Protection de la personnalité ; protection des données ; état de santé. Lors d’un entretien d’embauche, le candidat doit répondre aux questions posées par l’employeur et lui fournir spontanément certaines informations (consid. 5.2.1). L’étendue et la portée de ces obligations sont controversées dans la doctrine et la pratique. D’une manière générale, l’employé est tenu de répondre conformément à la vérité aux questions qui ont un rapport direct avec le poste de travail et le travail à effectuer, si les informations demandées présentent un intérêt objectif direct pour la relation de travail spécifique, ce qui s’apprécie en fonction de la durée prévue des rapports de travail, des tâches à accomplir, du type d’entreprise et de la position future de l’employé dans celle-ci. Indépendamment du poste à pourvoir, le travailleur doit, dans le cadre de son obligation de révélation, communiquer de lui-même tout ce qui le fait apparaître comme (absolument) inapte à occuper celui-ci, et ce qui exclut en pratique ou entrave considérablement la fourniture de la prestation de travail de manière conforme au contrat (consid. 5.2.2). L’employeur peut donc avoir un intérêt légitime à obtenir des informations touchant la sphère personnelle du candidat, mais cela suppose un lien direct entre le renseignement requis, d’une part, et l’aptitude du candidat, sa disponibilité à l’emploi et l’exécution du contrat, d’autre part. Une telle connexité est également exprimée à l’art. 328b CO, qui n’autorise l’employeur à traiter des données concernant l’employé que dans la mesure où elles portent sur l’aptitude à l’emploi de ce dernier ou sont nécessaires à la bonne exécution du contrat de travail, et qui déclare applicables les dispositions de la LPD. Les questions relatives à une maternité future, à une infection HIV, aux opinions politiques ou aux orientations de choix de vie ne devraient en principe pas être admissibles ; il convient de réserver les situations particulières où ces éléments personnels présentent une importance dans les rapports de travail, par exemple l’existence d’une séropositivité pour du personnel soignant en contact direct avec des malades à plaies ouvertes en raison du risque d’infection, ou pour des entreprises à but idéal (Tendenzbetriebe) (consid. 5.2.3). La LPD s’applique au traitement de données par les organes fédéraux (art. 2 al. 1 let. b. LPD), lesquels sont en droit de traiter des données personnelles seulement s’il existe une base légale (art. 17 al. 1 LPD). A cet égard, les art. 27 ss LPers règlementent le traitement des données dans le cadre des rapports de travail et consacrent notamment le principe du lien entre les données collectées et le poste de travail lors du processus de recrutement. Lorsque la procédure d’engagement implique un examen par un médecin, seules les conclusions sur l’aptitude à exercer le travail envisagé peuvent être communiquées à l’employeur, le secret médical et la protection de la personnalité du candidat empêchant la communication d’un diagnostic médical. Même dans les professions présentant des exigences de sécurité accrues (p. ex. pilote d’avion ou conducteur de locomotive), le certificat médical pré-emploi doit se limiter à attester que la personne examinée est apte à accomplir le métier envisagé sans se mettre en danger elle-même ou autrui ; l’employeur n’a pas le droit de connaître les raisons de l’inaptitude ou de l’incapacité. En règle générale, l’employé n’est pas tenu de fournir spontanément des renseignements sur son état de santé. Les demandes de renseigner sur d’éventuels défauts génétiques ou maladies – respectivement un handicap – qui ne limitent pas l’exercice de l’activité professionnelle et qui ne sont pas contagieuses ne sont pas admissibles (consid. 5.2.4). En présence d’une question non admissible, contraire à la protection de la personnalité (art. 28 ss CC), à la protection des données, ou encore à l’interdiction de la discrimination au sens de la LEg, la doctrine majoritaire estime que le travailleur est autorisé à répondre de manière inexacte. Dans une telle constellation, l’employeur ne pourra pas se prévaloir d’une erreur essentielle pour mettre fin au contrat de travail et un licenciement revêtirait un caractère abusif (consid. 5.2.5). En l’espèce, les faits reprochés à l’employée consistent en l’absence de mention de sa maladie chronique dans le questionnaire médical soumis pendant la procédure de recrutement et en l’indication erronée que l’accident à l’origine de sa légère boiterie était survenu après l’entretien d’embauche. Les circonstances ne permettent pas de considérer, d’un point de vue objectif, que son comportement était de nature à rompre irrémédiablement le lien de confiance qui la liait aux intimés.
Jean-Philippe Dunand, Aurélien Witzig, Neïda de Jesus, Maeva Ciarleglio
Justes motifs ; comportement ; vie privée ; devoir de loyauté ; liberté d’expression. Est justifié le licenciement avec effet immédiat d’un fonctionnaire, ayant représenté la Suisse dans divers cercles internationaux, pour avoir « poster » en ligne qu’une décision du Conseil fédéral revenait à sauver des « profiteurs » avec l’argent du contribuable, ainsi que divers commentaires dégradants concernant des femmes. Le « Code de comportement » de la Confédération prévoit que « les employés exercent leur activité professionnelle de manière responsable, intègre et loyale. Ils veillent dans leur vie privée également à ne pas nuire à la bonne réputation, au prestige et à la crédibilité de la Confédération ». Les fonctionnaires peuvent mener une activité politique en dehors de leur service, avec retenue toutefois. Les limites de ce qui est autorisé s’apprécient au cas par cas en fonction des intérêts concrets en jeu. Il convient de tenir compte de la nature de l’activité hors du service ainsi que des tâches, de la position et de la responsabilité du fonctionnaire (consid. 6.2).
Jean-Philippe Dunand, Aurélien Witzig, Neïda de Jesus, Maeva Ciarleglio
Droit collectif ; liberté syndicale. Le droit des organisations syndicales de la fonction publique à être entendues sous une forme appropriée, découlant de la liberté syndicale garantie par l’art. 28 Cst., ne porte pas sur toute modification législative ou réglementaire concernant directement ou indirectement leurs membres. La portée de la modification doit avoir une influence significative sur les conditions de travail de ces derniers. Tel est en principe le cas lorsque le statut même des membres de la fonction publique est modifié, en particulier lorsque les règles sur la conclusion, l’objet et la fin des rapports de travail, ou d’autres normes concernant les rapports entre l’employeur et les membres de la fonction publique sont adaptées (cf. art. 356 al. 1 et 2 CO). En revanche, les dispositions législatives ou réglementaires qui portent sur l’organisation de l’Etat, d’un département ou d’un service n’ont souvent qu’une portée moindre sur les conditions de travail et ne concernent pas directement les rapports juridiques entre l’Etat et les membres de la fonction publique. On admettra donc que leurs effets sur les conditions de travail sont généralement insuffisants pour ouvrir un droit des organisations syndicales d’être entendues préalablement sous une forme appropriée, découlant de la liberté syndicale garantie par l’art. 28 Cst. Demeurent réservées des situations dans lesquelles les effets de la réorganisation sur les conditions de travail seraient particulièrement importants.
Jean-Philippe Dunand, Aurélien Witzig, Neïda de Jesus, Maeva Ciarleglio
Droit d’être entendu ; sanctions ; avertissement ; résiliation. On ne saurait admettre qu’une décision rédigée sous la plume de l’employeur constitue un moyen de preuve équivalent à un procès-verbal, dont l’exactitude des propos tenus a été approuvée par la signature de l’employé. Cet arrêt a fait l’objet d’une analyse par Me Marie-Gisèle Danthe publiée in Newsletter droitdutravail.ch septembre 2023.
Jean-Philippe Dunand, Aurélien Witzig, Neïda de Jesus, Maeva Ciarleglio