Droit fiscal

TF 2C_1201/2013

2014-2015

Art. 4 al. 1 lit. c, 5, 6 al. 2 et 7 al. 2 LIFD

Intérêt passif en cas de détention d’un immeuble en Suisse depuis l’étranger ; répartition de la dette selon la méthode objective ou proportionnelle.

Un couple résidant à Londres est propriétaire, dans le canton de Vaud, d’un immeuble grevé d’une dette hypothécaire. Ce bien créant un rattachement économique, les contribuables sont assujettis de manière limitée en Suisse et seuls les éléments économiques rattachés à la Suisse sont imposés. Si la répartition des valeurs se fait selon la méthode objective, les intérêts passifs sont en revanche attribués proportionnellement aux actifs localisés, qu’ils soient privés ou commerciaux. Le TF justifie ce choix par le fait que « les dettes hypothécaires qui grèvent un immeuble ne se trouvent pas dans une relation à ce point étroite avec celui-ci qu’elles devraient être entièrement et exclusivement déduite de la valeur de l’objet grevé ».

Malgré tout, cette répartition est encadrée par deux conditions. La première veut que le revenu imposable en Suisse doive s’élever au minimum au revenu acquis en Suisse (art. 6 al. 2 LIFD), et la seconde commande que le taux d’imposition s’élève au moins au taux correspondant au revenu acquis en Suisse (art. 7 al. 2 LIFD). Le TF conclut qu’il ne peut valider aucune méthode qui viendrait transgresser les prescriptions de la loi fédérale quant à l’assiette et le taux minimal.

TF 2C_18/2014

2014-2015

Art. 6 et 7 LIFD ; 127 al. 3 Cst. ; 5 al. 3 et 4 de la loi sur les contributions publiques du canton de Zurich du 8 juin 1997 (RS ZH 631.1)

Répartition intercantonale des pertes d’exploitation d’un hôtel en Suisse en propriété de résidants allemands avec des revenus immobiliers dans d’autres cantons.

Un couple résidant en Allemagne est propriétaire en Suisse de plusieurs biens immobiliers dans les cantons des Grisons, de Zurich et de Saint-Gall. Parmi ces biens figure un hôtel sis dans les Grisons exploité sous la forme juridique d’une entreprise individuelle. En 2009, l’administration cantonale grisonne constate une perte de CHF 255'523.- dont elle ne peut pas tenir compte faute de substance imposable. C’est pourquoi, présumant que dans l’Etat de résidence les contribuables bénéficiaient de revenu substantiel, les autorités grisonnes ont imputé cette perte au domicile principal des contribuables (l’Allemagne) et non pas aux autres cantons. Les autorités fiscales zurichoises ayant fait le même raisonnement, elles ne tinrent pas compte des pertes grisonnes dans leur détermination du revenu imposable zurichois. Les recourants, assujettis de manière limitée, due à leur rattachement économique, contestent cette répartition et demandent l’application des règles fédérales en matière d’élimination de la double imposition cantonale.

Cela reviendrait, comme le soulève le TF, à faire supporter d’abord l’entier de la perte aux revenus de source zurichoise et saint-galloise pour subsidiairement transférer la perte résiduelle à l’Allemagne. Un tel concept n’est pas retenu par la Haute Cour, car cela consisterait à faire une consolidation intercantonale en utilisant des dispositions dont le sens et le but sont complètement contradictoires, puisqu’elles visent précisément à délimiter la souveraineté fiscale et non à la consolider. Par ailleurs, cette vision impacterait directement les compétences fiscales subsidiaires des cantons étant donné que ceux-ci ont intégré dans leurs lois cantonales les seuils minimaux fixés aux art. 6 al. 2 et 7 al. 2 LIFD. Ainsi, en déduisant du revenu imposable zurichois (CHF 126'100.-) les pertes grisonnes de CHF 255'523.-, on remarque que les seuils minimaux sont largement enfoncés (le revenu imposable en Suisse doit s’élever au minimum au revenu acquis en Suisse et le taux d’imposition doit s’élever au moins au taux correspondant au revenu acquis en Suisse).

Le TF considère que c’est à l’Etat où se trouvent les immeubles, en l’occurrence la Suisse, de décider si et comment il entend répartir les pertes du contribuable. Le fait que l’Allemagne ne tienne pas compte dans son droit interne de cette perte, car elle applique la « Symetriethese» n’oblige en rien les cantons à la compenser. Enfin, selon le TF, cette interprétation est renforcée par la CDI CH-A, calquée sur le MC OCDE, qui ne connaît pas de dispositions spécifiques pour répartir de telles pertes. De fait, c’est bien au pays qui se voit, selon la convention, octroyer le droit d’imposer, ici la Suisse, puisque les biens immobiliers sont sur son territoire, d’édicter sa pratique concernant la répartition des pertes.

TF 2C_198/2014

2014-2015

Art. 6 LIFD ; ALCP

Excédent de charges en relation avec des immeubles sis à l’étranger ; statut de quasi-résident selon la jurisprudence de la CJUE.

Des époux de nationalité néerlandaise sont domiciliés en France où ils sont propriétaires d’une villa. Les deux époux exercent une activité lucrative dépendante en Suisse dans le canton de Genève. L’administration fiscale cantonale genevoise a refusé la déduction de l’excédent des charges (frais d’entretien et intérêts hypothécaires) liées à l’immeuble sis en France. Les époux, faisant valoir l’existence d’une «  discrimination prohibée par les principes fondamentaux du droit communautaire  », firent recours au Tribunal fédéral. Celui-ci se penche sur la question de déterminer si le refus de déduire l’excédent de charges viole l’ALCP et la jurisprudence de la CJUE invoquée par les contribuables, en particulier celle définissant la notion de «  quasi-résident  ».

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral constate que «  dans la mesure [...] où les recourants tirent l’essentiel de leurs revenus en Suisse, ils doivent être qualifiés de quasi résidents  ». Cette qualification implique que les contribuables doivent être traités fiscalement comme des contribuables résidant en Suisse et qu’il faut en particulier leur reconnaître le droit aux mêmes déductions que celles prévues pour les résidents suisses. Selon la décision présentée ici, des contribuables quasi résidents doivent dès lors être traités comme des résidents du point de vue de l’art. 6 LIFD. La pratique établie en 2014, selon laquelle des excédents de charges sur des immeubles étrangers sont pris en compte pour le calcul du taux, mais pas de l’assiette de l’impôt, est directement applicable au cas d’espèce. Les références aux jurisprudences de la CJUE invoquées par les contribuables concernaient des situations dans lesquelles des contribuables résidents et non résidents étaient traités fiscalement de manière différente et ne permirent pas de convaincre le Tribunal fédéral de modifier sa position. Ce dernier rejeta en conséquence le recours.

TF 2C_286/2014

2014-2015

Art. 6 al. 3, 32 al. 2 et 34 let. d LIFD

Qualification en tant que frais d’entretien ou d’acquisition, frais de remise en état d’immeubles acquis récemment ; pratique Dumont.

En 2011, les époux A, résidant dans le canton de Soleure, entreprennent une trentaine de travaux différents dans une bâtisse inhabitée depuis 30 ans qu’ils viennent d’acquérir en Bourgogne (FR). Etant imposés de manière illimitée en Suisse en raison de leur rattachement personnel, les rendements immobiliers et donc, par écho, les déductions liées à ce bien immobilier sis à l’étranger ne sont pas pris en compte dans la détermination du revenu imposable des époux, mais uniquement pour le taux de l’impôt (confirmation de jurisprudence). Pour ce faire, il faut que les dépenses soient des frais déductibles au sens de l’art 32 al. 2 LIFD.

En l’espèce, le TF examine si les travaux effectués correspondent ou non aux « frais de remise en état d’immeubles acquis récemment » de l’art. 32 al. 2 1ère phrase LIFD. Dans ce cadre, la Haute Cour précise que l’abrogation de la pratique Dumont ne signifie pas que tous les frais encourus suite à l’achat d’un immeuble sont déductibles. Au contraire, il reste à examiner dans quelle mesure les travaux en question ont contribué à maintenir l’état du bien immobilier, ou générer une plus-value. Au vu de l’ampleur des travaux réalisés, particulièrement ceux concernant le chauffage, l’électricité, les sanitaires et les fenêtres, et de leurs coûts, supérieurs au prix d’achat de la maison, et de leur concentration sur une période relativement restreinte (un an), le TF considère qu’il s’agit d’une rénovation totale du bien immobilier (non déductible, art. 34 lit. d LIFD) et de frais d’acquisition. Ces montants ne sont pas non plus pris en considération pour le calcul du taux.

TF 2C_64/2013

2014-2015

Art. 53 à 56 LIA ; 18, 13 al. 2, 11, 3 al. 1 et 8 al. 1 OIFI ; 24 al 1 LHID ; 58 al. 1 lit. a LIFD

Imputation forfaitaire d’impôt ; perte dans le canton du siège et revenu immobilier dans un autre canton ; clause « subject to tax ».

Une société d’assurances, ayant son siège à Bâle et des immeubles dans plusieurs cantons, dont celui de Genève, enregistre une perte d’exploitation de CHF 2,3 millions pour l’année 2006. Par ailleurs pour la même période, elle perçoit des dividendes et des intérêts étrangers ne bénéficiant pas de la réduction pour participation à hauteur de CHF 14,7 millions. La part d’impôt à la source résiduelle sur les revenus de sources étrangères se monte à CHF 2,1 millions (« Sockelsteuern»). Selon l’art. 10 al. 3 in fine OIFI, le montant de crédit d’impôt maximal que peut percevoir une personne morale est limité par l’impôt sur le bénéfice qu’elle acquitte effectivement pour l’exercice correspondant à celui où l’impôt forfaitaire est demandé.

Au vu de la perte réalisée à Bâle, il n’y a pas de substance imposable dans ce canton permettant l’imputation forfaitaire. Cependant, dans l’un des domiciles secondaires, en l’occurrence le canton de Genève, une telle substance existe suite au gain immobilier de CHF 32,6 millions généré par la vente d’un immeuble. Alors même que le canton de Genève a imposé le gain immobilier en tenant compte de la perte du siège, afin d’éviter une perte de répartition, les autorités fiscales bâloises refusent de tenir compte de ce gain dans l’imputation au motif qu’aucun n’impôt n’est effectivement payé dans ce canton, c’est-à-dire qu’aucun des revenus imposables à la source (ici : dividendes et intérêts étrangers) n’est attribuable au canton de Genève. Le TF rappelle que, n’ont droit à l’imputation forfaitaire d’impôt, que les personnes morales qui ont leur domicile en Suisse et qui sont assujetties aux impôts suisses sur le revenu pour leurs rendements provenant de l’étranger, ce qui est a priori le cas pour la société contribuable.

La Haute Cour rejette l’interprétation des autorités fiscales cantonales et retient que pour calculer le montant maximum de l’imputation forfaitaire il faut prendre en compte l’ensemble des revenus, et ce même si aucun impôt n’est dans les faits acquitté, car aucune substance n’est imposable par l’effet de compensation entre ces dividendes et les pertes de la société. Enfin les juges de Mon Repos, se basant sur le principe de l’interdiction d’un traitement plus défavorable, décident que lorsqu’une entreprise se trouvant dans une relation intercantonale subit des pertes à son domicile principal alors qu’elle est bénéficiaire au domicile secondaire et qu’elle réalise globalement un bénéfice, alors ce canton qui ne perçoit aucun revenu de source étrangère (ici : Genève) se doit de participer au remboursement de l’imputation forfaitaire.