Art. 6quinquies B ch. 2 CUP ; 5 ch. 1, 5 ch. 2, 9sexies ch. 1 lit. a PAM ; 8 al. 1 Cst. ; 2 al. 1 lit. a LPM
En dépit de la graphie particulière du signe « Ce’Real », qui peut, abstraitement, être compris de différentes manières, il faut admettre que, pour les consommateurs moyens, la marque ne diffère pas suffisamment du mot anglais « cereal » ou du mot français « céréale » sur les plans auditifs et visuels. Le signe « Ce’Real » est donc descriptif pour des denrées alimentaires (consid. 2.2-2.3). Lorsque le déposant invoque le grief de la violation du principe de l’égalité de traitement, il ne doit pas seulement présenter les signes par rapport auxquels il estime être discriminé, mais également démontrer en quoi ces situations étaient similaires, notamment au regard des produits et services enregistrés. Dans le cadre de l’examen de la violation du principe de l’égalité de traitement, une marque combinée ne peut pas être comparée à une marque verbale (consid. 2.3). L’IPI et le TAF ayant jugé que le signe était descriptif, il ne s’agit pas d’un cas limite (consid. 2.4). Le recours est rejeté dans la mesure où il peut être entré en matière (consid. 3).
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Art. 26, 190 Cst. ; 944 al. 1 CO ; 2 lit. a, 52 LPM ; 2, 3 al. 1 lit. d LCD
Pour les services financiers et les produits technologiques qui leur sont liés, le cercle des destinataires pertinent est composé des spécialistes du domaine financier, ainsi que des consommateurs moyens (consid. 3.3). Les critères régissant l’inscription d’une raison sociale au registre du commerce diffèrent de ceux employés pour l’inscription d’un signe au registre des marques. Il n’y a donc pas de violation du droit d’être entendu lorsqu’une autorité n’applique pas les conclusions d’une décision antérieure rendue en matière de registre du commerce à l’examen de la validité d’une marque similaire à la raison sociale. Cependant, rien ne s’oppose à prendre en considération cette décision dans un souci de cohérence (consid. 3.5). Le mot anglais « trader » est compris par le cercle des destinataires pertinent comme « Börsen- oder Wertpapierhändler ». Ce terme est donc descriptif des services financiers dans les classes 09, 36, 38 et 42 (consid. 3.5.1). La demanderesse a produit devant l’instance précédente une enquête démoscopique qui établit que seuls 2 % des personnes interrogées rapprochent le seul mot anglais « key » des notions de « haupt- », « wichtig ». Cependant, l’autorité précédente n’a pas constaté les faits de manière manifestement erronée lorsqu’elle retient que le cercle des destinataires pertinents comprendra le signe « KEYTRADER » dans le sens de « besonders wichtigen Händlers bzw. Wertpapierhändlers ». En effet, les résultats de l’enquête démoscopique n’excluent pas qu’une majorité des destinataires des services financiers en classe 36, 38 et 42 comprennent le terme anglais « key » en combinaison avec un autre mot, dans le sens de « haupt- », « wichtig » (consid. 3.5.2). L’autorité précédente viole le droit d’être entendu et procède à une constatation inexacte des faits lorsqu’elle rejette l’affirmation de la recourante, selon laquelle le signe « KEYTRADER » n’est pas un mot qui fait partie du vocabulaire anglais, sur la base des résultats de ses propres recherches, sans donner l’occasion aux parties de se prononcer sur ces éléments (consid. 3.5.3). Cependant, le fait que le signe « KEYTRADER » ne corresponde pas à un terme existant du vocabulaire anglais ne diminue pas le caractère descriptif de ces deux éléments. Le mot anglais « key » combiné à un substantif sert à renforcer l’importance de ce mot, tout comme c’est le cas pour le mot allemand « Schlüssel ». Il faut donc considérer que l’utilisation du mot anglais « key » en combinaison avec un substantif, est comprise par le cercle des destinataires comme un renforcement de l’importance de ce mot. Le signe « KEYTRADER » est donc compris par le cercle des destinataires pertinent comme désignant des « besonders wichtigen Händlers bzw. Wertpapierhändlers ». La marque est donc descriptive des produits et services financiers en classe 36, 38 et 42 (consid. 3.5.4). L’usage de la marque doit être établi pour le cercle des destinataires potentiels des produits et services visés et non seulement pour le cercle des clients effectifs (consid. 4.4). Le risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD doit être étudié concrètement et non abstraitement sur la base de critères d’évaluation établie pour le même signe, mais au regard du droit des marques (consid. 7.2.2).
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Art. 72 al. 2 lit. b ch. 2, 76 al. 2, 90 LTF ; 2 lit. a LPM
Les signes dont le contenu significatif donne des indications sur les qualités des produits ou services auxquels ils se rapportent ou qui les vante ou les décrit d’une autre manière sont dépourvus de force distinctive. Un néologisme peut aussi être dépourvu de force distinctive si le cercle des destinataires suisses pertinent en comprend la signification sans effort d’imagination particulier. C’est l’impression d’ensemble que dégage le signe telle qu’elle restera marquée dans le souvenir du consommateur qui est déterminante pour juger de sa force distinctive (consid. 5.1). Le terme « post » est un élément du langage courant compris par le public suisse dans deux acceptions différentes, d’une part les services postaux eux-mêmes, d’autre part l’entreprise qui les fournit (consid. 5.2.1.1). L’ajout de la lettre « e » ‑ précédant le terme « post » ‑ sera compris par le public comme faisant référence de manière évidente à la « poste électronique », qu’un tiret sépare ou non les deux éléments (consid. 5.2.1.1.1). Le consommateur moyen comprend la signification de « select » déjà en raison de sa similitude avec les termes allemands « Selektion, selektionieren » ou français « élection, sélectionner ». Dans sa signification de « choisi, trié », « select » est aussi perçu comme ayant un caractère laudatif compris comme tel par le public déterminant (consid. 5.2.1.2). Le néologisme « ePostSelect » peut être facilement compris dans un sens large comme faisant référence à des services postaux électroniques de haute qualité ou à l’entreprise qui dispense de tels services, lesquels comprennent aussi la fourniture d’informations et le développement de services en matière financière (consid. 5.2.1.3). La dénomination « ePostSelect » est descriptive des produits ou services revendiqués et dépourvue de force distinctive les concernant. Elle appartient ainsi au domaine public sans que sa présentation graphique, dominée par l’élément verbal et une revendication de couleur jaune sans plus de précision, lui confère une force distinctive originaire (consid. 5.2.3). Ce d’autant que les caractères utilisés pour l’élément verbal et sa couleur noire sont usuels et peu frappants. L’absence de tiret entre le « e » et le concept de « Post » qui suit n’y change rien, tout comme non plus le fait que « Select » soit mentionné en gras (consid. 5.2.3). Contrairement à ce que le TAF a considéré, la conclusion subsidiaire faisant référence à un jaune « RAL 1004 Pantone C116/109U » ne permet pas non plus de conférer une force distinctive originaire à l’ensemble (consid. 5.3 et consid. 5.3.1), en particulier parce qu’elle ne change pas la perception qu’en aura le cercle des destinataires pertinent. Ceci même si le jaune en question s’est imposé comme marque pour certains des services (financiers et postaux) de la requérante, et est donc plus distinctif que la couleur jaune indéterminée revendiquée initialement. En vertu du principe de la maxime des débats, le TAF n’aurait dû examiner si une imposition par l’usage entrait en ligne de compte que si la requérante l’avait invoqué et revendiqué une protection du fait d’une telle imposition. Ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Le TAF n’aurait ainsi pas dû se demander si la nuance de jaune (RAL 1004 Pantone C116/109U) s’était imposée par l’usage, et aurait dû procéder à un examen abstrait de l’éventuelle force distinctive originaire de la marque telle que déposée (sans précision quant au type de jaune revendiqué) (consid. 5.3.2). Le recours est admis.
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Art. 28, 29 CC ; 2 lit. d, 52 LPM ; 7 al. 2 LPENCR ; 91 CPC
Il est de jurisprudence constante que toute utilisation non autorisée de l’emblème de la Croix Rouge ou de tout autre signe pouvant prêter à confusion avec lui est exclue, quels que soient les circonstances et le but de l’utilisation. La LPENCR interdit ainsi en particulier l’utilisation de l’emblème de la Croix Rouge comme élément d’une marque, sans égard à sa signification en lien avec les autres éléments de la marque pour les produits et/ou services auxquels la marque est destinée. Peu importe en particulier que l’utilisation concrète de la marque conduise ou non à un risque de confusion, par exemple que les produits et/ou services marqués puissent être pris pour des produits et/ou services protégés par les conventions de Genève ou qu’ils puissent être mis en relation avec le mouvement de la Croix Rouge. Il s’agit uniquement d’examiner si l’emblème protégé – de manière absolue – par la LPENCR (ou tout autre signe susceptible d’être confondu avec lui) est perçu comme un élément du signe déposé. L’élément en question doit ainsi être considéré pour lui-même, sans égard aux autres éléments – par exemple figuratifs ou verbaux – du signe déposé, de sorte que l’impression d’ensemble qui se dégage de ce signe n’entre pas en ligne de compte. Le but dans lequel le signe déposé est utilisé est sans importance, tout comme les produits et/ou services pour lesquels la protection est revendiquée. Il n’importe également que le signe soit utilisé comme « signe de protection » ou comme « signe indicatif » (consid. 5.3.1). L’inscription de la marque au registre des marques tenu par l’IPI n’exclut pas l’existence d’un risque de confusion entre cette marque et l’emblème de la Croix Rouge. La décision de l’IPI ne lie en effet pas le juge civil (consid. 5.3.2). En l’espèce, le léger écart entre la branche droite de l’élément figuratif litigieux et le reste de cet élément (parties gauche et centrale) est la seule différence existant entre ce signe et la Croix-Rouge. En raison de la proximité de l’élément en forme de carré rouge (branche droite) avec l’autre élément, ce léger écart ne suffit pas à reléguer au second plan l’image d’une croix rouge sur fond blanc. Le signe, bien que stylisé, apparaît toujours comme une croix rouge. En outre, si l’emblème de la Croix Rouge est protégé indépendamment du contexte dans lequel il est utilisé, le fait qu’en l’espèce la marque enregistrée soit destinée à des soins médicaux et des services de permanence médico-chirurgicale, ne fait que renforcer le risque que son élément litigieux soit perçu comme l’emblème de la Croix Rouge. L’existence d’un risque de confusion doit être retenue et le moyen tiré de la violation de l’art. 2 lit. d LPM admis (consid. 5.3.3). La manière dont la marque de la recourante est utilisée donne à penser que la Croix Rouge soutient ses activités et suscite un risque de confusion indirect dans l’esprit du public (consid. 6.5). L’élément figuratif litigieux (la croix rouge) est au cœur du litige et c’est l’utilisation de cet élément, intégré dans la marque de la recourante, que la Croix Rouge entend faire cesser. Il est indéniable que la Croix Rouge, au vu de sa renommée, ne peut être comparée à une simple marque secondaire et on ne peut reprocher à la Cour cantonale d’avoir retenu la valeur litigieuse fixée par la demanderesse (CHF 300’000. -), soit la valeur conférée en principe à une marque d’entreprise bien établie (consid. 7).
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Art. 3 al. 1 lit. a LPM
Le cercle des destinataires des services de « conseils financiers, en particulier en matière de placements financiers, de prêts hypothécaires, d’impôts, de planification de la retraite et de planification successorale » en classe 36, se compose tant des consommateurs moyens que de spécialistes. Les consommateurs moyens font preuve d’un degré d’attention légèrement accru pour les services en question (consid. 3.1). Les services visés par la marque attaquée et par la marque opposante en classe 36 sont identiques. Les services proposés en classe 36 sont hautement similaires aux services de « publicité ; gestion des affaires ; administration des affaires ; conseils en affaires ; travail de bureau » en classe 35, car ils nécessitent le même savoir-faire et il est logique que ces prestations soient offertes en commun, qu’elles forment un package (consid. 3.2). Malgré la reprise, par la marque attaquée, des lettres « V » et « Z », son attaque par la lettre « S » influence substantiellement l’impression d’ensemble du signe. En général, lorsqu’un acronyme est dépourvu de voyelle, chaque lettre est prononcée séparément, ce qui amoindrit la similarité phonétique. Les marques opposées présentent des similarités graphiques et phonétiques éloignées et aucune similarité sémantique (consid. 4.1-4.3). En tant qu’acronyme, la marque opposante « VZ (fig.) » jouit d’une force distinctive normale (consid. 5). Le risque de confusion entre les marques doit être nié, bien que les signes opposés possèdent des similarités graphiques et phonétiques éloignées. En effet, les acronymes de deux ou trois lettres sont plus facilement mémorisables par les destinataires et les consommateurs moyens font preuve d’un degré d’attention légèrement accru pour les services visés. Le recours est mal-fondé et est rejeté (consid.7).
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Art. 42 al. 1, 43, 95, 113 LTF ; 3 al. 1 lit. c LPM ; 3 al. 1 lit. b LCD
Le tribunal examine l’existence d’un risque de confusion entre deux signes comme une question de droit (consid. 7.1). La recourante prétend qu’il y a un risque de confusion entre sa marque « NAFA » et les désignations « NOVA » et « NOVA Generation » avec lesquelles l’intimée désigne ses produits. La marque « NAFA » est une dénomination de fantaisie, alors que « NOVA » est un mot bien connu en Suisse revêtant de multiples significations qui ont toutes trait au caractère nouveau de ce qu’elles désignent. L’impression d’ensemble, que ce soit du point de vue graphique ou auditif, qui se dégage des signes considérés est différente, dans la mesure où les produits en relation avec lesquels ils sont utilisés, soit des lampes spéciales destinées à l’industrie de la viande, s’adressent à un public spécialisé qui fera preuve d’un degré d’attention élevé. Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas de risque de confusion entre la marque « NAFA » et les signes « NOVA », bien qu’ils commencent et se terminent par la même lettre et qu’ils se composent du même nombre de lettres (consid. 7). Le recours est rejeté (consid. 10).
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Art. 6quinquiès CUP ; 5 AM ; 5 PAM ; 2 lit. a, 3 al. 1 lit. c, 13 al. 2 LPM
Les motifs permettant un refus de protection aussi bien en vertu de l’art. 5 ch. 1 de l’Arrangement de Madrid (AM), que de l’art. 5 ch. 1 du Protocole relatif à l’Arrangement de Madrid (PAM) sont limités dans la mesure où ces deux dispositions renvoient à la Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle (CUP), révisée à Stockholm en 1967, concernant les motifs de refus de la protection.
Selon l’art. 6quinquièsB CUP, un refus de protection ou une déclaration de nullité ne peut être rendu qu’aux motifs exhaustivement énumérés aux paragraphes 1 à 3 de cette disposition (marque de nature à porter atteinte à des droits acquis par des tiers, absence de force distinctive et besoin de libre disposition, ainsi que caractère contraire à la morale et à l’ordre public). Ces motifs valent aussi pour un retrait ultérieur de la protection sur le territoire d’un Etat partie en vertu de l’art. 5 ch. 6 AM, respectivement de l’art. 5 ch. 6 PAM.
L’autorité précédente a examiné la persistance des marques de commerce de la demanderesse d’une manière conforme au cadre de l’art. 6quinquiès lit. B CUP lorsqu’elle s’est prononcée sur l’existence des motifs absolus d’exclusion de la protection au sens de l’art. 2 lit. a LPM invoqués par la recourante contre la partie suisse des marques internationales de la demanderesse (consid. 2.1.2). Le TF revoit librement, en tant que question de droit, la manière dont est déterminé le cercle des destinataires pertinent pour les produits ou services concernés, ainsi que la perception qu’a le public général d’un signe en fonction du degré d’attention qui peut être attendu de lui. Le cercle des destinataires pertinent peut être différent en fonction de chaque question examinée. Ainsi, le besoin de libre disposition d’un signe se détermine en fonction des besoins, respectivement de la compréhension, qu’en ont les concurrents, tandis que l’examen de la force distinctive fait appel à la compréhension que les acheteurs moyens ont du signe (consid. 2.2.2). Le signe « THINK » n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition absolu. À la différence du pronom personnel « YOU », qui constitue une expression élémentaire du vocabulaire de base de la langue anglaise sans équivalent possible, l’expression « THINK » peut être remplacée par d’autres verbes. Il n’apparaît pas que ce terme soit indispensable à la désignation d’articles de cuir, de souliers et d’articles d’habillement (consid. 2.2.3). L’autorité précédente n’a pas violé l’art. 2 lit. a LPM en niant un besoin de libre disposition absolu du signe « THINK » et en considérant qu’il n’était pas descriptif pour des souliers. Toutefois, la protection du signe « THINK » comme marque n’est pas de nature à empêcher l’utilisation de cette expression comme élément d’autres marques, dans la mesure où cet élément est constitué d’un verbe anglais, largement utilisé, appartenant au langage commun auquel seul un champ de protection très limité peut être reconnu (consid. 2.2.4). L’existence d’un risque de confusion est une question de droit que le TF examine librement (consid. 3.1). L’inexistence d’un risque de confusion doit être examinée en comparant la marque protégée, selon la demande d’enregistrement, avec l’utilisation effective ou à venir du signe postérieur (consid. 3.2.1). Le terme « THINK » utilisé par la recourante dans ses marques pour des produits identiques l’est en relation avec d’autres éléments verbaux et figuratifs. L’impression générale qui se dégage de ses marques est largement différente de celle produite par la marque verbale de la demanderesse. L’indication « THINK OUTDOORS » est comprise par les consommateurs moyens de souliers comme une désignation à caractère publicitaire revêtant le cas échéant même un caractère descriptif de la particulièrement bonne « Outdoor Qualité » des souliers (consid. 3.2.2 in fine et consid. 3.2.3). Cette indication est ainsi en elle-même dépourvue de force distinctive et n’est pas perçue comme renvoyant à une entreprise déterminée. Par conséquent, cet élément non distinctif n’est pas non plus de nature à porter atteinte à la force distinctive de la marque antérieure. La simple reprise de cette suite de mots n’est pas à même de susciter une attribution indue des produits ainsi désignés à la demanderesse ni non plus à amener le public à déduire l’existence de faux liens entre les parties. En choisissant un mot courant de la langue anglaise qui est souvent utilisé et qui peut sans autre être compris dans sa signification lexicale en lien avec un autre concept, la demanderesse a opté pour une désignation dotée de très peu de force distinctive et d’un champ de protection par conséquent étroit. La recourante n’utilise pas la désignation « THINK OUTDOORS » seule, mais toujours en combinaison avec sa marque « WEINBRENNER » et le cas échéant l’élément graphique distinctif du sapin stylisé. Ce n’est que pris ainsi dans son ensemble que le signe est compris comme une référence à une entreprise.
Étant donné le caractère descriptif, voire publicitaire des termes « THINK OUTDOORS » pour les souliers, ce sont les autres éléments sous la forme du mot « WEINBRENNER », respectivement du sapin stylisé, qui demeurent en mémoire. L’élément correspondant « THINK » passe à l’arrière-plan dans les signes utilisés par la recourante et est perçu dans l’impression d’ensemble dégagée par ces signes comme une référence à une qualité particulière ou à un mode d’utilisation des souliers, le cas échéant comme un renvoi à la marque de la recourante (« THINK WEINBRENNER »). Il n’en résulte pas de risque de confusion pour le consommateur moyen de souliers (consid. 3.2.3).
Art. 9 Cst. ; 74 al. 2 lit. b, 75 al. 2, 75 al. 2 lit. a, 95, 99 al. 2, 105 al. 1, 105 al. 2, 107 al. 1 LTF
Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) et, contrairement à la règle générale (art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance n’a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 lit. a LTF) (consid. 1.1). Le TF doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut compléter ou rectifier même d’office les constatations de faits qui se révèlent manifestement inexactes, c’est-à-dire arbitraires au sens de l’art. 9 Cst. ou établies en violation du droit comme l’entend l’art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) (consid. 1.3). Le TF ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF) (consid. 1.4).
Art. 74 al. 2 lit. b, 76 al. 1 lit. b, 91 lit. a, 95 LTF
Le recours en matière civile dirigé contre une décision partielle au sens de l’art. 91 lit. a LTF est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) (consid. 1.1). La recourante dont la demande reconventionnelle a été rejetée est particulièrement touchée par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à sa modification au sens de l’art. 76 al. 1 lit. b LTF (consid. 1.2). L’Arrangement de Madrid (AM) concernant l’enregistrement international des marques et le Protocole relatif à l’Arrangement de Madrid (PAM) sont des traités de droit international public applicables en Suisse dont la violation peut faire l’objet d’un recours au TF selon l’art. 95 lit. b LTF.
Art. 2, 8 CC ; 3 al. 1 lit. c ; 11 al. 1, 12 al. 1, 12 al. 3, 13 al. 2, 15 LPM
L’usage de la marque doit intervenir conformément à la fonction de celle-ci pour distinguer les produits ou les services, soit de telle façon que le marché y voie un signe distinctif. Déterminer si on est en présence d’un usage en tant que marque au sens de l’art. 11 al. 1 LPM est une question de droit. Pour opérer cette qualification, il convient toutefois de se fonder sur la perception (présumée) des personnes auxquelles s’adressent les produits ou les services enregistrés. Les circonstances du cas particulier doivent, pour cela, être prises en considération, notamment les habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en cause, constatations qui relèvent du fait (consid. 3.2).
L’utilisation d’une marque en relation avec des produits ou services auxiliaires ne valide pas le droit à la marque pour de tels produits ou services. Sont considérés comme auxiliaires les produits ou services qui font partie de l’offre du produit ou service principal et qui lui sont accessoires sans être commercialisés de manière indépendante. Les produits ou les services qui, bien qu’accessoires au produit ou au service principal, sont offerts à titre onéreux ne peuvent plus être considérés, sous réserve des situations dans lesquelles la contrepartie ne serait que symbolique, comme produits ou services auxiliaires. Il reste toutefois à établir l’existence d’un usage sérieux de la marque apposée sur ces produits ou services (consid. 3.3). Un usage purement symbolique fait à seule fin de ne pas perdre le droit à la marque ne suffit pas. Le titulaire doit manifester l’intention de satisfaire toute demande de marchandise ou de service. Par ailleurs, l’usage doit être économiquement raisonnable et intervenir dans le commerce. Un usage à des fins privées ou à l’intérieur de l’entreprise ne suffit pas à maintenir le droit. Les usages commerciaux habituels sont déterminants (consid. 3.4).
En ce qui concerne la preuve du défaut d’usage, l’art. 12 al. 3 LPM tient compte de la difficulté à apporter la preuve d’un fait négatif. Quiconque invoque le défaut d’usage doit donc le rendre vraisemblable, la (contre)-preuve de l’usage incombant alors au titulaire. Les règles de la bonne foi (art. 2 CC et art. 52 CPC) obligent la partie adverse à coopérer à la procédure probatoire. Cette obligation de nature procédurale ne constitue toutefois pas un renversement du fardeau de la preuve (consid. 3.5). Pour satisfaire à l’exigence de la (contre)-preuve, il incombe au titulaire d’établir tous les éléments de faits qui permettent ensuite au Juge, sous l’angle du droit, de déterminer que l’usage intervient conformément à la fonction de la marque, que les produits ou services considérés ne sont pas auxiliaires et que l’usage de la marque est sérieux. Si la marque a été enregistrée pour plusieurs produits et/ou services, il appartient au titulaire d’apporter, en lien avec chacun des produits/services revendiqués, les éléments de preuves précités (consid. 3.6). L’organisation de trois soirées entre 2007 et 2011 ne représente pas une exploitation suffisante pour satisfaire à l’exigence qui découle implicitement de l’art. 11 al. 1 LPM. Ce d’autant que la recourante ne fournit aucune donnée qui permettrait de compenser l’usage très limité sur le plan quantitatif (pendant le délai de carence) par un chiffre d’affaires particulièrement élevé (consid. 3.7.1). Le titulaire d’une marque peut interdire à des tiers l’usage de signes similaires et destinés à des produits ou des services identiques ou similaires, lorsqu’il en résulte un risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c et art. 13 al. 2 LPM).
L’existence de ce risque est une question de droit que le TF examine librement dans le cadre d’un recours en matière civile (consid. 4.2). Sous réserve de la marque de haute renommée au sens de l’art. 15 LPM, il ne peut y avoir de risque de confusion au sens de l’art. 3 LPM lorsque les produits et services ne sont pas similaires, indépendamment des signes qui sont confrontés. Le simple fait qu’il puisse exister des chevauchements entre les groupes de consommateurs concernés par les services examinés ou entre les lieux où les prestations sont fournies ne permet pas de conclure à la similitude des services (consid. 4.3). Les services de divertissement, de spectacles et de concert, d’organisation et de production de manifestations culturelles sont des offres distinctes économiquement des services des cafetiers-restaurateurs. Une similitude entre les services liés à de la restauration (exploitation de cafés, restaurants, bars, dancings, cabarets et hôtels) et ceux d’organisation ou production de manifestations culturelles et de spectacles est exclue et tout risque de confusion entre les marques peut être écarté (consid. 4.4).