Art. 699 al. 3 et 4 CO
Convocation d’une assemblée générale ordonnée par le juge et inscription à l’ordre du jour. Le TF commence par rappeler les conditions requises à la convocation d’une assemblée générale et les conséquences si le conseil d’administration ne donne aucune suite, à savoir la convocation ordonnée par le juge à la demande des requérants. Le TF précise que le juge ne procède qu’à un examen formel de la requête, permettant ainsi au requérant de se contenter de rendre vraisemblable sa qualité d’actionnaire autorisé à requérir la convocation et le fait qu’il ait déjà demandé, sans succès, une telle convocation auprès du conseil d’administration. Le TF ajoute que le juge n’a pas à examiner la validité des décisions de l’assemblée générale suite à la convocation et l’inscription à l’ordre du jour étant donné que cette question ne sera analysée qu’à l’occasion d’une potentielle action en annulation ou en nullité. Le TF précise que le fait de simplement mentionner des objets à discuter dans la requête de convocation d’assemblée générale par le juge suffit à remplir les conditions formelles d’inscription à l’ordre du jour sans qu’il ne soit nécessaire de préciser concrètement leur inscription à l’ordre du jour.
Quentin Herold, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Olivier Hari
Art. 162 ORC ; 699 et 701 CO
Convocation ; assemblée générale et universelle ; mesures provisionnelles ; blocage du registre. Un administrateur unique convoque une assemblée générale ordinaire. L’un des actionnaires souhaite inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée générale ordinaire l’élection d’un nouvel administrateur. Pour éviter son éviction, l’administrateur unique reporte l’assemblée générale. La totalité des actionnaires se réunit alors (assemblée universelle) et décide de remplacer l’administrateur. L’administrateur fait bloquer le registre par des mesures provisionnelles (art. 162 ORC). Cela permet au TF de mettre en exergue les risques d’abus de telles mesures : pour y remédier, les retards inutiles doivent être évités et l’autorité qui statue sur recours (art. 318 al. 1 lit. b CPC) doit être autorisée à statuer sur le fond, sans renvoi pour nouvelle décision. Enfin, sans motivation suffisante de la part du demandeur, la question de savoir si le report d’une assemblée générale est soumis par analogie au délai de 20 jours prévu à l’art. 700 al. 1 CO reste ouverte. L’instance cantonale y avait répondu par l’affirmative.
Quentin Herold, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Olivier Hari
Art. 718a et 718b CO
Contrat avec soi-même ; conflits d’intérêts. Le fait pour un administrateur de conclure un contrat avec soi-même n’est pas en soi illicite. En effet, il n’existe pas d’interdiction de principe d’un tel contrat ; un pouvoir spécifique ou une ratification de l’acte juridique par l’assemblée générale reste nécessaire. Néanmoins, lorsque l’administrateur qui agit de la sorte est actionnaire unique de la société, l’autorisation de l’assemblée générale n’est plus nécessaire.
Quentin Herold, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Olivier Hari
Art. 697a et 697b, 696 et 697 CO
Droit à l’institution d’un contrôle spécial ; droit de contrôle des actionnaires. Le TF rappelle les règles relatives à l’institution d’un contrôle spécial en spécifiant qu’il incombe aux requérants de rendre vraisemblable que des organes ou des fondateurs aient violé les statuts ou la loi et qu’ils ont par conséquent causé un préjudice à la société ou aux actionnaires. Le TF réaffirme sa jurisprudence relative au droit à l’institution d’un contrôle spécial en indiquant que le droit d’instituer un tel contrôle est subsidiaire au droit aux renseignements et à la consultation. Partant, l’institution d’un contrôle spécial représente la troisième étape du droit à l’information des actionnaires, après l’information spontanée par le conseil d’administration par le biais du rapport annuel et l’information sur demande de l’actionnaire. Le TF rappelle ensuite qu’afin d’assurer l’égalité de traitement en matière d’information de tous les actionnaires, le droit à l’information selon l’art. 697 CO doit être exercé lors de l’assemblée générale. Il résulte du principe de subsidiarité du contrôle spécial que la requête de l’institution de ce droit doit être précédée par une demande de renseignements ou de consultation. Le conseil d’administration va alors devoir dans tous les cas se prononcer sur le besoin d’information des actionnaires avant l’ouverture de la procédure de contrôle spécial, qui est relativement contraignant. Le facteur décisif quant à la limitation de la recevabilité d’une telle requête est le besoin d’information des actionnaires qui en font la demande qui a déjà dû être pris en compte de bonne foi par le conseil d’administration lors de l’étape précédente, à savoir la demande de renseignements ou de consultation. Le TF finit par mentionner qu’il n’y a pas d’accès direct au juge étant donné que l’assemblée générale doit d’abord se prononcer sur une requête de contrôle spécial.
Quentin Herold, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Olivier Hari
Art. 757 CO
Action en responsabilité ; prétentions dans la faillite. Le TF rappelle certaines règles relatives aux actions en responsabilité contre les personnes morales qui, par leurs carences, ont porté préjudice à la société anonyme. Après la faillite de la société anonyme, l’action en responsabilité incombe principalement à la masse des créanciers, qui la poursuivent par le biais de l’administration de la faillite. Le créancier individuel, qui ne peut recouvrer sa créance en raison de l’insolvabilité de l’entreprise, subit un dommage indirect, qui reflète le dommage causé à l’entreprise. Ce créancier ne peut intenter une action en responsabilité que si l’administration de la faillite renonce à l’action sociale. Toutefois, il peut le faire en vertu du pouvoir qui lui est conféré directement par l’art. 757 CO ou en tant que cessionnaire selon l’art. 260 LP. Dans ce dernier cas, le cessionnaire agit en son nom propre, à ses propres risques et à la place de la masse, mais l’objet de l’action reste le préjudice subi par la société faillie et non son préjudice individuel. Dans le cas d’espèce, le dommage, appelé dommage de procrastination/poursuite d’exploitation, consiste en une augmentation du découvert entre le moment où la faillite aurait dû être déclarée si l’organe avait rempli ses obligations et le moment où la faillite a été effectivement déclarée. Dans un tel cas, seules les valeurs de liquidation de l’actif social sont prises en compte étant donné que la faillite entraîne la dissolution et la liquidation de la société. Les valeurs de liquidation sont déterminantes pour fixer le découvert aux deux étapes de la comparaison car elles permettent l’émergence d’éventuelles plus-values latentes. Pour ce faire, le demandeur doit généralement demander au tribunal d’établir un rapport d’expertise en la matière.
Quentin Herold, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Olivier Hari
Art. 754 al. 1 CO
Action en responsabilité. Le TF commence par rappeler le concept de la responsabilité au sens de l’art. 754 al. 1 CO. Il précise qu’un créancier social peut être lésé de trois façons : le créancier peut être personnellement lésé par le comportement des organes, à l’exclusion de tout dommage causé par la société, il peut être lésé parce que la société subit un dommage causé par le comportement fautif d’un organe, et il peut être lésé conjointement avec la société. Dans le premier cas, l’action en responsabilité n’est soumise à aucune restriction. Dans le deuxième cas, le créancier ne subit qu’un dommage indirect ou réfléchi et n’a pas alors la qualité pour agir tant que la société demeure solvable ; il pourra seulement agir dans sa faillite en poursuivant l’organe par le biais de la communauté des créanciers. Dans le dernier cas, le créancier ne peut qu’exceptionnellement agir en réparation de son dommage direct, et ceci que lorsque le comportement de l’organe était illicite au sens de l’art. 41 CO, violait des règles du droit des sociétés destinées exclusivement à la protection des créanciers, ou constituait une culpa in contrahendo ; ceci afin d’éviter la compétition des actions de la société lors de sa faillite. Le TF précise ensuite que dans le cadre de cette troisième modalité de lésion, après que la faillite ait été suspendue faute d’actifs et que la société ait été radiée du registre du commerce, le créancier social dont la prétention ne répond à aucune des trois conditions énoncées doit d’abord obtenir la réinscription de la société et la réouverture de la faillite afin d’intenter une action en réparation du dommage contre l’organe responsable. Enfin, le TF rappelle que la responsabilité consécutive à une culpa in contrahendo revêt un caractère subsidiaire et n’entre éventuellement en considération que si le lésé ne peut invoquer aucune responsabilité contractuelle.
Quentin Herold, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Olivier Hari
Art. 757 CO ; 260 LP
Dommage direct et indirect ; faillite ; actions des créanciers. L’administrateur unique transfère des actifs et des passifs à une société sœur, 4 mois avant la faillite de la société, pour un prix symbolique de CHF 1.-. Selon la théorie de la différence (« Differenztheorie »), la transaction n’a pas causé de dommage chez la société, puisque ladite transaction a réduit les passifs et les actifs dans la même mesure. Toutefois, un tel transfert reste dommageable pour les créanciers, car il réduit le substrat de liquidation (« Verwertungssubstrat »). En l’espèce, les créanciers n’étaient pas légitimés : leurs droits étaient ceux de la société (art. 260 LP), dont la légitimité active faisait défaut, puisqu’elle n’a pas subi de dommage. Selon le TF, les créanciers directement lésés auraient dû se prévaloir de l’art. 41 CO, d’une disposition du droit des sociétés servant exclusivement à protéger les créanciers ou actionnaires, voire même de la culpa in contrahendo.
Quentin Herold, Floriane Piguet, Ulysse DuPasquier, Olivier Hari