Droit fiscal

TF 2C_1039/2015

2015-2016

Art. 21 al. 2 LIFD

Valeur locative, déduction pour sous-utilisation.

Les époux A. sont les propriétaires d’une maison comprenant deux logements. Le plus petit des deux appartements est occupé par les assujettis et l’autre par la mère respectivement la belle-mère de ceux-ci. Cependant cette dernière décède le 24 novembre 2011 et le logement reste dès lors inoccupé. Ainsi à partir de la période fiscale 2012, l’autorité fiscale soleuroise ajoute au revenu des époux la totalité de la valeur locative de leur maison. Les contribuables contestent cette répartition au motif qu’ils n’utilisent que le 40 % de la surface totale de l’habitation et que l’appartement précédemment occupé par la mère respectivement la belle-mère est dans un état vétuste qui empêche sa location. En exigeant que la déduction pour sous-utilisation basée sur l’art. 21 al. 2 LIFD ne soit accordée que lorsqu’un immeuble, qui constitue le domicile de son propriétaire, est sous-occupé de façon effective et durable et que le contribuable n’a aucune influence directe sur cette sous-utilisation, le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence précédente qui institue que seules des circonstances objectives extérieures limitant l’usage par le propriétaire de son immeuble peuvent diminuer le rendement fiscal de celui-ci. Dans le cas d’espèce, le logement inoccupé de l’étage supérieur est, d’après l’inspection effectuée sur place, en état d’être loué mais n’a fait l’objet d’aucune démarche dans ce sens de la part des propriétaires. Par ailleurs, le fait que les recourants souhaitent effectuer d’importants travaux de rénovation (CHF 100’000) limitant l’usage de l’immeuble temporairement n’entre pas en ligne de compte. En effet, les contribuables tiennent cet appartement inoccupé afin de réaliser une opération immobilière et cela doit par conséquent être interprété comme une mise à disposition du bien pour leur propre usage. Ainsi, au vu des circonstances de l’affaire, la Haute Cour refuse une réduction de la valeur locative pour sous-utilisation de l’immeuble.

TF 2C_1155/2014

2015-2016

Art. 8, 11 et 14 LHID ; 10 et 11 ss LDFR

Indemnité pour « lucrum cessans », réalisation d’amortissements, différence entre la valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu et celui sur la fortune.

A. et B., un couple d’agriculteurs, exploitent des terres cultivables que le canton d’Argovie souhaite acquérir afin de pouvoir y construire une route. Après négociations, un accord prévoyant le dédommagement du couple est trouvé. La question principale de l’arrêt est de savoir si ce dédommagement est imposable, ou non. Pour le TF, il faut traiter différemment les prestations visant à remplacer un dommage subi ou futur (damnum emergens) et celles visant à indemniser un manque à gagner (lucrum cessans). Les premières ne représentant pas un accroissement de la fortune nette, elles ne sont, par conséquence, pas imposables. Cependant les secondes constituent au sens du droit fiscal des « revenus acquis en compensation d’une activité lucrative ». Ainsi, si le revenu est un versement en capital, comme dans le cas d’espèce, et qu’il intervient en remplacement d’une prestation périodique, l’art. 11 al. 2 LHID permet une dérogation au calcul du taux de l’impôt standard en prenant en compte le taux applicable si « une prestation annuelle correspondante était versée en lieu et place de la prestation unique ».

Notre Haute Cour rappelle également que l’on peut traiter une perte de valeur subie par les immeubles d’exploitation (actifs immobilisés) par un amortissement ordinaire. Par contre, pour le terrain, n’étant pas confronté à une baisse de valeur due à la vétusté et n’ayant pas une durée limitée d’utilisation, il ne peut en être autant. En ce qui concerne la valorisation des terrains utilisés à des fins commerciales, le droit harmonisé distingue les valeurs déterminantes pour l’impôt sur la fortune de celles pour l’impôt sur le revenu. Il peut donc y avoir des divergences entre les deux valorisations. Ce régime est applicable aux actifs d’une entreprise agricole, comme dans le cas d’espèce. Le dernier point de l’arrêt concerne un éventuel amortissement immédiat que voulaient faire les époux. Selon eux, il était correct de faire l’inscription immédiatement car ils allaient de toute manière transférer leur domaine à leur fils. Selon le TF, un amortissement « anticipé » n’est pas justifié, car ledit transfert est certes possible mais pas certain. La solution soutenue par les recourants est contraire aux principes de périodicité de l’impôt et de constance des amortissements. Le recours est donc rejeté par le TF.

TF 2C_156/2015

2015-2016

Art. 12 al. 1 LHID

Commerce professionnel d’immeubles, notion d’activité indépendante.

A. et B. acquièrent et aliènent ensemble un terrain. Ils soutiennent que les gains perçus proviennent de la réalisation de biens privés. Les instances cantonales ne suivent pas leur argumentation et leur prélèvent un impôt sur le gain immobilier dans le cadre de ces opérations. Le TF rappelle les critères utiles à la distinction entre les revenus provenant d’une activité indépendante et ceux qui découlent de la réalisation de biens privés. Il analyse le cas d’espèce à la lumière de ces critères. Il juge notamment que les recourants ont consenti aux risques commerciaux en prenant en compte les facteurs de rendements et qu’ils avaient assurément l’intention d’en retirer du profit. Notre Haute Cour parvient ainsi à la conclusion que les revenus en question provenaient d’une activité indépendante et exclut toute imposition sur les gains immobiliers.

TF 2C_182/2015

2015-2016

Art. 21 al. 1 lit. b LIFD ; 7 al. 1 LHID ; 25 al. 1 lit. b de l’ancienne loi d’imposition du canton d’Uri du 17 mai 1992

Moment de la prise en compte de la valeur locative.

A. achète le 15 avril 2009 un appartement de 5,5 pièces récemment achevé dans lequel elle n’emménage que le 1er juillet 2009. Alors que les autorités fiscales uranaises imputent au revenu la valeur locative de l’appartement dès la date de l’acquisition de celui-ci, la contribuable souhaite qu’elle ne soit prise en compte que depuis le 1er juillet 2009. Le Tribunal fédéral se range à l’avis de l’autorité fiscale en rappelant que, dès que l’actif immobilier est à la disposition pour l’usage propre de l’assujetti et qu’il est ainsi possible de l’utiliser, la valeur locative de celui-ci doit être ajoutée au revenu de la personne physique. En contrepartie, les intérêts hypothécaires acquittés par la contribuable réduisent ses revenus dès la mi-avril.

TF 2C_228/2015

2015-2016

Art. 4 al. 1 LHID ; 4 al. 1 lit. c de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI/VD, RS/VD 642.11)

Rattachement économique, commerce professionnel d’immeubles en cas d’acquisition d’immeubles par une société simple avec une société anonyme.

En 1998, X. (40 %) et Y. SA (60 %) créent une société simple dans le but d’acquérir des biens immobiliers dans le canton de Vaud. D’un commun accord, ces biens sont inscrits au registre foncier au seul nom de Y. SA. En 2006, souhaitant liquider la société simple, cette dernière décide de vendre les deux immeubles pour CHF 16’800’000 et verse à X., pour solde de tout compte, CHF 2’300’000 provenant de cette aliénation. L’administration fiscale vaudoise, considérant qu’il s’agit d’un revenu lié d’une part à la cession de biens immobiliers sis sur son territoire et d’autre part à l’exercice d’une activité de commerçant professionnel d’immeubles, impose le bénéfice perçu par X. comme un revenu d’activité lucrative indépendante de la période fiscale 2006. Alors que le recourant, domicilié dans le canton de Zurich, conteste tout rattachement économique au canton de Vaud, le Tribunal fédéral réfute cette dialectique au motif que selon l’art 4 al. 1 lit. c LI/VD, transposition extensive de l’art. 4 al. 1 LHID dans le droit cantonal, un tel rattachement doit être reconnu eu égard aux « droits personnels assimilables économiquement à des droits de jouissance réels » dont bénéficie X. Aussi le fait de participer concomitamment, à hauteur de 40 %, tant aux bénéfices et pertes de la société simple qu’aux produits de la vente des immeubles engendre une étroite connexité entre le gain réalisé par X. et les deux immeubles sis dans le canton de Vaud créant le rattachement économique nécessaire à l’imposition des bénéfices générés par la vente des biens immobiliers.

Le canton de Vaud appliquant un système dualiste en matière d’imposition des gains immobiliers, la Haute Cour conclut que, bien que le gain en question ait un caractère unique et que l’intervalle de temps entre l’achat et la vente des biens soit relativement long (8 ans), le fait que le contribuable ait financé entièrement l’opération d’acquisition par des fonds étrangers et qu’il soit professionnellement actif dans l’immobilier sont des indices suffisamment probants pour qualifier X. de commerçant professionnel d’immeubles et partant de considérer le gain immobilier comme un revenu imposable provenant de l’exercice d’une activité lucrative indépendante. Au vu des circonstances du cas d’espèce, les juges de Mon Repos estiment que les conditions pour qualifier l’activité de commerciale étaient remplies dès 1998. Par conséquent c’est bien la valeur d’acquisition des immeubles en 1998 qui doit être prise en compte pour le calcul du gain immobilier.

Enfin le TF rappelle au recourant que si le principe préconise qu’un bien, pour être inclus dans la fortune commerciale, se doit d’être la propriété du contribuable sur le plan du droit civil, il existe cependant des exceptions notamment lorsque l’assujetti exerce sur ledit bien une maîtrise comparable à celle d’un propriétaire.

TF 2C_27/2015

2015-2016

Art. 16 al. 1 et 3 LIFD

Impôt fédéral direct, imposition de l’héritier d’un immeuble, commerce professionnel d’immeubles.

A. A. cohérite de biens immobiliers qui appartenaient à ses ascendants depuis longtemps. De 2006 à 2010, les héritiers procèdent, d’une part, à la vente de 10 parcelles et, d’autre part, à la construction et à la vente de 3 blocs d’habitations. L’autorité fiscale cantonale rend une décision qui retient que les revenus de ces opérations proviennent d’une activité indépendante (commerce d’immeubles). Les époux A.A. et B.A. considèrent que ces gains en capital proviennent de l’aliénation d’éléments de la fortune privée, et qu’ils ne sont dès lors pas imposables en vertu de l’art. 16 al. 3 LIFD. Dans son jugement, TF rappelle que cette distinction a fait l’objet d’une riche jurisprudence et examine le cas d’espèce à la lumière des critères distinctifs que les tribunaux ont développés.

Le TF retient notamment que les contribuables ont planifié leurs opérations et qu’ils en ont retiré un gain conséquent. Il relativise le critère de la durée de possession des immeubles. En effet, les immeubles ayant d’abord été en zones non constructibles, le TF applique ce critère sans tenir compte de cette période. L’application de ces critères au cas d’espèce conduit le TF à retenir l’existence d’une activité de commerce professionnel d’immeubles.

TF 2C_279/2015

2015-2016

Art. 21 al. 2 et 32 al. 2 LIFD ; 9 al. 3 LHID

Utilisation effective du logement pour déterminer la valeur locative, prise en compte en tant que frais d’entretien des travaux rémunérés effectués par les parties liées.

A. est propriétaire d’une maison dans le canton de Soleure dans laquelle il y réside avec sa famille. Si initialement 6 personnes y habitaient, il ne reste selon le contribuable que 3 habitants en 2010. Pour cette raison, il souhaite que l’administration fiscale lui accorde pour la période fiscale 2010 une réduction de la valeur locative pour cause de sous-occupation conformément à l’art. 21 al. 2 LIFD. A ce titre, le Tribunal fédéral rappelle que la réduction ne doit être accordée que si l’immeuble, qui constitue le domicile de son propriétaire, est sous-occupé spatialement de façon effective et durable et que le contribuable n’a aucune influence directe sur cette sous-utilisation, soit notamment lorsque les enfants quittent définitivement la maison familiale ou lors d’un divorce ou du décès de l’un des époux. Son interprétation restrictive de l’art. 21 al. 2 LIFD interdit donc d’accorder la réduction en cas d’usage moins intensif de l’espace comme par exemple pour une chambre d’ami ou une résidence secondaire ou si cette sous-utilisation est temporaire comme dans le cas de la chambre d’un enfant restée inoccupée lors de son séjour à l’étranger. Dans le cas d’espèce, bien que la recourante argue que seules 3 personnes habitent la maison durant cette période, elle échoue à démontrer que la chambre gardée pour l’une de ses filles et la domiciliation de son frère n’impacte pas l’utilisation effective de l’espace. Ainsi la Haute Cour se range aux constatations de l’administration fiscale qui fait état de 5 personnes résidant à cette adresse et conclut qu’aucune sous-occupation ne peut être retenue selon le TF en effet, lorsque 5 personnes – voire 4 – occupent un espace il est d’usage qu’elles aient 9 pièces à disposition.

Enfin, A. souhaite que les travaux effectués par son frère et sa fille d’une valeur de CHF 2’600 (jardinage et rénovation d’une chambre) soient qualifiés de frais d’entretien et déduit de son revenu lors de la période fiscale 2010. Le Tribunal fédéral rappelle qu’en matière de « Gartenunterhaltskosten fallen somit, soweit sie nicht dem Unterhalt eines Grundstücks, sondern der Verschönerung des Gartens und damit persönlichen Bedürfnissen dienen, unter die Lebenshaltungskosten und hängen als solche nicht mit der Einkommenserzielung zusammen bzw. sind mangels ausdrücklicher Regelung nicht absetzbarfrais ». Par conséquent les frais relatifs au taillage des haies sont déductibles pour autant qu’ils soient démontrables. La contribuable échouant dans cette démonstration, ces derniers sont donc écartés tout comme les frais de nettoyage effectués par la fille du contribuable qui doivent être assimilés à une contribution alimentaire et non à un travail rémunéré ; celle-ci étant encore en formation au moment des faits.

TF 2C_325/2015

2015-2016

Art. 10 LIFD ; 530 ss. CO

Société simple tacite, commerce professionnel d’immeubles.

Le 18 juin 2010, A. et B. (25 %) forment avec C. (25 %) et D. (50 %) une société simple en vue d’acquérir et de revendre deux parcelles de terrains constructibles dans le canton de Nidwald. Conformément à ses statuts, seuls les recourants A. et B. apparaissent vis-à-vis de l’extérieur, ils forment donc avec leur deux autres associés une sous-catégorie de société simple, une société simple tacite. Institués en tant qu’« associés directeurs » d’une part et fiduciaires d’autre part, A. et B. acquièrent puis vendent, le 9 septembre 2010, les deux biens-fonds en question. Il en résulte un gain net de CHF 213’975 à répartir entre les différents partenaires. Les montants revenant à C. et D. sont versés à leur demande à X. SA (CHF 107’000) et Y. SA (CHF 53’476) dominées respectivement par D. et C.

Si l’administration schwytzoise des contributions, tout comme le tribunal administratif, ont jugé que l’ensemble des revenus générés par la société simple doit être attribué à A. et B., les recourants arguent eux que seuls 25 % de ceux-ci doivent leur être imputés. En matière de répartition du bénéfice de la société simple et plus particulièrement de la société simple tacite, le Tribunal fédéral rappelle que « le droit fiscal se base sur les réalités de droit civil, mais n’exclut pas une approche économique lorsque les normes fiscales présentent des motifs économiques». C’est pourquoi en vertu de leur organisation de droit civil les sociétés simples ne sont pas soumises elles-mêmes à l’impôt mais leur revenu est attribué proportionnellement aux associés de celles-ci (art. 10 al. 1 LIFD).

Ainsi la société simple tacite étant une forme particulière de société simple, cette répartition doit se faire non pas selon les rapports identifiables extérieurement mais bien selon les relations internes. En l’espèce, les statuts notariés du 18 juin 2010 ayant été transmis aux autorités fiscales, rien n’empêche d’après la Haute Cour une imputation du gain immobilier à la société de personnes et par là à l’ensemble de ses associés. Par conséquent la cause est renvoyée auprès des autorités fiscales afin qu’elles tiennent compte de la société de personnes pour la répartition de l’imposition.

TF 2C_42/2015

2015-2016

Art. 32 al. 4 LIFD

Détention de l’actif immobilier dans la fortune commerciale ou la fortune privée, critères déclenchant le transfert dans la fortune commerciale.

Par l’intermédiaire d’une société simple, A. (50 %) et D. (50 %) achètent le 16 février 2011 dans le canton de Soleure un immeuble comprenant 8 appartements d’une valeur de CHF 1’700’000. Pour cette acquisition, ils souscrivent non seulement une hypothèque de CHF 1’360’000 mais obtiennent également un prêt de CHF 300’000 du vendeur. A la fin de l’année 2012, l’actif immobilier est apporté à une société anonyme dont A. et D. sont les actionnaires à hauteur de 50 % chacun. A la suite d’importants travaux, l’immeuble est transformé en PPE afin d’être vendu à des tiers. Estimant que A. exerce une activité lucrative indépendante en qualité de commerçant professionnel d’immeubles, l’administration fiscale soleuroise lui refuse la déduction forfaitaire prévue par l’art. 32 al. 4 LIFD et partant n’admet que la prise en compte des frais d’entretien effectifs au motif que l’immeuble fait partie de la fortune commerciale du contribuable.

Au vu de la courte période de détention (moins de deux ans), d’un financement par fonds étrangers anormalement élevé (98 %), de l’utilisation d’une société simple pour effectuer la transaction, des liens personnels entre la société anonyme acquéreuse et A. (actionnaire de celle-ci à hauteur de 50 %) ainsi que de la transformation de l’immeuble en PPE à des fins commerciales, le Tribunal fédéral se range aux conclusions de l’instance précédente. Par ailleurs, la Haute Cour relève également qu’il suffit que les circonstances indiquent objectivement que l’acquisition initiale de l’immeuble est le premier pas vers la constitution ultérieure de la PPE pour que A. soit qualifié de commerçant professionnel d’immeubles dès la date d’acquisition de celui-ci. Par conséquent, les autorités fiscales n’ont donc pas à démontrer l’intention subjective de A. de revendre l’immeuble au moment de son achat.

TF 2C_625/2015

2015-2016

Art. 16 al. 1 et 23 let. d LIFD

Indemnité versée par le bailleur ; renonciation à l’exercice d’un droit ; réparation d’un dommage ou accroissement du patrimoine.

Depuis 1981, A. est locataire d’un appartement dans un immeuble que le propriétaire et bailleur souhaite démolir en 2008. Suite à l’audience devant la commission de conciliation en matière de baux à loyer, un accord est trouvé entre les parties qui prévoit notamment l’octroi d’un dédommagement de CHF 50’000 si A. déménage avant une certaine date. La contribuable s’étant exécutée, elle perçoit donc l’indemnité qui selon l’administration fiscale doit être qualifiée de revenu imposable. Cependant la recourante réfute cette dialectique au motif qu’il s’agit là d’une réparation d’un dommage qui partant ne peut être qualifiée de revenu. Selon le Tribunal fédéral, la contribuable ayant rempli les conditions de la transaction judiciaire en libérant les locaux dans les temps, elle perçoit de manière certaine une indemnité pour cette renonciation à son droit de résider dans ledit appartement. Par conséquent, le fait que le dédommagement soit certain – étant uniquement soumis à une condition temporelle – qualifie cette indemnité de revenu imposable au sens de l’art. 23 lit. d LIFD (concrétisation de la clause générale de revenu de l’art 16 al. 1 LIFD). En effet, l’indemnité versée constituait une incitation à quitter la maison locative au plus vite pour que le propriétaire puisse entreprendre les travaux planifiés. Il ne s’agissait ni d’une réparation d’un tort moral ni d’une réparation d’un dommage. Le patrimoine de la recourante a donc augmenté de CHF 50’000, faute de compensation d’une atteinte économique. Ce montant constitue donc bien un revenu imposable selon l’art. 16 al. 1 LIFD.

TF 2C_728/2015

2015-2016

Art. 18 al. 2 LIFD

Passage de la fortune commerciale à la fortune privée, moment du transfert.

Sur des biens-fonds (parcelles y et z) lui appartenant, B. exploite jusqu’en 1978 un garage qu’il remet, tout en restant propriétaire des murs, à son fils A. En 1983, ce dernier transmet mêmement l’activité à son propre fils, C. En 1996, B. décède et par acte de partage partiel, les hoirs de B. cèdent à A. les parcelles y et z. En 2002, C. vend à une société anonyme l’exploitation du garage. Cette cession déclenche pour l’administration fiscale valaisanne le transfert des parcelles de la fortune commerciale à la fortune privée de A. Fiscalement, une telle opération doit être traitée, selon l’art. 18 al. 2 LIFD, comme une aliénation. Si le contribuable, A., ne nie pas que les immeubles en question soient passés de sa fortune commerciale à sa fortune privée, il conteste, cependant, le moment du transfert. Ainsi, alors que l’administration le situe au moment de la vente du garage, l’assujetti argue que celui-ci a eu lieu bien avant cela, ce qui lui permettrait de faire valoir le délai de prescription de 5 ans de l’art. 120 LIFD. Dans ce contexte le Tribunal fédéral rappelle que le moment déterminant d’un tel passage est celui où le contribuable manifeste de manière claire et précise, expressément ou par actes concluants, vis-à-vis des autorités fiscales sa volonté de transférer l’élément de sa fortune commerciale à sa fortune privé.

A ce titre la Haute Cour précise que l’affermage, de manière générale, ne peut être assimilé à une aliénation que s’il apparaît comme irrévocable et que la reprise de l’exploitation par son propriétaire semble exclue. Par ailleurs lorsque l’affermage touche plus précisément une exploitation commerciale, celui-ci n’est considéré comme un transfert à la fortune privée qu’à la demande du contribuable (art. 18a al. 2 LIFD). De plus, les juges de Mon Repos précisent que « l’appartenance d’un bien à la fortune commerciale ou privée n’est pas modifiée par une dévolution successorale. Les actifs de la fortune commerciale du de cujus demeurent commerciaux auprès de ses héritiers ». Par conséquent ce n’est que lorsque les héritiers décident du transfert ou aliènent le bien qu’un revenu est reconnu au sens de l’art. 18 al. 2 LIFD, permettant à ces derniers de décider du moment de l’imposition. A n’ayant pas dûment adressé une déclaration expresse de volonté à l’autorité fiscale, les parcelles sont réputées faire partie de sa fortune commerciale jusqu’en 2002.

Enfin, le TF se range à la décision de la commission de recours qui conclut que la vente de l’exploitation du garage à un tiers constituait une mesure irrévocable qui excluait la reprise successive de l’exploitation par le propriétaire et provoquait partant le transfert des immeubles de la fortune commerciale à la fortune privée de A. durant la période fiscale 2002.

TF 2C_741/2015

2015-2016

Art. 20 al. 1 let. c LIFD ; 7 al. 1 LHID ; 21 al. 1 let. c de la loi d’impôt schwytzoise du 9 février 2000 (StG/SZ, RS/SZ 172.200)

Entreprise familiale de construction, prestations de l’entreprise aux actionnaires sans contrepartie, rendement de la fortune mobilière, avantages appréciables en argent.

A. A. et B. A. sont actionnaires de l’entreprise de construction A. AG à hauteur de 70 %. A. A. achète deux terrains et l’entreprise A. AG entreprend sur ceux-ci la construction d’une maison de retraite. L’administration fiscale cantonale considère que la totalité des coûts de la main-d’œuvre doit être ajoutée au revenu imposable du couple A. Le TF examine si les prestations de l’entreprise familiale envers les époux entrent dans le champ d’application de l’art. 20 al. 1 let c LIFD au titre d’avantages appréciables en argent. Le TF, relevant notamment que les époux n’ont fourni aucune contrepartie correspondante à l’entreprise A. AG, retient l’existence d’un avantage appréciable en argent.

TF 2C_851/2015

2015-2016

Art. 18 al. 1 et 2 LIFD ; 19 al. 2 et 3 de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l’imposition des personnes physiques (LIPP/GE, RS/GE D 3 08) ;

Transformation d’une entreprise individuelle en société à responsabilité limitée, non reprise de l’immeuble lors du transfert, moment du transfert de la fortune commerciale à la fortune privée de l’immeuble.

B. X. qui exploitait jusqu’alors une station-service, sur une parcelle de terrain lui appartenant sise dans le canton de Genève, sous la forme d’une raison individuelle, décide au 1er décembre 2010 de transformer cette dernière en Sàrl. Si l’ensemble des actifs sont transférés à la société nouvellement créée, le terrain lui reste la propriété de B. X. Par conséquent, conformément à l’art. 18 al. 2 LIFD, ce transfert du bien immobilier de la fortune commerciale du contribuable à sa fortune privée est assimilé à une aliénation et est partant imposé au titre de revenu de l’activité lucrative indépendante. Alors que l’administration fiscale considère que le passage de la fortune commerciale à la fortune privée a eu lieu durant la période fiscale 2010, les recourants contestent cette interprétation des faits en arguant que ce n’est qu’en 2011 que les actifs d’exploitation ont été transférés à la Sàrl.

Le Tribunal fédéral rappelle à ce titre que le moment déterminant pour le transfert « est celui où le contribuable manifeste de manière claire et précise, expressément ou par actes concluants vis-à-vis des autorités fiscales sa volonté de transférer l’élément en cause dans sa fortune privée». En l’espèce cette manifestation de volonté s’exprime d’une part par la non-reprise de la parcelle par la nouvelle entité, suivant en cela la jurisprudence antérieure de la Haute Cour (TF 2C_370/2014), et d’autre part par l’abandon de l’activité lucrative indépendante de B. X au 31 décembre 2010. Dès lors depuis cette date, l’intéressé a signifié à l’autorité de manière reconnaissable que l’immeuble, qui n’était pas repris par la Sàrl, passait de sa fortune commerciale à la fortune privée. Ainsi l’imposition doit avoir lieu au cours de l’année fiscale 2010 et non 2011.

TF 2C_910/2014*

2015-2016

Art. 16 al. 1 LIFD

Abandon de créance, revenu imposable, gain en capital privé.

La banque F. abandonne sa créance de CHF 1’000’000 en faveur de A. L’administration fiscale genevoise considère que ce montant constitue un revenu et ajoute ce montant au revenu imposable de A. D’après le contribuable, l’abandon de créance ne doit pas être apprécié à sa valeur nominale mais à sa valeur résiduelle « à l’aune de la solvabilité du débiteur». Dans son jugement, le TF rappelle que l’art. 16 al. 1 et 3 LIFD a pour but d’imposer « tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques ». Il note que l’abandon de créance a été accordé à la recourante sans contrepartie. S’en tenant à la lettre de l’art. 16 al. 1 LIFD et à la théorie corolaire de l’accroissement de la fortune nette, il ne suit pas cet argument. Aussi, le TF examine la question de savoir si l’abandon de créance représente ou non un gain en capital privé au sens de l’art. 16 al. 3 LIFD. Il rappelle que l’application de cet article doit rester exceptionnelle et confirme la jurisprudence antérieure en relevant notamment que l’existence d’une aliénation fait défaut dans le cadre d’un abandon de créance. Le TF rejette ainsi le recours et confirme que l’abandon de créance doit être imposé au titre de revenu.

TF 2C_995/2015

2015-2016

Art. 34 al. 1 lit. a de la loi d’impôt bâloise du 12 avril 2000 (StG/BS, RS/BS 640.1) ; 23 al. 1 et 25 al. 1 CC

Frais professionnels lors de l’exercice d’une activité dépendante.

A. obtient une place de travail en Suisse et déménage de Francfort (D) à Bâle (CH). Il garde cependant l’appartement qu’il loue en Allemagne, sa fille devant y finir sa scolarité et sa femme y résidant partiellement. Dans sa déclaration d’impôt, A. déduit CHF 30’240 au titre de loyer pour l’appartement conservé à l’étranger, ce que n’accepte pas les autorités fiscales bâloises. Devant le TF, A. maintient sa demande de déduction et, subsidiairement, invoque une déduction pour le logement bâlois de CHF 24’169.39. Notre Haute Cour retient tout d’abord que le logement supplémentaire francfortois est conservé pour des raisons familiales (et non professionnelles), le contribuable ne peut donc pas en demander la déductibilité. Les frais afférant au logement bâlois, qui constitue le nouveau logement familial, ne sont pas déductibles selon la logique du droit fiscal suisse. Par ailleurs, selon le TF, les frais liés au déménagement à Bâle sont une dépense privée, bien qu’ils soient effectués pour des raisons professionnelles. Par conséquent, ils sont non déductibles en vertu du § 34 al. 1 lit. a StG/BS. Le recours est rejeté.