Droit du développement territorial

Procédure fédérale ou cantonale à suivre pour l’adaptation d’un tronçon de raccordement à l’autoroute et la construction d’un pont routier la surplombant. Les propriétaires d’un centre commercial souhaitent construire un pont routier connecté à l’autoroute environnante pour améliorer l’accès à leur centre. Incidemment, cela fluidifiera le trafic y compris sur le nœud autoroutier. La procédure menée est celle d’une autorisation de construire de droit cantonal, avec autorisation subséquente délivrée par le DETEC (art. 44 LRN). L’enjeu consiste à déterminer si l’aménagement projeté constitue au contraire une route nationale qui aurait dû faire l’objet d’une procédure fédérale d’approbation des plans. La distinction entre tronçon de raccordement à l’autoroute au sens de l’art. 2 let. c ORN et route cantonale est difficile. On est en présence d’un tronçon de raccordement, donc d’une route nationale, lorsque celui-ci a pour but principal de remplir une tâche de la Confédération, ici la fluidité du trafic sur le réseau routier national. Des routes secondaires peuvent être ainsi concernées, si elles sont irrémédiablement liées au réseau national. Les projets de tiers dans les alignements des routes nationales sont en outre régis par les art. 44 LRN et 30 ORN. En l’espèce, les travaux envisagés ont un impact important sur l’autoroute, de sorte que les autorisations de droit cantonal délivrées sont contraires au droit fédéral concernant la jonction. Concernant le pont, celui-ci présente un intérêt public à la fluidification du trafic et forme une unité avec les tracés de jonction. Lui aussi doit donc faire l’objet d’une procédure fédérale d’approbation des plans.

TF 2C_255/2022 (f)

2022-2023

Assujettissement à la LDFR d’un bien-fonds sis en zone agricole et devant être exploité comme gravière en 2054 au plus tôt selon le plan d’extraction de gravière adopté par le Conseil d’Etat ; art. 2 al. 1 LDFR. Pour déterminer si un immeuble est soumis à la LDFR, il faut examiner son champ d’application, d’abord territorial puis matériel. Du point de vue territorial, la LDFR s’applique à tous les immeubles sis en zone agricole au sens du droit fédéral de l’aménagement du territoire. Du point de vue matériel, la LDFR s’applique à tous les immeubles se prêtant à l’agriculture, soit tout terrain non boisé disposant d’une couche de terre suffisante pour la culture. Du point de vue territorial, les zones d’extraction se trouvent clairement en-dehors des zones à bâtir au sens de l’art. 15 LAT et sous réserve de leur affectation spécifique, sont des zones non constructibles. Leur constructibilité restreinte ne permet pas de déduire qu’il s’agit de zones à bâtir au sens de l’art. 15 LAT. En l’espèce, l’entrée en vigueur du plan d’extraction n’extrait pas le bien-fonds concerné du champ d’application territorial de la LDFR. L’exploitation de la gravière en revanche sonnera la fin de l’assujettissement à la LDFR en raison du champ d’application matériel de celle-ci, avant d’y revenir à la fin de l’exploitation, en l’absence de changement d’affectation. L’exploitante de la gravière est libre de demander une autorisation d’acquisition au sens de l’art. 64 al. 1 let. c LDFR.

ATF 148 II 417 (d)

2022-2023

Contrôle incident de la planification dans la procédure d’autorisation de construire, zone réservée communale. Des autorisations de construire des villas individuelles ou collectives ne peuvent être délivrées par la commune sans examen préjudiciel ou incident du plan d’affectation (art. 21 al. 2 LAT) sur l’ensemble du territoire communal, lorsque le plan a été approuvé en 2001 et consacre des zones à bâtir notoirement surdimensionnées (zones d’habitation, mixte et centre). Que les autorisations de construire aient été jugées compatibles avec la zone réservée en vigueur dans le secteur n’y change rien.

ATF 149 I 33 (d)

2022-2023

Recevabilité du recours au TF contre une autorisation de construire assortie de conditions suspensives. L’arrêt cantonal entrepris confirme une autorisation de construire contenant de nombreuses conditions suspensives. De telles conditions peuvent avoir pour effet que la procédure d’autorisation de construire n’est pas close, lorsqu’elles laissent une marge de manœuvre à l’autorité dans leur mise en œuvre, en particulier nécessitent le dépôt de nouveaux plans adaptés. Il s’agit alors de décisions incidentes. Avant d’examiner la compatibilité de telles clauses avec l’art. 25a LAT, il faut qualifier la décision de finale (art. 90 LTF) ou incidente (art. 93 LTF). Les décisions de renvoi sans marge de manœuvre sont des décisions « quasi finales » à l’encontre desquelles le recours au TF est recevable. Même si la qualification de telles décisions est délicate pour les parties, celles-ci ne sont pas prétéritées, car l’art. 93 al. 3 LTF leur permet de recourir une fois la décision finale rendue.

ATF 149 I 33 (f)

2022-2023

Conformité au droit supérieur d’une initiative cantonale législative genevoise introduisant un vote de principe communal en matière de plan localisé de quartier (PLQ) dans une loi au sens formel, sans base constitutionnelle. La loi peut prévoit une votation de principe communale sur un PLQ. Du point de vue formel, l’art. 51 al. 1 Cst. n’exige en effet pas que les cantons prévoient toutes leurs normes importantes ou seules leurs normes importantes dans leur constitution au sens formel. Les cantons disposent d’une grande autonomie en particulier pour déterminer l’étendue et les modalités d’exercice des droits politiques sur les plans cantonal et communal. L’art. 51 al. 1 Cst. n’exige pas que tous les droits politiques au niveau cantonal et communal soient réglés dans les constitutions cantonales au sens formel. Sur le plan matériel, l’introduction d’un nouveau droit politique sans base constitutionnelle est exceptionnellement admissible, et nécessite une analyse en fonction de la systématique de la constitution cantonale. L’extension d’espèce est mesurée et ponctuelle et est donc admissible face au silence de la constitution cantonale.

ATF 149 II 79 (d)

2022-2023

Possibilité pour un plan spécial de déroger au plan d’affectation général. Il résulte de l’obligation de planifier ancrée à l’art. 2 al. 1 LAT que l’autorité planificatrice ne peut faire usage de plans spéciaux ou localisés pour contourner le plan d’affectation communal et le vider ainsi de son contenu. Le système pyramidal de l’aménagement du territoire implique l’adoption d’un plan d’affectation pour l’ensemble du territoire communal, à l’occasion duquel l’ensemble des intérêts pertinents sont pris en compte, pondérés et coordonnés. La compétence et la procédure d’élaboration jouent également un rôle déterminant dans ce cadre. Il convient d’examiner la légitimité démocratique de l’instrument par lequel il est dérogé au plan d’affectation communal, même si à même légitimité démocratique, la dérogation au plan d’affectation communal est aussi soumise à des garde-fous. Dans ce cadre, le droit cantonal peut uniquement restreindre la possibilité de déroger au régime général d’affectation par des plans spéciaux, et non l’étendre. En l’espèce, le plan litigieux était soustrait au vote communal, ce qui entraine une appréciation plus sévère des dérogations au régime d’affectation. Or les dérogations d’espèce sont massives, puisqu’elles prévoient notamment un doublement voire triplement de la longueur maximale des bâtiments. Le plan en question contrevient donc à l’art. 2 al. 1 LAT et est annulé.

ATF 149 II 86 (f)

2022-2023

Plan d’affectation portant sur l’implantation de sept éoliennes d’une hauteur maximale de 210 m. (projet Eoljoux). Le projet de parc éolien figure en coordination en cours dans le plan directeur cantonal, car le Conseil fédéral a refusé de l’approuver en coordination réglée. Cette circonstance plaide en défaveur du plan partiel d’affectation Eoljoux. L’entrée en vigueur de l’art. 12 LEne ne permet pas de faire abstraction du vice dans la planification directrice, puisque la disposition exige une pesée complète des intérêts et ne permet pas en tant que telle de tenir la faisabilité juridique d’un projet comme plausible. Au-delà du refus d’approbation du Conseil fédéral, les offices fédéraux impliqués, la CFNP et le Tribunal cantonal ont identifié des risques importants d’atteinte au paysage et à la nature (Grand Tétras) dans le secteur d’espèce, objet inscrit à l’IFP, ce qui empêche de considérer la coordination du projet comme étant réglée. La coordination entre les deux intérêts nationaux à la protection du Grand Tétras et à la production d’énergie renouvelable n’a pas été valablement opérée, s’agissant d’un habitat de première importance pour le volatile. La protection du paysage n’a pas été suffisamment prise en compte au regard des objectifs de protection ressortant de la fiche IFP no 1022. Un projet à la coordination non réglée tel que celui-ci ne saurait donc faire l’objet d’une planification d’affectation.

TF 1C_115/2022 (f)

2022-2023

Parc national périurbain. Un parc national périurbain est un territoire situé à proximité d’une région très urbanisée, qui offre un milieu naturel préservé à la faune et à la flore indigènes et des activités de découverte de la nature au public. Un tel parc doit comprendre une zone centrale où la nature est livrée à elle-même et à laquelle le public a un accès limité (art. 23h al. 3 let. a LPN), et une zone de transition qui permet des activités de découverte de la nature et qui sert de tampon contre les atteintes pouvant nuire à la zone centrale (let. b). La zone de transition ne nécessite pas toujours la révision de la planification d’affectation en vigueur, en particulier si cette dernière permet déjà de répondre aux exigences. En l’espèce, la zone de transition est constituée de parcelles de forêt et agricoles en mains de la commune de Lausanne, initiatrice du parc. Le régime applicable ex lege en forêt (art. 5 LFo) assure à la zone de transition sa fonction écologique. Pour la portion agricole, les mesures nécessaires pourront être prises par la commune propriétaire. Le parc n’est en outre pas incompatible avec le projet de parc éolien du Jorat, les deux figurant au plan directeur, preuve de leur compatibilité de principe. Les autorités en charge du parc éolien ont démontré leur compatibilité à ce stade et le TF avant elles. La pérennité du parc est en outre garantie par la planification directrice, bien que la fiche topique concernant le parc n’ait été approuvée par le DETEC qu’après l’arrêt cantonal.

TF 1C_322/2022 (i)

2022-2023

Expropriation matérielle. La jurisprudence reconnaît que l’attribution d’un bien-fonds à une zone d’intérêt public, certes en soi constructible peut constituer une restriction à la propriété suffisamment grave pour constituer une expropriation matérielle et entraîner une obligation d’indemniser. Tel est le cas de la zone d’espèce, qui vise à faire de la commune la seule acquéreuse possible du bien-fonds, pour les revendre ensuite à des personnes qui s’établiraient sur son territoire. Encore faut-il déterminer si le changement de zone consacre un déclassement ou un non-classement, ce qui présuppose d’examiner la conformité à la LAT du plan d’affectation objet de la modification contestée. En cas de non-classement, ce n’est qu’exceptionnellement que la restriction liée à la nouvelle planification consacre une expropriation matérielle.

ATF 149 I 49 (d)

2022-2023

Recours abstrait contre la modification de la loi cantonale zurichoise sur l’énergie prévoyant que les installations de chauffage électrique à résistance fixes et les chauffe-eau chauffés exclusivement directement doivent être remplacés par des installations qui respectent la loi, sous peine d’une amende jusqu’à 20 000 francs. La garantie de la propriété ne donne pas le droit au maintien de la situation juridique. L’obligation de remplacement statuée doit toutefois respecter les conditions de restriction des droits fondamentaux (art. 36 Cst.). La mesure poursuit un intérêt public, du point de vue environnemental et au vu de la rareté croissante de l’électricité, qu’il convient d’utiliser de manière efficiente. Même si d’autres installations nécessitent de l’électricité pour fonctionner (pompes à chaleur), leur efficience est notablement supérieure aux chauffages à résistance électrique. Du point de vue de la proportionnalité, en 1990 déjà, un arrêté fédéral soumettait à autorisation à de strictes conditions des chauffages électriques. Le législateur fédéral a ensuite enjoint les cantons à édicter des dispositions sur le remplacement et les nouveaux chauffages dans le même sens, ce qu’a fait le canton de Zurich en interdisant les nouveaux chauffages électriques en 2013. L’introduction d’un terme pour l’assainissement des systèmes de chauffage dans le canton représente la suite logique d’une démarche entamée il y a plus de trente ans. La durée de vie des installations incriminées est de quarante ans. L’atteinte portée à la garantie de la propriété est donc prévisible et correspond à la durée d’amortissement des installations concernées. De plus, une clause pour les cas de rigueur est prévue et des subventions existent pour le renouvellement de chauffages. L’atteinte est donc proportionnée. Elle n’est pas non plus assez grave pour constituer un cas d’expropriation matérielle.

TF 1C_391/2022 (d)

2022-2023

Initiative populaire communale fixant l’objectif que d’ici 2030, tous les chauffages des bâtiments situés dans des secteurs délimités du plan d’affectation communal fonctionnent aux énergies renouvelables. L’initiative d’espèce présente la forme d’un projet rédigé à faible densité normative. Elle n’indique pas qui doit s’assurer du respect de l’objectif – implicitement, les autorités communales –, ni n’indique les moyens à mettre en œuvre, la réglementation des cas de rigueur et l’éventuelle indemnisation. Le droit communal ou cantonal existant ne s’oppose pas à ce qu’une initiative comporte seulement une résolution de principe. Elle ne s’oppose pas au § 9 de la loi lucernoise sur l’énergie, qui permet aux communes d’édicter des dispositions plus sévères que celles de la loi, pour des secteurs désignés dans la planification d’affectation. L’initiative représente en outre une atteinte proportionnelle à la garantie de la propriété (art. 26 et 36 al. 3 Cst.) et ne viole pas la garantie de la situation acquise consacrée au § 178 PBG/LU, dans la mesure où la législation d’exécution aura tout loisir d’aménager un régime proportionné quant à l’attribution des coûts d’un tel changement. Cela est d’autant plus admissible que le droit cantonal prévoit déjà une certaine obligation de remplacer par soi-même l’alimentation de son chauffage par des sources renouvelables. La durée de vie moyenne des installations de chauffages fossiles, de 20 ans, confirme cette appréciation.

TF 1C_392/2022 (d)

2022-2023

Initiative populaire commandant à la commune de Hochdorf d’introduire une réglementation pour se préparer à la mobilité sans émissions, en particulier en garantissant que dans les garages d’habitations collectives de plus de quatre places, des trous pouvant accueillir des stations de recharge pour véhicules électriques jusqu’à 11 kW soient prévus. L’initiative poursuit plusieurs intérêts publics. La décarbonation de la mobilité individuelle sert la protection du climat, qui représente un intérêt public important. Le Grand Conseil lucernois a par ailleurs déclaré l’état d’urgence climatique, et le Conseil d’Etat lucernois adopté une stratégie climat et énergie qui fixe comme but la décarbonation de la mobilité individuelle, qui permet incidemment de réduire localement les émissions sonores et la pollution de l’air, autres intérêts publics notoires allant dans le sens d’un développement écologique plus durable (art. 73, 2 al. 2 et 4 Cst.). L’initiative consacre une atteinte proportionnelle à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). La mesure est apte, car bien que formulée de manière vague, elle constitue une amorce de solution à un problème identifié dans la littérature scientifique et relayé par le Conseil d’Etat. La mesure est en outre nécessaire. En particulier, le vélo et les transports publics, même si leur développement est souhaitable, ne constituent pas des alternatives à la mobilité individuelle motorisée, qu’il faut donc décarboner. Le fait que la réglementation fasse abstraction de tout besoin concret en bornes de recharge n’est pas non plus critiquable. La réglementation prévue dispense les parties au bail et membres de copropriété d’atermoiements qui rendent justement difficile la décarbonation de la mobilité individuelle. La tendance du marché automobile est à l’électrification, et la mesure est donc pertinente à cet égard.

ATF 149 I 25 (d)

2022-2023

Contrôle abstrait de dispositions de la loi sur l’aide au logement du canton de Bâle-Ville. La disposition cantonale litigieuse soumet à autorisation, en période de pénurie de logements, les projets de transformation, de rénovation et d’assainissement. Cette autorisation dépend de l’octroi aux anciens locataires d’un droit de retour dans l’immeuble assaini ou transformé. Les cantons peuvent prévoir des dispositions proportionnées pour lutter contre la pénurie de logements abordables. Même si ces dispositions s’ingèrent dans les relations entre parties au bail réglées en droit privé, elles sont admissibles lorsqu’elles poursuivent un but indépendant de celui des dispositions du droit du bail privé (protection contre les loyers abusifs et contre les résiliations injustifiées). En application des critères habituels de distinction entre droit public et droit privé, il apparaît, en particulier au regard du critère de l’intérêt, que le droit de retour réservé au locataire évincé relève du droit privé. Il contrevient donc au principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.). Cet arrêt a fait l’objet d’une analyse par Valérie Défago, publiée in : Newsletter Bail.ch juin 2023.