Arbitrage

(Michel Platini c. FIFA). Recours contre la sentence rendue par le TAS le 16 septembre 2016.

Sentence déclarant M. Platini coupable de la violation des art. 19 et 20 du Code Ethique de la FIFA, lui interdisant de prendre part à toute activité liée au football au niveau national et international pendant 4 ans et lui infligeant une amende. Recours reprochant au TAS d’avoir rendu une sentence « arbitraire tant au niveau des faits que du droit, voire de l’équité » (consid. 3). Argument de l’intimée selon lequel seule l’application arbitraire du droit matériel, c’est-à-dire du droit étatique, peut être sanctionnée au titre de la violation manifeste du droit visée par l’art. 393 let. e CPC, de sorte que la prétendue application arbitraire des règlements internes de la FIFA dont se plaint le recourant ne peut faire l’objet d’un recours au TF. Thèse rejetée, d’une part parce que les dispositions du Code Ethique dont l’application est contestée ne sont pas de simples règles procédurales, mais ressortissent au droit matériel touchant les sanctions disciplinaires privées, et d’autre part parce que le sens donné par l’intimée à la notion de règle de droit est tiré d’une jurisprudence dans laquelle le TF s’était posé la question dans un contexte différent, aux fins spécifiques de l’application de l’art. 116 LDIP (ATF 132 III 285), relatif à l’élection de droit. Par ailleurs, la personne qui s’estime lésée par la peine disciplinaire que l’association lui a infligée, doit pouvoir dénoncer cette violation au travers de l’art. 75 CC, et si elle le fait à l’encontre d’une violation sanctionnée par une sentence arbitrale interne, elle doit pouvoir contester l’application arbitraire, au sens de l’art. 393 let. e CPC, des règles en vertu desquelles la peine disciplinaire lui a été infligée (consid. 3.2.2). Admettre la thèse inverse reviendrait à faire du recours en droit civil contre les sentences internes un moyen de droit plus limité que le recours en matière d’arbitrage international car l’incompatibilité de la sentence avec l’ordre public (art. 190 al. 2 let e LDIP) ne compte pas au nombre des motifs de recours énumérés à l’art 393 CPC (consid. 3.2.2). Cela étant, un examen approfondi de l’application et interprétation des règlements en question par le TAS montre que le grief d’arbitraire n’est pas fondé (consid. 3.3-3.6). Recours rejeté.

(A. AG c. B. AG). Recours contre la sentence partielle rendue le 29 juin 2016 par un Tribunal arbitral de l’Association suisse des professionnels de l’immobilier (SVIT).

Création entre la recourante et la première défenderesse à l’arbitrage d’une société simple sous forme de consortium de construction ayant pour but d’exploiter des parcelles de terrain et de vendre les immeubles qui y seraient construits. Contrat contenant une clause compromissoire soumettant tout éventuel litige entre les actionnaires (tant au sujet du consortium que des autres accords conclus avec ses futurs partenaires) à un tribunal arbitral constitué conformément au règlement SVIT, et prévoyant la conclusion d’un contrat d’entreprise distinct confiant la direction des travaux de construction à une société tierce. Suite à un différend, bifurcation de la procédure devant le Tribunal arbitral. Recours contre la sentence partielle issue de la première phase au motif que le Tribunal se serait à tort déclaré incompétent à l’égard de la 2e défenderesse. Rappel de la règle selon laquelle le TF ne revoit pas l’état de fait à la base de la sentence attaquée, même s’il s’agit de la question de la compétence, sauf si l’un des griefs mentionnés à l’art. 393 CPC est soulevé à l’encontre dudit état de fait ou que des faits ou preuves nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le recours. La partie qui entend faire valoir une exception à cette règle est tenue de démontrer qu’elle avait dûment allégué les faits pertinents dans l’arbitrage (consid. 2.1). Lorsqu’il examine s’il est compétent pour trancher le litige qui lui est soumis, le tribunal arbitral doit résoudre, entre autres questions, celle de la portée subjective de la convention d’arbitrage, cas échéant pour déterminer si un ou des tiers qui ne l’ont pas signée ou qui n’y sont pas mentionnés entrent néanmoins dans son champ d’application. Parmi les hypothèses acceptées dans la jurisprudence au titre d’exceptions au principe de la relativité des obligations contractuelles (s’appliquant également aux conventions d’arbitrage), on compte la responsabilité fondée sur les apparences et la théorie dite de l’immixtion. Au terme de son analyse des faits, le Tribunal SVIT a rejeté ces deux hypothèses comme n’étant pas réalisées dans le cas d’espèce. La recourante ne parvient pas à fonder ses arguments – que ce soit au sujet de la position de la 2e défenderesse vis-à-vis du consortium ou du rôle joué par cette partie-là dans l’exécution du contrat – sur l’état de fait contenu dans la sentence, ni à réfuter les considérations décisives des arbitres sur la base des faits tels qu’elle les a allégués dans l’arbitrage (consid. 2.4). Recours rejeté.

(X. c. Z. SA [société de courtage]). Recours contre la sentence finale rendue le 19 juillet 2016 par un Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI.

Contrat de courtage contenant une clause compromissoire, signé par le recourant et une partie tierce. Reproche fait à l’arbitre d’avoir incorrectement nié l’existence d’une procuration apparente octroyée par la défenderesse à ce tiers, et, partant, d’avoir refusé à tort sa compétence à l’égard de la défenderesse. Question de savoir si la procuration du représentant pour conclure une convention d’arbitrage doit être passée par écrit : laissée ouverte (consid. 3.1.1). Conditions à remplir pour qu’un contrat conclu par un représentant lie le représenté conformément à l’art. 32 al. 1 CO ; possibilité que l’absence de pouvoirs de représentation soit palliée par l’existence d’une procuration externe apparente au sens de l’art. 33 al. 3 CO, voire que le représenté soit réputé avoir valablement ratifié subséquemment un accord passé par le représentant agissant au-delà de ses pouvoirs, en vertu de l’art. 38 CO (consid. 3.1.2). Hypothèses toutes (valablement, malgré quelques confusions dans le raisonnement) niées par l’Arbitre (consid. 3.2), au même titre que celle d’une éventuelle extension de la convention d’arbitrage à la défenderesse sur la base de la théorie dite de l’immixtion (consid. 4.2). Recours rejeté.

(A. AG c. B. AG). Recours contre les courriers de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI) du 6 et du 16 septembre 2016 et de l’Arbitre unique du 19 septembre 2016.

Contrat contenant une clause compromissoire stipulant que «[t]he parties shall endeavour in good faith to resolve any dispute arising from, and/or in connection with, this Agreement by way of good faith discussion and negotiation. If the parties do not resolve any such dispute within thirty (30) days from the date on which negotiations initiated, the dispute shall […] be exclusively referred to, and finally resolved by an arbitral tribunal in accordance with the Swiss Rules of Arbitration […] » (clause de résolution des litiges multi-tier ou par étapes). Dépôt d’une demande d’arbitrage ; exception d’incompétence de la défenderesse au motif que la demanderesse n’avait pas préalablement tenté une résolution amicale du litige. Courriers du secrétariat SCAI informant les parties de ce que la Cour d’arbitrage avait procédé à la désignation d’un arbitre unique faute d’accord entre elles, puis confirmant la nomination de l’arbitre ainsi désigné. Courrier de l’arbitre proposant des dates pour la tenue d’une Case Management Conference, communiquant aux parties un projet de règlement de procédure pour observations, et invitant la défenderesse à verser sa part de l’avance de frais. Recours demandant au TF d’annuler les décisions contenues dans lesdits courriers, de constater le défaut de compétence de la SCAI et de l’Arbitre unique et de renvoyer l’affaire à l’institution pour la constitution d’un nouveau tribunal, ou pour qu’elle ordonne la suspension de la procédure jusqu’à l’expiration du terme prévu pour la poursuite d’une résolution à l’amiable. De jurisprudence constante, seules peuvent faire l’objet d’un recours au sens des arts 77 LTF et 389 ss CPC les sentences arbitrales à proprement parler. Les décisions concernant l’organisation de la procédure, y compris son éventuelle suspension, voire la nomination ou la récusation d’arbitres, ainsi que celles fixant les avances de frais, ne sont pas des sentences susceptibles de recours, à moins qu’en les rendant, le tribunal n’ait statué implicitement sur sa compétence ou la régularité de sa constitution (consid. 1.2). Les courriers attaqués en l’espèce ne peuvent pas être qualifiés de sentences. En effet, les deux lettres issues de la SCAI n’émanent pas d’un tribunal arbitral, mais d’une institution privée chargée d’administrer les procédures soumises à son règlement d’arbitrage (consid. 1.3). Quant au courrier envoyé par l’arbitre, il ne s’agissait que d’une simple ordonnance organisant la suite de la procédure et sollicitant le paiement de l’avance de frais en conformité avec ledit règlement, ordonnance dans laquelle on ne ravise aucune décision au sujet de la compétence ou nomination de l’arbitre (consid. 1.4). Recours irrecevable.

(A. AG c. B. AG). Recours contre la décision rendue le 30 août 2016 par le Tribunal arbitral des baux et loyers.

Retrait de la demande d’arbitrage suite au non-paiement de l’avance de frais par la défenderesse. Requête de la demanderesse, formulée dans deux courriers adressés aux seuls arbitres, sollicitant une décision du Tribunal portant clôture de la procédure, lui restituant la part de l’avance déjà versée par elle et mettant les frais de la procédure et une indemnité pour ses dépens à la charge de la défenderesse. Décision du Tribunal mettant les frais de la procédure à la charge des deux parties, à raison d’une moitié chacune. Recours de la défenderesse au motif, entre autres, qu’en omettant de lui transmettre les courriers de la demanderesse et de l’inviter à se prononcer à leur sujet avant de rendre sa décision, le Tribunal avait violé son droit d’être entendue. Le respect du droit d’être entendu consacré à l’art. 29 al. 2 Cst. présuppose que les actes déposés par un participant à la procédure soient communiqués aux autres. Avant de rendre une décision pouvant affecter la situation juridique d’une partie, le tribunal doit lui permettre de s’exprimer au sujet des arguments et allégations en présence (consid. 2.1-2.3). Recours admis ; cause renvoyée au Tribunal arbitral pour qu’il décide sur la répartition des frais après avoir donné l’opportunité à la recourante de prendre position sur les écritures déposées par l’intimée à ce sujet (consid. 2.5).

(A. c. Ente Ospedaliero Cantonale (EOC)).

Recours contre la sentence finale rendue le 22 septembre 2015 par la Commission de recours pour les litiges issus de l’application du Règlement du personnel près l’hôpital cantonal du Tessin. Refus de la Commission d’annuler le licenciement d’un employé de l’EOC pour cause de conduite inappropriée et nuisible à l’environnement de travail. Grief du recourant selon lequel les membres de la Commission auraient violé son droit d’être entendu en rejetant sa demande d’audition des témoins de la partie adverse, au mépris de la garantie du contradictoire consacrée à l’art. 373 al. 4 CPC et de la disposition du Règlement topique selon laquelle les arbitres doivent constater les faits d’office. La Commission a refusé d’ordonner l’audition après avoir procédé à une appréciation anticipée de l’apport probatoire des témoins en question, eu égard à l’ensemble du dossier déjà établi dans la procédure de première instance. Elle en a conclu que l’audition et contre-interrogation de ces témoins n’était pas susceptible de modifier sa conviction quant à l’issue du litige. L’appréciation des preuves, fût-elle anticipée, échappe à l’examen du TF lorsqu’il est saisi d’un recours contre une sentence arbitrale. Le droit d’être entendu au sens de l’art. 393 let. d CPC n’entraine pas non plus l’obligation pour l’arbitre de constater les faits d’office (consid. 5). Recours rejeté.

(X. [propriétaire d’une parcelle] c. Z. SA [bureau d’Ingénieurs Conseils]). Recours contre la sentence finale rendue le 19 avril 2016 par un Arbitre unique ad hoc.

Parties s’étant entendues pour soumettre leur litige, issu d’un contrat de construction, à un arbitre unique. Arbitre nommé par le juge d’appui, faute d’accord entre les parties. Argument de la recourante selon lequel la désignation de l’Arbitre serait irrégulière, au motif qu’il aurait fallu nommer un ingénieur civil ou un géotechnicien pour résoudre le litige en question, et non un avocat, fût-il spécialiste FSA, à l’instar de l’arbitre nommé en l’espèce. La procédure de désignation de l’arbitre et son indépendance ne sont pas mises en cause, seules ses qualifications sont contestées. La recourante ne soutient pas que les parties se seraient accordées pour exiger des qualifications particulières que l’Arbitre sélectionné ne remplirait pas. De telles exigences ne découlent pas non plus des dispositions légales applicables. Dès lors, le grief est infondé (consid. 2.2). Recours rejeté.

(X. c. Z. [avocats associés]). Recours contre l’ordonnance de procédure rendue le 26 août 2016 par un Arbitre unique ad hoc.

Différend entre deux avocats anciennement associés ayant mis un terme à leur collaboration, soumis au Bâtonnier de l’Ordre des avocats genevois (OdA) en tant qu’arbitre unique en vertu de la clause compromissoire insérée dans la convention d’association – clause prévoyant également une médiation préalable obligatoire. Suite à la destitution du premier arbitre par le Tribunal de première instance du Canton de Genève, son successeur à la fonction de Bâtonnier de l’OdA a donné suite à une nouvelle requête d’arbitrage déposée par Z., reprenant l’instruction de la cause déjà entamée par son prédécesseur. Par courrier du 23 août 2016, X., se référant à l’arrêt ATF 142 III 296, a invité l’arbitre à déclarer irrecevable la requête d’arbitrage de Z. ou, subsidiairement, à suspendre la procédure et fixer aux parties un délai pour procéder à la médiation prévue dans la convention d’association. Lettre de l’arbitre indiquant qu’à son sens la conséquence de la violation de l’obligation de médiation préalable, telle qu’elle ressort de l’ATF 142 III 296, n’entraîne pas l’irrecevabilité de la demande, mais la suspension de la procédure arbitrale et la fixation d’un délai aux parties pour entreprendre la médiation, invitant les parties à lui faire part de leurs souhaits respectifs quant à l’initiation d’une tentative de médiation à ce stade (qui serait alors assortie d’une suspension de l’arbitrage), et à discuter d’autres points de procédure, lors d’une conférence téléphonique à fixer (consid. 1.2). Recours de X. contre la lettre de l’arbitre, qu’il qualifie de sentence incidente, fondé sur les motifs tirés des art. 393 let. a et b CPC. Démission de l’arbitre, avec l’accord des parties, pendant la procédure fédérale, rendant sans objet la partie du recours visant à faire constater l’irrégularité de sa désignation (art. 393 let. a CPC) (consid. 1.3-2). Pour le surplus, recours irrecevable, car la lettre de l’arbitre ne constitue pas une sentence incidente au sens de l’art. 190 al. 3 LDIP, mais un document contenant de simples directives de procédure, non susceptibles d’être attaquées devant le TF (consid. 3.2). Voir également l’arrêt TF 4A_546/2016 du 27 janvier 2017, résumé ci-dessous en relation avec le grief de l’art. 393 let. b CPC.

(A. AG [Banque] c. SIX Swiss Exchange). Recours contre la sentence rendue le 22 mars 2016 par le Tribunal arbitral de la Bourse suisse.

Banque cotée en bourse condamnée à payer une amende pour infractions au Règlement de cotation et à la Directive concernant la publicité événementielle. Avant l’échéance du délai de recours au TF, l’avocat de la banque écrit à l’avocat de la Bourse, indiquant que, suite à leur entretien téléphonique, la banque a décidé de ne pas recourir contre la sentence compte tenu du fait que la Bourse n’entend pas déposer un recours. Réponse de l’avocat de la Bourse du même jour, confirmant avoir pris note de la renonciation à recourir de la banque. Ce nonobstant, quelque temps après, la banque recourt contre la sentence. Question de l’existence d’une renonciation à recourir valable. En droit de l’arbitrage interne, la renonciation à recourir peut être seulement postérieure à la sentence. Une telle renonciation, dans la mesure où elle est exprimée librement et en connaissance de la sentence, est en principe valable. La déclaration de renonciation s’interprète selon les règles usuelles d’interprétation, à savoir en recherchant la volonté réelle des parties, ou, lorsqu’une telle volonté ne peut être mise au jour, à la lumière du principe de confiance (consid. 1.2.2). En l’espèce, même si l’avocat de la banque n’avait pas utilisé le mot ‘renonciation’ dans sa communication écrite, cette communication indiquait clairement que la banque n’allait pas recourir (consid. 1.2.4). Ainsi, et compte tenu de l’ensemble des circonstances, elle pouvait parfaitement et de bonne foi être comprise par son adverse partie comme une renonciation formelle à recourir (consid. 1.2.6). La renonciation au recours est donc valable et irrévocable (consid. 1.2.7). Recours irrecevable.