Art. 35a de la loi d’impôt jurassienne du 26 mai 1988 (LI/RS JU 641.11) ; 127 al. 2 Cst.
Impôt minimal sur le revenu ; principes d’égalité, de solidarité et de capacité contributive.
La loi cantonale jurassienne sur les contributions prévoit à son art. 35a l’introduction d’un impôt minimal de CHF 50.- pour tous les citoyens, et cela, quels que soient leurs revenu ou fortune imposables sauf exception prévue expressément. La Cour Constitutionnelle du canton du Jura a jugé que cette imposition minimale violait doublement le principe de l’égalité de traitement. Car, en introduisant dans le barème d’imposition progressif un montant forfaitaire unique de CHF 50.- pour les revenus imposables de CHF 0.- à CHF 13'600.-, l’art. 35a LI crée, de fait, deux systèmes différents d’impositions sur le revenu, ce qui transgresse le principe d’unicité de la réglementation du barème, rompt l’égalité des rapports entre les tranches et est contraire au principe d’universalité de l’impôt, qui suppose que tous les contribuables soient imposés selon les mêmes règles légales.
Enfin à l’intérieur même de ce barème spécial « le montant de l’impôt n’est pas calculé en proportion des revenus imposables des contribuables concernés », ne tenant ainsi pas compte de leur capacité contributive. De surcroit, en faisant le rapport entre le montant forfaitaire et le revenu imposable, on constate un effet dégressif du taux, ce qui est formellement prohibé, car cela engendre une inégalité où « les plus démunis, proportionnellement, paient un impôt plus élevé que ceux qui le sont moins ».
Thierry Obrist, Delphine Yerly
Art. 5 al. 1 et 18 al. 2 aLAT ; 33 ss LCAT/RS NE 701.1
Avantage économique majeur ; contribution de plus-value ; zone d’utilisation différée ; zones réservées. Alors qu’une nouvelle modification du plan d’aménagement de la commune avait déjà été mise à l’enquête, un mois avant son approbation par le Conseil d’Etat, l’intimé a acquis des parcelles en zone réservée pour CHF 90.90 le m2, bien que le prix du terrain agricole soit de CHF 2.- le m2.
En s’appuyant sur l’ATF 132 II 401, le TF cherche à déterminer si, lors du nouveau classement, l’intimé a retiré un avantage économique majeur qui ouvre selon les art. 5 al. 1 aLAT et 35 al. 1 LCAT, l’obligation de s’acquitter d’une contribution de plus-value. Si certes, dans le cas d’espèce, l’on est face à une zone réservée discordant ainsi de l’état de fait typique de l’ATF 132 II 401 (zone d’utilisation différée) cette divergence n’est toutefois pas, selon le TF, « un élément à lui seul pertinent» permettant d’exclure l’application de cette jurisprudence.
Car il n’en reste pas moins que, lors de l’acquisition, l’affectation en zone à bâtir était de l’ordre du pratiquement certain et, dès lors, il existait une forte probabilité d’urbanisation confortée par le fait que, pour de la zone constructible, l’intimé a payé un prix objectivement réaliste. Ainsi au vu de ces éléments, le TF conclut que ce n’est pas l’intimé qui a retiré un avantage majeur du déclassement, mais bien le précédent propriétaire. Par ailleurs, le TF précise l’interprétation de l’art. 35 al. 1 LCA, en spécifiant que le débiteur de la compensation est le propriétaire bénéficiant de la plus-value et que l’art. 36 LCA « ne règle, quant à lui, que le moment déterminant pour fixer le montant de la plus-value ».
Thierry Obrist, Delphine Yerly
Art. 5 al. 1 et 18 al. 2 LAT ; 33 ss LCAT/RS NE 701.1
Compensation d’avantages et inconvénients majeurs qui résultent de mesures d’aménagement du territoire ; contributions de plus-value.
Le contribuable avait acquis en 1976 un bien-fonds de la commune de La Chaux-de-Fonds sis en zone agricole et faisant partie du domaine dont il est propriétaire avec son épouse. En 2013, l’autorité administrative ordonne le paiement d’une contribution de plus-value d’environ
CHF 90'000.-, ce à quoi le recourant s’oppose en faisant valoir que le fait que des installations équestres sont comprises dans l’exploitation agricole diminuerait la valeur vénale des terrains concernés en raison de restriction de vente qu’imposerait la LDFR. Cet argument est rejeté par le Tribunal fédéral qui relève que des exceptions à ces restrictions de vente sont prévues par le droit foncier rural et que, même si un morcellement peut ne pas être opportun en l’espèce comme le prétend le recourant, il n’en est pas moins objectivement possible et que la valeur des terrains doit par conséquent être déterminée indépendamment de leur intégration actuelle à l’exploitation agricole.
En conséquence, aucune violation de l’art. 5 LAT n’est constatée en l’espèce.
Thierry Obrist, Delphine Yerly
Art. 309e et 314 de la loi tessinoise des contributions publiques du 24 juin 1994 (LT/RS TI 10.2.1.1) ; 53a, 56, 57b LHID ; 8 al. 1, 49, 127 al. 2 Cst.
Simplification du rappel d’impôt en cas de succession ; dénonciation spontanée non punissable ; principe de la force dérogatoire du droit fédéral ; principes d’universalité, d’égalité de traitement et d’imposition selon la capacité économique.
Suite à une initiative parlementaire, le Grand Conseil du canton du Tessin a adopté, le 25 novembre 2013, deux dispositions transitoires à la loi cantonale sur les contributions, permettant tant aux personnes physiques que morales opérant une dénonciation spontanée entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année suivant l’entrée en vigueur de la modification législative, d’être non seulement exonérées de poursuite, conformément aux art. 53a, 56 et 57b LHID, mais également de se voir octroyer un rabais de 70% du taux de l’imposition. Les recourants considèrent que ces deux dispositions violent le principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 Cst.), car les prescriptions de la LHID régissant la dénonciation spontanée ne font aucunement mention d’un possible rabais sur le taux d’imposition lors du rappel d’impôt.
Sachant que pour introduire une dénonciation spontanée, selon les art. 56 al. 1bis et 57b al. 1 LHID, le contribuable doit s’efforcer de « s’acquitter du rappel d’impôt dû » et que l’art. 72i LHID impose une application directe de ces mêmes dispositions, le TF conclut donc que, malgré la large latitude laissée aux cantons dans l’établissement des barèmes d’imposition, la LHID ne donne, dans ce cas, aucune marge de manœuvre qui permettrait au droit cantonal d’introduire un tel rabais.
D’autre part, les recourants arguent que ces normes contreviennent aux principes d’universalité, d’égalité de traitement et d’imposition selon la capacité économique (art. 127 al. 2 et 8 al. 1 Cst.). Le TF rappelle que l’art. 127 Cst. est une objectivation de l’art. 8 Cst. auquel les cantons ne peuvent déroger lorsqu’ils prélèvent l’impôt. Ainsi, dès lors que la loi cantonale accepte que des personnes dont la situation est semblable soient imposées de manières différentes, en tolérant que l’une d’elles se voit imposée aux taux ordinaires alors que l’autre bénéficie d’une réduction de 70% de ce même taux, elle enfreint, de fait, le principe d’égalité de traitement en ayant introduit une inégalité systématique à l’égard d’une certaine catégorie de contribuables.
Enfin, lorsque la législation cantonale force l’assujetti faisant face à des difficultés économiques à s’acquitter de la totalité de l’impôt dû, tandis que celui qui se trouve dans une situation financière confortable, en s’étant soustrait à ses obligations fiscales, peut lui bénéficier, en plus de l’abandon des poursuites, d’une réduction de taux alors les principes d’universalité et d’imposition selon la capacité économique, sont transgressés. C’est donc pour l’ensemble de ces violations des principes constitutionnels que le TF décide d’annuler les modifications faites à la loi cantonale tessinoise sur les contributions publiques.
Thierry Obrist, Delphine Yerly
Art. 14 LHID ; 9 et 11 de la loi sur l’imposition des personnes physiques – impôt sur la fortune du 31 décembre 2009 (aLIPP-III ; RSGE D 3 13)
Évaluation de la valeur d’un bien immobilier pour l’impôt sur la fortune et l’impôt immobilier complémentaire genevois ; délai pour demander l’expertise.
Le contribuable, puis, suite à son décès au cours de la procédure, son hoirie, conteste la valeur prise en compte pour l’impôt sur la fortune et l’impôt immobilier complémentaire de deux parcelles agricoles sises dans le canton de Genève. Pour l’administration fiscale, si l’assujetti considérait que la valeur retenue pour ses biens n’était pas adéquate, il pouvait, conformément à l’art. 11 al. 5 aLIPP-III, demander une expertise jusqu’au 31 décembre de l’année en cause, démarche que le contribuable n’a pas entreprise. Le recourant conteste ce délai au motif qu’il ne figure pas explicitement à l’art. 14 LHID, mais seulement à l’art. 11 aLIPP-III. S’agissant, dans le cas présent, d’un impôt cantonal, le TF rappelle que le législateur fédéral laisse, dans ces circonstances, une certaine marge de manœuvre aux cantons.
Ainsi, hormis les règles contenues dans la LHID et les garanties de la Constitution fédérale, les cantons sont, pour le reste, libres d’organiser la procédure de fixation et de prélèvement comme ils l’entendent. L’art. 14 LHID ne prévoyant pas de règles d’harmonisation sur ces points, les cantons disposent d’une large autonomie, encore plus importante que celle dont ils disposent pour évaluer la fortune imposable. De ce fait, les art. 9 et 11 aLIPP-III ne contreviennent pas l’art. 14 LHID.
Thierry Obrist, Delphine Yerly
Art. 14 al. 2 LHID ; 40ss de la loi sur les contributions du canton de Zurich du 8 juin 1997 (StG/ZH ; RS 631.1)
Aliénation d’un immeuble agricole ; impôt complémentaire sur la fortune ; valeur vénale ; valeur d’acquisition.
Les héritiers de H vendent, à son décès, un terrain agricole d’une superficie de 11’409 m2 pour CHF 665.-/m2 (CHF 7’586’985). Ce bien agricole ayant été jusqu’alors imposé par rapport à sa valeur de rendement (CHF 11'409.-), son aliénation déclenche la perception d’un impôt complémentaire sur la fortune de la part des autorités zurichoise conformément aux arts. 14 al. 2 2e phrase LHID et 41 StG/ZH. Cet impôt est prélevé en fonction de la durée de possession, mais au maximum pour une période de détention de 20 ans.
Par ailleurs, l’art. 43 al. 2 StG-ZH stipule que le calcul de l’impôt complémentaire se base sur la différence entre les moyennes des valeurs de rendements et des valeurs vénales du début et de la fin de la période déterminante, en l’occurrence, dans ce cas, la moyenne entre la valeur d’il y a 20 ans et celle d’aujourd’hui. La législation fiscale cantonale reprenant dans son ensemble les prescriptions de l’art. 14 al. 2 LHID, le TF précise que l’on ne peut ni faire recours à la notion de valeur vénale de la LDFR ni à celle de l’imposition sur la fortune (art. 39 al. 2 StG-ZH), car l’art. 43 StG StG-ZH est très précis concernant les modalités de calcul de l’impôt complémentaire. L’instance précédente s’étant appuyée sur la valeur réelle de marché (CHF 665.-/m2) pour déterminer la valeur vénale du bien aujourd’hui, elle a dès lors appliqué correctement l’art. 43 StG-ZH et par conséquent n’a pas fait preuve d’arbitraire.
S’agissant de la valeur vénale d’il y a 20 ans, le TF suit le raisonnement de l’instance inférieure qui a utilisé le coût d’acquisition de l’impôt sur le gain immobilier (CHF 430.-/m2) pour déterminer cette valeur. Car, lorsqu’aucun prix d’acquisition n’est identifiable, l’impôt sur les gains immobiliers se fonde, pour son calcul, sur la valeur vénale d’il y a 20 ans. Cette valorisation leur étant favorable dans le contexte de l’impôt sur les gains immobiliers, les contribuables l’ont accepté. Comme nul n’est admis à se prévaloir de ses propres contradictions au détriment d’autrui (« venire contra factum proprium »), ils ne peuvent donc pas maintenant, dans le cadre de l’impôt complémentaire sur la fortune, contester la valeur préalablement établie.
Thierry Obrist, Delphine Yerly
Art. 34 al. 2 BauG/RS BE 713.100 ; 19 al. 2 et 22 al. 2 RPG
Contribution bernoise de raccordement aux eaux usées sur une parcelle déjà viabilisée.
Le recourant est propriétaire d’une parcelle sur laquelle se trouve une habitation et pour laquelle il a obtenu un permis de construire lui permettant de raser celle-ci et d’en construire une nouvelle. Dans le même temps, la commune décide de moderniser les canalisations d’eaux usées qui desservent, entre autres, la parcelle du recourant. Bien que le recourant ait déjà payé des contributions de raccordement pour son terrain, la commune lui demande une taxe supplémentaire.
Comme le rappelle le TF, lorsqu’un évènement améliore le bâtiment, notamment si on remplace le réseau de canalisation des eaux usées, il y a création d’un avantage pour le propriétaire de la parcelle, ce qui justifie le prélèvement de contributions de raccordement supplémentaires. Dans le cas d’espèce, le TF signale que la nouvelle canalisation était la condition préalable à l’octroi du permis de construire. Par conséquent, le recourant a clairement profiter d’un avantage qui doit être soumis à une taxe. Enfin, la déductibilité des contributions de raccordement déjà engagées ne rentre pas en ligne de compte puisque le recourant a rasé l’habitation existante pour en construire une nouvelle.
Thierry Obrist, Delphine Yerly
Art. 39 al. 2 WVG ; 32 al. 2 ABG
Emolument de raccordement aux eaux usées et à l’eau potable ; effet de l’inflation et indexation.
Selon la législation grisonne, si, suite à des travaux, la valeur d’assurance augmente de CHF 50’000.- par rapport à la précédente valeur, des émoluments de raccordements sont dus sur la plus-value générée par lesdits travaux. La commune de situation de l’immeuble souhaite prélever des émoluments de raccordement non seulement sur l’accroissement de valeur générée par les travaux, mais également sur celle liée à l’inflation entre les deux périodes de travaux, c’est-à-dire entre 1998 et 2009 (plus précisément sur l’inflation entre 2005 et 2009, mais pas sur celle de 1998 à 2005).
Le contribuable s’y oppose en plaidant une application arbitraire du droit communal. Le TF se range à l’avis du contribuable, car la loi est claire sur le point que ce qui déclenche l’imposition est bien l’accroissement de valeur dû à des travaux et non pas celui lié au simple effet de l’inflation. De toute évidence, la loi ne prévoit pas, lors d’accroissement de valeur dû à l’inflation, que des frais de raccordements supplémentaires soient prélevés. Par ailleurs, le TF relève la position contradictoire de l’instance précédente, qui ne soumet pas aux émoluments de raccordements l’accroissement de valeur lié à inflation jusqu’en 2005 mais bien celle qui a eu lieu entre 2005 et 2009. Le TF conclut que l’instance précédente a agi de façon arbitraire et somme la commune de rembourser les émoluments de raccordements perçus sur la plus-value liée à l’inflation entre 1998 et 2009.
Thierry Obrist, Delphine Yerly