Arbitrage

(A. [individu domicilié en Belgique] c. B. Ltd [société ayant son siège à Hong Kong], C. [individu dont le domicile n’est pas spécifié]). Recours contre la sentence finale rendue le 31 mai 2021 par un Tribunal arbitral opérant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (SCAI), avec siège à Genève. Voir le récapitulatif des faits pertinents présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants de l’arrêt en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Dans la première branche de son moyen tiré de la violation de l’ordre public procédural, le recourant reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’autorité de la chose jugée de la sentence incidente. Le moyen est insuffisamment motivé et, quoi qu’il en soit, la critique tombe à faux pour les mêmes motifs qui ont conduit le TF à rejeter le grief de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP (voir ci-dessus, le résumé du consid. 5 en relation avec la disposition précitée). Le recourant soutient également, dans la seconde branche du moyen examiné, que le Tribunal aurait doublement méconnu la garantie de l’art. 29a Cst., d’une part en lui fermant l’accès à toute autre juridiction arbitrale, du fait que le dispositif de la sentence finale ne fait que rejeter toutes les prétentions du recourant, sans préciser que le Tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur certaines d’entre elles, et d’autre part, parce que le refus des arbitres de statuer sur les prétentions du recourant envers B. Ltd signifie que le recourant ne pourra pas saisir valablement un autre tribunal arbitral au sujet de ces prétentions, faute de convention d’arbitrage liant B. Ltd dans les autres contrats pertinents. La violation des normes constitutionnelles ne compte pas en tant que telle au nombre des griefs énumérés à l’art. 190 al. 2 LDIP, et le recourant n’explique pas, dans son recours, en quoi il faut rattacher la violation alléguée au grief de la violation de l’ordre public procédural. En tout état de cause, le grief devrait être rejeté car la portée de l’autorité de la chose jugée du dispositif d’une sentence peut être déterminée en se référant aux considérants de la décision, dans lesquels le Tribunal s’est explicitement déclaré incompétent pour connaître de certaines prétentions de nature extracontractuelle, qu’il a clairement identifiées, si bien que l’exception de chose jugée ne pourrait pas être opposée au recourant au cas où il saisirait une autre juridiction arbitrale ou étatique pour lui soumettre ces mêmes prétentions. Pour ce qui est de la prétendue impossibilité de saisir la voie arbitrale résultant de la sentence, il suffit de rappeler qu’une partie ne saurait tirer de la garantie de l’art. 29a Cst. un quelconque droit à soumettre ses prétentions à un tribunal arbitral plutôt qu’à un juge étatique (consid. 6.3). Recours rejeté.

(A. S.p.A. [société de droit italien] c. B. S.p.A. [société de droit italien]). Recours contre la sentence rendue le 22 juin 2021 par un Tribunal CCI avec siège à Genève. Litige issu d’un contrat d’achat d’actions (SPA) par lequel B. S.p.A. a cédé à A. S.p.A. la totalité du capital-actions d’une société détenant entièrement une filiale (société F.) opérant dans l’industrie chimique et exploitant des sites dans lesquels avait été observée, par la suite, une contamination environnementale. Sentence intitulée Partial Award, condamnant A. S.p.A. à indemniser B. S.p.A. pour les pertes subies jusqu’au 31 décembre 2016 en conséquence des travaux d’assainissement qui se sont rendus nécessaires sur les sites de F., et réservant l’examen des prétentions en dommages-intérêts visant la période courant du 1er janvier 2017, ainsi que les intérêts relatifs à l’ensemble des pertes subies par B. S.p.A., à un stade ultérieur de la procédure. Le TF considère que le recours, fondé sur le seul grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, est recevable contre la sentence entreprise, qu’il y a lieu de considérer comme une sentence partielle dans la mesure où elle tranche une partie quantitativement limitée des prétentions litigieuses, même si, en vertu du SPA, les intérêts sont inclus dans la définition contractuelle des pertes à indemniser, de sorte que, en réservant la détermination des intérêts pour un stade ultérieur de la procédure, le Tribunal n’a pas véritablement réglé de manière exhaustive la question des dommages-intérêts dus pour la période allant jusqu’à fin 2016 (consid. 3.4). Argument de la recourante selon lequel le Tribunal arbitral a usurpé le pouvoir de statuer en équité, faisant fi du droit italien applicable et allant même à l’encontre de celui-ci. Il ressort clairement de la sentence attaquée que la décision du Tribunal est fondée sur le droit matériel italien, spécifiquement les dispositions du Code civil et la jurisprudence topique de la Cour suprême italienne, et que les allusions faites par les arbitres à des considérations de principe et/ou extra-juridiques n’ont pour fonction que de venir étayer leur raisonnement en droit (consid. 4.3). La question de savoir si l’usurpation du pouvoir de statuer en équité constitue une violation de l’ordre public, qui demeure controversée selon la jurisprudence du TF, reste donc indécise (consid. 4.1.1). Recours rejeté.

(A. SA c. B.). Recours contre la sentence rendue le 22 juillet 2021 par un arbitre unique siégeant à Genève, dans un arbitrage CCI. Dépôt par A. SA de deux demandes d’arbitrage dirigées contre B., réclamant notamment le paiement de dommages et intérêts pour non-respect par la défenderesse (intimée) de ses obligations dans le cadre de deux contrats liant plusieurs parties et portant sur des activités de vérification de la quantité et de la qualité de produits pétroliers importés, stockés, puis vendus au Libéria en vertu d’un autre contrat, conclu entre A. et des parties tierces. Jonction des deux procédures en une seule, au terme de laquelle l’arbitre a rendu une sentence finale déboutant intégralement la demanderesse (recourante), estimant en particulier que les contrats litigieux ne lui conféraient aucun droit d’action directe à l’encontre de l’intimée. Dans son recours, A. SA soutient que la sentence viole l’ordre public matériel à plusieurs égards, car elle est contraire à la garantie de la propriété au sens de l’art. 26 al. 1 Cst., représente une atteinte excessive à sa liberté économique, viole le principe de la fidélité contractuelle, concrétise un déni de justice et contrevient au principe de la bonne foi et de la prohibition de l’abus de droit. Rappel de la jurisprudence selon laquelle la violation de dispositions de la CEDH ou de la Constitution fédérale n’est pas un motif de recours au sens de l’art. 190 al. 2 LDIP, même si les principes qui sous-tendent ces dispositions peuvent être pris en considération dans le cadre de l’examen de la conformité de la sentence avec l’ordre public, afin de donner un sens concret à cette notion (consid. 5.1). Pour le surplus, les moyens soulevés par la recourante ne respectent pas les exigences de motivation applicables et revêtent un caractère appellatoire marqué, visant essentiellement à remettre en cause la décision au fond de l’arbitre (consid. 5.2 à 5.6). Recours rejeté.

(A. c. B.). Recours contre la sentence rendue le 6 août 2021 par un arbitre unique siégeant à Genève. Contrat de vente complété par trois avenants successifs (avenants 2 à 4) ; sentence condamnant la recourante à payer des dommages-intérêts à l’intimée et à lui rembourser les montants déjà perçus au titre du contrat, sur le fondement de l’interprétation donnée par l’arbitre des avenants 3 et 4. Allégation de la recourante selon laquelle elle aurait découvert, au terme d’enquêtes internes diligentées par ses soins après avoir pris connaissance de la sentence, que les avenants 3 et 4 avaient été falsifiés. Selon la recourante, il se justifierait de tenir compte, à titre exceptionnel, de ses allégations et des pièces et expertises nouvelles produites avec son recours, dès lors que tous ces éléments sont en lien avec son grief tiré de la violation de l’ordre public matériel et qu’elle ne pouvait pas s’attendre au raisonnement juridique développé par l’arbitre dans la sentence (consid. 4.3). Les éléments en question ne résultent pas de la sentence attaquée et ne peuvent donc pas être pris en considération par le TF dans le recours, comme cela découle clairement de l’art. 99 al. 1 LTF. Par ailleurs, l’exception permettant au TF de revoir l’état de fait à la base de la sentence si l’un des griefs de l’art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l’encontre dudit état de fait ne permet pas à la recourante d’alléguer des faits ou invoquer des preuves nouvelles qu’elle n’avait jamais fait valoir dans la procédure arbitrale. A supposer (quand bien même cela apparaît extrêmement douteux) qu’une telle exception doive être admise dans le cas particulier où la recourante n’aurait pas été en mesure de prévoir que l’arbitre adopterait la solution juridique contestée, force est de constater que la construction retenue par l’arbitre en l’espèce n’avait rien d’imprévisible, tant l’interprétation et l’articulation des avenants 3 et 4 étaient au cœur du litige (consid. 4.3). La recourante soutient que la sentence est incompatible avec l’ordre public au motif que la solution adoptée par l’arbitre aurait été influencée par un avenant contractuel prétendument falsifié et dès lors inexistant, ce qui serait contraire au principe de la fidélité contractuelle et aux règles de la bonne foi. Grief insuffisamment motivé, reposant, en outre, sur des faits nouveaux irrecevables et en tout état de cause non établis (consid. 5). Recours rejeté. Voir également le consid. 6 de cet arrêt résumé en relation avec l’art. 190a al. 1 let. a LDIP ci-dessous.