(X. Ltd [société de droit turc] c. Z. Ltd [société ayant son siège à Kowloon (Hong-Kong)]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 février 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.
Selon une pratique établie de longue date, un tribunal arbitral dont la sentence est attaquée n’a pas droit à une indemnité de dépens pour la rédaction et le dépôt de ses observations dans la procédure de recours. Absence de base juridique pour donner suite à une telle demande (consid. 6).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. c. A., B., C. & FIFA) ; recours contre la sentence rendue le 4 octobre 2016 par le TAS.
Recourant sollicitant le bénéfice de l’assistance judiciaire et la désignation de son conseil comme avocat d’office. En droit suisse, l’assistance judiciaire est exclue en matière d’arbitrage. Cette règle a d’ailleurs été codifiée à l’art. 380 CPC pour l’arbitrage interne, disposition de droit impératif qui interdit aux parties et aux arbitres de faire supporter les frais de la procédure arbitrale à l’Etat. Le Chapitre 12 LDIP ne contient pas de disposition équivalente, mais il est admis de longue date que la même solution s’applique aux arbitrages internationaux. Cela étant, le fait que le bénéfice de l’assistance judiciaire publique soit exorbitant de la procédure d’arbitrage n’exclut pas qu’elle soit accessible aux parties dans le cadre de la procédure de recours contre une sentence arbitrale devant le TF, procédure étatique qui tombe sous le coup de l’art. 29 al. 3 Cst., en vertu duquel le justiciable qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l’assistance judiciaire gratuite. Confirmation de la jurisprudence dans laquelle le TF en avait déjà jugé ainsi, fut-ce implicitement. Solution approuvée également par la doctrine majoritaire (consid. 5.1). En l’espèce et quels que soient les moyens financiers du recourant, il ne peut pas prétendre à l’octroi de l’assistance judiciaire, car ses conclusions sur le fond sont vouées à l’échec (consid. 5.2). Voir également le résumé de cet arrêt en relation avec le grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP ci-dessous.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. Ltd [société de droit turc] c. Z. Ltd [société ayant son siège à Kowloon (Hong-Kong)]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 février 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI, au terme d’une procédure accélérée au sens de l’art. 42 Swiss Rules.
Reproche fait à l’arbitre d’avoir rendu la sentence un jour après l’échéance du délai de six mois stipulé à l’art. 42(1)(d) dudit règlement, soit après que ses pouvoirs s’étaient éteints. En réalité l’arbitre a rendu la sentence le jour même de l’échéance du délai (soit six mois à compter du lendemain de la date à laquelle elle avait reçu le dossier de l’arbitrage, en accord avec l’art. 2(2) Swiss Rules), donc dans les temps (consid. 4.2.1-4.2.2). A supposer même que le délai ait été dépassé d’un jour, quod non, la situation où l’arbitre se serait par hypothèse trompé d’un jour en calculant le délai résultant du règlement d’arbitrage serait sans commune mesure avec celle sous-jacente à l’ATF 140 III 75, invoqué par la recourante, où l’arbitre n’avait pas respecté un accord passé avec les parties quant à la date de fin de sa mission, après que celles-ci lui avaient adressé de nombreuses mises en demeure - toutes restées sans effet (consid. 4.2.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. A.S. [société de droit turc] c. B. Co. Ltd. [société de droit irakien]). Recours contre la sentence partielle rendue le 11 avril 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
Shareholders’ Agreement, contenant une convention d’arbitrage, conclu entre A. et D., actionnaires de B., amendé par des protocoles ultérieurs, dont un prenant acte du fait que E. avait succédé à D. suite au rachat des actions de cette dernière. Accords connexes contenant des clauses compromissoires divergentes. Dépôt d’une demande d’arbitrage par A. à l’encontre de E. et B. Sentence partielle portant déclaration d’incompétence du Tribunal à l’égard de B., ainsi que des prétentions de A. tirées des accords connexes. Question de la portée subjective de la convention d’arbitrage, examinée par le Tribunal arbitral au regard du droit suisse. La recourante tente en vain de remettre en question le processus d’interprétation par lequel le Tribunal est parvenu à mettre au jour la volonté réelle des parties, par une appréciation des preuves qui échappe au contrôle du TF dans le cadre d’un recours contre une sentence arbitrale internationale (consid. 3.2.1-3.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. Corporation, B. Company [sociétés détenues directement ou indirectement par l’Etat d’Egypte, actives dans le commerce du pétrole et du gaz naturel], désignées collectivement sous l’acronyme B., c. X. [société de droit égyptien], Y. Corporation Ltd [société de droit israélien, détenue par l’Etat d’Israël, active dans la production et commercialisation d’électricité]).
Recours contre la sentence rendue le 4 décembre 2015 par un Tribunal arbitral CCI. Complexe de contrats, tous soumis au droit anglais, conclus dans le cadre du Gas for Peace Deal passé entre l’Egypte et Israël en 2005, et relatifs à la fourniture et livraison de gaz à la société israélienne Y. par les deux sociétés égyptiennes B. et X. (cette dernière agissant en tant qu’intermédiaire entre B. et Y.). Plus spécifiquement, conclusion d’un contrat de fourniture entre B. et X., prévoyant l’arbitrage sous l’égide du Cairo Regional Center for International Commercial Arbitration (CRCICA) comme mode de résolution des différends, suivi d’un contrat de vente entre B. et X., prévoyant l’arbitrage CCI en cas de différend, et accompagné d’un accord tripartite (Tripartite Agreement) entre B., X. et Y., prévoyant lui aussi l’arbitrage CCI. Litige survenu suite à des retards de livraison, aggravés par les événements liés au mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Initiation de plusieurs procédures d’arbitrage, CCI et CRCICA. En l’espèce, reproche fait par B. au Tribunal CCI saisi par X. de s’être déclaré à tort compétent pour statuer sur le litige la divisant d’avec B. sur la base de la clause compromissoire contenue dans le Tripartite Agreement. L’existence d’une créance de X. envers B. au titre de cet accord (légitimation active de X.) constitue la condition sine qua non de la compétence du Tribunal CCI (consid. 3.4.1). Question à résoudre en interprétant l’art. 1 du Tripartite Agreement, clause substantielle non sujette au rattachement in favorem validitatis de l’art. 178 al. 2 LDIP, qui s’applique uniquement à la clause compromissoire, quand bien même l’art. 1 du Tripartite Agreement règle une question préliminaire pertinente pour déterminer la compétence du Tribunal (consid. 3.4.2). La méthode des recourantes, consistant à présenter six arguments distincts pour étayer leur grief fondé sur l’art. 190 al. 2 let. b LDIP est critiquable, car la question de la compétence suppose une appréciation globale de la situation juridique. Cela étant, les six arguments en question sont sans fondement (consid. 3.5.1). Recours rejeté (voir également les consid. 4.2-4.5 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A., B. [sociétés de droit libyen] c. C. [société de droit libyen]). Recours contre la sentence incidente rendue le 15 mai 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
Conclusion entre la première recourante (A.) et l’intimée (C., demanderesse à l’arbitrage) d’un contrat portant sur la construction d’un immeuble en Libye, soumis aux règles FIDIC et contenant une clause d’arbitrage CCI, suivi deux mois plus tard d’un Public Works Contract entre les mêmes parties, contenant une clause d’élection de for en faveur des tribunaux libyens. Dépôt d’une demande d’arbitrage par C. suite aux difficultés engendrées sur le terrain par le mouvement révolutionnaire du Printemps arabe. Exception d’incompétence soulevée par A. et B., qui avaient entretemps entamé une procédure judiciaire devant les cours libyennes, rejetée par le Tribunal arbitral dans un Interim award réglant également la question du droit applicable au fond. Recours au motif que le Tribunal aurait violé le droit d’être entendues de A. et B. dans l’instruction de la cause relative à la question de sa compétence (au sujet de l’admissibilité d’un tel recours, voir le résumé de l’ATF 140 III 477 dans l’édition 2014/2015 de cette chronique). La garantie du droit d’être entendu inclut certes la faculté pour chaque partie de présenter son argumentation juridique et moyens de preuve sur les questions à décider, à condition toutefois qu’une telle faculté soit exercée à temps et dans les formes requises (consid. 3.1.1). Or, les allégations et arguments que les recourantes reprochent au Tribunal d’avoir ignoré dans la sentence – outre le fait qu’en réalité le Tribunal ne les a pas ignorés, mais plutôt implicitement rejetés – ont été présentés de manière tardive dans l’arbitrage, en partie même après la clôture des débats (consid. 3.2.2-3.3.3). Par ailleurs, les recourantes sont forcloses d’invoquer le fait que B. n’aurait pas été partie au contrat FIDIC – de sorte que le Tribunal ne serait pas compétent à son égard –, car elles n’ont pas soulevé l’objection correspondante dans l’arbitrage (consid. 3.4). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. SA [société de droit français] c. La République socialiste du Vietnam]). Recours contre la sentence finale rendue le 28 septembre 2015 par un Tribunal arbitral CNUDCI.
Notion d’investissement au sens du Traité bilatéral d’investissement (TBI) conclu entre la France et le Vietnam en 1992. Il n’existe à ce jour aucune définition universellement acceptée de cette notion dans les traités de protection et promotion des investissements. C’est donc à raison que le Tribunal s’est focalisé, lors de l’examen de sa propre compétence, sur le texte du TBI topique. Compte tenu de l’expérience et renommée internationale des arbitres en question (reconnues par les deux parties), le TF ne s’écartera pas sans nécessité de leur opinion unanime sur ce point, bien qu’il jouisse d’une pleine cognition à cet égard (consid. 3.4.1). Le Tribunal arbitral a interprété l’art. 1(1) TBI (définissant les investissements protégés) en conformité avec les principes d’interprétation de l’art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. C’est donc à bon droit qu’il a décliné sa compétence pour connaître de la demande de la recourante, qui n’entrait pas dans les prévisions du TBI ainsi élucidées (consid. 3.4.4). Le moyen pris de la violation de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP tombe à faux. Recours rejeté (voir également le consid. 4.3.1 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. GmbH [société allemande] c. B. Inc. [société grecque]). Recours contre la sentence finale rendue le 18 octobre 2016 par un Tribunal arbitral CCI, au motif que ce dernier se serait déclaré à tort compétent.
Contrat de vente stipulant que « [a]ll disputes arising out of or in connection with this agreement shall be finally settled […] by the International Chamber of Commerce of Geneva, under the Rules of Conciliation and Arbitration of the International Chamber of Commerce […] ». Clause arbitrale pathologique, désignant une institution qui n’existe pas. Interprétation selon le principe de la confiance, faute pour le Tribunal arbitral d’avoir pu établir la volonté réelle et commune des parties. C’est à bon droit que le Tribunal a conclu que la référence à l’« International Chamber of Commerce of Geneva » devait être comprise comme la soumission à un tribunal CCI ayant son siège à Genève, compte tenu en particulier du choix (clair) des parties d’avoir un arbitrage régi par le Règlement CCI, et sachant qu’il ne va pas de soi qu’une institution tierce (en l’espèce, selon l’argumentation de la recourante, la Swiss Chambers’ Arbitration Institution), accepte d’administrer une procédure conduite sous un règlement autre que le sien, ce qui aurait de toute évidence créé des difficultés. Rappel du principe voulant que l’interprétation selon le principe de la confiance doive viser un résultat rationnel ; il n’y a pas lieu de présumer que les parties auraient opté pour une solution inadéquate (consid. 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Fédération X. c. Z. Sàrl), destiné à la publication aux ATF. Recours contre la sentence incidente sur compétence rendue le 18 janvier 2013 par un Tribunal arbitral constitué conformément au Traité sur la Charte de l’énergie.
Actionnée dans l’arbitrage, la Fédération X. a soulevé cinq exceptions d’incompétence distinctes. Le Tribunal arbitral a décidé de scinder la procédure et de n’examiner, dans la première phase, que les motifs afférents à trois de ces cinq exceptions, les deux exceptions résiduelles devant être traitées en même temps que le fond du litige. Sentence écartant les trois exceptions examinées dans cette première phase. La sentence attaquée est donc une sentence incidente sur compétence au sens des arts 186 al. 3 et 190 al. 3 LDIP, qui a la particularité d’être ‘partielle’ du fait qu’elle ne se prononce que sur une partie des exceptions d’incompétence soulevées par la recourante. La recevabilité d’un recours qui ne tranche que partiellement la question de la compétence du tribunal arbitral n’a pas, à ce jour, été examinée par le Tribunal fédéral et la doctrine spécialisée. Cette question met en exergue la tension existante entre le principe de l’économie de procédure, voulant qu’un recours contre une décision sur compétence soit intenté immédiatement, sous peine de forclusion, et le principe selon lequel le Tribunal fédéral, autorité judiciaire suprême du pays dont la mission principale est d’assurer l’application uniforme du droit fédéral et garantir le respect des droits fondamentaux, ne devrait pas avoir à connaître à plusieurs reprises d’une même affaire, qui plus est en matière d’arbitrage, une méthode privée de règlement des conflits n’intéressant qu’un nombre limité d’initiés en Suisse, et pour des raisons tactiques ou résultant de la manière dont les arbitres choisissent de conduire la procédure. Pour répondre à la question, il convient de se référer à la disposition topique, soit l’art. 190 al. 2 let. b LDIP, lequel requiert, pour que le grief correspondant puisse être invoqué, que le tribunal arbitral ait rendu une décision au sujet de sa compétence, en d’autres termes qu’il ait tranché de manière définitive cette question. Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque le Tribunal arbitral pourrait encore se déclarer incompétent une fois qu’il aura examiné les deux exceptions réservées pour la phase au fond du litige (consid. 3.2.1-3.2.2). Le recours est donc irrecevable. Cela étant, lorsque le Tribunal aura statué définitivement sur sa compétence, il va de soi que sa décision pourra être attaquée par la recourante, y compris pour les trois motifs ayant été écartés dans la sentence incidente ici examinée, sans que celle-ci puisse voir s’imputer un comportement contraire aux règles de la bonne foi (consid. 3.3).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. SA [société suisse] c. Y. Inc., Z. [société de droit canadien]). Recours contre la sentence finale rendue le 25 novembre 2015 par un Arbitre unique CCI.
Rappel de la règle jurisprudentielle qui veut que des fautes de procédure ou une décision matériellement erronée ne suffisent pas à fonder l’apparence de prévention de l’arbitre, sauf erreurs particulièrement graves ou répétées qui constitueraient une violation manifeste de ses obligations. Cette règle, qui ne sanctionne que des fautes tout à fait exceptionnelles, ne saurait être détournée pour permettre à une partie ne pouvant pas invoquer avec succès l’un ou l’autre des motifs prévus aux lettres b à e de l’art. 190 al. 2 LDIP d’obtenir l’annulation de la sentence par le biais d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a LDIP et consistant en une critique en règle des constatations de fait et considérations juridiques de l’arbitre – ce qui reviendrait à faire du TF une simple juridiction d’appel (consid. 3.1). Ni le déroulement de la procédure – au demeurant marquée par le vif antagonisme et comportement procédural inadéquat des parties – ni le contenu de la sentence ne révèlent d’élément qui puisse faire douter de l’impartialité de l’arbitre (consid. 3.3.1). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X1 Ltd, X2 SA [collectivement, X.] c. Z. Ltd).
Recours contre la sentence finale rendue le 13 décembre 2016 par un Tribunal arbitral CCI. Consultancy agreements régis par le droit suisse, par lesquels Z. s’engageait à assister X. dans la préparation et soumission d’offres en vue de l’obtention de marchés relatifs à des projets ferroviaires. Litige né du fait que X. n’avait pas payé une partie des commissions réclamées par Z. Sentence donnant partiellement raison à Z. Reproche fait au Tribunal d’avoir décidé ultra petita dans la mesure où il avait constaté et déclaré (y compris dans le dispositif de la sentence), en sus des condamnations pécuniaires demandées par Z., que X. (tout comme Z. au demeurant) avait violé les contrats sous-jacents. Selon les recourantes, dès lors que l’intimée avait uniquement invoqué son droit au paiement des commissions litigieuses, il n’y avait aucune nécessité à assortir la décision d’une « déclaration aussi superflue qu’inadéquate » et sans portée propre. Conclure à l’annulation – même partielle – d’une sentence pour l’unique raison que son dispositif contient des considérations superflues et sans portée propre ne répond à aucun intérêt digne de protection au sens de l’art. 76 al. 1 let. b LTF. A le supposer recevable, le grief ne pourrait qu’être rejeté, car les constatations litigieuses ne portent pas spécifiquement préjudice aux recourantes, la distinction faite par elles entre l’inexécution et la violation d’un contrat étant dénuée de conséquences dans ce contexte, tant il est vrai que l’on ne voit pas ce qu’il y aurait d’erroné à qualifier de violation du contrat le refus injustifié de payer les montants dus en vertu du contrat (consid. 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A.X. SA , B.X. Ltd c. Z. Ltd). Recours contre la sentence finale rendue le 29 janvier 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
En soumettant leurs contrats au droit suisse, les parties ont accepté qu’ils puissent faire l’objet d’une interprétation subjective au sens de l’art. 18 al. 1 CO. Sachant que l’un des principaux éléments du litige consistait à déterminer la portée de certaines clauses contractuelles, leur choix de ne pas se faire assister par des avocats suisses dans l’arbitrage ne peut assurément leur servir d’excuse pour plaider l’effet de surprise quant à la méthode d’interprétation – au demeurant classique – appliquée par le Tribunal arbitral (consid. 5.2). Recours rejeté (voir également les consid. 4.1 et 4.2.1-4.2.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. Sp.A. [société italienne] c. B. AG [société suisse]).
Recours contre la sentence finale rendue le 31 mars 2015 par un Tribunal arbitral ad hoc. Tribunal ayant jugé irrecevables les observations critiques formulées par la défenderesse (recourante) dans son dernier mémoire au sujet de la méthodologie utilisée dans les rapports de l’expert nommé par le Tribunal, sans que cette partie conteste le contenu même ou la valeur probante des rapports. En refusant d’admettre de telles observations, le Tribunal n’a pas violé le droit d’être entendue de la défenderesse, car ses critiques portaient uniquement sur la substance des rapports, que le Tribunal était libre d’évaluer dans le cadre de son pouvoir d’appréciation des preuves. Le texte de la sentence confirme ce point, puisque le Tribunal y indique qu’il serait parvenu à des conclusions différentes si les rapports d’expert avaient été défectueux au point d’être inutilisables comme preuves. Une telle approche est d’ailleurs en ligne avec la jurisprudence fédérale selon laquelle le juge ne peut s’écarter des conclusions des experts qu’en présence de motifs valables pour ce faire (consid. 3.2).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. Corporation, B. Company [sociétés détenues directement ou indirectement par l’Etat d’Egypte, actives dans le commerce du pétrole et du gaz naturel], désignées collectivement sous l’acronyme B., c. X. [société de droit égyptien], Y. Corporation Ltd [société de droit israélien, détenue par l’Etat d’Israël, active dans la production et commercialisation d’électricité]).
Recours contre la sentence rendue le 4 décembre 2015 par un Tribunal arbitral CCI. Arguments des recourantes selon lesquels le Tribunal aurait violé les deux éléments constitutifs de la garantie du droit d’être entendu, d’une part en manquant à son devoir minimum d’examiner et traiter certains arguments pertinents pour la résolution du litige, et d’autre part en rendant une sentence fondée sur une argumentation juridique imprévisible. Les recourantes ne peuvent reprocher au Tribunal d’avoir omis de prendre en considération les thèses qu’elles présentent (ou du moins reformulent) pour la première fois devant le TF. Pour le surplus, elles ne font que remettre en cause les constatations factuelles du Tribunal, son appréciation des preuves, la manière dont il a reparti le fardeau de la preuve et son interprétation des clauses contractuelles topiques, tout comme les conséquences qu’il en a tirées aux fins de sa décision – tous des éléments qui échappent au contrôle du TF dans le cadre d’un recours contre une sentence arbitrale internationale (consid. 4.2-4.5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. c. Association B.). Recours contre la sentence rendue le 8 juin 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.
Grief fait à l’Arbitre d’avoir unilatéralement prolongé (d’un jour) le délai pour le dépôt du mémoire de demande après avoir constaté que l’intimée (demanderesse à l’arbitrage) n’avait pas respecté le délai original. Le recourant, qui se plaint à ce titre d’une violation du principe de l’égalité de traitement des parties, ne soutient pas que l’Arbitre lui aurait refusé une prolongation de délai équivalente. Dès lors, le grief est sans fondement. Argument selon lequel l’Arbitre, en octroyant un délai supplémentaire pour le dépôt de la demande, aurait violé le règlement applicable (Swiss Rules), aux termes duquel il aurait fallu mettre fin à l’arbitrage (du moins en relation avec les prétentions de la demanderesse) en raison du dépôt tardif de ce mémoire. Une disposition contenue dans un règlement d’arbitrage ne devient pas un principe impératif de procédure au sens de l’art. 182 al. 3 LDIP, dont la violation par l’arbitre justifierait l’annulation de la sentence, du seul fait d’avoir été voulue par les parties. De même, une application incorrecte ou même arbitraire du règlement d’arbitrage ne justifie pas, en soi, l’annulation de la sentence pour violation de l’ordre public procédural. Cela étant, l’Arbitre relève à raison que selon la doctrine pertinente la soumission de la demande avec un léger délai ne requiert pas nécessairement que le tribunal mette fin à l’arbitrage (consid. 3.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. AG [société de droit liechtensteinois] c. State of Palestine [ou Palestinian Authority], B. Company).
Recours contre la sentence rendue le 2 août 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI. Projet portant sur la construction d’un hôtel et d’un casino en Cisjordanie, dans le cadre des efforts de l’Autorité palestinienne pour promouvoir le développement économique et les investissements dans ce territoire. Conclusion, en 1996-1997, de plusieurs accords entre les parties et avec des tiers pour la réalisation de ce projet. Cadre légal peu clair du fait que, depuis les accords d’Oslo de 1993-1995, le territoire concerné est sujet à un ordre juridique autonome et « en voie de développement ». Adoption par l’Autorité palestinienne, en 2002, du Code pénal jordanien, interdisant les jeux de hasard et les rendant passibles de peines d’emprisonnement et amendes. Accès au casino (qui fonctionnait avec succès depuis 1998) bloqué par les autorités israéliennes suite au déclenchement de la seconde intifada à l’automne 2000. Conclusion, peu après, de deux nouveaux accords entre les parties, visant à garantir le développement futur du projet, notamment en prévoyant la prolongation de la période d’octroi des licences pour l’administration du casino et de l’hôtel jusqu’en 2028. Levée progressive des restrictions résultant des émeutes de 2000 à partir de l’année 2008. Dès 2012, requêtes réitérées de A. à l’Autorité palestinienne afin que celle-ci lui octroie les nouvelles licences en conformité avec les accords conclus fin 2000. Fin de non-recevoir de l’Autorité, suivie du dépôt d’une demande d’arbitrage par A. en 2013. Demande intégralement rejetée par le Tribunal arbitral. Violation du droit d’être entendu : en rejetant en bloc les conclusions de A. relatives à l’octroi des licences (pour non-conformité avec le droit impératif palestinien), le Tribunal arbitral a manqué à son devoir minimum d’examiner la prétention relative à la licence d’opérateur pour l’hôtel, dont la recourante avait pourtant argué qu’elle devait être reconnue indépendamment de sa demande portant sur la licence pour le casino, au motif que la loi interdisant les jeux de hasard n’affectait pas le fonctionnement de l’hôtel (consid. 4.3). Recours admis ; renvoi de la cause au Tribunal arbitral pour qu’il statue à nouveau sur la conclusion topique de la recourante. Voir également le consid. 3.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(AMA c. X. [gymnaste américaine], USADA), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS, clôturant la procédure suite au paiement tardif de l’avance de frais par l’AMA, en application de l’art. R64.2 Code TAS.
Reproche fait à la Présidente de la Chambre d’appel d’avoir violé le droit d’être entendue de l’AMA en n’examinant pas son argument selon lequel une application stricte de l’art. R64.2 ne se justifiait pas dans les circonstances du cas concret – en d’autres termes, que l’application de l’art. R64.2 en l’espèce relevait du formalisme excessif. Le droit d’être entendu garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP n’exige pas qu’une sentence arbitrale internationale soit motivée. Ce principe s’applique également, et peut-être même a fortiori, à une ordonnance de procédure ayant pour simple but de constater que la cause pendante a pris fin ipso jure et qu’il y a lieu de la rayer du rôle. Sans doute, pour cette décision de procédure comme pour une sentence au fond, faut-il que celui qui la rend ait traité tous les arguments pertinents avancés par les parties. Toutefois, il n’est pas nécessaire qu’il le fasse de manière expresse ou par de longs développements, en particulier lorsque, comme en l’espèce, la sanction attachée au non-respect d’une règle de procédure ne laisse guère de marge d’appréciation à celui qui doit la prononcer. En réalité, les motifs qui étayent le Termination Order « laissent apparaître en filigrane » que la Présidente a écarté le moyen pris du formalisme excessif parce que la recourante avait été dûment avertie du risque qu’elle prenait si elle ne versait pas l’entièreté de l’avance des frais dans le délai imparti, et qu’elle ne pouvait pas invoquer sa propre erreur pour échapper à la sanction expressément prévue par l’art. R64.2 al. 2 du Code. Le moyen pris de la violation du droit d’être entendu doit donc être écarté (consid. 5). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A.X. SA, B.X. Ltd c. Z. Ltd). Recours contre la sentence finale rendue le 29 janvier 2016 par un Tribunal arbitral CCI.
Les promesses de versement de pots-de-vin contreviennent à l’ordre public. Toutefois, pour que le grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP puisse être admis, il faut que la corruption soit établie et que les arbitres aient refusé d’en tenir compte dans la sentence. En l’espèce, le Tribunal a conclu que l’allégation de corruption n’avait pas été prouvée et cette appréciation des faits échappe au contrôle du TF. Dès lors, il ne peut être reproché aux arbitres d’avoir méconnu l’ordre public en rendant une sentence fondée sur les contrats litigieux après avoir écarté la thèse de leur nullité pour cause de corruption (consid. 4.1 et 4.2.1). Les règles édictées par des sujets de droit privé, telles les stipulations d’une charte éthique d’entreprise, ne peuvent pas – même si elles ont pour but de prévenir des comportements contraires aux mœurs – définir le contenu de la notion d’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 4.2.2) (cf. également l’arrêt rendu dans la cause TF 4A_50/2017 du 11 juillet 2017 (résumé ci-dessus en lien avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP), impliquant les mêmes recourantes, dont le consid. 4.3 (non résumé dans cette chronique), reprend intégralement le considérant ici résumé). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. [ressortissant algérien] c. les héritiers de feu Z. [tous domiciliés en Suisse]). Recours contre la sentence finale rendue le 29 juillet 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.
Sentence concluant que la destruction par une partie de pièces essentielles à la constatation des faits n’était pas déterminante pour la répartition du fardeau de la preuve. Argument du recourant selon lequel une telle décision contreviendrait gravement au principe de la bonne foi et par là à l’ordre public matériel. L’application des règles sur le fardeau de la preuve est soustraite à l’examen du TF dans le cadre d’un recours visant une sentence arbitrale internationale, car ces règles ne font pas partie de l’ordre public matériel au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 3.2.1). Il en va de même du moyen pris de l’incohérence intrinsèque des considérants de la sentence (consid. 3.2.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. AG [société de droit liechtensteinois] c. State of Palestine [ou Palestinian Authority], B. Company). Recours contre la sentence rendue le 2 août 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI.
Voire le résumé des faits de cette affaire présenté en lien avec le grief de l’art.190 al. 2 let. d LDIP ci-dessus. Reproche fait au Tribunal d’avoir rendu une sentence incompatible avec l’ordre public matériel pour violation du principe de la fidélité contractuelle (pacta sunt servanda), du fait qu’après avoir reconnu la validité des accords de 2000, soumis au droit suisse, il avait nié, en application du droit impératif palestinien, le droit de la recourante à obtenir les licences que ces accords lui garantissaient. Grief rejeté : la décision du Tribunal ne contredit pas l’adage pacta sunt servanda. Les arbitres ont interprété les obligations souscrites par les parties en ce sens qu’elles ne garantissaient pas le droit de A. à réclamer en toutes circonstances l’exécution en nature de son droit à l’octroi des licences. Sur le vu de la situation juridique au moment déterminant, le Tribunal a conclu que A. était en droit d’obtenir un dédommagement pécuniaire pour le non-octroi de ces licences (consid. 3.2).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. [club de football professionnel] c. B. [Club de football professionnel]). Recours contre les sentences rendues par le TAS le 13 juillet 2016.
Contrat de transfert de joueur prévoyant le versement d’une indemnité en six tranches, payables par acomptes annuels entre 2012 et 2015. Défaut de paiement de A. à partir du deuxième acompte. Litige résultant en plusieurs décisions de la Commission du Statut du Joueur de la FIFA (CSJ), dont trois confirmées sur appel par le TAS, les sentences dont il est question dans l’arrêt ici résumé étant les deux plus récentes. Recourant condamné à payer les acomptes en souffrance, majorés d’intérêts moratoires au taux de 12% stipulé dans le contrat et d’une peine conventionnelle correspondant à 10% du montant dû, intérêts au taux légal de 5% en sus. Reproche fait au TAS d’avoir rendu des sentences contrevenant à l’ordre public, dans la mesure où elles appliquent de manière combinée le taux d’intérêt conventionnel, la peine conventionnelle et l’intérêt moratoire légal, aboutissant à un résultat qui est sans commune mesure avec le dommage véritablement subi par l’intimé, s’apparentant à l’allocation de dommages-intérêts punitifs (punitive damages) et revêtant un caractère spoliateur (consid. 4.1). Le recourant s’est soumis librement au contrat litigieux, sans formuler de réserve quant au caractère prétendument excessif de la peine conventionnelle et du taux d’intérêt qui y sont stipulés. En droit suisse, une peine conventionnelle atteignant le 10% du prix de vente convenu n’est pas considérée excessive, un intérêt moratoire de 12% l’an n’est pas contraire à l’art. 104 al. 2 CO, et l’application de l’intérêt moratoire de 5% en cas de défaut de paiement est une conséquence prévue par la loi (art. 104 al. 1 CO). La combinaison de ces trois obligations n’aboutit pas non plus à une restriction excessive de la liberté du recourant au regard de l’art. 27 al. 2 CC. Quant à la référence faite par le recourant à l’art. 163 al. 3 CO, en vertu duquel « le juge doit réduire les peines qu’il estime excessives », le fait qu’il s’agit d’une norme d’ordre public suisse ne veut pas dire encore que sa violation contreviendrait à l’ordre public au sens de l’article 190 al. 2 let. e LDIP. Quand bien même il n’est pas nécessaire d’approfondir la question de la compatibilité des dommages-intérêts punitifs avec l’ordre public, les pénalités et intérêts dont il est question en l’espèce étant des sanctions de nature différente, il sied d’observer qu’en réalité la doctrine majoritaire tend à nier qu’une sentence serait contraire à l’ordre public du seul fait qu’elle condamnerait une partie au paiement de punitive damages (consid. 4.3.2). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. SA [société de droit français] c. La République socialiste du Vietnam), Recours contre la sentence finale rendue le 28 septembre 2015 par un Tribunal arbitral CNUDCI.
L’application des règles sur le fardeau de la preuve est soustraite à l’examen du TF dans le cadre d’un recours en matière civile contre une sentence arbitrale internationale, car ces règles ne font pas partie de l’ordre public matériel au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 4.3.1). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. [footballeur professionnel] c. A., B., C [clubs de football professionnels], FIFA). Recours contre la sentence rendue le 4 octobre 2016 par le TAS, déclarant l’appel du recourant irrecevable pour cause de dépôt d’une déclaration d’appel non conforme aux réquisits formels du Code TAS (art. R31 al. 3 Code TAS).
Reproche fait au TAS d’avoir violé l’interdiction du formalisme excessif, et, par là, d’avoir rendu une sentence incompatible avec l’ordre public. Les formes procédurales sont nécessaires à la mise en œuvre des voies de droit pour assurer le déroulement de la procédure conformément au principe de l’égalité de traitement. Un strict respect des dispositions topiques s’impose donc au regard de ce principe, ainsi que sous l’angle de la sécurité du droit, sans qu’il y ait une contradiction entre cette exigence et l’interdiction du formalisme excessif (consid. 4.2). Recours rejeté. Au sujet de la question de savoir si la prohibition du formalisme excessif fait partie de l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. 2, voir TF 4A_692/2016 du 20 avril 2017 (consid. 6.1, résumé ci-dessous).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(AMA c. X. [gymnaste américaine], USADA), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS.
Argument de l’AMA selon lequel le TAS aurait fait preuve de formalisme excessif en appliquant l’art. R64.2 Code TAS au cas d’espèce, violant ainsi l’ordre public procédural garanti par l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. Question de savoir si l’interdiction du formalisme excessif fait partie de l’ordre public au sens de cette disposition. Si l’on se souvient qu’une garantie aussi importante que l’interdiction de l’arbitraire dans l’application des règles de la procédure arbitrale ne peut pas être invoquée à l’appui d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, il ne va pas de soi que la méconnaissance de l’interdiction du formalisme excessif puisse être assimilée à une violation de l’ordre public dans cette même acception (consid. 6.1). Question laissée ouverte, car, en l’espèce, le TAS n’a pas fait preuve de formalisme excessif (consid. 6.3). Recours rejeté.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. & B. c. Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme [IAAF] & Comité Olympique Russe [ROC] & Comité International Olympique [CIO]) ; recours contre les sentences rendues le 4 octobre 2016 par le TAS.
Dispositifs (sans les motifs) des sentences, notifiés par courrier électronique du Greffe du TAS aux parties. Recours (sans motivations) déposés par celles-ci conjointement contre les sentences non encore motivées, jugés admissibles mais prématurés, puis rayés du rôle faute d’avoir été complétés par des mémoires motivés en temps utile après la notification des sentences avec les motifs. Confirmation de la jurisprudence selon laquelle, lorsque seul le dispositif de la sentence est notifié aux parties dans un premier temps, le délai pour recourir ne court qu’à partir de la notification de l’expédition complète de la sentence, cas échéant selon les modalités prévues par le règlement applicable.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Michel Platini c. FIFA). Recours contre la sentence rendue par le TAS le 16 septembre 2016.
Exception d’irrecevabilité soulevée par la FIFA : la sentence attaquée a été rendue dans un arbitrage international au sens de l’art. 176 al. 1 LDIP, de sorte que le grief d’arbitraire, (seul) invoqué par le recourant, qui ne figure pas dans la liste exhaustive des motifs de recours de l’art. 190 al. 2 LDIP, est irrecevable. Selon l’art. 176 al. 1 LDIP, un arbitrage sis en Suisse doit être qualifié d’international si « au moins l’une des parties n’avait, au moment de la conclusion de la convention d’arbitrage [son domicile] en Suisse ». En l’espèce, le recourant était domicilié en France au moment où la FIFA a introduit une clause compromissoire en faveur du TAS dans ses statuts, auxquels le recourant avait préalablement adhéré en sa qualité de membre du Comité exécutif de l’association. Dans le cas particulier des associations sportives, l’adhésion aux statuts emporte acceptation de la clause compromissoire qu’ils contiennent (ou qui y est successivement intégrée) – tel est donc le ‘moment de la conclusion de la convention de l’arbitrage’ au sens de l’art. 176 al. 1 LDIP précité. Dès lors, c’est à tort que le TAS a considéré que l’arbitrage entre le recourant et la FIFA n’était pas soumis au régime du Chapitre 12 LDIP. Cette erreur de qualification est lourde de conséquences, car elle a donné aux parties une indication incorrecte quant aux moyens à développer dans un recours contre la sentence. Le principe de la bonne foi procédurale, qui s’applique également à l’arbitrage, commande que l’intimée se voie opposer le fait qu’elle n’avait soulevé aucune objection au moment où la Formation du TAS a indiqué aux parties que selon sa compréhension l’arbitrage était interne et donc soumis au régime du CPC. Partant, l’exception d’irrecevabilité doit être écartée et le grief d’arbitraire (au sens de l’art. 393 let. e CPC) formulé dans le recours est en principe recevable (consid. 1.1).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(Agence Mondiale Antidopage [AMA] c. X. & United States Anti-Doping Agency [USADA]), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS.
Le dépôt d’une écriture par télécopie ne permet pas de respecter le délai. La réponse de l’intimée n°2, envoyée par fax le jour de l’échéance du délai, mais – même si elle a été remise le même jour à une entreprise privée spécialisée dans le transport du courrier – arrivée en Suisse seulement après, ne peut pas être prise en considération (consid. 4).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(AMA c. X. [gymnaste américaine], USADA), recours contre le Termination Order rendu le 11 novembre 2016 par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS.
Retard de paiement d’une partie de l’avance des frais par l’AMA. Termination Order mettant fin à la procédure en application de l’art. R64.2 Code TAS. Recours de l’AMA demandant l’annulation de cette décision. Le recours en matière civile n’est recevable qu’à l’encontre d’une sentence. Une simple ordonnance de procédure pouvant être rapportée en cours d’instance n’est pas une décision susceptible de recours. Cela étant, l’acte attaquable ne doit pas nécessairement émaner de la formation désignée pour statuer sur le litige. En somme, pour juger de la recevabilité du recours, c’est le contenu du prononcé entrepris, plutôt que sa dénomination ou l’autorité dont il émane qui est déterminant. La décision attaquée en l’espèce n’est clairement pas une simple ordonnance de procédure pouvant être modifiée ou rapportée à un stade ultérieur de l’arbitrage. Elle s’apparente bien plutôt à une décision d’irrecevabilité clôturant l’affaire pour un motif tiré des règles de procédure. Le fait qu’il émane de la Présidente de la Chambre d’appel, sachant qu’une formation arbitrale n’avait pas encore été constituée dans ce cas, n’empêche pas qu’il s’agit d’une décision susceptible de recours au TF (consid. 2.3). Recours recevable. Voir également le consid. 4 de cet arrêt, résumé ci-dessus en relation avec l’art. 48 LTF, et ses consid. 5 et 6.3, résumés ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d et let. e LDIP.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(X. Inc. [société domiciliée au Bélize] c. Z. Corporation [entité de droit jordanien]). Recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 20 août 2015 par un Arbitre unique LCIA.
Clause compromissoire contenant une renonciation à recourir conforme aux réquisits de l’art. 192 al. 1 LDIP, insérée dans un contrat que l’arbitre a jugé nul pour cause de falsification de la signature du représentant de l’une des parties contractantes. Selon la recourante, étant donné que l’intimée avait soulevé d’emblée une exception d’incompétence, arguant que le contrat contenant la clause compromissoire était nul, et que la compétence de l’arbitre pour se prononcer sur le litige a résulté uniquement de l’acceptation tacite de l’intimée suite à son entrée en matière à stade ultérieur (Einlassung), et non pas de la clause compromissoire, la renonciation au recours formulée dans cette clause ne s’applique pas en l’espèce (consid. 3.3.1). La recourante, qui tout au long de l’arbitrage avait soutenu que le contrat avait été valablement conclu par les représentants autorisés des parties pour en déduire des prétentions pécuniaires et en faire le fondement de sa requête d’arbitrage, adopte un comportement contradictoire incompatible avec les règles de la bonne foi en saisissant le TF au mépris de la renonciation à recourir contenue dans ce même contrat (consid. 3.4). Recours irrecevable.
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
X. S.p.A. [société de droit italien] c. Y. B.V. [société de droit néerlandais]).
Demande de révision de la sentence finale rendue le 23 avril 2015 par un Arbitre unique CCI, suite à la découverte, après l’échéance du délai de recours, d’un motif qui, de l’avis de la recourante, eût exigé la récusation de l’arbitre. La LDIP ne contient pas de disposition relative à la révision des sentences arbitrales. Le TF a comblé cette lacune par la voie prétorienne, décidant que les motifs de révision applicables aux sentences étaient ceux que prévoyait l’art. 137 OJ, maintenant visés à l’art. 123 LTF. Toutefois, la demande de révision soumise au TF ici ne s’inscrit pas tout à fait dans le cadre tout juste évoqué, de sorte que son admissibilité est sujette à caution (consid. 2.1-2.2). Sous l’empire de l’OJ, le TF avait jugé que la découverte, à posteriori, d’une violation des prescriptions concernant la composition du tribunal arbitral, telle la participation à la procédure d’un arbitre qui aurait dû se récuser, ne constituait pas un motif de révision d’une sentence arbitrale internationale, sous réserve de la mise au jour d’un cas de corruption impliquant l’arbitre en question. Cette jurisprudence s’applique-t-elle également après l’entrée en vigueur de la LTF (consid. 2.3.1) ? La doctrine est divisée sur cette question (consid. 2.3.2). Les dispositions du CPC régissant l’arbitrage interne ne la règlent pas explicitement, tandis que celles relatives à la procédure étatique prévoient que les dispositions sur la révision s’appliquent dans un tel cas (art. 51 al. 3 CPC). Le silence du législateur pour ce qui est de l’arbitrage interne semble en réalité être le fruit d’un oubli. La similitude entre les décisions étatiques et les sentences arbitrales sous l’angle des motifs de révision constitue à priori une raison valable justifiant l’extension du domaine d’application de la règle de l’art. 51 al. 3 CPC à l’arbitrage interne. Par ailleurs, et même s’il est vrai que les solutions adoptées pour l’arbitrage interne ne valent pas nécessairement pour l’arbitrage international, il n’est guère envisageable d’adopter une solution différente entre ces deux régimes s’agissant d’une garantie aussi essentielle que l’indépendance et l’impartialité des membres du tribunal arbitral (consid. 2.3.4). Cela étant, au vu du sort à réserver à la demande soumise au TF en l’espèce, il ne paraît pas opportun de trancher cette question dans un jugement. Il est préférable de laisser au législateur le soin de la régler (avec, plus généralement, l’ensemble des motifs de révision d’une sentence arbitrale internationale) dans le cadre des travaux de toilettage du Chapitre 12 LDIP actuellement en cours (consid. 2.3.5). Quant au fond de la demande, référence peut être faite entre autres à l’instrument de travail utile que sont les IBA Guidelines on Conflicts of Interest. Le fait que le cabinet de l’arbitre fait partie d’un réseau international d’études indépendantes dont était également membre un autre cabinet ayant conseillé une société appartenant au même groupe que l’une des parties à l’arbitrage, dans une affaire non liée à cette procédure, n’aurait pas pu justifier, en l’espèce, la récusation de l’arbitre pendente lite, ni, à un stade ultérieur, l’admission d’un recours en matière civile fondé sur l’article 190 al. 2 let. a LDIP. Partant, la demande en révision fondée sur ce même motif doit être rejetée (consid. 3.3).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler
(A. SE [société allemande] c. B Inc. [société panaméenne]). Demande de révision de la sentence rendue le 15 février 2011 par un Tribunal arbitral CCI.
Contrat d’intermédiaire pour l’obtention de mandats de fourniture de moteurs diesel et autres installations pour centrales électriques à l’opérateur en charge dans le pays V., prévoyant qu’en cas de violation des lois applicables en matière de corruption, les commissions stipulées ne seraient pas payables. Litige survenu entre les parties ; A. refusant de payer des commissions réclamées par B. au motif que celle-ci n’était en réalité qu’une société-écran servant à la distribution de pots-de-vin aux fonctionnaires en charge d’approuver les commandes de V. Sentence arbitrale déboutant A. du fait qu’elle n’avait pas été en mesure de prouver son allégation de corruption. Découverte par A., à l’occasion d’une procédure pénale se déroulant 5 ans plus tard en Allemagne, de l’identité du bénéficiaire du compte en banque de B., démontrant qu’il s’agissait d’une personne étroitement liée au régime en place dans V., ne présentant donc pas les garanties d’indépendance requises par rapport aux transactions litigieuses. Demande de révision fondée sur l’art. 123 ch. 2 al. 1 LTF (découverte après coup de faits pertinents ou de moyens de preuve concluants). Selon la jurisprudence, les faits nouveaux invoqués doivent être pertinents, à savoir de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt attaqué et à aboutir à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte. Pour pouvoir présenter des moyens de preuve nouveaux destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit démontrer qu’il n’était pas à même de les offrir dans la procédure précédente. Ces moyens doivent être concluants, en ce sens qu’ils auraient conduit le juge à statuer autrement s’il en avait eu connaissance dans la procédure antérieure. Ce qui est décisif, c’est que les moyens en question ne servent pas à l’appréciation, mais bien plutôt à l’établissement des faits litigieux (consid. 2.2). A., qui n’avait pas pu prouver la corruption du fait que B. avait refusé de produire les documents requis à cet effet, malgré une ordonnance dans ce sens du Tribunal, parvient cette fois à démontrer que l’entité B. était en réalité en charge de distribuer des pots-de-vin (consid. 3.2) ; requête admise. Cause renvoyée au Tribunal arbitral pour qu’il statue à nouveau sur l’allégation de corruption avancée par la défenderesse à l’arbitrage et sur le litige qui lui a été soumis (consid. 4).
Antonio Rigozzi, Erika Hasler