Propriété intellectuelle

Art. 8 CC ; 11 al. 1, al. 2, 12 al. 1, al. 3 LPM

Les marques d’exportation étant appliquées sur des produits destinés exclusivement à l’exportation, elles ne répondent pas à l’exigence de la commercialisation sur le territoire suisse. Le législateur en a tenu compte et a prévu, à l’art. 11 al. 2 in fine LPM, que « l’usage pour l’exportation est assimilé à l’usage de la marque » (consid. 2.1). Le législateur en introduisant dans la loi la « marque dite d’exportation » a explicitement manifesté son intention d’ancrer l’exigence de « l’apposition en Suisse d’une marque sur des produits destinés exclusivement à l’exportation (ou sur leur emballage) » dans le souci de s’aligner par-là sur le droit communautaire qui posait (et pose toujours) cette exigence (voir réf. cit.). L’art. 11 al. 2 in fine LPM ne constitue pas à proprement parler une exception au principe de la territorialité, mais cette règle légale tient compte du fait que les produits destinés exclusivement à l’exportation ne sont pas commercialisés sur le territoire suisse ; elle concède, pour les marques dont les produits sont destinés exclusivement à l’exportation, un allègement de l’exigence de l’usage sur le territoire national, mais sans renoncer à tout rattachement concret avec ce territoire. La marque doit être utilisée en lien avec un produit déterminé. Ainsi, le seul fait d’apposer en Suisse la marque sur un support (hypothèse de l’impression d’étiquette comportant la marque) destiné à un produit maintenu à l’étranger ne répond pas à l’exigence de l’apposition, sur le territoire suisse, de la marque sur le produit (consid. 2.2.1). Un usage à titre de marque doit intervenir conformément à la fonction de la marque, c’est-à-dire pour distinguer les produits ou les services. En d’autres termes, l’usage doit être public, la marque devant être utilisée de telle façon que le marché y voie un signe distinctif. Une utilisation dans la sphère interne de l’entreprise du titulaire de la marque ne suffit pas. Ainsi, l’utilisation à des fins privées (par exemple pour récompenser, à certaines occasions, les employés de l’entreprise) ou à l’intérieur de l’entreprise (notamment le flux de marchandises et le stockage à l’interne) n’est pas de nature à maintenir le droit. Il en va de même lorsque la marque est utilisée exclusivement entre deux ou plusieurs sociétés étroitement liées sur le plan économique. Dans ce dernier cas, même si les transferts de biens (notamment durant la période de fabrication d’un produit déterminé) entre les sociétés du « groupe » sont en principe inscrits comme des achats-ventes dans la comptabilité propre de chacune des sociétés, il ne s’agit que d’une utilisation (flux de marchandises) à l’interne du « groupe » qui ne vaut pas usage à titre de marque. Cet usage ne pourra alors être reconnu qu’au moment de leur (re)vente à des tiers (grossistes, détaillants, clientèle privée). Pour déterminer si on est en présence d’un usage en tant que marque (qui est une question de droit), il convient de se fonder sur la perception (présumée) des personnes auxquelles s’adressent les produits enregistrés. Les circonstances du cas particulier, et notamment les habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en cause, doivent ainsi être prises en considération (consid. 2.3.1). Par la nature des choses, il est plus aisé de prouver l’usage d’une marque que son non-usage. L’art. 12 al. 3 LPM prévoit ainsi que quiconque invoque le défaut d’usage doit le rendre vraisemblable, la preuve de l’usage incombant alors au titulaire. Ce dernier doit établir tous les éléments de faits qui permettront ensuite au Juge, sous l’angle du droit, de déterminer que l’usage est intervenu conformément à la fonction de la marque (consid. 2.3.2). Dans le cas d’espèce, la marque est appliquée sur le cadran destiné aux futures montres, à l’étranger, puis le cadran posé sur les montres en Suisse avant leur exportation. Il n’en résulte pas que l’apposition de la marque interviendrait à l’étranger uniquement et que la condition qu’elle intervienne dans notre pays ne serait pas réalisée, dans la mesure où la marque est simplement appliquée sur un support, le cadran, à l’étranger, puis apparaît réellement sur le produit fini, ce qui constitue l’élément déterminant, sur le territoire suisse, dans le cadre des opérations d’assemblage, au moment où le cadran est posé sur les montres (consid. 2.4). Faute toutefois d’avoir établi un usage public, à l’extérieur des sociétés du « groupe » pendant le délai de carence de 5 ans de l’art. 12 al. 1 LPM, la défenderesse n’a pas fourni les preuves permettant d’établir l’usage de la marque litigieuse durant la période de carence (consid. 2.5.4). Le TF admet le recours en matière civile et réforme l’arrêt attaqué en ce sens que la nullité de la marque litigieuse (pour défaut d’usage) est constatée et qu’il ordonne à l’IPI de radier cette marque pour les produits de la classe 14 (consid. 2.6).

Art. 8 CC ; 12 al. 1 LPM

La jurisprudence fédérale n’admet pas de protection pour les marques qui n’ont pas été déposées pour être utilisées, mais dans le dessein, en empêchant l’enregistrement de signes correspondants par des tiers, d’élargir le champ de protection de marques effectivement utilisées ou pour obtenir des avantages financiers ou autres de l’utilisateur antérieur. L’absence d’intention d’utiliser la marque en entraîne la nullité. L’inadmissibilité des marques enregistrées de mauvaise foi étant donné l’absence de volonté de les utiliser constitue, à côté du non-usage selon l’art. 12 al. 1 LPM, un motif propre et indépendant de perte du droit à la marque, et le titulaire d’une telle marque ne peut pas se prévaloir du délai de non-usage. La preuve de l’absence de volonté d’utiliser, outre qu’elle porte sur un fait négatif, concerne en plus un fait interne (« innere Tatsache ») qui peut à peine être prouvé de manière positive. En vertu de son obligation de collaborer à la preuve, il peut ainsi être exigé de la partie qui a enregistré la marque qu’elle documente, ou à tout le moins qu’elle allègue, les motifs qui dans le cas concret, en dépit du reproche qui lui est fait d’avoir enregistré la marque de manière abusive, seraient au contraire constitutifs d’une stratégie de marque fondée sur la bonne foi. Si ces indications ne convainquent pas le juge, la preuve abstraite d’une constellation typique d’une marque défensive suffit dans l’appréciation globale des preuves (consid. 2.1). La répartition du fardeau de la preuve devient sans objet lorsque, comme dans le cas concret, le tribunal arrive à la conclusion, dans son appréciation des preuves qu’un fait allégué est établi (consid. 2.2.1). L’instance précédente a admis dans son appréciation des preuves présentées que le recourant avait enregistré la marque suisse No 624864 « WILD HEERBRUGG », ainsi d’ailleurs que la marque suisse No 567937 « WILD HEERBRUGG » qui ne fait pas l’objet du présent litige, sans l’intention de l’utiliser mais bien plutôt dans le dessein d’attaquer des marques comportant ces éléments et d’exiger de l’argent pour renoncer à la procédure. Il ne s’agit pas là d’un cas d’absence de preuve dont les circonstances devraient être revues (consid. 2.2.1).

Art. 16 al. 1 ADPIC ; 26 Cst. ; 2 lit. c, lit. d, 3 lit. a LPM ; 6 aLPAP ; 6, 9 LPAP

Les motifs absolus d’exclusion, comme la violation du droit, doivent être pris en compte également dans le cadre d’une procédure d’opposition, en particulier pour déterminer le champ de la protection de la marque opposante. Le TAF vérifie donc si le signe « Swiss Military » viole la LPAP pour prendre en compte une éventuelle violation dans la détermination du champ de protection dont bénéficie la marque opposante (consid. 5.1). Le terme « Swiss » peut aussi bien constituer une indication de provenance se rapportant à notre pays qu’une référence aux autorités administratives de celui-ci. En tant qu’indication de provenance, le terme appartient au domaine public et ne peut pas être monopolisé par un enregistrement de marque, de sorte qu’il reste d’une utilisation libre pour les tiers même s’il fait l’objet d’un enregistrement dans le cadre d’une marque comportant d’autres éléments distinctifs. En tant que référence aux autorités administratives de la Suisse, son utilisation peut être interdite. Les termes « militaire » et « armée » sont synonymes et font référence de manière non équivoque à la Confédération également dans leur traduction anglaise de « Military » (consid. 5.2.2). Le fait que la marque opposante considérée soit enregistrée pour des montres, qui sont assimilées par la jurisprudence à des éléments du matériel militaire, augmente le risque de confusion avec la Confédération plutôt qu’il ne l’exclut selon l’art. 6 aLPAP. En vertu de cette disposition en vigueur jusqu’au 1er janvier 2017, le signe « Swiss Military » revendiqué pour des montres ne pouvait ainsi pas être utilisé par d’autres entités que la Confédération (consid. 5.2.3). Depuis le 1er janvier 2017, date de l’entrée en vigueur des art. 6 et 9 LPAP, l’utilisation d’une dénomination désignant la Suisse comme entité administrative est exclusivement réservée à cette dernière indépendamment même de l’existence d’un risque de confusion. Selon le Message, les désignations officielles ne doivent plus être utilisées que par les collectivités ainsi désignées et leurs organes (ou éventuellement les entités tierces exerçant une activité étatique ou semi-étatique) au sens de l’art. 9 al. 2 LPAP. La marque opposante viole donc la LPAP révisée dans la mesure où le signe « Swiss Military » doit être qualifié de désignation officielle au sens de l’art. 6 LPAP ou est susceptible d’être confondu avec une désignation officielle et n’est pas utilisé par la collectivité qu’il désigne (au sens de l’art. 9 al. 1 LPAP). A la différence de ce qui valait sous l’ancien art. 6 LPAP, l’art. 9 al. 1 LPAP interdit désormais l’utilisation per se d’une désignation officielle et des termes susceptibles d’être confondus avec elle, par toute autre personne que la collectivité concernée. Ceci qu’il en résulte ou non un risque de confusion. Seules les exceptions des al. 2 et 3 de l’art. 9 entrent en ligne de compte ; soit pour les personnes exerçant une activité étatique ou semi-étatique selon l’al. 2 ; ou pour les utilisations en combinaison avec d’autres éléments verbaux ou figuratifs pour autant qu’un tel emploi ne soit ni trompeur, ni contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit (al. 3) (consid. 5.3.1). Le caractère contraire au droit d’un signe au sens de l’art. 2 lit. d LPM ne peut pas être réparé par un long usage selon la doctrine dominante et constante (consid. 6.2). Un courant minoritaire paraît admettre une imposition par l’usage, mais uniquement pour un signe trompeur au sens de l’art. 2 lit. c LPM qui aurait acquis avec le temps une autre signification de sorte qu’il ne serait plus susceptible d’induire le public en erreur (consid. 6.2.1). En l’espèce, la marque opposante étant constituée uniquement de signes qui ne peuvent pas être utilisés par sa déposante selon la LPAP, elle ne dispose par conséquent pas d’un champ de protection qui la dote d’une force d’interdiction lui permettant de faire opposition à la deuxième marque bien que celle-ci soit identique et destinée à des produits identiques (consid. 7). L’enregistrement d’une marque ne crée pas de droits acquis à une prétention en interdiction, l’examen de la validité d’une marque demeurant de la compétence des tribunaux civils. A fortiori, la simple privation d’un droit d’action entre parties, comme c’est le cas en l’espèce puisque le rejet de l’opposition n’empêchera pas les parties de saisir le juge civil pour déterminer laquelle d’entre elles dispose d’un droit préférable à la marque, ne saurait porter atteinte à la garantie de la propriété (consid. 8.1).

 

Art. 6ter CUP ; 26, 190 Cst. ; 2 lit. d, 28 al. 2, 29 al. 1, al. 2 LPM ; 14 al. 3, 35 LPAP ; 4, 5, 6 LPNEONU

La publication dans la Feuille fédérale du 12 mai 2009 du sigle « ADB » pour « Banque Asiatique de Développement » lui a conféré la protection de la loi fédérale concernant la protection des noms et emblèmes de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations intergouvernementales (LPNEONU). La marque litigieuse déposée comporte la suite de lettres « ADB » et reprend ainsi un signe distinctif protégé. La déposante prétend toutefois être, en vertu de l’art. 5 LPNEONU, au bénéfice du droit de continuer l’utilisation de ce sigle auquel elle a eu recours sous plusieurs formes depuis 1995 pour désigner son entreprise, ainsi que comme marque pour ses produits et services (consid. 2.3). La protection conférée par la LPNEONU aux signes distinctifs des organisations intergouvernementales va plus loin que celle minimale exigée par l’art. 6ter CUP. Cela vaut aussi pour la réglementation découlant de l’art. 5 LPNEONU (consid. 3.1). Tant la LPM que la loi sur la protection des armoiries suisses et autres signes publics consacrent un droit dérivé d’un usage antérieur. Ainsi, l’art. 14 al. 1 LPM prévoit, sous la note marginale « restriction concernant les signes utilisés antérieurement » que le titulaire ne peut pas interdire à un tiers de poursuivre l’usage, dans la même mesure que jusque-là, d’un signe que ce tiers utilisait déjà avant le dépôt. Une partie de la doctrine en tout cas considère que cette disposition n’autorise pas le bénéficiaire d’un droit d’usage antérieur à enregistrer après coup le signe qu’il utilisait préalablement sans l’avoir enregistré. A l’inverse, l’art. 14 al. 3 LPAP comporte une exception spécifique à l’interdiction d’enregistrement pour les signes pour lesquels le Département fédéral de justice et de police a accordé le droit de poursuivre l’usage en vertu de l’art. 35 LPAP. Cette disposition est destinée à tenir compte des intérêts des entreprises traditionnelles suisses et des associations qui utilisent depuis de nombreuses années les armoiries suisses ou un signe qui leur est similaire lorsque ces signes se sont imposés comme signes distinctifs dans le public. Le droit limité de poursuivre l’usage antérieur admis dans ces cas comporte la possibilité d’enregistrer le signe comme marque. Le but de cette réglementation est aussi en particulier d’améliorer la protection des signes correspondants à l’étranger (consid. 3.2). L’art. 5 LPNEONU prévoit que celui qui, avant la publication de la protection d’un signe par la LPNEONU, avait commencé à faire de bonne foi usage des noms, sigles, armoiries, drapeaux et autres emblèmes protégés, pourra continuer à en faire le même usage s’il n’en résulte aucun préjudice pour l’organisation intergouvernementale intéressée. L’intérêt public à la protection des signes distinctifs des organisations intergouvernementales l’emporte sur l’intérêt privé du titulaire du signe. L’art. 6 LPNEONU prévoit expressément que les signes dont l’emploi est interdit en vertu de cette loi et les signes susceptibles d’être confondus avec eux ne peuvent en particulier pas être enregistrés comme marques. L’art. 5 LPNEONU introduit uniquement un correctif permettant le respect des droits acquis. Il ne saurait être déduit des art. 4 et 5 LPNEONU que l’enregistrement d’une version modernisée et développée d’un signe utilisé jusque-là en vertu d’un droit acquis devrait être autorisé et ne saurait être refusé que s’il en résultait un préjudice pour l’organisation intergouvernementale concernée (consid. 3.2). Un motif d’empêchement absolu s’oppose à l’enregistrement de la marque déposée (art. 2 lit. d LPM en lien avec l’art. 6 LPNEONU). Le législateur a pris en compte l’intérêt du bénéficiaire d’un signe utilisé antérieurement dans le cadre de l’art. 5 LPNEONU. Cette réglementation de la LPNEONU lie le Tribunal fédéral au sens de l’art. 190 Cst. Il n’y a pas là d’atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété (consid. 3.3).

Art. 2 lit. a LPM

La société Apple Inc. a déposé en 2013 une demande d’enregistrement du signe APPLE en tant que marque auprès de l’IPI, pour des services de la classe 37 (construction, réparation, services d’installation, ...), ainsi que pour des produits des classes 14 (montres, bijoux, colliers, bracelets, ouvrages en métaux précieux, ...) et 28 (jeux, jouets, jeux vidéo, ...). L’IPI a refusé l’enregistrement pour une partie des produits des classes 14 et 28, au motif que le signe, en relation avec ces produits, serait dénué de force distinctive et appartiendrait donc au domaine public. Le TAF n’a admis que partiellement le recours d’Apple Inc. contre la décision de l’IPI. Dans l’examen de la force distinctive originaire d’un signe, il faut se baser sur le signe tel qu’il a été déposé, sans tenir compte de son usage effectif sur le marché. Pour déterminer si un signe est descriptif et appartient au domaine public, il faut d’abord examiner s’il a un sens littéral reconnaissable. Lorsqu’un mot a plusieurs significations possibles, il faut rechercher celle qui s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte des produits ou des services en cause. La signification des mots pouvant évoluer, il faut se baser sur la compréhension actuelle effective des destinataires pertinents. Le plus souvent, elle correspond au sens lexical du mot. Toutefois, si le public pertinent ne comprend plus un terme dans ce sens, mais le comprend avant tout comme une référence à une entreprise déterminée, il faut en tenir compte dans la procédure d’enregistrement (consid. 2.3.2). Les produits et services concernés s’adressent au grand public. La marque APPLE étant l’une des plus connues au monde, le terme n’est pas compris par le consommateur moyen avant tout comme désignant le fruit « pomme », mais comme une référence directe à une entreprise déterminée, bien qu’une partie considérable du public suisse connaisse la traduction littérale du mot dans les différentes langues nationales. Ainsi, contrairement à ce qu’a estimé l’instance précédente, APPLE est considéré par le destinataire moyen comme une référence directe à une entreprise déterminée, sans qu’il ait besoin d’avoir recours à une traduction, pour l’ensemble des produits revendiqués en classes 14 et 28. Pour tous ces produits, la marque APPLE est donc propre à distinguer les produits de la demanderesse de ceux des autres fournisseurs, et ne constitue pas un signe appartenant au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (consid. 2.3.3).

Art. 8, 29 al. 2 CC ; 951 al. 1, 956 CO ; 3 al. 1 lit. c, 11 al. 2, al. 3, 12 al. 1, 13 al. 2 LPM ; 151 CPC

Un risque de confusion existe au sens de l’art. 3 al. 1 LPM lorsqu’un signe plus récent porte atteinte à la force distinctive d’une marque antérieure. Tel est le cas lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires pertinents soient induits en erreur par la similitude du signe et que les produits ou les services portant l’un ou l’autre des signes soient attribués au mauvais titulaire de la marque (risque de confusion direct) ou au cas où le public fait la différence entre les deux signes, s’il déduit de leur ressemblance l’existence de liens en fait inexistants, en particulier s’il croit y voir des marques de séries qui désignent les différentes lignes de produits de la même entreprise ou de différentes entreprises économiquement liées entre elles (risque de confusion indirect). Pour trancher du risque de confusion entre des marques, c’est l’impression d’ensemble que celles-ci laissent dans le souvenir du consommateur qui est déterminante. Plus un signe s’est imposé de manière forte dans le commerce, plus son champ de protection est large et plus les produits pour lesquels les marques sont enregistrées sont proches, plus le risque que des confusions interviennent est élevé et plus le signe le plus récent doit se différencier nettement des signes antérieurs pour bannir tout risque de confusion. La vérification de l’existence d’un tel risque de confusion est une question de droit. Le TF examine ainsi en particulier librement comment a été établi le cercle des destinataires pertinent des produits ou services enregistrés et – pour les biens de consommation courante – comment les destinataires perçoivent le signe en fonction du degré d’attention qui peut être attendu d’eux (consid. 2.1). Après l’écoulement du délai de carence de 5 ans de l’art. 12 al. 1 LPM, une marque n’est protégée que dans la mesure où elle est effectivement utilisée en relation avec les produits et les services enregistrés (au sens de l’art. 11 al. 1 LPM). L’objet de l’utilisation à titre de marque doit en outre concorder avec l’objet de la protection à titre de marque. La marque doit dès lors fondamentalement être utilisée telle qu’elle est enregistrée puisque ce n’est qu’ainsi qu’elle pourra déployer l’effet distinctif qui correspond à sa fonction. L’art. 11 al. 2 LPM admet cependant que l’usage d’une forme de la marque ne divergeant pas essentiellement de celle qui est enregistrée suffit pour maintenir le droit. Il convient alors que l’identité du noyau distinctif de la marque qui en détermine l’impression d’ensemble soit conservée et qu’en dépit de l’utilisation différente qui en est faite, le caractère distinctif de la marque demeure. Cela n’est le cas selon la jurisprudence du TF que lorsque le commerce, malgré sa perception des différences, met l’impression d’ensemble dégagée par le signe différent utilisé sur le même plan que celle de la marque enregistrée et voit ainsi encore et toujours la même marque dans la forme utilisée. Il faut donc se demander si le commerce voit dans la forme enregistrée et la forme utilisée un seul et même signe et n’attribue aucun effet distinctif propre aux éléments modifiés, ajoutés ou abandonnés. Les exigences d’identité des signes lorsqu’elles concernent l’élément central (« Kernbereich ») de la marque sont ainsi bien plus élevées que dans le cadre de l’examen d’une confusion. Enfin, l’usage destiné à maintenir le droit ne suppose pas que le titulaire de la marque utilise lui-même le signe en relation avec les produits ou les services enregistrés. L’usage de la marque auquel le titulaire consent est assimilé à l’usage par le titulaire selon l’art. 11 al. 3 LPM (consid. 2.3.1). Une utilisation de la marque avec des éléments descriptifs additionnels qui ne font pas disparaître l’identité de l’élément caractéristique central de celle-ci, soit in casu le vocable « tecton », vaut usage de la marque, le commerce voyant un seul et même signe entre la marque enregistrée et la forme sous laquelle elle est utilisée. Il ne saurait être exigé du titulaire de la marque qu’il fasse du marketing, mais uniquement qu’il utilise effectivement sa marque. Ce qui est déterminant est l’existence d’un usage conforme de la marque au sens de l’art. 11 LPM. Il ne saurait être considéré qu’un usage de la marque sur des cartes de visite, la home page du site de la société ou des documents de présentation de celle-ci, sur des véhicules ou des bâtiments ne serait pas sérieux (consid. 2.3.1.3). Le cercle des destinataires pertinents pour des travaux de couverture et de construction offerts sous les marques « tecton » et « tecton (fig.) » sont des acheteurs privés et publics du domaine du bâtiment auxquels les prestations du titulaire de la marque sont généralement présentées par un architecte. Aucune des marques litigieuses ne vise exclusivement des professionnels. Du moment que les prestations offertes par le titulaire de ces marques dans le domaine de la construction ne se rapportent pas à des besoins courants, un degré d’attention légèrement accru peut être attendu de leurs destinataires. Il ne suffit toutefois pas à exclure l’existence d’un risque de confusion (consid. 2.3.2). Un risque de confusion direct entre les deux signes doit être admis. En effet, ces derniers, respectivement en tout cas leurs éléments caractéristiques essentiels « tecton » et « dekton » sont si semblables tant sur les plans visuels que sonores qu’ils sont susceptibles d’être confondus même par ceux qui feraient preuve d’un degré d’attention légèrement accru, par exemple en étant perçus comme résultant de simples fautes de frappe. Dans la mesure où des produits semblables sont offerts sous ces désignations, un risque de confusion est sans autre donné, de sorte que le signe le plus récent doit se voir dénier la protection à titre de marque (consid. 2.3.3). Il y a similitude entre des services d’une part et des produits d’autre part lorsqu’il existe un lien commercialement usuel entre eux dans le sens où les deux sont typiquement offerts par les mêmes entreprises comme constituant un paquet de prestations unique (consid. 2.3.4). Tel est le cas entre des matériaux de construction comme produits de la classe 19, d’une part, et des travaux de construction, de réparation et d’installation en tant que services de la classe 37, d’autre part. Le tout constitue en effet du point de vue de l’acheteur un paquet de prestations cohérent impliquant qu’une similitude soit admise au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM (consid. 2.3.4.1-2.3.4.5). Selon l’art. 13 al. 1 LPM, le droit à la marque confère à son titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits enregistrés. Le titulaire peut, selon l’art. 13 al. 2 LPM ; interdire à des tiers l’usage d’un signe exclu de la protection en vertu de l’art. 3 al. 1 LPM. L’action en interdiction que le titulaire déduit de l’art. 13 al. 2 LPM découle de son enregistrement au registre des marques et vaut pour toute la Suisse (consid. 3).

Art. 9, al. 2 Cst, 8, 29, 55  CC ; 150 al. 1 CPC ; 951 al. 2 CO ; 3 al. 1 lit. c, 13 al. 2 LPM ; 2, 3 al. 1 lit. c LCD

La notion de risque de confusion est la même pour l’ensemble du droit des signes distinctifs et il s’agit d’une question de droit que le TF revoit librement. Comme les sociétés anonymes peuvent choisir librement leurs raisons de commerce, la jurisprudence pose généralement des exigences élevées concernant leur force distinctive. Selon la jurisprudence constante, les raisons de commerce bénéficient d’une protection également à l’encontre des entreprises qui sont actives dans une autre branche du commerce. Mais les exigences concernant la différenciation des raisons de commerce sont plus strictes lorsque les entreprises peuvent entrer en concurrence de par leurs buts statutaires ou s’adressent, pour une autre raison, aux mêmes cercles de clients ; cela vaut aussi en cas de proximité géographique des entreprises. C’est en fonction de l’impression d’ensemble qu’elles laissent auprès du public que doit être tranchée la question de savoir si deux raisons de commerce sont suffisamment différentes pour coexister. Cela doit être vérifié non seulement dans le cadre d’un examen attentif et simultané des raisons de commerce, mais également en fonction du souvenir qu’elles laissent. Lequel est marqué par les éléments des raisons de commerce qui sont frappants de par leur effet sonore ou leur signification. Ces éléments revêtent une importance déterminante dans l’examen de l’impression d’ensemble générée par une raison de commerce. Cela vaut en particulier pour les désignations de pure fantaisie qui bénéficient en général d’une forte force distinctive. Il en va autrement pour les désignations descriptives qui appartiennent au domaine public. Il y a risque de confusion lorsque la raison de commerce d’une entreprise peut être prise pour celle d’une autre ou donne l’impression erronée que les entreprises seraient économiquement ou juridiquement liées (consid. 3.1). En l’espèce, la Cour cantonale a retenu que les signes étaient semblables parce qu’ils se différenciaient seulement par leurs premières lettres « P » et « B » mais qu’en dépit de la similitude des domaines d’activité et de la proximité des sièges des deux entreprises, il convenait de tenir compte de ce que leurs raisons de commerce n’étaient pas de pure fantaisie mais reprenaient les noms de famille des avocats qui les exploitent. La Cour cantonale a en outre relevé que les noms de famille sont donnés par la nature et qu’une personne physique a un intérêt digne de protection à pouvoir désigner sous celui-ci les prestations qu’elle, ou les personnes qui sont sous sa responsabilité, dispense. De sorte qu’il existe très peu de possibilités de différenciation. En particulier, lorsque le service offert présente une composante personnelle forte, comme c’est le cas pour l’activité d’avocat. Il n’est par conséquent pas possible de transposer sans autre aux noms de famille la portée de la protection accordée aux dénominations de fantaisie. Les noms de famille rares ont ainsi certes une force distinctive accrue, mais la portée de leur champ de protection se limite (sauf circonstances particulières relevant de la loi contre la concurrence déloyale) aux noms de famille identiques et ne s’étend pas à ceux qui sont semblables seulement. Le fait que les raisons de commerce considérées soient construites de la même manière (soit nom de famille – Avocats – SA) n’augmente pas le risque de confusion puisque cette configuration est usuelle. Dans le cas particulier, le fait que la première lettre de chacun des deux noms de famille (à laquelle une attention particulière est accordée parce qu’elle se trouve en début du mot) soit différente (P et B), la manière différente de les écrire et leur effet phonétique différent également, mais surtout le caractère extraordinairement rare de l’un des deux noms de famille et relativement commun de l’autre, ainsi que l’absence de cas de confusion effectif en dépit de la similitude des signes, de la proximité géographique des entreprises, et du caractère pour l’essentiel similaire de leurs activités, excluent l’existence d’un risque de confusion au sens du droit des raisons de commerce (consid. 3.2 et consid. 3.3.2). Le TF considère que la Cour cantonale a, à juste titre, examiné de manière différente le degré de différenciation nécessaire, selon que la raison de commerce concernée est formée de désignations de personnes, de désignations descriptives ou de désignations de fantaisie. Les éléments désignant l’activité professionnelle déployée (avocats) ainsi que la forme juridique (SA) constituent des éléments à faible force distinctive des raisons de commerce examinées. Le risque de confusion doit ainsi être déterminé en fonction des deux noms de famille « Pachmann » et « Bachmann » qui se différencient par leur première lettre qui joue un rôle marquant, parce qu’elle figure au début des dénominations considérées. Du point de vue du contenu sémantique, le public suisse ne décèle pas dans les termes « Pach » une ancienne manière d’écrire « Bach », et il est dès lors irrelevant que « Pachmann » soit la manière d’écrire « Bachmann » en haut allemand. Les jurisprudences « Adax » / « Hadax » et « Pawag » / « Bawag » rendues en relation avec des dénominations de pure fantaisie ne peuvent pas être transposées à l’examen du risque de confusion entre deux noms de famille. Outre la différence entre les premières lettres des deux noms, le caractère extraordinairement rare du nom de famille « Pachmann » alors que « Bachmann » est relativement répandu, amène le public usuellement attentif à faire la différence entre les deux raisons de commerce. Un risque de confusion n’entrerait pas non plus en ligne de compte si une force distinctive accrue devait être reconnue au patronyme « Pachmann » du fait de sa rareté (consid. 4). Le titulaire d’une marque peut interdire aux tiers d’utiliser des signes similaires à une marque antérieure pour des produits ou services identiques ou similaires lorsqu’il en résulte un risque de confusion (art. 13 al. 2 en lien avec l’art. 3 al. 1 lit. c LPM). Lequel est donné lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires pertinents soient induits en erreur par la similitude des signes et attribuent les produits, désignés par l’un ou l’autre des signes, au mauvais titulaire de la marque ; ou lorsque le public distingue bien les deux signes mais déduit de leur ressemblance de fausses relations entre leurs titulaires. Pour trancher du risque de confusion entre des marques, c’est l’impression d’ensemble que celles-ci laissent dans le souvenir du consommateur qui est déterminante. La question de savoir si deux marques se distinguent suffisamment ou sont au contraire susceptibles d’être confondues ne doit pas être résolue dans le cadre d’une comparaison abstraite des marques considérées, mais doit tenir compte de toutes les circonstances du cas d’espèce. Plus les produits pour lesquels les marques sont enregistrées sont semblables, plus le risque que des confusions se produisent est élevé, et plus le signe le plus récent doit se différencier nettement des signes antérieurs pour bannir tout risque de confusion. Le champ de protection d’une marque dépend de sa force distinctive. Une marque faible bénéficie d’un champ de protection plus limité contre les signes similaires qu’une marque forte. Lorsqu’une marque s’approche du domaine public, elle ne bénéficie que d’une force distinctive limitée tant qu’elle n’a pas été imposée comme signe distinctif dans l’esprit du public par des efforts publicitaires importants. Des différences modestes suffisent à exclure le risque de confusion en présence d’une marque faible. Constituent des marques faibles, celles dont les éléments essentiels se rapprochent étroitement de termes génériques du langage commun. Sont au contraire des marques fortes celles qui frappent par leur contenu fantaisiste ou qui se sont imposées dans le commerce (consid. 4.1). Dans le cas particulier, l’utilisation du terme « Bachmann » sur les cartes de visite intervient bien à titre de marque mais dans une combinaison avec des éléments figuratifs qui en déterminent l’impression d’ensemble. C’est ainsi l’élément « B » qui prédomine de sorte que le cercle des destinataires pertinents qui est composé de personnes cherchant à obtenir des services juridiques, ainsi que des publications ou des imprimés dans le même domaine, ne risque pas d’être induit en erreur, même au cas où il ne déploierait qu’un degré d’attention usuel (consid. 4.2). Selon l’art. 2 LCD, un comportement est déloyal et contraire au droit s’il est trompeur ou viole d’une autre manière le principe de la bonne foi dans les affaires et influence les relations entre commerçants et consommateurs. Adopte un comportement déloyal en particulier celui qui prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d’autrui. Entrent dans ce cas de figure tous les comportements qui par la création d’un risque de confusion induisent le public en erreur, en particulier afin d’exploiter la réputation d’un concurrent. C’est ainsi en fonction du comportement concrètement adopté sur le plan de la concurrence que doit être tranchée la question de l’existence d’un risque de confusion au sens de la LCD. Si la notion de risque de confusion est la même pour l’ensemble du droit des signes distinctifs, il convient dans la détermination de son existence dans le cadre du droit de la concurrence, de tenir compte de toutes les circonstances. Soit pas seulement de la manière dont le signe est enregistré, mais aussi de celle dont il est concrètement utilisé et des autres éléments en dehors des signes eux-mêmes. C’est ce que la Cour cantonale a fait in casu en examinant comment la marque mixte « Bachmann » était utilisée sur les cartes de visite de l’intimée et en tenant compte du fait que les personnes cherchant à obtenir les services d’un avocat ou d’autres prestations juridiques déploient un degré d’attention supérieur à la moyenne en raison du rapport de confiance particulier qui caractérise la relation entre un avocat et son client, ainsi que des dépenses supérieures à celles de l’acquisition d’un produit de masse qui l’accompagnent (consid. 5.2).

Art. 9, 29 al. 2 Cst. ; 8 CC ; 42 al. 2 CO ; 55, 59 al. 2 lit. a, 164 CPC

Selon l’art. 42 al. 2 CO, le dommage qui ne peut pas être exactement établi doit être déterminé par le Juge équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par le lésé. Hormis dans le cas rare de la prise en compte des principes abstraits déduits de l’expérience, cette détermination équitable du dommage se base sur une appréciation de l’état de fait et relève ainsi de la détermination des faits qui n’est revue par le TF qu’en cas d’arbitraire. Il incombe au Juge dans le cadre d’un exercice correct de sa liberté d’appréciation de faire la lumière sur les critères de décision dont il envisage de tenir compte, respectivement sur ceux pour lesquels il a besoin d’informations complémentaires. La latitude donnée au Juge de considérer le dommage comme établi sur la base d’une simple estimation n’a pas pour but d’exonérer le demandeur de manière générale du fardeau de la preuve, ni non plus de lui conférer la possibilité d’élever des prétentions en dommages et intérêts de n’importe quelle hauteur sans avoir à fournir de plus amples indications. Bien au contraire, l’application de cette disposition ne le dispense pas d’alléguer, dans toute la mesure possible et exigible, toutes les circonstances qui constituent un indice de l’existence d’un dommage et en permettent la détermination. L’art. 42 al. 2 CO ne libère pas le demandeur de son obligation d’étayer sa réclamation. Les circonstances alléguées doivent être de nature à justifier suffisamment l’existence d’un dommage, ainsi qu’à en rendre l’ordre de grandeur saisissable. Cela vaut aussi en cas de réclamation de la remise du gain en ce qui concerne les circonstances que la partie chargée du fardeau de la preuve souhaite invoquer concernant la réalisation d’un gain, respectivement sa diminution. Un établissement exact des faits ne doit cependant pas être exigé dans les cas où l’art. 42 al. 2 CO s’applique, dans la mesure où l’allégement du fardeau de la preuve consacré en faveur du demandeur par cette disposition comporte aussi une limitation du fardeau de l’allégation et de l’étaiement des faits (« Substanziierung ») (consid. 3.1). Du moment qu’en dépit de l’obligation qui découlait pour elle du jugement partiel précédent, la recourante refusait de communiquer à l’autre partie les informations nécessaires pour établir le montant du gain que cette dernière ne pouvait pas fournir, l’instance cantonale n’a pas violé le droit fédéral en fixant le gain dans le cadre d’une application par analogie de l’art. 42 al. 2 CO et en le déterminant en fonction de l’ensemble des circonstances. Il n’est pas nécessaire pour permettre de recourir à une telle application par analogie de l’art. 42 al. 2 CO de se trouver en présence d’un refus injustifié de collaborer au sens de l’art. 164 CPC (consid. 3.5). Le respect du droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. implique que le tribunal entende, examine et prenne en compte dans son processus décisionnel les éléments avancés par celui que la décision atteint dans ses droits. Le jugement doit être motivé pour que les parties puissent se faire une idée des considérants du tribunal. La motivation doit mentionner de manière succincte les considérations qui ont guidé le tribunal et sur lesquelles il fonde son jugement. Il n’est par contre pas nécessaire que la décision passe en revue de manière détaillée et réfute chacun des arguments soulevés par les parties. Il suffit que le jugement soit motivé de telle sorte qu’il puisse, le cas échéant, être contesté de manière adéquate. Le fait qu’une autre solution ait pu entrer en ligne de compte ou même être préférable n’est pas déjà constitutif d’arbitraire. Tel n’est le cas que lorsque le jugement attaqué est manifestement insoutenable, en contradiction claire avec la situation de fait, viole crassement une norme ou un principe de droit incontesté ou contrevient d’une manière choquante aux principes de la justice (consid. 4.1).

Art. 2 CC ; 3 al. 1, 13 al. 2 lit. e LPM

L’art. 13 al. 2 lit. e LPM permet au titulaire d’une marque d’interdire à des tiers l’utilisation d’un signe dont la protection est exclue en vertu de l’art. 3 al. 1 LPM, et en particulier de l’apposer sur des papiers d’affaires ainsi que de l’utiliser à des fins publicitaires ou de quelque autre manière dans les affaires. L’art. 3 al. 1 LPM exclut de la protection les signes plus récents en particulier lorsqu’ils sont si similaires à une marque antérieure qu’il en résulte un risque de confusion. Un tel risque existe lorsque le signe le plus récent porte atteinte à la force distinctive de la marque antérieure. C’est le cas lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires pertinents soient induits en erreur par la similitude des signes et attribuent les produits qui portent l’un ou l’autre de ceux-ci au mauvais titulaire de la marque ; ou lorsque le public fait bien la différence entre les signes, mais déduit de leur similitude de faux liens entre leurs titulaires. Le commerçant qui utilise la marque d’un tiers pour offrir des produits originaux de cette marque ou pour faire de la publicité pour des travaux ou des services se rapportant à de tels articles ne viole pas le droit des marques si sa publicité se réfère clairement à ce qu’il offre en propre. Chacun peut utiliser les indications décrivant sa propre offre de produits ou de services, même si des marques de tiers sont ainsi touchées. Les titulaires de marques ne peuvent pas prescrire aux revendeurs de leurs produits originaux ou à ceux qui fournissent des prestations en lien avec ceux-ci comment les mettre en circulation, ni comment en faire la publicité. Toutefois, la publicité générale de la marque qui, sans lien avec un assortiment de produits déterminés ou de services concrets, porte sur l’apparence et la renommée de la marque elle-même auprès du public en général demeure réservée au titulaire de la marque. La publicité recourant à la marque d’un tiers trouve également ses limites lorsqu’elle éveille auprès du public l’impression erronée de l’existence de liens particuliers entre le titulaire de la marque et celui qui s’y réfère pour promouvoir l’offre qui lui est propre (consid. 2.2.1). Dans le cas particulier, l’indication « VW-LAND TOGGENBURG » désigne le garage exploité par la recourante. Le signe revêt une fonction distinctive dans la mesure où il individualise les locaux commerciaux de la recourante qu’il distingue des autres garages. Il y a ainsi un usage concurrent (« Mitgebrauch ») à titre distinctif de la marque VW de la demanderesse. L’utilisation conjointe (« Mitverwendung ») d’un signe comme enseigne, respectivement pour désigner une activité commerciale, tombe aussi sous le coup du droit exclusif conféré par la marque à son titulaire selon l’art. 13 al. 2 lit. e LPM. Peu importe que la désignation « VW » soit une information utilisée de manière descriptive par la recourante pour donner des indications sur son offre. La mention « VW-LAND TOGGENBURG » éveille auprès du public l’impression erronée qu’une relation particulière existerait entre le titulaire de la marque et l’exploitant du garage. Le public n’y voit pas l’offre large de certains produits de marque mais la désignation d’une entreprise du titulaire de la marque ou en tout cas présentant certains liens avec celui-ci (consid. 2.2.2). Il y a péremption du droit d’agir et la mise en œuvre d’un droit est abusive lorsqu’elle contredit un comportement antérieur et déçoit les attentes légitimes ainsi suscitées. En l’espèce, l’action en interdiction ouverte par l’intimée n’est pas en contradiction avec sa passivité antérieure. En effet, tant que la recourante a été la représentante et la fournisseuse de services agréée d’une des demanderesses (soit pendant plus de 10 ans) elle était contractuellement autorisée à utiliser la marque concernée. Elle n’a donc pas porté atteinte à cette marque et aucune attente légitime n’a pu être éveillée chez elle concernant une autorisation de continuer l’utilisation de la marque après la fin du contrat. Seule n’est ainsi à prendre en compte pour déterminer s’il y aurait péremption du droit d’agir, la durée pendant laquelle le signe « VW-LAND TOGGENBURG » a été utilisé entre la fin des relations contractuelles entre les parties à mi-2014 et le dépôt de la demande début octobre 2016. La recourante a pendant cette période fait l’objet de plusieurs mises en demeure écrites de la part d’une des demanderesses (en particulier en août 2014 et en mai 2015), il n’y a donc pas péremption du droit d’agir au sens de l’art. 2 CC (consid. 2.3).