Art. 8 CC ; 11 al. 1, 12 al. 1, al. 3, 35, 35a al. 1 LPM ; 55 CPC
Le défaut d’usage peut être invoqué dans le cadre d’une action en radiation qui n’est pas expressément prévue par la LPM, mais découle implicitement de la loi. Chacun peut faire valoir un défaut d’usage au sens de l’art. 12 LPM. Il n’est pas nécessaire de bénéficier d’un intérêt particulier pour le faire car l’intérêt général à ne pas être entravé dans la libre formation d’un signe distinctif par des marques nulles faute d’usage suffit en règle générale. Exceptionnellement, un intérêt digne de protection au prononcé de la nullité d’une marque peut faire défaut, lorsque la partie qui requiert la constatation de cette nullité ne pourra pas utiliser le signe ou un signe semblable ou ne sera pas autorisée à le faire pour d’autres motifs qui lui sont propres, de sorte que l’enregistrement de la marque non utilisée ne constitue pas pour elle un empêchement supplémentaire à son libre choix d’un signe comme marque. En pareil cas, le défaut d’usage ne peut être invoqué que si l’opposante dispose néanmoins, en raison de circonstances particulières, d’un intérêt digne de protection à empêcher le maintien en vigueur d’une marque déchue faute d’usage (consid. 3.1). A côté d’une action civile en radiation ou en nullité, existe désormais une procédure administrative en radiation, dans le cadre de laquelle chacun peut adresser une demande de radiation à l’IPI faute d’usage selon l’art. 35a al. 1 LPM (consid. 3.2). L’obligation d’usage de l’art. 11 al. 1 LPM correspond à la fonction commerciale de la marque : seuls les signes qui sont effectivement utilisés dans le commerce après l’échéance du délai de grâce et qui remplissent ainsi leur fonction distinctive et d’indication de provenance industrielle peuvent bénéficier du monopole du droit des marques. L’obligation d’usage permet aussi d’éviter que des marques soient enregistrées à titre de réserve, que le registre des marques soit ainsi artificiellement gonflé et la création de nouvelles marques entravée (consid. 3.3). Celui qui invoque un défaut d’usage doit le rendre vraisemblable. La preuve de l’usage incombe alors au titulaire de la marque (consid. 3.4). Une expertise de partie qui n’a que la valeur d’un allégué peut contribuer, en lien avec d’autres indices, à rendre une absence d’usage vraisemblable (consid. 4.1). Parmi les moyens permettant de rendre vraisemblable un défaut d’usage, la doctrine en matière de marque mentionne en particulier les rapports de recherche négatifs qui documentent une absence de réponse des fournisseurs et des commerçants concernés, le matériel publicitaire se rapportant à la période concernée, une présence ou plutôt une non présence sur Internet, etc. L’avis d’un professionnel de la branche entre aussi en ligne de compte. Parmi les indices de non usage qui ont permis d’étayer le rapport de recherche qui ne constitue pas une expertise judiciaire mais uniquement une expertise de partie, le TF relève l’absence d’établissement, de représentation et de collaborateurs en Suisse du titulaire de la marque concernée ; le fait qu’aucune publicité pour les produits ne soit intervenue en Suisse ; le fait enfin que le résultat de recherche en ligne ne permette pas d’établir d’activité, de publicité ou autre en Suisse, ni non plus une présence en ligne du titulaire de la marque (consid. 4.1). Le défaut d’usage ayant été rendu vraisemblable, la recourante aurait dû apporter une preuve stricte de l’usage (consid. 4.3). L’usage maintenant le droit à la marque doit être un usage sérieux, soit animé du désir de satisfaire toute la demande du marché, sans pour autant qu’un chiffre d’affaires minimum n’ait à être atteint. Pour être sérieux, l’usage doit être économiquement relevant et ne pas se limiter à une apparence d’usage seulement. Il doit être établi en Suisse, et le signe distinctif doit être utilisé dans le commerce. Enfin, l’usage doit intervenir conformément à la fonction d’une marque, soit comme signe distinctif de certains produits ou services. Tel est clairement le cas lorsque la marque est apposée sur les produits ou leur emballage. La marque peut toutefois aussi être utilisée autrement en relation avec les produits ou services revendiqués, pour autant que les acteurs commerciaux perçoivent concrètement l’utilisation comme étant celle d’un signe distinctif. C’est la perception des consommateurs auxquels est destinée l’offre des produits/services pour lesquels la marque est enregistrée, qui est déterminante pour décider du caractère sérieux de l’usage fait de celle-ci. Les circonstances particulières du cas d’espèce doivent être prises en compte, notamment les coutumes de la branche économique concernée. Le cercle des destinataires pertinent se détermine en fonction des produits/services pour lesquels la marque est revendiquée (consid. 5.3).
Art. 105 al. 2 LTF 4 LPM
Du moment que la collaboration envisagée n’est pas venue à chef, il ne saurait être déduit de la livraison effective à la recourante pendant une durée d’à peine 5 ans, une volonté des parties de se lier contractuellement, ni non plus le contenu de la collaboration envisagée (consid. 2.4.4). Les circonstances particulières justifiant l’application de l’art. 4 LPM supposent l’existence encore actuelle ou au moins antérieure, entre le véritable et l’apparent titulaire de la marque, d’un contrat dont l’objet est la sauvegarde des intérêts économiques du maître, ainsi que l’autorisation d’utiliser la marque de celui-ci, car l’art. 4 LPM (dont la marginale indique « enregistrement en faveur d’un utilisateur autorisé ») a la teneur suivante : « Les marques enregistrées sans le consentement du titulaire au nom d’un agent, d’un représentant, ou d’un autre utilisateur autorisé, ne sont pas protégées ; il en va de même des marques qui n’ont pas été radiées du registre, bien que le titulaire ait révoqué son consentement » (consid. 3). En l’absence d’un contrat d’agence au sens de l’art. 418a al. 1 CO, on ne saurait admettre se trouver en présence d’un « autre utilisateur autorisé » au sens de l’art. 4 LPM du fait de la livraison de produits en vue d’une collaboration envisagée entre les parties dont il résulterait que le signe litigieux aurait été utilisé en Suisse pour le compte de l’entreprise livrant les produits à celle les distribuant en Suisse. La recourante n’a pas enregistré la marque litigieuse en Suisse en décembre 2011 en tant qu’utilisatrice autorisée de celle-ci par l’entreprise lui livrant les produits commercialisés en Suisse, mais en son nom propre et pour son propre compte. L’entreprise lui livrant les produits pour la Suisse n’a pas établi avoir été l’ayant droit à la marque pour la Suisse avant son enregistrement par la recourante. Il n’est donc pas clair dans quelle mesure elle aurait pu, en tant que titulaire de la marque, autoriser la recourante à utiliser le signe « REICO » pour la Suisse (consid. 3.2).
Nathalie Tissot, Vincent Salvadé, Daniel Kraus, Charlotte Boulay, Yves Bauer
Art. 122 Cst. ; 21 al. 1, al. 2, al. 3, 23 al. 1, al. 2, al. 4, 55 LPM
Les marques de garantie sont régies par la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance qui se fonde sur l’art. 122 Cst. (consid. 3.1). Aux termes de l’art. 21 al. 1 LPM, la marque de garantie est un signe utilisé par plusieurs entreprises sous le contrôle de son titulaire, dans le but de garantir la qualité, la provenance géographique, le mode de fabrication ou d’autres caractéristiques communes de produits ou de services de ces entreprises (al. 1). L’usage de la marque de garantie est interdit pour les produits ou les services du titulaire de la marque ou d’une entreprise qui est étroitement liée à celui-ci sur le plan économique (al. 2). Moyennant une rémunération adéquate, le titulaire doit autoriser l’usage de la marque de garantie pour les produits ou les services qui présentent les caractéristiques communes garanties par le règlement de la marque (al. 3) qui ne doit pas contrevenir à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit en vigueur (art. 23 al. 4 LPM). Le déposant d’une marque de garantie doit remettre à l’IPI le règlement concernant l’usage de la marque, qui fixe les caractéristiques communes des produits ou des services que celle-ci doit garantir ; le règlement de la marque prévoit également un contrôle efficace de l’usage de la marque et des sanctions adéquates (art. 23 al. 1 et 2 LPM). En effet, le titulaire de la marque de garantie doit exercer le contrôle prévu par la loi (art. 21 al. 1 LPM). Il n’est cependant pas tenu de l’exercer lui-même : il peut déléguer cette tâche à un tiers pour autant que cela soit prévu dans le règlement de la marque. Bien qu’en principe quiconque puisse demander l’enregistrement d’une marque de garantie, les titulaires sont en règle générale des associations économiques, des organisations agricoles, voire des services de la Confédération ou des cantons ou encore des autorités étrangères (consid. 3.2). En vertu de l’art. 52 LPM, a qualité pour intenter une action en constatation d’un droit ou d’un rapport juridique prévu par la loi, toute personne qui établit qu’elle a un intérêt juridique à une telle constatation. Enfin, l’art. 55 LPM accorde une action en exécution d’une prestation à la personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit à la marque (consid. 3.3). La délimitation entre droit privé et droit public telle qu’elle résulte des critères développés par la jurisprudence et la doctrine – théories des intérêts, fonctionnelle, de la subordination et modale – ne trouve pas d’application lorsqu’elle résulte directement du droit positif, dès lors que, sur le terrain du droit civil, le législateur fédéral est compétent pour fixer souverainement l’étendue du droit privé. La compétence des cantons pour déterminer le champ d’application de leur droit public n’existe que sous réserve de la faculté appartenant à la Confédération (consid. 5.1). Du moment que le législateur fédéral a décidé souverainement que la marque de garantie et les règles qui la régissent constituent une matière de droit civil (art. 122 Cst.), le refus par le tiers auquel le contrôle de la marque a été délégué par son titulaire d’accorder une dérogation permettant d’utiliser la marque de garantie constitue une matière de droit civil (consid. 5.2). Le canton de Genève en tant que collectivité publique agit dans ce contexte en sa qualité de titulaire de la marque comme un sujet privé, qui doit en contrôler de manière efficace l’usage et prendre des sanctions adéquates (art. 23 al. 1 et 2 LPM). Dans ce cadre, il peut déléguer cette tâche à un tiers pour autant que cela soit prévu dans le règlement de la marque. Il s’agit là d’une délégation de droit privé. Cette qualification est confirmée par le fait que des autorités étrangères peuvent aussi être titulaires de marques de garantie et que, ce faisant, elles n’exercent en aucune manière des prérogatives de puissance publique sur le territoire suisse. En refusant d’octroyer l’usage de la marque de garantie aux recourantes, la commission délégataire du contrôle de la marque a agi, non pas sur délégation du canton en tant que détenteur de la puissance publique, mais bien sur mandat du canton de Genève en tant que détenteur de la marque de garantie au sens de l’art. 21 al. 1 LPM, au même titre que d’autres personnes physiques ou morales de droit privé demandant l’enregistrement d’une marque de garantie auprès de l’IPI (consid. 6.1). Il est vrai également que l’instrument de droit privé prévu par l’art. 23 al. 1 LPM que constitue le règlement concernant l’usage de la marque peut, dans les limites de l’ordre public, des bonnes mœurs et du droit en vigueur (art. 23 al. 3 LPM) poursuivre des buts d’intérêt public et fixer, à cette fin, les caractéristiques communes des produits ou des services que la marque entend garantir (art. 23 al. 2 LPM). Il n’en demeure pas moins que la marque de garantie et son règlement, même utilisés pour promouvoir une tâche de droit public et des intérêts publics, relèvent toujours du droit privé et en gardent les caractéristiques. Ainsi, c’est bien le droit privé qui régit non seulement les litiges relatifs à l’octroi ou au refus d’autoriser l’usage de la marque de garantie, mais également les sanctions en cas de violation des obligations qui en résultent (consid. 6.2).
Nathalie Tissot, Vincent Salvadé, Daniel Kraus, Charlotte Boulay, Yves Bauer
Art. 6quinquies lit. B ch. 2, ch. 3 CUP ; 22 ch. 1, ch. 3, 23 ch. 2 ADPIC ; 2 lit. a, 30 al. 2 lit. c, 47 al. 1, al. 2 LPM
Lorsqu’une marque comporte un nom géographique ou se compose exclusivement d’un nom géographique, elle incite en principe à penser que le produit en relation avec lequel elle est utilisée vient du lieu indiqué. C’est un fait d’expérience que la désignation géographique éveille chez le consommateur l’idée que le produit qu’elle couvre vient du pays désigné. La mention d’un nom géographique est donc habituellement comprise comme une indication de provenance. L’art. 47 al. 1 LPM définissant de manière large la notion d’indication de provenance, la mention d’un nom géographique suffit en principe (consid. 3.2.2.3). Un signe est exclu de la protection dès qu’il existe un risque de tromperie pour les clients potentiels, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’établir que des consommateurs se sont effectivement trompés. Un signe n’est en revanche pas propre à induire en erreur lorsque le nom géographique qu’il contient possède manifestement un caractère fantaisiste ou lorsque, pour d’autres motifs, il n’est pas compris comme une indication de provenance (consid. 3.2.2.4). Le caractère trompeur d’une dénomination géographique ne doit pas être examiné de manière abstraite, mais doit être apprécié à l’aune de toutes les circonstances particulières du cas d’espèce. Dans ce contexte, il convient de prendre en compte la notoriété du mot en tant que référence géographique et marque ; il faut également prendre en considération les rapports effectifs et étroits entre cette référence et les secteurs des produits revendiqués et entre la forme de la marque et les indications additionnelles qui peuvent accroître ou éliminer les risques de tromperie (consid. 3.2.2.5). Lorsqu’un mot comporte plusieurs significations, il faut rechercher celle qui, pour le consommateur suisse moyen, s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte de la nature du produit en cause. N’est pas considéré comme une indication de provenance le signe dont le contenu géographique n’est pas reconnaissable parce qu’une autre signification s’y rattache de manière plus étroite et, partant, modifie l’impression d’ensemble d’une manière telle que l’indication de provenance s’efface devant l’autre signification (consid. 3.2.2.6). Les produits alcoolisés de la classe 33 revendiqués en l’espèce s’adressent au grand public suisse âgé de plus de 16 ans, respectivement 18 ans, qui fait preuve d’un degré d’attention moyen mais plutôt superficiel. Ces produits sont également destinés au spécialiste de la branche qui fait lui preuve d’un degré d’attention accru (consid. 4.2). Les Directives de l’IPI ne sont qu’un instrument de travail qui ne lient ni l’autorité inférieure, ni les tribunaux. Il convient donc de retenir que, pour qu’un signe principalement perçu comme un nom géographique étranger n’appartienne pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM, il suffit que ce même signe fasse, pour les mêmes produits ou services, l’objet – en faveur de la personne qui demande la protection de ce signe en tant que marque en Suisse – d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique. Peu importe ainsi que ce signe soit dépourvu de force distinctive en Suisse (consid. 6.2.4). En vue de l’examen, sous l’angle de l’art. 2 lit. a et c LPM, d’un signe correspondant à un signe géographique étranger, il convient dans un premier temps de déterminer si les cercles des consommateurs suisses concernés perçoivent ce signe comme un nom géographique (consid. 8). S’il n’est pas perçu comme un nom géographique, le signe ne peut pas être compris comme une indication de provenance. Il ne peut par conséquent pas être descriptif de la provenance des produits et des services revendiqués et appartenir de ce fait au domaine au sens de l’art. 2 lit. a LPM (consid. 8.1.1). Le fait qu’un signe ne soit pas perçu comme un nom géographique (étranger) n’est toutefois pas suffisant pour retenir que ce signe n’appartient pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM. Il pourrait néanmoins être dénué de force distinctive (et/ou être frappé d’un besoin de libre disposition) en raison d’une signification non géographique dominante (voir sur point consid. 8.1.2 à 8.1.4), et appartenir de ce fait au domaine public (voir sur ce point consid. 9.1). Il peut cependant en tout cas être retenu qu’un signe qui correspond à un nom géographique étranger, mais qui, en Suisse, n’est pas perçu comme un nom géographique (étranger) n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition en Suisse (en raison du fait qu’il correspond à un nom géographique étranger) si ce même signe ou, du moins, un signe dans lequel le nom géographique en cause prédomine, fait pour les mêmes produits ou services l’objet d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (consid. 8.1.5). S’il n’est pas perçu comme un nom géographique, un signe ne peut pas être descriptif de la provenance des produits et des services revendiqués et appartenir de ce fait au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM. Il ne peut pas non plus être propre à induire en erreur quant à la provenance des produits et des services revendiqués au sens de l’art. 2 lit. c LPM (consid. 8.2). Si le signe est perçu comme un nom géographique, il convient tout d’abord de déterminer si cette signification n’est pas écartée par une autre signification dominante. Lorsqu’un mot est susceptible d’avoir plusieurs significations, il faut en effet rechercher celle qui s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte de la nature du produit en cause (consid. 9). In casu, le TAF retient, en application de l’arrêt du TF 4A_6/2013 du 16 avril 2013 « WILSON » que le signe « CLOS D’AMBONNAY » – qui correspond à un nom géographique étranger mais qui n’est pas principalement perçu comme tel – n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition en Suisse (en raison du fait qu’il correspond à un nom géographique étranger) du moment que ce même signe fait, pour les mêmes produits ou services, l’objet d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (consid. 9.1). Si un signe n’est pas principalement perçu comme un nom géographique, c’est également en vertu des règles habituelles qu’il s’agit de déterminer si sa signification dominante entraîne l’exclusion de sa protection au sens de l’art. 2 lit. c LPM (consid. 9.2). Enfin, si un signe est principalement perçu comme un nom géographique étranger par les cercles de consommateurs suisses concernés, l’ATF 117 II 327 « MONTPARNASSE » permet de retenir qu’il n’appartient pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM sur la base du seul fait que ce même signe fait, pour les mêmes produits ou services, l’objet – en faveur de la personne qui demande la protection de ce signe en tant que marque en Suisse – d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (voir consid. 11.1.1 à 11.1.3). Le TAF note encore que dans l’ATF 117 II 327 « MONTPARNASSE » qui porte sur la protection du signe « MONTPARNASSE » en Suisse, le fait que la recourante « S.T. Dupont SA » ait son siège à Paris, dans le quartier de Montparnasse, ne paraît pas avoir de portée particulière. Il peut dès lors être considéré que le domicile ou le siège de la personne en cause n’est pas déterminant et qu’il pourrait donc être situé dans un Etat tiers (consid. 11.1.3). Si un signe est principalement perçu comme un nom géographique étranger, l’ATF 117 II 327 « MONTPARNASSE » permet par ailleurs de retenir qu’il n’est pas propre à induire en erreur au sens de l’art. 2 lit. c LPM si sa protection à titre de marque n’est revendiquée que pour des produits fabriqués dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (consid. 11.2). Pour le TAF, il ne fait in casu aucun doute qu’au moins pour les spécialistes et une partie du grand public, le signe « CLOS D’AMBONNAY » est principalement perçu comme la désignation d’un vignoble ou d’un domaine de la commune française d’Ambonnay, c’est-à-dire comme un nom géographique étranger (consid. 12.3.3.1). En France, pour les produits revendiqués dans le cas d’espèce, l’utilisation du signe « CLOS D’AMBONNAY » est réservée à la seule recourante. Par conséquent, si le signe « CLOS D’AMBONNAY » est principalement perçu comme la désignation d’un vignoble ou d’un domaine de la commune française d’Ambonnay, sa protection ne saurait être exclue par l’art. 2 lit. a LPM, en vertu de la jurisprudence « MONTPARNASSE » (consid. 13.1.4). Si le signe « CLOS D’AMBONNAY » est principalement perçu comme un nom de fantaisie, il n’appartient dès lors pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (consid. 13.2.3). Pour le TAF donc, que le signe « CLOS D’AMBONNAY » soit principalement perçu comme la désignation d’un vignoble ou d’un domaine de la commune française d’Ambonnay ou comme un nom de fantaisie, il ne saurait appartenir au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (consid. 13.3.1). Le signe « CLOS D’AMBONNAY » n’est au surplus pas propre à induire en erreur au sens de l’art. 2 lit. c LPM puisque la provenance de tous les produits de la classe pour lesquels la marque fait l’objet d’une demande d’enregistrement en Suisse est limitée à Ambonnay France (consid. 14.1). L’enregistrement du signe « CLOS D’AMBONNAY » ne saurait non plus être contraire au droit en vigueur au sens de l’art. 2 lit. d LPM puisque sa protection en tant que marque ne peut pas être exclue par l’art. 22 ch. 3 ADPIC, ni non plus par l’art. 23 ch. 2 ADPIC (consid. 15.2).
Nathalie Tissot, Vincent Salvadé, Daniel Kraus, Charlotte Boulay, Yves Bauer
Art. 3 al. 1 lit. c, 13 LPM
Un risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM existe lorsque la fonction distinctive de la marque antérieure est atteinte par l’utilisation du signe le plus récent. On admettra cette atteinte lorsqu’il est craindre que les milieux intéressés se laissent induire en erreur par la similitude des signes et imputent les marchandises qui le portent (ou les services auxquels les signes renvoient) au faux titulaire ; on l’admettra aussi lorsque le public arrive à distinguer les signes, mais présume des relations en réalité inexistantes, par exemple en y voyant des familles de marques qui caractérisent différentes lignes de produits (ou de services) de la même entreprise ou des produits (services) d’entreprises liées entre elles (consid. 3.1). Selon la jurisprudence, il existe une interaction entre la similitude des signes et celle des produits et services ; plus les produits et services pour lesquels les marques sont enregistrées sont proches, plus il y a un risque de confusion et plus le signe postérieur devra se distinguer du signe antérieur pour exclure ce risque, et inversement. L’interaction entre la similitude des signes et celle des produits et services est cependant soumise à une limite absolue : si les produits et services ne sont pas similaires, il ne peut y avoir risque de confusion au sens de cette disposition, indépendamment des signes en confrontation. Pour évaluer le risque de confusion, il convient d’examiner l’impression d’ensemble qui se dégage d’une part, du signe enregistré et, d’autre part, du signe distinctif litigieux. Le public visé n’ayant le plus souvent pas l’occasion de percevoir les deux signes en même temps et ne conservant qu’un souvenir de la marque antérieure, il convient de tenir compte des éléments caractéristiques des signes aptes à rester dans la mémoire de ce public, les éléments banals ou descriptifs n’ayant en principe qu’une faible influence sur l’impression d’ensemble des signes examinés (consid. 3.1.1). En l’espèce, les deux entités participant à la vie politique sont actives en Suisse Romande (en particulier à Genève), dans le même domaine. Elles s’adressent, du moins en partie, aux mêmes personnes, soit notamment au public, aux partis politiques et aux autorités législatives et exécutives cantonales genevoises, ainsi que fédérales. Elles visent le même objectif qui est de participer aux débats politiques et il n’est dès lors pas insoutenable de considérer comme similaire (au sens de l’art. 3 LPM) les services fournis par chacune des parties. Il ne convient pas de déterminer s’il y a arbitraire en tenant compte du risque de confusion in abstracto résultant des buts statutaires poursuivis par chacune des parties, mais il s’agit d’effectuer cet examen sur la base du risque généré par les activités déployées concrètement (sur la place publique) par les parties en lien avec le signe objet du litige. A cet égard, les constatations cantonales sont déterminantes (consid. 3.1.2) et l’autorité cantonale n’a pas fait preuve d’arbitraire en admettant, au stade des mesures provisionnelles et au degré de la vraisemblance prépondérante, une violation des art. 3 et 13 LPM (consid. 3.4). Le recours est rejeté.
Nathalie Tissot, Vincent Salvadé, Daniel Kraus, Charlotte Boulay, Yves Bauer
Art. 55 al. 1, al. 2, 56 LPM ; 64 al. 1 lit. a aLPM ; 115 al. 1 CPP
Selon le Message du Conseil Fédéral concernant la LPM, sont lésés au sens de l’art. 64 al. 1 lit. a aLPM, celui qui est légitimé à utiliser l’indication de provenance concernée et, suivant les circonstances du cas particulier, éventuellement aussi le consommateur trompé. La doctrine en a déduit que le droit de déposer plainte pénale au sens de l’art. 64 al. 1 lit. a aLPM revenait ainsi à toute personne autorisée à utiliser l’indication de provenance concernée. Jusqu’au 1er janvier 2017, la doctrine considérait par contre que la qualité pour déposer plainte pénale ne revenait pas à la collectivité publique concernée, parce que reconnaître la qualité pour déposer plainte pénale à une entité publique serait revenu à ériger la violation de l’art. 64 al. 1 lit. a aLPM en une infraction poursuivie d’office [alors que la lettre même de l’art. 64 al. 1 aLPM indiquait que l’usage d’indications de provenance inexactes était poursuivi sur plainte du lésé uniquement, hormis dans les cas où l’auteur de l’infraction avait agi par métier au sens de l’art. 64 al. 2 aLPM] (consid. 1.3.3). Du point de vue de la qualité pour agir en vertu de l’art. 55 al. 1 LPM, il convient également de déterminer qui est lésé du fait de l’utilisation d’une indication de provenance inexacte. L’action en exécution d’une prestation n’est accordée selon l’art. 55 al. 1 LPM qu’à « la personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit (…) à une indication de provenance ». Seules les personnes se trouvant dans une telle situation peuvent exiger, sur la base de l’art. 55 al. 1 lit. a et lit. b LPM, qu’une violation imminente soit interdite ou qu’il soit mis fin à une violation en cours. La doctrine se rapportant à l’art. 55 LPM soumet l’existence de la qualité pour agir à la condition que le demandeur soit établi au lieu de l’indication de provenance et qu’il produise ou distribue les mêmes genres de produits que l’auteur de la violation. Un autre courant doctrinal admet que la qualité pour agir puisse revenir également aux personnes qui ne sont pas établies au lieu de l’indication de provenance, dans la mesure où elles fabriquent ou distribuent des produits du même genre en utilisant l’indication de provenance concernée et en étant ainsi aussi des personnes légitimées à le faire (consid. 1.3.5). Il convient de limiter la notion de personne lésée de la même manière concernant la qualité pour déposer plainte pénale, dans la mesure où l’art. 115 al. 1 CPP exige lui aussi qu’une atteinte ait été portée aux droits de la personne touchée par une infraction. Tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, la personne ayant déposé plainte pénale n’est pas directement touchée dans ses droits parce qu’elle ne fabrique, ni ne commercialise des luges en bois. Ce même si elle indique agir dans l’intérêt d’un de ses membres qui lui fabrique de telles luges, du moment que l’art. 56 al. 1 lit. a LPM, dont elle pourrait se prévaloir, ne l’autorise à invoquer parmi les actions en exécution d’une prestation que celles de l’art. 55 al. 1 LPM et pas celle en dommages et intérêts de l’art. 55 al. 2 LPM. Outre qu’elle n’est pas économiquement lésée, elle ne peut pas légalement agir sur la base de l’art. 55 al. 2 LPM et ne peut pas non plus en déduire un droit à déposer plainte pénale (consid. 1.3.5). Le TF relève que la recourante aurait pu, pour clarifier la situation juridique, introduire d’abord un procès civil pour lever d’éventuels doutes plutôt que de déposer une plainte pénale (consid. 5.2.2 et consid. 5.2.3).
Nathalie Tissot, Vincent Salvadé, Daniel Kraus, Charlotte Boulay, Yves Bauer