Art. 8 al. 1, 1bis et 3 let. d, 21 al. 1, 2 et 3 LAI ; 2 al. 1, 2 et 4 OMAI ; ch. 1.01 de l’annexe à l’OMAI
Le droit à une prothèse de la cuisse équipée d’un genou articulé Genium comme mesure de réadaptation est admis si une telle mesure présente un caractère approprié, nécessaire et adéquat. L’adéquation doit être personnelle, matérielle, financière et temporelle. En confirmation de l’ATF 132 V 215, la remise d’une prothèse de la cuisse équipée d’un genou articulé Genium par l’assurance-invalidité devrait être limitée aux cas où il existe un besoin de réadaptation particulièrement accru. Dans le cas d’espèce, la prothèse articulaire du Genium n’est pas le meilleur soin possible, mais l’un des soins adaptés aux handicaps multiples spéciaux dont souffre l’assuré (troubles visuels depuis la naissance et amputation de la jambe gauche au-dessus du genou ; consid. 5 à 7) créant ainsi des exigences professionnelles spéciales en ce qui concerne la mobilité et la sécurité pour marcher.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Ruth-Esther N’Goran, Audrey Voutat, Léa Huguenin-Elie
6 al. 2, 9 et 13, 42bis al. 2 LAI ; 35 RAI
Une enfant ressortissante d’un pays de l’UE, domiciliée en Suisse, atteinte d’autisme, a bénéficié d’une allocation pour impotent et d’un supplément pour soins intenses, ainsi que de mesures médicales. Le droit aux prestations a été supprimé après que ses deux parents ont obtenu des postes de fonctionnaires internationaux, les soustrayant à l’assujettissement à l’AVS/AI. Se livrant à une interprétation systématique de l’art. 9 LAI, en particulier de l’articulation des al.1bis et 2, le TF parvient à la conclusion que la condition d’assurance doit exister, soit parce que l’enfant est lui-même affilié, soit parce que les « conditions de rattrapage » de l’art. 9 al. 2 LAI sont remplies, pendant toute la durée du versement des prestations. En d’autres termes, le droit aux mesures de réadaptation au sens de l’art. 9 al. 3 LAI s’éteint en vertu de l’art. 9 al. 1bis LAI si l’assujettissement du (seul) parent assuré prend fin. Cela vaut même si le droit à ces prestations est fondé sur l’art. 9 al. 3 LAI (consid. 5.2). En l’espèce, s’il était clair que les parents n’étaient plus affiliés à l’AVS/AI et que les conditions de l’art. 9 al. 3 LAI n’étaient plus remplies, le statut de l’enfant n’avait pas été clarifié par les premiers juges. Le TF leur a renvoyé la cause pour qu’ils instruisent la question de savoir si l’enfant partageait les privilèges et immunités accordés à ses parents, ou si elle était elle-même personnellement affiliée à l’AVS/AI. Si cette deuxième hypothèse se vérifie, alors le droit aux prestations doit être maintenu.
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Art. 45 et 61 LPGA ; 72bis 1 RAI
Depuis décembre 2014 (arrêt de principe : TF 9C_217/2014), le TF avait établi une jurisprudence voulant que les frais d’une expertise judiciaire confiée à un COMAI soient fixés sur la base du tarif établi par l’OFAS et intégré aux contrats de droit administratif passés avec les établissements désireux de fonctionner comme COMAI. Dans cet arrêt, le TF reconnaît que cette jurisprudence contrevenait à la répartition des compétences entre cantons et Confédération en matière d’organisation judiciaire. En l’absence de base légale au niveau fédéral qui donnerait aux cantons – ou permettrait de leur donner, par délégation – des instructions s’agissant de la fixation de la rémunération judiciaire, la jurisprudence de 2014 doit être abandonnée et les cantons sont désormais libres de fixer cette rémunération.
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Art. 35 al. 1 LAI ; 25 al. 5 LAVS ; 49ter al. 1 et 71ter al. 3 RAVS ; DR N 3358
La notion de formation ouvrant droit à une rente au sens du N 3358 des Directives sur les rentes (DR) recouvre celle de formation initiale, de formation complémentaire et de formation visant une réorientation professionnelle. Cela n’est pas contraire à l’art. 49ter al. 1 RAVS (applicable au domaine de l’AI selon l’art. 82 al. 1 RAI), qui dispose que la formation se termine avec un diplôme de fin d’études ou un diplôme professionnel. La notion de formation devant être interprétée de manière large, il importe donc peu qu’il s’agisse d’une première ou d’une deuxième formation, tant que l’on reste dans la limite d’âge maximale de 25 ans. Par conséquent, peut prétendre de nouveau à une rente pour enfant un enfant de moins de 25 ans qui, après avoir terminé une formation commerciale, débute, après deux ans d’interruption, une seconde formation (consid. 3.5). Le droit à la rente pour enfant en formation est une prétention distincte du maintien éventuel du devoir d’entretien du droit civil, qui est soumis à des conditions propres, comme la capacité contributive des père et mère (consid. 4). Ainsi, il arrive que la rente pour enfant prenne fin à l’âge maximal de 25 ans alors que l’obligation d’entretien de l’art. 277 al. 2 CC se poursuit. S’agissant du versement de la rente, conformément à l’art. 71ter al. 3 RAVS, applicable par analogie à l’AI, la majorité de l’enfant ne modifie pas le mode de versement appliqué jusque-là, sauf si l’enfant majeur demande que la rente pour enfant lui soit versée directement. Toute décision contraire du juge civil ou de l’autorité tutélaire demeure réservée. Ainsi, la rente pour enfant versée directement à l’enfant majeur qui le demande n’est pas contraire au droit (consid. 5.2). Le versement d’une telle rente entraîne en l’espèce la réduction de la rente complémentaire LAA du père.
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Art. 48 al. 2 LAI ; 70 al. 2 let. a LPGA
Un assuré né en 2011, souffrant d’une malformation congénitale du développement urétral (hypospadias), est hospitalisé le 9 décembre 2012 et subit une intervention chirurgicale le lendemain. Les factures de ce traitement sont reçues par son assurance-maladie le 3 février 2014. Conformément à l’art. 70 LPGA, celle-ci a pris en charge de manière provisoire les prestations médicales découlant de cette malformation congénitale. Le 12 août 2014, l’assuré, par le biais de ses représentants légaux, s’est annoncé auprès de l’assurance-invalidité pour des prestations en lien avec sa malformation congénitale. Le 29 avril 2015, l’office AI compétent informe les parents de l’assuré qu’en raison de leur demande tardive du remboursement des mesures médicales prises en charge provisoirement par l’assurance-maladie, les paiements anticipés de l’assureur maladie ne pouvaient être remboursés que pour les 12 mois précédant l’annonce à l’AI, les conditions pour des paiements au-delà de 12 mois n’étant pas remplies. En effet, l’office AI compétent indique que, bien que l’art. 48 LAI ne mentionne que la « personne assurée », celui-ci s’applique par analogie à l’assurance maladie. Cet article dispose en son alinéa 1 que si un assuré ayant droit à des prestations de l’AI présente sa demande plus de 12 mois après la naissance de ce droit, la prestation n’est allouée que pour les 12 mois précédant le dépôt de la demande. Toutefois, l’alinéa 2 du même article précise que les prestations arriérées sont allouées à l’assuré pour des périodes plus longues s’il ne pouvait pas connaître les faits ayant établi son droit aux prestations et s’il a fait valoir son droit dans un délai de 12 mois à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de ces faits. Sur recours de la caisse d’assurance maladie, le TF examine si l’office AI a l’obligation d’effectuer des paiements au-delà de la période de 12 mois précédant la demande tardive pour le remboursement des prestations prises en charge provisoirement par l’assurance-maladie. En l’espèce, il y a lieu de s’écarter de la lettre de l’art. 48 al. 2 LAI car non seulement l’assuré mais également, par analogie, la caisse-maladie qui a pris en charge des prestations de manière provisoire peut en exiger le remboursement si les faits ouvrant droit à des prestations remontent à plus de 12 mois à compter du dépôt de la demande et si la caisse n’est pas responsable de la prise de connaissance tardive. Le point de départ du délai de 12 mois de l’art. 48 al. 2 let. a LAI commence à courir au moment de la prise de connaissance par la caisse-maladie concernée des faits justifiant le remboursement des prestations ; la connaissance antérieure de l’assuré, respectivement de ses parents, ne peut pas lui être opposée (consid. 5).
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Art. 7, 8 LPGA ; 4 LAI
A l’ATF 134 V 409 le TF modifie sa pratique au sujet du caractère invalidant des troubles dépressifs. Pour mémoire, depuis mi-2016 environ, le TF avait adopté une pratique très rigoureuse, selon laquelle les troubles dépressifs légers et moyens n’étaient invalidants que s’ils étaient incurables, leur curabilité étant présumée. Depuis le 30 novembre 2017, la preuve du caractère invalidant d’un trouble dépressif doit désormais être apportée selon la même procédure probatoire structurée que pour les troubles somatoformes douloureux et autres pathologies associées, en appliquant les indicateurs définis à l’ATF 141 V 281. Dans ce contexte, la résistance du trouble dépressif à un traitement conduit dans les règles de l’art n’est qu’un élément parmi d’autres. Il s’agit désormais aussi de comprendre les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, ce qui suppose de tenir compte d’un ensemble de facteurs considérés dans leur globalité. La personne assurée conserve le fardeau de la preuve du caractère invalidant de sa pathologie. Le médecin, respectivement l’expert, doit expliquer de manière plausible comment un trouble dépressif léger ou moyen, malgré – en principe – une bonne accessibilité au traitement, entraîne des limitations fonctionnelles qui se répercutent sur la capacité de travail de la personne assurée. Dans le même élan, le TF étend l’application de la procédure probatoire définie à l’ATF 141 V 281 à l’ensemble des troubles psychiatriques, dès lors que la majorité des troubles psychiatriques sont en réalité aussi peu objectivables que les troubles somatoformes douloureux et pathologies associées (ATF 141 V 281). On peut cependant renoncer à la procédure probatoire de l’ATF 141 V 281 lorsque cela n’est pas nécessaire pour établir les faits. Il en va ainsi, premièrement, lorsque l’on se trouve en présence de diagnostics assimilables à des troubles physiques (schizophrénie, anorexie, etc.) et que les évaluations médicales sont claires et concordantes, tant sur la question du diagnostic que celle des limitations fonctionnelles. Ensuite, on peut aussi renoncer à l’examen des indicateurs lorsque des rapports médicaux ayant pleine valeur probante concluent de manière convaincante à l’absence d’une incapacité de travail, sans que d’autres rapports de valeur équivalente n’établissent le contraire.
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Art. 88bis 2 let. b RAI en lien avec 16 LPGA
Précision de la jurisprudence publiée à l’ATF 138 V 457 (consid. 3.3) selon laquelle le moment auquel la question de la mise en valeur de la capacité (résiduelle) de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite doit être examinée correspond au moment auquel il a été constaté que l’exercice (partiel) d’une activité lucrative était médicalement exigible. Dans le cas d’une violation de l’obligation de renseigner, il n’est pas contraire au droit fédéral de juger la mise en valeur de la capacité résiduelle de travail d’un assuré proche de l’âge de la retraite au moment où la diminution, respectivement la suppression de la rente entre en considération selon l’art. 88bisal. 2 let. b RAI.
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Art. 14 CEDH ; 8 al. 2 Cst. ; Disp. fin. 6 let. a al. 1 LAI ; 7 et 8 LPGA
Dans le cadre d’une révision initiée sur la base de la lettre a al. 1 Disp. fin. 6A, le TF rappelle tout d’abord les principes dégagés à l’ATF 141 V 281 pour déterminer le caractère invalidant d’un trouble somatoforme douloureux ou d’une pathologie associée. Il rappelle également que des constatations de fait ne sont pas déjà arbitraires parce qu’elles ne correspondent pas à la perception que la personne assurée a de sa situation. Des doutes quant à la réalité de la situation décrite par les premiers juges ne suffisent pas davantage. Il faut au contraire que le caractère erroné de leurs constatations soit évident et saute aux yeux. Ces conditions n’étaient pas remplies en l’espèce. Le trouble somatoforme douloureux présenté par le recourant n’étant pas invalidant selon les indicateurs de l’ATF 141 V 281, c’est à bon droit que les juges cantonaux ont rejeté le recours. Sans motiver davantage, le TF affirme que la méthode utilisée par les premiers juges ne viole ni l’interdiction de discrimination (art. 14 CEDH), ni le principe de l’égalité de traitement (art. 8 al. 2 Cst.). Le recourant semblait pourtant plaider le caractère discriminatoire de la méthode utilisée pour déterminer le caractère invalidant de troubles psychogènes.
Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp, Ruth-Esther N’Goran, Audrey Voutat, Léa Huguenin-Elie