Droit pénal spécial

Art. 129 CP.

Mise en danger de la vie d’autrui (BJP N° 649).

Celui qui, depuis la fenêtre de son attique, tire au maximum 11 coups de feu avec une arme semi-automatique (tirant par rafales), dont la portée est d’environ 1500 à 2500 mètres, ne met pas en danger la vie d’autrui s’il n’est pas prouvé qu’il existait une probabilité sérieuse ou une possibilité concrète de porter atteinte à la vie d’une personne particulière ou de plusieurs personnes déterminées.

Art. 126 al. 2 let. a CP.

Voies de fait (BJP N°648).

La commission d’actes réitérés est donnée, conformément à la volonté du législateur, lorsque des voies de fait sont perpétrées de façon multiple et systématique. Il importe peu qu’elles se succèdent à de brefs intervalles

Art. 112 CP.

Assassinat de l’époux (BJP N°647).

Sont particulièrement odieux le mobile, la façon d’agir et le comportement après l’infraction de l’auteur qui, avec son couteau de poche et en pleine rue, inflige à son épouse, qui vit séparée de lui, 13 coups à la tête, dans la poitrine, aux bras et au dos. Témoignent avant tout d’une brutalité et d’une insensibilité particulières les coups de couteau portés au visage et dans le dos de la victime agonisante alors que celle-ci tentait de fuir. Ce, en raison du fait que l’auteur a ainsi infligé à son épouse davantage de souffrances physiques que ce qui était nécessaire pour la tuer. L’acte de l’auteur procédait uniquement de sa volonté de punir par la mort sa femme qui – contrairement à lui – s’était bien intégrée en Suisse, au motif qu’elle lui avait refusé l’obéissance qu’il exigeait d’elle.

Art. 125 CP.

Lésions corporelles par négligence (BJP N°713).

L’art. 125 al. 1 CP présuppose que l’auteur ait violé un devoir de prudence, qu’une victime subisse des lésions corporelles, qu’il y ait un rapport de causalité entre le comportement de l’auteur et les lésions et que l’auteur ait été négligent. La violation du devoir de prudence, qui est généralement commise par action, peut aussi être réalisée par omission, notamment lorsque l’auteur n’a pas empêché le résultat dommageable de se produire, alors qu’il aurait pu le faire et qu’il avait, de par sa position de garant, l’obligation juridique d’agir pour prévenir la lésion de l’intérêt protégé (délit d’omission improprement dit). Violation de son devoir de prudence par le propriétaire d’une génisse maintenue dans un enclos accessible par autrui, qui n’avait pas réagi immédiatement après avoir été informé que cet animal s’en était pris à une autre promeneuse.

Art. 126 CP.

Voies de fait, droit de correction des parents (BJP N°674).

Des gifles, des fessés et des coups de pied constituent des voies de fait s’ils ne causent pas de lésions corporelles. La poursuite doit avoir lieu d’office si l’auteur a agi à réitérées reprises contre une personne, notamment un enfant, dont il avait la garde ou sur laquelle il avait le devoir de veiller (art. 126 al. 2 lit. a CP). Dans son ATF 129 IV 216 (consid. 2.5), le TF a laissé sans réponse la question de savoir dans quelle mesure le droit d’infliger de légères corrections corporelles à des enfants existait encore. Quant à la délégation du droit de correction, il s’est abstenu de rechercher si un parent pouvait déléguer contre la volonté de l’autre parent le droit de corriger ses enfants à une tierce personne, dès lors qu’en infligeant aux enfants des gifles et des coups de pied au derrière à une dizaine de reprises, l’intimé avait in casu dépassé ce qui était admissible.

ž Réd : Un consensus européen semble s’être instauré autour de l’interdiction de toute forme de châtiments corporels, y compris dans la famille. Au sein de la Charte sociale européenne, à laquelle la Suisse n’a toutefois pas encore adhéré ni dans sa forme originaire ni révisée, l’art. 17 (protection des enfants) a été interprété par le Comité européen des droits sociaux comme obligeant tout Etat à interdire les châtiments corporels non seulement dans son Code pénal, mais dans l’ensemble de sa législation, ainsi que dans l’application pratique de celle-ci (cf. parmi d’autres : Décision sur réclamation collective, DCEDS 17/2003 (fond) du 07.12.2004), ceci ayant entraîné la condamnation de plusieurs Etats européens pour violation de la Charte, qui est le pendant de la CEDH s’agissant des droits sociaux fondamentaux. Dans le cas d’un enfant de neuf ans corrigé à plusieurs reprises par son beau-père à l’aide d’un bâton, la Cour européenne des droits de l’Homme a, quant à elle, condamné le Royaume-Uni pour violation de l’art. 3 CEDH (et a donc renoncé à examiner une violation de l’art. 8 CEDH pour ce motif) du fait que le droit anglais avait permis à l’auteur de se retrancher derrière le fait justificatif légal du châtiment raisonnable et de se faire acquitter par la justice pénale (ACEDH A. c/ Royaume-Uni, du 23.09.1998, Rec. 1998-IV). Bien que le TF semble encore éprouver une certaine gêne à trancher la question de l’interdiction des voies de fait à des fins éducatives et du droit de correction (ATF 129 IV 216 ), l’évolution de la pratique européenne penche en faveur de leur prohibition généralisée en tant qu’« atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré » (définition tirée de l’ATF 134 IV 189, consid. 1.2), concernant deux tonsures intégrales infligées par son père à une adolescente récalcitrante afin de l’empêcher de sortir; infraction à l’art. 123 ch. 2 al. 2 CP au vu de l’humiliation et des souffrances psychiques intenses provoquées.

Art. 140 al. 2 CP (Jusletter du 31.08.2009).

Brigandage.

Le coup de poing américain compte parmi les armes dites dangereuses. En effet, le Tribunal fédéral, pour qualifier le coup de poing américain d’arme dangereuse au sens de l’art. 140 al. 2 CP, s’est basé sur l’art. 4 al. 1 let. d de la loi sur les armes (LArm), qui considère cet objet comme une arme. Chaque objet est donc réputé être une arme selon son utilité finale d’attaque ou de défense. En effet, une arme est considérée comme dangereuse et donc assimilée à une arme à feu selon la réalité objective, à savoir le caractère objectivement dangereux de l’objet en question, et a fortiori, s’il pouvait causer des lésions corporelles graves. Ainsi, le coup de poing américain est qualifié d’arme dangereuse car il implique le même degré élevé de menace qu’une arme à feu, ceci sans égard au résultat (cf. ATF 113 IV 60 consid. 1a).

Art. 122 CP.

Lésions corporelles graves.

Il y a lésion corporelle grave selon l’art. 122 al. 2 CP lorsque l’auteur aura gravement et de manière permanente défiguré le visage de sa victime. Ainsi, une mutilation importante mais temporaire ne peut être considérée comme une lésion corporelle grave (cf. ATF 115 IV 17 consid. 2a). Pour déterminer si une mutilation est une lésion corporelle grave ou non, il faut prendre en considération les critères objectifs et non l’appréciation subjective de la victime. Par exemple, la durée d’hospitalisation ou le processus de guérison ne peuvent être déterminants ; quant à l’utilisation de cosmétiques pour dissimuler les mutilations, le TF a considéré que cela n’empêchait pas les préjugés/stigmates, et ce d’autant plus quand la victime décide – pour des raisons d’allergies par exemple – de ne pas recourir aux cosmétiques pour masquer ces mutilations/cicatrices. Bien que l’intention fût difficile à prouver, et a fortiori l’application l’art. 122 CP, l’art. 125 CP – lésions corporelles par négligence – n’a pas été retenu. En effet, il est difficile de soutenir une application de l’art. 125 al. 2 CP lorsque tous les éléments constitutifs objectifs des lésions corporelles graves de l’art. 122 CP sont remplis. Cependant, l’art. 125 al. 2 CP s’applique à toutes les variantes possibles de l’art. 122 CP.

Art. 111 et 112 CP (BJP N°712).

Meurtre par omission. La dénégation d’un lien de causalité hypothétique entre l’omission de la belle-mère (pas d’alerte donnée au médecin en dépit de l’aggravation rapide de l’état général) et le décès de la belle-fille ne viole pas le droit fédéral dans le cas concret. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une aggravation du risque doit dans tous les cas se trouver dans un rapport de causalité (hypothétique) avec le résultat. Dans cette jurisprudence, le critère de l’aggravation du risque doit être pris en considération uniquement dans le cadre d’une appréciation globale. L’on ne peut renoncer à rassembler des preuves même dans le cas où l’on se fonde sur la théorie de l’aggravation du risque. Lorsque l’on ne peut clarifier ni l’origine du décès ni la question de savoir si et jusqu’à quel moment le recours à un médecin urgentiste aurait pu éviter la mort de la belle-fille, il est possible d’acquitter l’accusée, in dubio pro reo, de l’accusation de meurtre par omission. Il n’y a pas assassinat mais meurtre quand l’homicide du mari, qui était l’aîné de 36 ans, à l’aide d’une injection d’insuline, visait à résoudre des problèmes financiers et personnels, mais que n’ont pu être retenues ni perfidie ni cupidité au sens propre.

Art. 117 et 129 CP.

Concours entre homicide par négligence et mise en danger de la vie d’autrui. La doctrine majoritaire affirme qu’il existe un concours parfait entre l’homicide par négligence (art. 117 CP) et la mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP). L’énoncé de fait légal objectif de l’homicide par négligence (art. 117 CP) est supérieur à celui de l’art. 129 CP. L’art. 117 CP exige non seulement la menace du bien juridique protégé (la vie) mais également sa réalisation (la mort). D’un point de vue subjectif, l’art. 117 CP résulte d’une négligence alors que l’art. 129 CP est non seulement intentionnel, mais participe en plus d’une absence particulière de scrupules.

Dans le cas d’espèce, la conscience de la possible survenance du résultat préjudiciable se recoupe avec l’énoncé de fait légal subjectif des art. 129 et 117 CP, le recourant ayant agi par négligence consciente. Par sa conduite, le recourant était conscient du risque élevé d’accidents, notamment des dangers pour la vie et les potentielles conséquences mortelles. En revanche, il existe une différence notable quant au moment de la formation de la volonté entre les deux types de délits. Alors même que dans le cas d’espèce le recourant est, d’un côté, précisément confiant que la réalisation de l’énoncé de fait légal n’est pas réalisé et que personne ne sera tué (énoncé de fait légal subjectif de l’art. 117 CP), d’un autre côté, il s’accommode du risque de mise en danger de mort imminente comme étant une conséquence nécessaire à sa conduite extrêmement rapide. Il remplit la condition de l’intention de la mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP) et les conditions de l’homicide par négligence de l’art. 117 CP ainsi que l’art. 12 al. 3 CP. Même si l’énoncé de fait légal de la mise en danger d’autrui ayant entraîné la mort de l’art. a129 al. 3 CP a été aboli, rien n’indique dans la volonté du législateur de ne pas également punir l’auteur d’un homicide par négligence, dans la mesure où ce dernier pourrait prévoir la mort. Bien plus, le Conseil Fédéral a estimé, dans le cadre de la suppression des lésions corporelles graves ayant entrainés la mort, que l’auteur devrait être puni selon les règles du concours de l’art. a68 al. 1 CP, soit à la fois pour lésions corporelles graves et homicide par négligence, quand la victime est vraisemblablement morte des suites de ses blessures. Le même rapport entre l’énoncé de fait légal de la mise en danger pour la vie d’autrui (art. 129 CP) et celui de l’homicide par négligence (art. 117 CP) doit être repris, où le message fait explicitement état de la réalisation des lésions corporelles graves. Par conséquent, conformément à la doctrine majoritaire, l’existence d’un concours parfait entre les art. 117 et 129 est confirmée.