Droit des sociétés

ATF 148 III 11 (d)

2021-2022

Responsabilité du conseil d’administration ; légitimation active ; concurrence entre l’action de la société et celle d’un créancier/actionnaire (ayant tous deux subi un dommage) et de la priorité à donner à l’une par rapport à l’autre (consid. 3.2.3.1). Revenant sur les arrêts 131 III 306 et 141 III 112, le TF mentionne qu’il ne s’était alors par explicitement prononcé sur la question de savoir si la priorité de l’action de la société s’appliquait indépendamment du fait que la société soit en faillite ou non. Il précise ici que dans le cas d’une société en activité, il n’y a pas de concurrence entre les deux actions qui peuvent être introduites librement par les ayants droit. Finalement, le TF dresse une liste des dispositions du droit de la société anonyme qu’un créancier peut invoquer pour fonder un dommage. Il se réfère aussi à la notion de normes à double effet protecteur : en font partie les dispositions relatives au bilan ainsi que celles sur le surendettement. L’art. 717 CO (diligence) en revanche ne crée que des obligations envers la société et ne peut pas être invoqué par un créancier. En l’espèce, l’actionnaire ou le créancier voit sa qualité pour agir limitée aux prétentions tendant à la réparation de son dommage direct. Il est rappelé que les prétentions en responsabilité fondées sur l’art. 754 CO peuvent également être formulées par une personne qui n’est plus actionnaire ou créancière de la société au moment où l’action est introduite, pour autant qu’elle ait été directement lésée en cette qualité. Conformément à la maxime des débats, il est indispensable d’établir l’illicéité du comportement adopté par l’organe, afin que le dommage allégué qui en résulte puisse être admis.

Responsabilité des organes de la société anonyme. La responsabilité fondée sur l’art. 754 CO est subordonnée à la réunion des quatre conditions générales suivantes, à savoir la violation d’un devoir, une faute (intentionnelle ou par négligence), un dommage et l’existence d’un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du devoir et la survenance du dommage. Elle vise tant les administrateurs que toute personne qui s’occupe de la gestion, y compris les organes de faits. Lorsque le manquement reproché est, comme en l’espèce une omission, le rapport de causalité doit exister entre l’acte omis et le dommage. C’est notamment le cas lorsque les créances colloquées dans la faillite sont nées après la date à laquelle l’administrateur intimé aurait dû aviser le juge du surendettement comme dans le cas d’espèce. L’art. 759 al. 1 CO institue une solidarité différenciée. Si plusieurs personnes répondent d’un même dommage, chacune d’elles est solidairement responsable dans la mesure où le dommage peut leur être imputé personnellement en raison de leur faute et au vu des circonstances. Dans l’affaire en cause, le TF retient qu’il semble discutable d’admettre une faute de l’administrateur qui se renseignait régulièrement sur l’état de la société auprès du directeur recourant, relançait ce dernier en cas de retard dans l’établissement des comptes, a requis l’établissement des comptes avant son départ de la société, a prêté plusieurs millions à la société et a postposé ses créances au vu des pertes subies par la celle-ci.