause doit lui être renvoyée pour qu’il calcule un nouveau montant. L’atteinte à la personnalité inhérente au harcèlement sexuel doit avoir une certaine gravité objective pour que la victime ait droit à une réparation du tort moral au sens de l’art. 5 al. 5 LEg. En règle générale, une atteinte à la personnalité provoquée par des remarques et plaisanteries sexistes ne présente pas ce degré de gravité (consid. 4.2).